Jusqu’à ce jour, on ne connaissait, au cimetière du Père-Lachaise à Paris, que deux monuments funéraires sculptés par Carlo Marochetti : le tombeau d’Alessandro Carrone, marquis de San Tommaso, datant de 1834, et celui du compositeur Vincenzo Bellini, achevé en 1838.
Monument Marochetti au cimetière du Père-Lachaise (1838)
Or, il se trouve dans ce même cimetière une sépulture Marochetti récemment restaurée (ill. 1) surmontée d’un monument de taille moyenne (ill. 2), en pierre de Conflans et de forme singulière, sur lequel est sculpté le portrait en médaillon d’Étienne-Félix Marochetti (1778-1837).
- 1. Tombeau Marochetti
Paris, Cimetière du Père-Lachaise, 8e div.
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 2. Carlo Marochetti (1805-1867)
Portrait en médaillon de Étienne-Félix Marochetti
Monument du tombeau Marochetti, détail
Pierre de Conflans - 27 x 22 cm
Paris, Cimetière du Père-Lachaise, 8e div.
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
De récentes recherches ont permis de retrouver dans les archives du sculpteur une facture [1] concernant la « sépulture Marochetti » du cimetière de l’Est (ill. 3).
- 3. Mémoire des Travaux faits pour la
sépulture de la famille Marochetti
Archives privées
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 4. Mémoire des Travaux faits pour la
sépulture de la famille Marochetti, détail
Archives privées
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
Ce document, daté du 20 Avril 1839, atteste non seulement que Carlo Marochetti est l’auteur de la partie supérieure du monument (l’entrepreneur Duvey mentionne « la pose du monument déposé provisoirement chez [lui] »), mais aussi qu’il a pris en charge l’ensemble des travaux réalisés pour la sépulture de son oncle, Étienne-Félix étant le plus jeune frère [2] de Vincent Marochetti (1770-1822), père de Carlo.
A ces frais s’ajoute en outre le « solde du monument Bellini », réalisé à la même époque par cet entrepreneur de maçonnerie (ill. 4).
Monument Bellini au cimetière du Père-Lachaise (1838)
Le monument Bellini se caractérise également, dans la partie supérieure du cippe, par un portrait en médaillon du compositeur (ill. 5 et 6), en pierre de Saint Maximin [3], cette fois, ce qui explique que l’aspect s’en soit moins dégradé.
- 5. Guillaume-Abel Blouet (1795-1853)
et Carlo Marochetti (1805-1867)
Tombeau de Vincenzo Bellini, détail
Paris, Cimetière du Père-Lachaise, 11e div.
Photo: Coyau/Wikimedia Commons
/CC-BY-SA-3.0 & GFDL - See the image in its page
- 6. Carlo Marochetti (1805-1867)
Portrait en médaillon de Vincenzo Bellini
Marbre - Diam. 35 cm
Tombeau de Vincenzo Bellini, détail
Paris, Cimetière du Père-Lachaise, 11e div.
Photo : Coyau/Wikimedia Commons
/CC-BY-SA-3.0 & GFDL - See the image in its page
La contribution de Marochetti ne s’arrêtait pas au médaillon. Avant l’exhumation de Bellini, le 15 septembre 1876 [4], et le transfert de ses restes en Sicile, à Catane, ville natale du compositeur, le tombeau de Bellini, exécuté sur les dessins de l’architecte Guillaume-Abel Blouet, comportait « une statue de femme ailée, assise, serrant une lyre sur son cœur » [5]. On ignore la date précise à laquelle celle-ci a disparu. Réalisée en pierre de Conflans [6], matériau fragile et friable, vulnérable aux intempéries, elle était, en 1852 déjà [7], victime de vandalisme. Henry Jouin [8] signale par ailleurs qu’en 1876 la statue était déjà très détériorée par l’humidité et que la signature se trouvant sur le socle n’était pratiquement plus lisible.
De cette statue, on peut se faire une idée grâce au dessin réalisé par l’architecte Rousseau [9] et lithographié par Émile Lassalle (ill. 7) pour l’important ouvrage de Joseph Marty [10].
En comparant ce document à l’ensemble du monument (ill. 8), on peut estimer approximativement la taille de cette « figure ailée sculptée en bosse, représentant le génie de la musique dans l’affliction, pressant sur son cœur une lyre, dont les cordes sont détendues. » [11], d’autant que l’emplacement du socle supportant l’ange est encore visible : environ 125 x 60 x 88 cm.
- 7. Emile Lassalle (1813-1871)
Lithographie d’après Rousseau
Tombeau de Vincenzo Bellini
Photo : D.R. - See the image in its page
- 8. Guillaume-Abel Blouet (1795-1853)
et Carlo Marochetti (1805-1867)
Tombeau de Vincenzo Bellini
Paris, Cimetière du Père-Lachaise, 11e div.
