Une Compagne de Diane, ou « Atalante »
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- 1. Simon Mazière (1648-vers 1722)
Compagne de Diane
Marbre – H. 175 cm.
Paris, Musée du Louvre
Photo : F. de La Moureyre - Voir l´image dans sa page
Destinée à orner les jardins de Marly, une série de charmantes statues d’esprit rocaille, nommées « Compagnes » ou « Nymphes de Diane », furent commandées pour Marly par les Bâtiments du roi à la toute fin du Grand Règne. Dix sculpteurs avaient été retenus en 1710, Pierre Lepautre, Philippe Magnier, Jean-Louis Lemoyne, Simon Mazière (ill. 1), Jean-Baptiste Poultier, René Frémin, Anselme Flamen, Jean-Baptiste Théodon, Jean Dedieu et Jean de Lapierre. Il semble cependant que les statues confiées aux deux derniers artistes ne dépassèrent pas le stade de petit modèle. Un peu plus tard, on commanda deux nouvelles Compagnes à Claude Poirier, puis une autre à Guillaume Coustou (que l’on chargea en outre en 1742 de terminer une statue du même thème qu’avait entreprise, cinquante ans plus tôt, son beau-frère Guillaume Hulot).
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- 2. Compagne de Diane de
Claude Poirier (1656-1729)
Dessin à la plume
Paris, BnF
Photo : F. de La
Moureyre - Voir l´image dans sa page
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- 3. Compagne de Diane de
Jean-Baptiste Poultier (1653-1719)
Dessin à la plume
Paris, BnF
Photo : F. de La Moureyre - Voir l´image dans sa page
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- 4. Compagne de Diane de
Philippe Magnier (1648-1715)
Dessin à la plume
Paris, BnF
Photo : F. de La Moureyre - Voir l´image dans sa page
Des croquis conservés au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale sous la cote Fb26 les représentent avec le nom de leur auteur, ce qui a permis l’identification de nombre d’entre elles. Souvent accompagnées d’un chien, elles portent divers accessoires propres à la chasse. Ces statues étaient destinées à faire cortège à une Diane qu’avait exécutée pour Marly Anselme Flamen, quelque dix-sept années plus tôt ; en 1696, Flamen encore sculpta également pour Marly une Callisto, préfigure de la grande série de 1710.
De cette cohorte, outre la Diane et la Callisto de Flamen, quatre Compagnes seulement furent temporairement placées dans les bosquets de Marly, celles de Mazière, Poultier, Frémin et Flamen [1], tandis que les autres connurent des destinées diverses. Si les vicissitudes de leur histoire particulière sont relativement bien connues, il n’en reste pas moins que quelques-unes manquent encore aujourd’hui à l’appel [2]. Ainsi, après un séjour à La Muette, une des Compagnes de Poirier et celles de Magnier et de Lepautre ont disparu au cours de la seconde moitié du XVIIIè siècle. Leur croquis dans Fb26 permettra peut-être un jour de les retrouver (ill. 2, 3 et 4). Un même sort semblait avoir frappé la Compagne nommée « Atalante », qu’avait commencée pour un tiers Jean-Baptiste Théodon et qui fut terminée, après son décès en 1713, par François-Benoît Massou [3]. Il faut noter toutefois que l’Atalante de la mythologie grecque, célèbre chasseresse comme Diane, n’était pour autant nullement une de ses « Compagne » [4].
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- 5. Jean-Baptiste Théodon (1645-1715)
et François-Benoît Massou (1669-1728)
Compagne de Diane, ou Atalante
Marbre – H. 180 cm
Collection particulière
Photo : F. de La Moureyre - Voir l´image dans sa page
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- 5. Jean-Baptiste Théodon (1645-1715)
et François-Benoît Massou (1669-1728)
Compagne de Diane, ou Atalante
Marbre – H. 180 cm
Collection particulière
Photo : F. de La Moureyre - Voir l´image dans sa page
Nous avons eu la bonne fortune de la découvrir à la Galerie Steinitz (ill. 5 et 6), avant son départ chez un collectionneur [5]. Presque parfaitement conforme au dessin des Estampes (ill. 7), elle s’en différencie dans quelques détails : le carquois est porté derrière son dos, sur la gauche, et non sur sa hanche droite, et un long pan de la draperie couvre la souche d’arbre à son côté ; cette draperie dénudant son épaule droite et une partie de son torse, ne forme pas de nœud en haut des cuisses mais se glisse entre les jambes. Les cheveux sont coiffés du même chignon. L’arc a disparu, à l’exception d’un petit tronçon qu’elle serre de sa main gauche. L’attitude est bien celle du croquis : à peine immobilisée dans son geste, prenant fermement appui sur sa jambe gauche, la nymphe, mince et élancée, tire vers l’arrière autant qu’elle le peut la corde, pour mieux bander de son bras gauche tendu l’arc d’où va partir la flèche, horizontale.
