Les menaces contre l’ancien hôpital La Rochefoucauld se précisent

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On le sait depuis longtemps : il n’y a évidemment, rien à attendre - sinon le pire - ni de l’APHP (présidée par Anne Hidalgo), ni de la Ville de Paris (dont la maire est Anne Hidalgo). On le savait d’ailleurs pour l’ancien hôpital de La Rochefoucauld (ill. 1), et c’est bien le pire qui se profile pour ce lieu pourtant extraordinaire, à la fois du point de vue patrimonial, avec un monument inscrit (qui devrait d’ailleurs être classé monument historique) et environnemental, avec un parc qui, s’il a été déjà mutilé au cours du temps, est encore remarquable.


1. L’ancien hôpital La Rochefoucauld à Paris, avenue du Général Leclerc
Photo : Didier Rykner
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Nous avons consacré déjà un article à cette affaire qui est en gestation depuis plusieurs années. Nous y rappelions les tentatives précédentes de densification des constructions, qui avaient été repoussées par la Commission supérieure des monuments historiques (ancêtre de la Commission nationale de l’architecture et du patrimoine) ; la position de la Ville de Paris qui expliquait récemment encore (Jean-Louis Missika) qu’il s’agissait d’une « rare occasion foncière dans Paris » ; et enfin l’hypocrisie de l’APHP déclarant « engager une réflexion » sur le devenir du site quand elle savait déjà exactement ce qu’elle voulait faire : en tirer un maximum d’espèces sonnantes et trébuchantes, au mépris du patrimoine et de l’environnement.


2. Vue du jardin sur les anciens locaux de tri de la Poste
Photo : Didier Rykner
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Le processus en cours, qui a commencé par une « consultation pour cession » auprès des promoteurs, traduit parfaitement cette volonté. Si le bureau de Poste, qui donne sur l’avenue du général Leclerc, est pour l’instant hors de la consultation (mais il sera toujours possible de le surélever), si les « sheds » (locaux techniques de tri), derrière le bureau (ill. 2), ne seront pas, eux, surélevés, plusieurs parties du parc sont menacés par ce qui est rendu possible par cette consultation, tout cela étant compatible avec le futur PLU dit « bioclimatique », alors qu’il s’agit ici de densifier au maximum un espace vert, qui plus est à proximité immédiate d’un monument historique.

Voici donc le projet, tel qu’il est tiré des documents fournis par l’APHP elle-même :

 tout d’abord, si les monuments historiques sont conservés - c’est bien le moins - rien n’est prévu pour leur restauration ; lors d’un comité de suivi avec les associations, l’APHP et la mairie du XIVe ont osé dire qu’on ne pouvait « obliger les promoteurs à réhabiliter » les monuments. Difficile de faire comprendre autrement que les promoteurs ne sont là que pour apporter de l’argent à l’APHP qui se moque bien du devenir de ce site, comme semble également s’en moquer la mairie de Paris,


3. Plan issu d’un document de l’APHP montrant les zones qui seront construites
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 des immeubles nouveaux seront construits (ill. 3), pour un total de 4 500 à 5 400 nouveaux m2. Sachant que le site comporte actuellement environ 8 500 m2 construits, cela représente une densification d’au moins 50 %. C’est, manifestement, bon pour le climat et pour Paris de densifier toujours davantage une des villes les plus denses du monde.


4. Jardin de La Rochefoucauld avec au fond les deux bâtiments bas qui seront détruits (ce qui n’a rien de scandaleux, bien au contraire) et qui seront immédiatement remplacé par un immeuble plus haut et plus long
(sur l’illustration 3, il s’agit du bâtiment en rouge, en haut de l’image)
Photo : Didier Rykner
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 un de ces immeubles sera construit au nord du jardin (ill. 4) ; actuellement, on y trouve deux petits édifices, une buanderie (vers 1947) et un atelier jardinier (vers 1976). Sans intérêt architectural, ceux-ci ont le mérite d’être bas (un seul niveau) et discrets. Ils pourraient sans problème être démolis, c’est d’ailleurs ce qui est prévu. Mais le bâtiment qui doit leur succéder, comme l’a prévu l’APHP en accord avec la Ville de Paris, sera plus long, et plus haut (trois niveaux). C’est donc une première construction sur le jardin qui est ici envisagée, quand il faudrait évidemment que cette parcelle lui soit rendue à celui-ci, et plantée.