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 9. Louis-Marie Normand (1789-1874)
« Tombeau de Bellini »
Pl.54 (détail)
Photo : D.R. - See the image in its page
Cette statue, Louis Viardot, la décrit comme un « ange, celui de la Musique, couronné de cyprès, et tenant entre ses deux mains une lyre appuyée sur sa poitrine » [12]. Et Viardot de s’exclamer ensuite : « Honneur à l’habile sculpteur Marachetti [sic], pour la conception de ce monument et pour l’exécution si gracieuse et si noble de la figure ; mais surtout honneur à lui pour le désintéressement d’artiste dont il a fait preuve. La souscription ouverte pour les frais de ce monument n’avait atteint que le chiffre insuffisant de 13,000 francs, et une pieuse pensée allait avorter si M. Marochetti ne s’était généreusement offert pour réaliser, par ses propres sacrifices de travail et d’argent, le vœu des souscripteurs » [13].
La souscription avait été ouverte dès la mort de Bellini, le 23 septembre 1835. Une grande partie de la somme rassemblée avait été consacrée aux obsèques célébrées aux Invalides [14], le 2 octobre. Ce qu’il en restait n’aurait pu couvrir les autres dépenses [15]. Il fallait donc le concours désintéressé de Marochetti et Blouet, « [l]es deux amis » [16], ainsi désignés par Viardot, auteur également de l’article paru dans Le Siècle (op.cit.).
La gravure réalisée par Louis-Marie Normand [17] (ill. 9), correspond exactement à la description que Viardot nous fait de la statue : « Cet ange est assis, enveloppé et comme encadré dans ses longues ailes qui s’élèvent au-dessus de sa tête et dont les dernières plumes s’étendent, pliées, jusqu’au-delà de sa robe » [18]. L’élévation latérale nous montre avec davantage de précision sa position, le genou gauche fléchi en avant, presque à l’équerre, et le droit replié en arrière. Cette génuflexion représente un acte de respect pour le défunt et de soumission à la volonté divine. Elle donne en outre l’impression que l’ange vient de se poser sur le tombeau.
La générosité de Marochetti est de nouveau soulignée par Régis-Dessalle : « La pieuse volonté des nombreux admirateurs et amis de Bellini […] vient de recevoir sa complète réalisation grâce au dévouement généreux d’un habile sculpteur, qui est en même temps un homme riche, et qui a noblement usé de l’indépendance que le ciel lui a faite, pour honorer la mémoire d’un pauvre artiste. M. Marocheti [sic], l’auteur de cette statue d’Emmanuel-Philibert, d’une tournure si fière, si mouvementée, si pittoresque, n’a pas craint d’assujettir son ciseau à un plus humble travail» [19].
Marochetti connaissait-il personnellement Bellini ? Nous l’ignorons mais il semble naturel qu’il ait souhaité rendre hommage à ce grand musicien dont le sort n’avait pu le laisser indifférent.
Il le faisait doublement, l’usage en était courant au XIXème siècle [20], avec, d’une part, un portrait fidèle du défunt, médaillon placé en évidence sur le tiers supérieur du cippe, et, de l’autre, une figure allégorique représentant l’art pratiqué par ce dernier, ce à quoi font écho l’ornementation (lyre au sommet du cippe) due à Blouet [21] et les inscriptions (titres de ses principaux opéras et noms des villes où ils ont été joués) sur les faces latérales et postérieure.
« C’est à la fois une bonne œuvre et une belle œuvre » conclut ainsi Louis Viardot qui souligne dans Le Siècle (op.cit.) la finesse d’exécution du monument, « digne de l’artiste qui vient de s’illustrer par la statue équestre de Philibert-Emmanuel [sic] ».
La statue équestre d’Emmanuel-Philibert exposée dans la cour du Louvre (1838)
La remarque de Régis-Dessalle concernant la générosité manifestée par Carlo Marochetti pour le monument de Bellini est d’importance car elle situe le geste de Marochetti dans son contexte. 1838 est une grande année pour Carlo Marochetti : sa statue d’Emmanuel-Philibert [22] (ill. 10), inaugurée pour la St Charles le 4 Novembre 1838, est exposée plus de deux mois dans la cour du Louvre, les Parisiens la connaissent et, pour beaucoup, l’ont admirée [23] avant qu’elle ne soit transportée à Turin et placée sur la Piazza San Carlo (ill. 11).
- 10. Carlo Marochetti (1805-1867)
Soyer et Ingé, fondeurs
Statue équestre d’Emmanuel-Philibert de Savoie
Piazza San Carlo, Turin, Italie
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 11. Piazza San Carlo (Place Saint-Charles)
Turin, Italie
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
La Duchesse de Dino note en date du 1er avril 1838 : « J’ai été, hier, avec ma sœur, voir, dans la cour du Louvre où elle est momentanément exposée, une statue en bronze, qui part dans quelques jours pour Turin. C’est celle d’Emmanuel-Philibert de Savoie, à l’issue de la bataille de Saint-Quentin, arrêtant son cheval et remettant son épée dans le fourreau ; elle est faite par Marochetti ; c’est une admirable chose, pleine de grâce, de noblesse et de mouvement. J’en ai été ravie, et il me semble qu’en général elle est fort approuvée » [24].
