- 1. Le Solar Decathlon sur le terrain des Mortemets dans
le parc de Versailles, le vendredi 4 juillet 2014
Photo : Solar Décathlon, Licence Creative Commons - Voir l´image dans sa page
Le 5 mai 2012, dans un article intitulé « Le Solar Décathlon, nouvelle menace pour le parc de Versailles », nous dénoncions ici-même l’organisation de cette grande foire pseudo-écologiste sur le terrain des Mortemets, une partie du parc de Versailles jouxtant la pièce d’eau des Suisses, récemment rendu par l’armée au château de Versailles et entièrement classé au titre des monuments historiques.
Nous écrivions alors : « Il s’agit [...] d’utiliser le terrain des Mortemets comme un vaste parc des expositions » et « rien n’assure que les infrastructures du Solar Décathlon seront démantelées une fois la manifestation achevée ».
La réalité de la manifestation telle que nous avons pu la constater (ill. 1) entérine nos pires craintes, quelles que soient les paroles qui se veulent rassurantes de l’établissement public. Il y a des faits, que nous pouvons démontrer ici, et il y a des promesses dont nous avouons ne pas croire un mot. Chacun pourra se faire une idée ici.
Les faits.
- 2. L’emplacement du Solar Decathlon tel qu’on le voit
dans le film de propagande de 2012 - Voir l´image dans sa page
Le 27 décembre 2013, l’établissement public de Versailles envoie à la DRAC Île-de-France un dossier pour obtenir l’autorisation d’accueillir sur le terrain des Mortemets la compétition Solar Décathlon, à la demande de la Ville de Versailles ; il est précisé : « Cette opération, temporaire, implique la mise en œuvre de certains réseaux qui seront pour certains pérennes ». Une autorisation temporaire avec des réseaux pérennes ? Pourquoi pérennes, sinon pour renouveler ce type de manifestations, une ambition que la mairie de Versailles ne cache pas puisqu’elle a inclus cette possibilité dans le PLU que nous dénoncions et qui est désormais applicable.
Le dossier contient des photographies des endroits où doit s’installer le Solar Décathlon, c’est-à-dire sur un emplacement désormais libéré par l’armée. Ces vues montrent des terrains en très mauvais état, presque sans végétation, avec déjà des traces d’engins. Tout laisse penser que les travaux ont donc commencé avant l’autorisation. Comparons ces photos avec ce que l’on voit dans le film de propagande pour le Solar Décathlon (cf notre précédent article) et dont nous avons tiré ici une photo qui montre un site parfaitement campagnard (ill. 2) ; et comparons les avec ce que l’on voit sur les images Google Earth (ill. 3), un outil décidément bien précieux pour ce type d’affaire. Nous écrivions en novembre 2011 que le terrain des Mortemets était « dans un état de déshérence évident » : cet état général ne s’appliquait pas de la même manière partout. Or, le Solar Décathlon s’est installé dans des zones restées naturelles, sans constructions parasites, celles-ci ayant d’ailleurs été à cette occasion soigneusement conservées (à l’exception d’une travée d’un hangar qui a été démolie).
- 3. L’emprise du Solar Decathlon (entouré de rouge) sur le terrain
des Mortemetstel qu’on le voit à partir de Google Earth
(à droite, la pièce d’eau des Suisses) - Voir l´image dans sa page
- 4. Enlèvement de terre végétale sur le terrain du Solar Decathlon
Photo : Solar Décathlon, Licence Creative Commons - Voir l´image dans sa page
Quelle est la réalité des travaux effectués ? Les photographies que nous avons pu prendre sur place ou que nous avons piochées sur l’album Flickr du Solar Décathlon [1] montrent que les travaux ont été si importants et si traumatisants pour le sol qu’on ne voit pas bien comment on pourrait revenir à l’état existant, et que de nombreux arbres ont été enlevés.