5. Parking qui devrait être rendu au jardin, et qui sera construit pour 50 % de sa surface (voir l’ill. 3)
À droite, le bâtiment principal, inscrit monument historique (à quoi sert le périmètre protégé si on construit ici ?)
Photo : Didier Rykner
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6. Vue à droite sur le parking qui sera construit (à gauche, le bâtiment principal)
Photo : Didier Rykner
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 un autre grand espace qui faisait autrefois partie du jardin, jouxtant immédiatement le bâtiment principal, servant en partie de parking (ill. 5 et 6), aurait évidemment dû être entièrement lui aussi restitué en jardin. C’est l’inverse qui va se produire : la moitié de cette parcelle doit être construite - nouvelle densification du site - avec un bâtiment qui fera trois niveaux, presque aussi haut donc que le bâtiment principal, inscrit monument historique.


7. Cet immeuble, déjà très laid et trop haut, sera néanmoins partiellement surélevé
(on regarde ici vers l’est, le bâtiment principal se trouvant derrière nous)
Photo : Didier Rykner
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 enfin, à la fin des années 1960, un bâtiment particulièrement disgracieux, comme on en avait le secret à cette époque qui a vu naître la tour Montparnasse, est venu se coller au site de La Rochefoucauld (ill. 7), incluant notamment une école d’infirmière. Celui-ci, déjà doté de huit étages, n’est pas encore assez haut pour la Ville de Paris et l’APHP puisqu’ils prévoient de le surélever (on ne sait pas de combien d’étages). Ce PLU « bioclimatique » est fascinant, qui permet tout sauf de lutter contre la bétonisation, excellente comme chacun sait contre le réchauffement climatique.

On constate donc que tout ce qui peut être construit (selon le PLU) le sera, à l’exception des anciens ateliers de tris de la Poste. Les faits n’ayant plus d’importance, on peut pourtant lire dans le document intitulé « Consultation pour la cession de l’ancien hôpital La Rochefoucauld » le paragraphe suivant intitulé « Le renforcement du végétal et de la place de la nature » : « Le site se caractérise aujourd’hui par des espaces verts remarquables. Comme vu ci-avant, le projet devra ouvrir ces espaces au public. En complément, des espaces verts privatifs pourront aussi être proposés. Il est dès lors attendu un projet paysager cohérent au regard des qualités du site et du projet d’ensemble. Il devra permettre un fonctionnement harmonieux entre les espaces verts ouverts au public et privés, vecteur de nouveaux usages et d’une nouvelle appropriation de ces espaces verts remarquables ».


8. Vue aérienne du site. On se demande où ils vont trouver les jardins privatifs
Photo : IGN
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On comprend donc que bétonner encore davantage l’endroit (+ 50 %) c’est « renforcer le végétal et la place de la nature » ! Et on découvre aussi que l’ouverture au public qui est ici promise (c’est une bonne chose) sera forcément compromise par des « espaces verts privatifs ». Où seront-ils créés, sachant - c’est facile à constater sur la vue aérienne (ill. 8) et sur le plan - que le jardin est d’un seul tenant, cela n’est pas précisé. C’est sans doute un détail…
Ajoutons que les bâtiments n’ont aucune garantie d’être restaurés, quand l’un d’entre eux, la lingerie, muré depuis très longtemps (ill. 9), est en état précaire, et que le bâtiment principal n’est pas protégé à l’intérieur alors qu’il comporte encore sa disposition d’origine et probablement des décors derrières les aménagements liés à l’hôpital. On constate donc que l’ensemble du projet est détestable, que le lieu va être définitivement dénaturé, sans compter qu’à l’avenir on peut s’inquiéter de ce qui sera fait pour la Poste.


9. La lingerie, en piteux état, et qu’il n’est pas prévu de restaurer dans le projet
Photo : Didier Rykner
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La balle est désormais dans le camp du ministère de la Culture, ce qui n’est pas forcément rassurant quand on voit comment il a abandonné Paris à son sort depuis de nombreuses années. Va-t-il, une nouvelle fois, laisser bétonner un ensemble qui pourrait être au contraire mis en valeur au bénéfice de tous les Parisiens, et d’une protection véritable de l’environnement et du patrimoine ? Un endroit pourtant idéal pour installer le Musée de l’APHP honteusement fermé par cette institution il y a quelques années.

Concluons en signalant l’existence de l’association Sauvons La Rochefoucauld, soutenue par toutes les autres associations de sauvegarde du patrimoine et de l’environnement (Sites & Monuments, SOS Paris, VMF, Patrimoine Environnement, Paris Historique, Monts 14, Histoire & Patrimoine de Paris, Groupe nationale de surveillance des arbres, France Nature Environnement, A.R.B.R.E.S et d’autres encore). Une fois de plus, les citoyens contre le vandalisme de l’administration et des politiques.

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