Avec cette statue équestre, la notoriété du sculpteur est établie : « […] ce bel ouvrage qui a placé tout de suite M. Marochetti au premier rang de nos sculpteurs » affirme Lautour-Mézeray dans une lettre adressée de Turin au Journal des Artistes [25].
Marochetti avait réalisé la statue dans son atelier, à Vaux, et avait conservé le modèle en plâtre de la tête d’Emmanuel-Philibert (ill. 13).
- 12. Carlo Marochetti (1805-1867)
Statue équestre d’Emmanuel-Philibert
de Savoie, détail
Piazza San Carlo, Turin, Italie
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 13. Carlo Marochetti (1805-1867)
Modèle de la tête de la statue équestre
d’Emmanuel-Philibert de Savoie
Plâtre patiné – 100 x 35 x 35 cm
Collection particulière
Photo: Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
Modèle que l’on distingue également sur le croquis [26] de l’atelier dessiné par Louis Laurent-Atthalin en juin 1843 (ill. 14).
- 14. Louis Laurent-Atthalin (1818-1893)
Croquis de l’atelier de Mr de Marocquetti (sic)
au château de Vaux, Juin 1843, détail
Mine de plomb, aquarelle,
rehauts de blanc et d’encre
Collection particulière
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
La même année, Carlo Marochetti honorait donc sa ville natale, Turin, avec la statue équestre du Duc de Savoie et, à Paris, la mémoire de son illustre compatriote, en lui offrant un remarquable monument funéraire. Il est naturel que la presse ait associé les deux œuvres [27] lors de l’inauguration du tombeau de Bellini, celle-ci ayant eu lieu en avril 1838, peu après l’installation de la statue équestre dans la cour du Louvre [28].
Monument San Tommaso au cimetière du Père-Lachaise (1834)
En 1834, Carlo Marochetti avait déjà associé son nom à celui de l’architecte Blouet [29] pour un autre monument funéraire du Père-Lachaise (ill. 15 à 17), celui d’Alessandro Carrone, marchese de San Tommaso [30] (1779-1816).
- 15. Guillaume-Abel Blouet (1795-1853)
et Carlo Marochetti (1805-1867)
Tombeau de Alessandro Carrone
marchese di San Tommaso
Paris, Père-Lachaise, 45e div.
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 16. Carlo Marochetti (1805-1867)
Tombeau de Alessandro Carrone
marchese di San Tommaso, détail
Paris, Père-Lachaise, 45e div.
Photo : Marco Calderini, vers 1928 - See the image in its page
- 17. Carlo Marochetti (1805-1867)
Tombeau de Alessandro Carrone
marchese di San Tommaso, détail
Paris, Père-Lachaise, 45e div.
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
La commande lui en avait été faite par le fils de ce dernier, Felice Carrone, marchese di San Tommaso (1810-1843). Le lien entre les deux familles, Michela Sgherzi le souligne, était ancien [31]. Alexandre Caron de Saint-Thomas, maître de requêtes au Conseil d’État (service extraordinaire) est, en 1813 [32], Intendant du Trésor impérial dans la 29ème division, à Florence et connaissait le père du sculpteur, Vincent Marochetti (1770-1822), lui-même avocat au Conseil d’État à Paris, avec qui il se trouvait en relation professionnelle, ce dont témoigne une lettre de décembre 1811 [33]. Felice, fils unique d’Alessandro et d’Enrichetta née Guasco di Bisio, est âgé de vingt-quatre ans lors de la réalisation du tombeau et se destine à la littérature.
Le monument, aujourd’hui hélas presque entièrement ruiné, inauguré en juin 1834, est ainsi salué par la Gazzetta piemontese : « monument d’une émouvante beauté, érigé en mémoire de l’illustre disparu par l’amour de son fils, simple et en même temps sublime facture de notre concitoyen le sculpteur Marochetti » [34].
Ce journal reprend ensuite les propos de La Quotidienne pour décrire le monument : « Au dessus de la tombe, se trouve agenouillé l’ange de la mort, tranquille, mélancolique, recueilli, avec un doigt sur les lèvres et une main saillant du monument, invitant à se taire et respecter ; paroles qui composent la modeste et chrétienne inscription sculptée sur la pierre. » (Ibid.)