- 5. Tranchées pour installer le câblage électrique
dans le sol classé du terrain des Mortemets
Photo : Solar Décathlon, Licence Creative Commons - Voir l´image dans sa page
- 6. Passage du rouleau compresseur sur le terrain classé
des Mortemets, après enlèvement de la terre végétale
Photo : Solar Décathlon, Licence Creative Commons - Voir l´image dans sa page
– Enlèvement de la terre végétale (ill. 4), creusement de tranchées (ill. 5) pour enfouir notamment les câbles électriques et passage du terrain au rouleau compresseur (ill. 6). Ces photos sont parlantes, nous ne les commenterons pas davantage.
- 7. Sur ce terrain dévasté, on voit le double chêne,
seul arbre d’origine conservé ainsi que l’alignement
des compteurs électriques
Photo : Solar Décathlon, Licence Creative Commons - Voir l´image dans sa page
- 8. Le double chêne et la seule parcelle de terre
naturelle subsistant sur le site. Tout le reste a été arasé
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
– Autour du chêne double, seul arbre d’origine à avoir été conservé sur la partie des Mortemets dévolue au Solar Décathlon (ill. 7), tous les arbres que l’on pouvait voir sur la photo Google Maps ont été coupés. On constate également comment le sol végétal a été arasé, la terre n’ayant été conservée qu’autour de cet arbre (ill. 8), formant une sorte d’îlot dans un paysage dévasté.
- 9. Le Solar Decathlon, vendredi 4 juillet 2014
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
- 10. Le Solar Decathlon, vendredi 4 juillet 2014
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
– Les différentes vues du Solar Décathlon (ill. 1 et 9 à 11), prises vendredi 4 juillet alors que l’événement bat son plein montrent l’état dans lequel le terrain se trouve actuellement, bien loin de l’image propre sur elle que promettaient les visuels promotionnels (ill. 12).
- 11. Vue d’une zone de stockage du Solar Decathlon
(terrain artificialisé pour l’occasion)
le jeudi 4 juillet 2014
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
- 12. Vue promotionnelle du Solar Decathlon de Versailles
- Voir l´image dans sa page
Ce que répond l’établissement public.
Face à ce constat que tout le monde peut faire, les explications sont si peu crédibles que nous avons demandé à Daniel Sancho, le responsable en charge de cette affaire, de nous envoyer par écrit ce qu’il nous a dit de vive voix afin de ne pas déformer ses propos. Puisqu’il ne l’a pas fait malgré sa promesse, nous tenterons de les résumer ici.
En premier lieu nous dit-il, l’état des terrains était catastrophique, les arbres qui ont été enlevés étaient sans intérêt, toute la terre sera remise en place, les gaînes et câbles enterrés seront enlevés après la fin du Solar Décathlon (alors que l’EPV demande précisément que les réseaux soient « pérennes »). Tout sera remis en place non comme avant, mais beaucoup mieux ! Quant au terrain situé à droite de l’entrée, qui a aussi été déboisé, il nous a dit - ce qu’on pouvait lire dans le dossier - qu’il s’agissait de remblais déposés ici au moment des travaux que l’armée avait mené pour construire un manège, et que les arbres étaient des saules et des aulnes ayant poussé spontanément et dont on pouvait là encore disposer, tandis que le remblais devait être arasé car il n’avait aucune légitimité à être là.
- 13. Allée des Tilleuls reconstituée malgré
sa disparition dès le règne de Louis XVI
On remarque qu’elle est flanquée
d’importants réseaux électriques
Photo : Solar Décathlon, Creative Commons - Voir l´image dans sa page
On devrait croire l’établissement public sur parole, alors que celui-ci vient de planter une allée de tilleuls (ill. 13) qui n’était déjà plus là sous le règne de Louis XVI ! Ces arbres, bien alignés comme à la parade, sont les seuls désormais à orner cette partie du terrain des Mortemets peut-être comme contrepartie de la suppression des boisements gênants. Et on comprend bien pourquoi : on peut maintenant installer de part et d’autre de ces lignes d’arbres, flanquées de réseaux électriques divers, toutes les constructions temporaires que l’on veut, d’autant que le sol a été nivelé et compacté. Rappelons en effet que le PLU de Versailles permet désormais d’implanter sur ce terrain « des activités ludiques, culturelles, sportives et touristiques, y compris les jardins familiaux, compatibles avec son organisation paysagère ». Miracle : grâce au déboisement mis en place pour le Solar Décathlon et à cette replantation d’allées bien régulières, ce terrain classé devient désormais « compatible » avec l’organisation paysagère.
