Les musées fermés sont ouverts !

Emmanuel Macron
Détail d’une copie écran d’une vidéo de l’Élysée
Voir l´image dans sa page

Le tweet vient du compte officiel de l’Élysée et, dans sa brièveté inhérente à ce moyen de communication, il dit tout : « De nombreux musées sont encore confinés, mais ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas les visiter ! Quai Branly, Louvre, Orsay, Versailles, Pompidou… En cette journée internationale des musées, (re)découvrez en visite virtuelle leurs magnifiques collections et expositions. »

On s’en doutait un peu. Alors que les musées nationaux vont être parmi les derniers à rouvrir, nos dirigeants estiment qu’après tout ce n’est pas grave. Car un musée fermé est finalement ouvert, puisqu’on peut le « visiter » virtuellement. On pourrait penser que, de la part de la présidence de la République, il s’agit d’un déni de la réalité aussi gros que celui qui vient de lui faire dire, sur l’antenne de BFM, que « nous n’avons jamais été en rupture » de masques. Plus on raconte n’importe quoi, plus on finit par y croire. Mais ce n’est sans doute même pas cela, ou pas entièrement. Car pour quelqu’un qui méprise ouvertement à un tel point les musées, l’image d’une œuvre ou une œuvre, c’est la même chose. Rappelons-nous ce déjeuner surréaliste avec les directeurs de quelques musées qu’il devait revoir très vite (voir l’article) : rien de concret n’en est sorti, et il ne les a jamais revus. C’est cela, pour Emmanuel Macron, un musée : quelque chose qui n’existe pas, qui n’a, au fond, aucun intérêt. Qui peut parfaitement être remplacé par une réalité virtuelle, d’ailleurs beaucoup moins coûteuse.



Toute la politique de ses ministres de la Culture, eux aussi virtuels, va dans le même sens. Qu’il s’agisse de mettre en œuvre un peu partout des « micro-folies » qui ne sont autres donc que des « musées numériques » (voir notre éditorial), ou de distribuer des pass cultures [1], une application (virtuelle) donnant accès à des contenus consommés qui le sont tout autant (seuls les salaires versés aux responsables ne sont pas virtuels), on n’a que le mot numérique à la bouche tandis que les musées et les monuments historiques, qui n’ont rien de virtuels, eux, sont abandonnés à leur sort.

Il n’est du coup pas étonnant que les musées nationaux et les établissements publics, ceux qui dépendent directement plus ou moins du ministère (plutôt moins que plus d’ailleurs pour les établissements publics), seront sans doute les derniers à se déconfiner réellement (puisqu’ils sont ouverts virtuellement). Comme nous l’a confié, désabusé, un conservateur d’un musée national, l’administration centrale est « en pleine déliquescence », les décideurs sont d’une « lâcheté » incroyable, et les syndicats « délirent », certains cherchant à faire passer toutes leurs revendications en échange d’une réouverture, tandis que d’autres, sans doute réellement gagnés par la peur, « s’imaginent qu’on les emmène, en rouvrant, vers une mort certaine » (!). Face à cela, les directeurs de musées se sentent bien seuls. Pour ce qui est des masques, le ministère de la Culture leur en avait promis en quantité suffisante pour pouvoir ouvrir… mais on devrait leur en envoyer quatre par agent en tout et pour tout ! Ces fameux masques pour lesquels « on n’a jamais été en rupture ». Ils devront se débrouiller pour en trouver, avec des budgets toujours plus restreints. Les masques pour les musées nationaux, sont eux aussi virtuels, mais pas numériques.

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.