Marochetti aurait-il été l’un des premiers à employer le signum harpocraticum dans l’art funéraire [35] ? Toujours est-il que le monument San Tommaso (1834) précède, il est bon de le souligner, Le Silence [36] (1843) d’Auguste Préault (1809-1879) qui devait l’y imposer [37] (tombeau de Jacob Roblès au Père-Lachaise). Ce geste de l’index levé en direction des lèvres se double, chez l’ange de Marochetti, du mouvement du bras gauche tendu, le dos de la main en avant, intimant le respect. La combinaison des deux gestes, attestée dès la basse époque égyptienne, s’inscrit dans la tradition iconographique du dieu Harpocrate.
Le genou droit fléchi en avant, à l’équerre, le gauche replié en arrière - position analogue à celle de la figure ailée du monument Bellini, réalisé quatre ans plus tard -, cet ange n’exprime pas la tristesse, il s’adresse avec solennité au passant. Silence et respect, tel est le sens des paroles gravées sur cette pierre tombale : « Tacete e rispettate […] », paroles dont l’auteur n’est ni Marochetti ni le marquis de San Tommaso, fils du défunt, comme l’atteste une lettre adressée à ce dernier par le sculpteur et conservée à la Bibliothèque historique de la province de Turin. Carlo Marochetti en effet fait suivre à son commanditaire une lettre de Carlo Botta datée du 21 mars 1834 [38] :
« Mon cher Charles, hier au soir entre la poire et le fromage […] la petite inscription m’est venue, par une inspiration inscrite en tête: elle a été plus vite faite que pensée; la voici, je crois qu’elle fera ton affaire.
Tacete e rispettate:
D’un giusto posa qui la mortal salma,
Di dio in grembo l’alma. [39] […] »
Et le sculpteur ajoute: « Ces lignes expliquent tout! »
Homme politique et historien piémontais, Carlo Botta (1766-1837) était un ami intime de Vincenzo Marochetti [40] et considérait les fils de ce dernier comme les siens. Après la mort de Vincenzo (1822), il continua à effectuer de fréquents séjours à Vaux, chez Carlo où il commença son Histoire de l’Italie [41] le 14 avril 1826 et en rédigea la préface [42] le 20 mai 1831.
C’est Marochetti qui sera chargé de sculpter le monument érigé en 1843 à la mémoire de Carlo Botta à San Giorgio di Canavese, ville natale de ce dernier, mais il avait déjà, à l’époque qui nous intéresse, réalisé une petite statuette (ill. 19) qui représente Botta assis dans un fauteuil, jambes croisées, les bras reposant sur les accoudoirs et le visage nonchalamment appuyé contre la main gauche.
- 18. Auguste II Blanchard (1792-1849)
Portrait de Carlo Botta, 1831, gravure
« Dessiné d’après nature par Devéria »
Frontispice de la Storia d’Italia (voir note 40)
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 19. Carlo Marochetti (1805-1867)
Portrait de Carlo Botta assis, c.1831
Bronze - 38 x 27 x 18 cm
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
Le sculpteur aura sans doute réalisé ce portrait au cours de l’un des séjours de Botta à Vaux [43].
L’amitié entre les deux hommes était vive et leur correspondance en témoigne.
Botta a toujours prodigué ses conseils à Marochetti [44], il n’est donc pas étonnant qu’il se soit intéressé de près à la sépulture San Tommaso, d’autant qu’il connaissait sûrement le marquis. Peut-être a-t-il été influencé, pour le choix de l’inscription, par ces vers du patriote Giovanni Fantoni (1755-1807), le poète Labindo : « Dorme ! Tacete, venti, e rispettate /il suo sonno. » [45] ? « Rares sont les indications épigraphiques susceptibles d’expliciter le sens précis de sa présence et de ses gestes » remarque Régis Bertrand à propos de l’ange des cimetières contemporains [46]. En ce qui concerne celui-ci, nous avons la chance de disposer également d’une lettre : « Ces lignes expliquent tout ! » concluait le sculpteur en guise de commentaire à « la petite inscription » suggérée par Botta et dont la traduction la plus fidèle, si on veut en respecter le rythme et la rime, serait : « Silence et révérence : la dépouille mortelle d’un juste repose en ce lieu, son âme dans le sein de Dieu. » Une invitation à s’incliner et se recueillir devant le mystère de la condition humaine et de la foi chrétienne.
La question de l’épitaphe étant élucidée, revenons à l’ ange qui domine le monument et dont la détérioration, déjà avancée à l’époque où Marco Calderini préparait sa monographie de l’artiste [47] (ill. 16), était devenue irréversible lors de la restauration effectuée par la Ville de Paris en 2009 (ill. 17). Deux documents nous permettent heureusement de compenser l’outrage des ans : un dessin non identifié (ill. 20) conservé au département des Estampes de la Bibliothèque nationale de France et la gravure de Louis-Marie Normand [48] (ill. 21).