Il est également inquiétant que le nouveau PLU de Versailles prévoit d’utiliser l’allée replantée comme « continuité avec le secteur de Satory », qui doit être prochainement densément urbanisé dans le cadre du Grand Paris.
On ajoutera que la zone exacte arasée et déboisée à droite de l’entrée correspond, sur le nouveau PLU, à celle réservée aux gens du voyage, en plein parc de Versailles. Tout cela se révèle donc extrêmement pratique pour la Ville de Versailles qui trouve ici dans l’établissement public un parfait partenaire pour arriver à ses fins.
La position de la DRAC Île-de-France
Le ministère de la Culture, via la DRAC Île-de-France, avait demandé à l’établissement public de compléter le dossier initial qui était très incomplet. La position de l’administration est pourtant extrêmement floue : la « lettre de transmission » qui introduit l’autorisation, signée de Dominique Cerclet, conservateur régional des monuments historiques, explique en effet que « toutes les installations liées à la manifestation seront démontées et enlevées et le sol sera restitué dans son état naturel initial ». Mais la décision formalisée du même conservateur - celle qui compte réellement - prévoit que « l’autorisation sollicitée par le pétitionnaire [l’établissement public] est donnée », sans qu’aucune prescription n’exige le retrait de réseaux que la demande décrit clairement comme devant être « perennes »....
La DRAC nous a par ailleurs affirmé que le sol devrait être remis exactement dans son état d’origine, alors que la demande de travaux - octroyée - prévoit explicitement que « l’émergence des réseaux [sera simplement] abaissée de 30 cm », ce qui signifie qu’ils seront enterrés à leur extrémité mais conservés (pour des utilisations futures). Quant au sol « décapé avant travaux », il sera remis en place, donc sur une sous-couche passée au rouleau compresseur où aucun arbre ne pourra repousser. Seul un engazonnement des sols sera assuré avec un reboisement limité à ce que l’on appelle le Bois Carré, soit la zone immédiatement à droite de l’entrée principale.
Le bilan
Pour organiser un événement soi-disant « écologique », une partie du parc de Versailles a donc été artificialisée, le sol raclé pour enlever la terre végétale et nivelé au rouleau compresseur pour s’assurer qu’aucun arbre ne puisse y repousser ; des gaines électriques ont été enterrées permettant l’implantation de constructions « temporaires » alors qu’aucune de celles construites pendant l’occupation par l’armée n’a été détruite [2].
Nul doute qu’après le départ du Solar Décathlon le terrain ne soit remis en état, mais un état qui permettra d’accueillir par la suite d’autres manifestations de cette nature.
Tout cela devait se faire très discrètement, ce qui est un peu raté. Si la DRAC est logique avec elle-même (et avec ce qu’elle nous a dit), elle devrait imposer une remise en état réelle des terrains, ce qui voudrait dire de vraies replantations, après avoir enlevé les câbles et décompacté le sol. On peine cependant à y croire.
Pourtant, un usage intelligent des anciens terrains militaires est possible : pendant les préparatifs du Solar Décathlon, le Centre des Monuments Nationaux signait avec la Ligue de Protection des Oiseaux une convention de préservation et de restauration de la biodiversité dans ses domaines, tandis que l’association Yvelines Environnement porte, de concert avec la SPPEF, un projet de restauration écologiquedu domaine national assise sur la création d’un parc naturel régional.