Les dégâts patrimoniaux de l’explosion du Val-de-Grâce

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Si nous ne pouvons oublier le bilan humain dramatique de l’explosion qui a eu lieu au Val-de-Grâce le 21 juin, au moins un mort, quatre blessés graves et une cinquantaine de blessés plus légers, il nous revient néanmoins de faire le point sur les dégâts patrimoniaux très importants qu’a également causés cette tragédie.


1. Daniel Marot le vieux (1661 ou 1663-1752)
Vue de l’église et de l’abbaye du Val-de-Grâce, vers 1680
Eau-forte - 27,3 x 39,2 cm
Londres, Royal Academy of Arts
Photo : Royal Academy of Arts
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2. Pavillon de garde nord du Val-de-Grâce
surélevé, avant sa restauration
Photo : Gabriel Ruprich-Robert/
Médiathèque de l’architecture
et du patrimoine
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Car bien loin d’être un simple « immeuble » comme l’ont qualifié presque tous les reportages consacrés à la catastrophe, le bâtiment qui s’est entièrement effondré, 277 rue Saint-Jacques, était avant tout un monument historique d’importance majeure, construit au XVIIe siècle par Pierre Le Muet, l’architecte chargé de terminer l’abbaye du Val-de-Grâce élevée à l’initiative d’Anne d’Autriche.
Comme c’est souvent le cas pour les architectures classiques, la cour d’honneur du monument est fermée par une grille de part et d’autre de laquelle furent construits ces pavillons de garde, de manière symétrique (ill. 1).

Le pavillon sud, à droite en regardant l’église, était resté à peu près intégralement préservé, tandis que celui de gauche, qui est aujourd’hui détruit, avait été surélevé de deux étages comme on le voit sur les photographies anciennes (ill. 2). Lors de la restauration du Val-de-Grâce qui a commencé en 1975 sous la direction de l’architecte en chef des monuments historiques Yves Boiret, celui-ci avait supprimé les étages parasites et rétabli la toiture comme elle l’était à l’origine (ill. 3). Cela n’était pas très complexe : outre les documents d’époque, il suffisait de reproduire celui qui lui faisait face (ill. 4).


3. Pierre Le Muet (1591-1669)
Pavillon de garde nord du Val-de-Grâce
277 rue Saint-Jacques, en 2011
Photo : LPLT (CC BY-SA 3.0)
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4. Pierre Le Muet (1591-1669)
Pavillon de garde sud du Val-de-Grâce
277 rue Saint-Jacques, en 2011
Photo : Mbzt (CC BY 3.0)
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5. Pavillon de garde nord du
Val-de-Grâce détruit dans l’explosion
Photo : Didier Rykner
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Pratiquement plus rien n’existe de cet édifice (ill. 5). C’est tout le Val-de-Grâce, monument historique insigne, l’un des plus importants ensembles du XVIIe siècle à Paris, qui est ainsi amputé. Il est évidemment trop tôt, les gravats n’ayant même pas été encore complètement dégagés ni l’origine exacte du sinistre identifiée, pour se poser la question du financement et du déroulé de la reconstruction. Il faut en revanche dès maintenant affirmer une chose qui il y a quelques années serait apparu évidente, mais qui aujourd’hui comme on l’a vu dans certaines affaires récentes (notamment à Notre-Dame) ne va curieusement pas de soi : ce pavillon doit être refait à l’identique, pour redonner à l’abbaye du Val-de-Grâce son allure d’origine.


6. Agence Yves Boiret
Dessin du projet de restauration des pavillons de garde nord et sud
Charenton-le-Pont, Médiathèque du patrimoine et de l’architecture
Photo : Didier Rykner
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Rien, d’ailleurs, ne sera plus facile. Car en plus des éléments historiques et du modèle du pavillon sud que nous avons déjà évoqués, on disposera des nombreux plans et élévations qu’Yves Boiret avait déposés au ministère de la Culture et qui sont aujourd’hui à la Médiathèque du Patrimoine. Nous en reproduisons quelques-uns ici (ill. 6 à 10). Notons que l’architecte avait également donné au Val-de-Grâce [1] les photographies qu’il avait prises pendant le chantier, et que nous aurions aimé retrouver pour voir à quoi ressemblait l’intérieur du pavillon de garde. Nous avons contacté la bibliothèque et le musée du Val-de-Grâce, mais ils ne les ont pour l’instant pas retrouvées.


7. Agence Yves Boiret
Dessin du pavillon de garde nord avant restauration, avec la surélévation
Charenton-le-Pont, Médiathèque du patrimoine et de l’architecture
Photo : Didier Rykner
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8. Agence Yves Boiret
Dessin du projet de restauration du pavillon de garde nord
Charenton-le-Pont, Médiathèque du patrimoine et de l’architecture
Photo : Didier Rykner
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9. Agence Yves Boiret
Vue perspective de la cour d’honneur
du Val-de-Grâce
(à droite le pavillon nord)
Charenton-le-Pont, Médiathèque du patrimoine et de l’architecture
Photo : Didier Rykner
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10. Agence Yves Boiret
Dessin des principes d’amortissements des rampants de frontons du pavillon nord
Charenton-le-Pont, Médiathèque du patrimoine et de l’architecture
Photo : Didier Rykner
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11. Vitrail de la façade de l’église du Val-de-Grâce en partie soufflé par l’explosion
Photo : Didier Rykner
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D’autres dégâts patrimoniaux sont à déplorer. On peut voir de l’extérieur que le vitrail de la façade de l’église du Val-de-Grâce a été en partie soufflé (ill. 11). Quant aux trois immeubles à gauche du pavillon, les 271, 273 et 275 de la rue Saint-Jacques (ill. 12), ils ont été frappés d’un arrêté de péril. Il est évident qu’une fois consolidés (on voit que l’un d’entre eux a déjà été étayé) il devront également être restaurés car il s’agit là encore de trois monuments historiques inscrits dont les façades et les toitures sur rue ainsi que les rampes d’escalier ont été inscrites en 1968. On peut lire dans le dossier de la protection, conservé à la Médiathèque du patrimoine et de l’architecture, que « les trois immeubles 271, 273 et 275 sur la rue St Jacques, entre la Schola Cantorum et le pavillon d’angle de la cour d’honneur du Val-de-Grâce, ont la même ordonnance architecturale ; à l’intérieur, les rampes d’escaliers en fer forgé sont identiques. Nous avons là un ensemble, une continuité d’immeubles du XVIIe siècle. Ils faisaient partie, comme la Schola Cantorum, du couvent des Bénédictines, rebâti en 1671 ; ils devaient probablement être des bâtiments locatifs. Nous estimons que tout cet ensemble doit être protégé et maintenu. »


12. Vue des immeubles du XVIIe siècle inscrits monuments historiques
aux 271, 273 et 275 rue Saint-Jacques, après l’explosion
Photo : Didier Rykner
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Remarquons enfin que tous ces édifices, y compris le pavillon nord qui pour des raisons incompréhensibles avait été vendu par l’État il y a longtemps [2], sont des propriétés privées. Il est évident que si les assurances ne suffisaient pas à les restaurer, le ministère de la Culture devrait apporter les financements complémentaires.

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