- 20. Tombeau par Marochetti
Ménilmontant - Père Lachaise
Plume et encre - 17,8 x 9,8 cm
Photo : gallica.bnf.fr/BnF - See the image in its page
- 21. Louis-Marie Normand (1789-1874)
« Monument par M. Blouet, architecte
et M. Marochetti, sculpteur »
Pl.48 (détail)
Photo : D.R. - See the image in its page
On y remarque que la partie du monument sur laquelle repose le pied de l’ange comporte un motif funéraire courant formé d’ailes encadrant un sablier (ill. 20 et 21), symbole de la fuite du temps, élément disparu aujourd’hui et dû au dessin de Blouet. On y distingue aussi, nettement, les ailes sans plumes de l’ange, avec ses longues nervures qui semblent se confondre avec les plis de la robe dont il est revêtu (ill . 21). « C’est l’Ange de la Mort, on le reconnait d’emblée ; ses ailes n’ont pas de plumes, ce sont des ailes de mort, et non d’ange. » [49] Ange de la mort ou bien ange du silence, peut-être inspiré par la lecture de Chateaubriand [50] ?
Angel of Sleep (1851)
Cette caractéristique des ailes de l’ange du tombeau San Tommaso est importante car, dix-sept ans plus tard, en 1851, à Londres où il s’est installé quelques années plus tôt, Marochetti présente à l’exposition universelle son Angel of Sleep (ill. 22), l’Ange du Sommeil, en tout point semblable à l’ange San Tommaso, autant qu’on puisse en juger d’après l’illustration parue dans The Art Journal.
L’ange y apparaît juché sur un écusson en cartouche, de forme ovale, portant une croix, armoiries surmontées d’une couronne ducale. Sous l’écusson figurent, en guise de devise, les mots de l’inscription inspirée par Carlo Botta : « Tacete e rispettate ». Le sculpteur, afin sans doute de proposer à la clientèle britannique un monument funéraire « type », a choisi pour modèle l’ange du tombeau San Tommaso dont il avait toujours le plâtre (on distingue bien cet ange, à l’arrière-plan, sur le croquis de l’atelier réalisé en 1843, ill. 24, derrière le deuxième projet du tombeau de l’Empereur). Carlo Marochetti avait sans doute également conservé le plâtre des armes d’Emmanuel-Philibert [51] (ou peut-être un premier projet du cartouche) réalisé en France, comme la statue équestre, dans son atelier de Vaux.
La forme de l’écusson avait l’avantage de reprendre l’arrondi du monument San Tommaso dessiné en 1834 par Blouet (ill. 21), ce qui facilitait le réemploi de la figure.
En associant cet ange aux armes qui ornent le piédestal de la statue de Turin (ill. 23), le sculpteur voulait-il faire allusion à son chef d’œuvre et à ses propres origines piémontaises ? Par ailleurs, placer l’ange au-dessus d’un écusson, c’était s’adresser à une clientèle aristocratique fortunée à laquelle la réalisation de mausolées était habituellement réservée. L’ange devenait ainsi gardien d’une famille entière représentée par ses armoiries. La devise « Tacete e rispettate » convenait bien à un contexte funéraire. Il est significatif que Marochetti ait choisi de la conserver, quoique formulée en italien et non en latin. En mémoire de son ami Carlo Botta ? La croix de Savoie évoquait-elle aussi celle du chrétien et de sa dernière demeure ? Les questions que pose cet Angel of Sleep sont multiples.
- 22. Carlo Marochetti
(1805-1867)
Angel of Sleep (Illustration)
The Art Journal
Illustrated catalogue
Capture d’image :
J. Banerjee,
2012 - See the image in its page
- 23. Carlo Marochetti (1805-1867)
Statue équestre d’E.-P. de Savoie, détail
Piazza San Carlo, Turin, Italie
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 24. Louis Laurent-Atthalin (1818-1893)
Croquis de l’atelier de Mr de Marocquetti
au château de Vaux - Juin 1843, détail
Collection particulière
Photo: Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
Quoi qu’il en soit, la description qu’en fait The Art Journal mentionne l’ange seul avec ses « ailes de chauve-souris » [52] et précise qu’il est « conçu pour être placé au-dessus des portes d’un mausolée, ce pour quoi il constitue un emblème approprié. » [53]
Associées de longue date [54] au sablier ou à la tête de mort en art funéraire, les ailes de chauve-souris font de l’ange de Marochetti une créature nocturne, au déplacement rapide.
Le sculpteur s’est-il souvenu de la Nuit de La Fuite de Blois [55] (1622- 1625) de Rubens (Musée du Louvre) ? Il aura sûrement vu en tout cas le Satan de Jean-Jacques Feuchère (1807-1852) exposé au Salon de 1834 ou l’aura même peut-être découvert dès 1833 dans l’atelier de l’artiste qui, comme lui, participait au même moment aux grands travaux de sculpture de l’Arc de Triomphe. L’idée de doter son ange d’ailes sans plumes lui était-elle venue à ce moment-là, y a-t-il eu influence ou simple concomitance?
