- 1. La Halle Freyssinet
Vue de la passerelle de l’avenue de France
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
25/11/11 - Patrimoine - Paris, Halle Freyssinet - Une nouvelle fois, la Mairie de Paris est à l’origine d’une menace majeure contre le patrimoine parisien [1]. Cela confirme que la mandature de Bertrand Delanoë est décidément désastreuse pour une partie du patrimoine parisien.
Nous n’avons pas encore abordé, sur La Tribune de l’Art, l’affaire de la Halle Freyssinet (ill. 1 et 2). Celle-ci dure déjà depuis un moment, mais aujourd’hui le temps est compté.
Eugène Freyssinet, né en 1879 et décédé en 1962, fut un grand spécialiste du béton. Peu connu dans son pays, il est pourtant célèbre partout ailleurs dans le monde, notamment pour son chef-d’œuvre, la grande halle des messageries connue aujourd’hui sous le nom de halle Freyssinet, construite le long des voies de la gare d’Austerlitz entre 1927 et 1929. Elle est à l’architecture du XXe ce que furent les Halles de Baltard au siècle précédent. Et comme celles-ci, elle est aujourd’hui menacée d’une démolition qui, si elle ne sera que partielle, la dénaturera gravement.
- 2. La Halle Freyssinet
Vue intérieure
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
- 3. La Halle Freyssinet
Vue de l’extrémité longeant la rue du Chevaleret
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
La SNCF, ayant accepté le principe de vendre la halle à la Mairie de Paris, celle-ci a demandé la destruction de six des trente travées qui la composent (quatre d’un côté, deux de l’autre). Un peu comme si l’on amputait une église dans le sens de la longueur, d’autant que l’architecture n’est pas uniquement une succession de travées identiques : une des extrémités se termine légèrement en courbe (ill. 3)... Après des années d’atermoiements et sous la pression des associations, le dossier de protection a été présenté le 13 janvier 2011 à la Commission régionale du patrimoine et des sites. La représentante de la Mairie de Paris, Danielle Pourtaud, indiqua alors que la Ville était favorable à la protection. Mais le préfet rappela que celle-ci, à la demande de la Mairie de Paris, ne porterait que sur vingt-quatre des trente travées et mit la proposition aux voix. Les membres de la CRPS, mis devant le fait accompli et dans l’urgence, se résignant à cette inscription a minima, qui était mieux que rien, la votèrent. C’est alors que Danielle Pourtaud demanda ce qu’il en était des six autres travées. Saisissant l’occasion, plusieurs participants prirent le préfet à contre-pied et demandèrent astucieusement que l’on revote sur l’intégralité des trente travées, ce qui fut fait dans la foulée, aboutissant alors, à une large majorité, à une demande de protection de l’ensemble du bâtiment.
Mais pour qu’une protection soit actée, il faut que le préfet la valide. Or, l’enjeu politique étant très fort, il prit la courageuse décision... de ne rien décider. Et parallèlement, une demande de permis de démolir des six travées ayant été déposée début juin par la SNCF [2], là encore le préfet ne décida rien. Le permis de démolir risque donc d’être validé dans quelques jours (l’absence de réaction valant acceptation).
Bref, d’inaction en inaction, une partie de la halle Freyssinet risque d’être mutilée très bientôt. Pour éviter cela, il faudrait que le préfet signe la protection, et refuse le permis de démolir. Contacté par nos soins, le ministère de la Culture s’est voulu rassurant [3] : « le ministre est conscient de l’intérêt patrimonial du site et s’en est du reste déjà entretenu avec le maire de Paris ; il souhaite à la fois qu’un projet fasse vivre le site et qu’il soit respectueux de son architecture exceptionnelle. Le Préfet n’a pas encore pris position dans le mesure où un accord est actuellement recherché entre les parties prenantes, qui soit respectueux de l’intérêt patrimonial et paysager du site. Il n’y aura pas de validation par défaut, quelle que soit l’issue des discussions en cours. »
Il convient cependant d’être vigilant car on ne comprend pas bien pourquoi il faut autant de temps pour arriver à un accord sur un point pourtant très simple : la protection entière du bâtiment, comme demandé par la CRPS, et le refus du permis de démolir. C’est, après la disparition totale par l’Etat du « bassin des carènes » des frères Perret (voir l’article) un autre bâtiment industriel majeur des années 30 qui risque d’être en partie détruit.