C’est bien le seul point commun entre les deux œuvres, les ailes étant elles-mêmes traitées fort différemment, mais il est évident que le Satan de Feuchère n’avait pu laisser indifférent Marochetti qui avait lui-même présenté un Ange rebelle [56] au salon de 1831. Au contraire de la statuette de Feuchère, l’ange de Marochetti est une créature bénéfique et bienveillante. Un précurseur du héros Batman dont la cape semble constituer une évolution naturelle des ailes de notre Angel of Sleep ? Ou plutôt l’ange gardien du tombeau et du sommeil éternel.
« C’est l’ange de la dernière heure », disait la Quotidienne en 1834, insistant sur le caractère psychopompe de l’ange et sur son mouvement. « [Il] conduit donc l’âme chrétienne aux pieds de Dieu, et retourne s’agenouiller muet et grave sur la terre venant d’être creusée. Alors, comme Marochetti l’a si bien représenté, avec le doigt sur les lèvres, et la main pendante, il dit aux vivants : taisez-vous et respectez ! » [57]
En 1851, l’Ange du Sommeil pouvait-il être interprété différemment ?
Le nom même choisi pour désigner cet ange fait écho aux vers de Fantoni cités plus haut :
« Il dort ! Faites silence, ô vents, respectez son sommeil ! »
La commande de monuments funéraires représente à cette époque pour un sculpteur une source de revenus non négligeable. Par ailleurs il faut signaler que Felice Carrone di San Tommaso, commanditaire de Marochetti, est décédé en 1843, sans postérité. Il ne pouvait donc être reproché au sculpteur d’exposer, en Angleterre, un ange identique au tombeau réalisé dans le cimetière de l’Est parisien, œuvre à vocation confidentielle. L’intention du sculpteur était-elle de proposer une réplique de ce monument ou plutôt de montrer aux visiteurs de l’exposition universelle un exemple de son savoir-faire dans ce domaine ? N’oublions pas que l’œuvre majeure présentée en 1851 par Marochetti à l’entrée Ouest du Crystal Palace est le modèle en plâtre de sa statue équestre de Richard Cœur de Lion [58], œuvre qui d’ailleurs a su imposer « silence et respect » !
Son Ange du Sommeil offrait un autre aspect, plus intime, de son talent, celui, comme le dit Jacqueline Banerjee [59], d’ « un artiste au cœur sensible » [60].
Carlo Marochetti réalisera plusieurs monuments funéraires en Angleterre, dont le plus célèbre est sans nul doute le tombeau du Prince Albert et de la Reine Victoria, à Frogmore [61].
La plupart comportent des anges, mais aucun d’entre eux ne ressemble à l’ange du marquis de San Tommaso réalisé dans sa jeunesse.
On ne peut s’empêcher de faire une double lecture de cet ange : intimer silence et respect au passant, certes, tel est le sens de son geste, explicité d’ailleurs par l’inscription de 1834 devenue devise en 1851, mais vis-à-vis de qui ou de quoi ? Du défunt devant le tombeau duquel on se trouve ou de l’artiste et de l’œuvre qu’il a réalisée [62] ? « Tout signe est au cimetière un message personnalisé qu’une initiative privée adresse en ce lieu public aux visiteurs, en feignant souvent de le destiner à ses morts » déclare avec justesse Régis Bertrand [63]. Le réemploi de l’ange du monument San Tommaso en Angel of Sleep à l’Exposition Universelle de 1851 ne fait que renforcer ce point de vue.
Monument Darnay au cimetière de Montmartre (vers 1838)
Au cimetière de Montmartre, en revanche, l’ange du tombeau de Gustave Darnay (ill. 25), aujourd’hui décapité mais dont il subsiste un témoignage photographique dans l’ouvrage de Marco Calderini [64] (ill. 25), offre certaines similitudes avec celui de la sépulture San Tommaso. Doux visage aux traits fins et féminins pour les deux anges, même drapé des manches (ill. 26 et 27). L’un et l’autre semblent garder avec recueillement la sépulture.
- 25. Carlo Marochetti (1805-1867)
Tombeau de Gustave Darnay
Cimetière de Montmartre, 21e div.
Photo: Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
- 26. Carlo Marochetti (1805-1867)
Ange adorateur - h. 100 cm
Tombeau de Gustave Darnay, détail
Cimetière de Montmartre, 21e div.
Photo : Marco Calderini, vers 928 - See the image in its page
- 27. Carlo Marochetti (1805-1867)
Ange adorateur - h. 80 cm
Tombeau de Gustave Darnay, détail
Cimetière de Montmartre, 21e div.
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
Mais ici, l’ange repose sur ses deux genoux, « les bras croisés sur la poitrine dans l’attitude de l’adoration » [65]. Il tient une croix dans la main droite, rappel de la confession chrétienne à laquelle appartenait Gustave Darnay. Sa chevelure est couronnée de fleurs. Les bras croisés, repliés sur la poitrine rappellent ceux de la figure ailée du tombeau de Bellini, l’ange est agenouillé et on peut encore admirer les plis de sa robe. Ange qui implore et déplore à la fois, ange qui évoque la passion du Christ – il porte la croix – et y associe dans la prière le triste destin du jeune défunt. Tout est recueillement chez cet ange et incite le passant à la méditation. Si l’ange de Bellini, allégorique, représente la Musique endeuillée et manifeste une douleur personnelle : « Couronné de cyprès, la tête triste et penchée, il presse une lyre contre sa poitrine et de ses deux mains, comme le dernier souvenir de l’ami qu’on regrette » [66], celui de Gustave Darnay exprime quant à lui une émotion tout intérieure, plus proche de la compassion que de la tristesse, dans l’esprit de l’Ange de la Résignation de Marie d’Orléans mais à genoux, comme l’ange du cénotaphe du Duc d’Orléans [67].
Précisons cependant que nous avons de l’ange du monument Darnay un témoignage visuel authentique avec la photographie de M. Calderini, ce dont nous ne disposons pas, ou très incomplètement, pour les autres monuments.
De Gustave Darnay on sait peu de choses : Émile-Fortuné-Gustave Darnay de Laperrière est né le 4 février 1814 et décédé à 23 ans, le 5 août 1837 [68]. Son nom est associé par deux fois à celui d’Honoré de Sussy : en 1835 d’abord pour Les Captives [69], romance avec chœur, dont Darnay compose les paroles et Sussy la musique, puis pour Alice, drame lyrique dont ils rédigent tous deux le livret et que Friedrich von Flotow met en musique. La première représentation a lieu le 8 avril 1837 chez le comte de Castellane [70] (ill. 28).
- 28. Jean-Baptiste-Julien Caboche
Théâtre de Mr le Comte de Castellanne [sic], scène d’Alice
Lithographie d’après un dessin de Louis-Simon Cabaillot
Photo : gallica.bnf.fr/BnF - See the image in its page
Quatre mois plus tard, le 5 août, s’éteignait Gustave Darnay.
Il fut inhumé au cimetière de Montmartre le 12 août, une concession [71] ayant été acquise le 8 par ses trois plus proches amis :
Le Comte Palamède de Forbin-Janson [72] (1815-1906), le Comte Honoré de Sussy (1805-1853) et Albert Courpon (1816-1863) [73], dans l’ordre où les mentionne l’inscription du tombeau, devenue illisible, mais transcrite fidèlement par Louis-Marie Normand [74] (ill. 29).
- 29. Louis-Marie Normand (1789-1874)
« Tombeau […] en pierre [du] cimetière du Nord.
La figure qui le surmonte est de M. Marochetti. »
Pl. 24 (détail)
Photo : D.R. - See the image in its page
De même que celui de Bellini, le monument fut érigé par souscription [75], pratique courante au XIXème siècle, permettant, comme le souligne Antoinette Le Normand-Romain, « de rappeler la mémoire de quiconque en fut digne mais qui, autrement, par manque de ressource, aurait été enseveli très simplement » [76].
Tel aurait été, de toute évidence, le sort de la dépouille de Gustave Darnay, sans le secours de ses amis. Qu’en est-il de ses parents ? Marie-Bernardine-Fortunée Roustan [77] avait épousé le 17 décembre 1805 Ignace Darnay [78]. Ce dernier, qui avait remplacé en 1805 son frère Antoine au poste de secrétaire général de l’Administration générale des Postes, « se tua en 1817 à la suite de chagrins intimes » [79]. On ne trouve plus mention de la mère de Gustave après 1820. Était-elle décédée avant son fils ? On peut le supposer.
Il ne reste également nulle trace de commande faite à Marochetti pour ce monument mais, des trois concessionnaires, Honoré de Sussy, né la même année que le sculpteur, pouvait, selon toute vraisemblance, faire partie, sinon de ses amis, du moins de ses relations. Par ailleurs Jean-Baptiste Henry Collin de Sussy (1776-1837), son père, Conseiller d’État aura pu rencontrer l’avocat Vincent Marochetti ou bien, en tant que Colonel d’ État-Major, le futur beau-père du sculpteur, le baron Adolphe de Maussion, Colonel, Aide-de-camp du Commandant en chef de la Garde nationale de Paris [80]. Nous retrouvons donc un contexte comparable à celui de la commande San Tommaso.
Quand Honoré de Sussy publie ses Miscellanées [81] en 1850, il éprouve le besoin de décrire ainsi son ami dans la note qui sert de préface à Alice : « Gustave Darnay était un bon jeune homme, à l’âme ardente, à l’esprit profond, au cœur dévoué, qui fut enlevé, en 1837, à la vive affection de tous ceux qui le connaissaient. » La première de ses Poésies diverses s’intitule « A Friend », en souvenir du chien que lui confiait « En expirant, l’ami de [son] jeune âge » et que sa légataire appela « Friend ». Dans le même recueil se trouve une « Épitaphe de Vincenzo Bellini » qui se termine ainsi :
« La France, qu’il aimait, par ses chants attendrie,
Devint, en l’adoptant, sa seconde patrie,
Et lorsque de ses ans s’éteignit le flambeau,
Elle offrit à son fils des fleurs et ce tombeau. »
Du tombeau de Gustave Darnay a été réalisé, par Jean-Jacques Champin (1796-1860), un dessin [82] vendu en 2005. La notice du catalogue présente Gustave Darnay comme un ami de Victor Hugo. De cette amitié, on trouve trace dans la correspondance [83] de l’écrivain.
Le 4 septembre 1837, Victor Hugo confie à son épouse Adèle, au retour de son voyage en Belgique, un beau portrait de celui dont il vient d’apprendre le décès : « Je songeais, à cet instant-là, à tous les amis que je viens de perdre […] d’Arnay [84], ce pauvre doux enfant si gracieux » [85], doux et gracieux comme l’ange que Carlo Marochetti érigea sur son tombeau.
Retour sur le Monument Marochetti au cimetière du Père-Lachaise (1838)
Pour terminer notre promenade dans les cimetières de l’Est et du Nord de Paris sur les pas de Marochetti, revenons à Étienne-Félix, son oncle.
Né à Biella (Piémont), berceau de la famille Marochetti, le 26 décembre 1778, il est en 1801 sous-secrétaire de la Commission exécutive du gouvernement de la Nation Piémontaise [86]. Naturalisé français en 1815 [87], il épouse le 30 avril 1818 Élisabeth Gouget de Landres dont il aura deux enfants, qui ont, au décès de leur père, le 13 avril 1837, sensiblement le même âge que Carlo et son frère à la mort du leur, élément qui n’est pas à négliger pour expliquer le geste généreux du sculpteur en hommage à son oncle.
« M. Marocheti [sic], qui coule du bronze pour les rois, moyennant haute paie, consent aussi, dans l’occasion, à tailler un fût de pierre dont il ne retirera pas une obole » disait Régis-Dessalle [88] à propos du monument de Bellini. Cette remarque s’applique aussi à la sépulture d’Étienne-Félix.
De dimensions plus modestes que celui de Bellini, le monument funéraire d’Étienne-Félix Marochetti (ill. 2), lui est toutefois comparable (il date d’ailleurs de la même année 1838), étant également composé d’un soubassement surmonté d’un cippe orné, dans sa partie supérieure, d’un portrait en médaillon du défunt, de profil dirigé à droite, cette fois, entouré de lauriers. Ce portrait (ill.30) est encadré de deux colonnes en bas-relief surmontées d’un arc plein cintre formé d’une tresse végétale enrubannée qui accompagne le mouvement circulaire du médaillon, le tout semblant représenter l’entrée du défunt dans l’éternité.
Le monument se termine dans sa partie supérieure par deux ornements (palmettes ? feuilles d’acanthe ?) s’élançant vers le ciel comme deux petites ailes. La croix centrale, d’un matériau différent, semble avoir été rajoutée à l’occasion de la restauration récente du tombeau.
- 30. Carlo Marochetti (1805-1867)
Portrait en médaillon de Étienne-Félix Marochetti
Monument du tombeau Marochetti, détail
Pierre de Conflans - 27 x 22 cm
Paris, Cimetière du Père-Lachaise, 8e div.
Photo : Caroline Hedengren-Dillon - See the image in its page
Dans le caveau familial reposent Étienne-Félix, son épouse Élisabeth et leurs descendants. Parmi eux, Georges-Félix Marochetti (1860-1945). Les deux petits-fils Marochetti, celui d’Étienne-Félix et celui de Carlo, reprirent contact en 1927, très probablement à l’occasion de la monographie que préparait Calderini [89]. Georges-Félix était tout jeune à la mort du sculpteur (1867). Soixante ans plus tard, il témoignait : « La seule fois que j’ai vu votre grand-père, c’est au mariage de sa nièce Gabrielle, fille de Paul [frère du sculpteur]. Le hasard m’avait placé à sa gauche à l’église St Eugène. J’étais tout à côté de lui et j’ai gardé le souvenir d’un homme grand, portant un pardessus noisette. C’était en 1867. J’avais donc 7 ans. Le soir de cette même journée [samedi 28 décembre], votre grand-père mourait subitement. » [90]
Pas la moindre allusion, dans cette brève correspondance, au monument sculpté par Carlo pour la sépulture du cimetière du Père-Lachaise, les traces de sa contribution avaient sans doute déjà disparu de la mémoire familiale.
Juste retour des choses cependant, la dernière vision de Carlo Marochetti vivant - il meurt dans la nuit du samedi au dimanche, le 29 décembre 1867 - nous est donnée par un enfant, petit-fils de celui dont le sculpteur avait honoré la mémoire [91].