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- 7. Compagne de Diane ou Atalante
de Jean-Baptiste Théodon (1645-1713) et de
François-Benoît Massou (1669-1728)
Dessin à la mine de plomb
Paris, BnF
Photo : F. de La Moureyre - Voir l´image dans sa page
_ Sa représentation obéit fidèlement à la description que donne Ovide d’Atalante : « Une agrafe légère retient sa robe flottante. Un simple nœud relève ses cheveux. Sur son dos pend et résonne un carquois d’ivoire, et dans sa main est un arc, instrument de sa gloire. Telle est sa parure ; et quant à sa beauté, on dirait un jeune héros avec les grâces d’une vierge ; on dirait une vierge avec la noble audace d’un héros » [6]. Ses attributs sont à peu près les mêmes que ceux des autres Compagnes, mais à la différence de celles-ci, elle offre bien le caractère particulier chanté par Ovide.
Si Massou en a exécuté une grande partie, cette statue porte indéniablement la marque de son concepteur Théodon, artiste d’une toute autre envergure. On sent en elle un volontarisme et cette tension propre à l’artiste, qui la distingue des autres Compagnes, plus gracieuses, plus souplement animées. De Massou, on connaît mal le style. Fils de Benoît Massou (1633-1684) qui fit une belle carrière à Versailles, François-Benoît (1669-1728), lui, a beaucoup œuvré au décor de riches demeures disparues. On pense avoir récemment identifié au Louvre son morceau de réception en 1707 à l’Académie, une petite Bacchante en marbre (MR 1966), statuette joliment drapée, juchée sur la pointe du pied gauche, et qui reste gracieuse en dépit de la perte des deux bras, de la tête et de la jambe droite. À Théodon reviennent donc le modèle et une partie de l’exécution de l’Atalante, modèle qui guida Massou dans son achèvement et, en particulier, dans la réalisation du drapé, au demeurant fort réussi. C’est une œuvre remarquablement maîtrisée, qui fait preuve d’une grande tenue. Il est intéressant d’apprendre que l’épouse de Théodon, Élisabeth Jourdain, personne d’une austère piété, très impliquée dans le courant janséniste, souhaita que le sculpteur la réformât pour lui donner plus de modestie, dût-il y perdre de l’argent [7]. Son vœu ne semble pas avoir été exaucé…
Les Combats d’animaux de Sceaux
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- 8. Jean-Baptiste Théodon (1645-1713)
Dogue combattant un loup
Pierre – H. 175 cm
Sceaux, Musée de l’Île-de-France
Photo : Pascal Lemaître - Voir l´image dans sa page
A la faveur de la thèse de doctorat que lui a consacrée Alicia Adamczak, thèse qu’elle vient de brillamment soutenir à l’Université de Paris IV-Sorbonne et qui sera suivie d’une publication, la connaissance de Théodon et de son milieu ressort considérablement précisée et approfondie [8]. Comme Pierre II Legros, son cadet de vingt ans, Théodon passa près de 30 années, de 1676 à 1705, dans la Ville éternelle où, tenu en grande estime par les papes Innocent XII et Clément XI, par les jésuites et de nombreux établissements religieux ou bancaires, tel le Monte di Pietà, il a laissé d’importants témoignages de son art. _ Comme Legros encore mais qui n’arriva à Rome qu’en 1690, il émerge de l’effervescence artistique, à la fois porteuse et concurrente, qui y règne à la fin du siècle, mais il s’en distingue par une approche de la sculpture que l’on dirait presque aux antipodes de celle de son jeune compatriote. Là où ce dernier triomphe par une manière passionnée et frémissante, faite aussi d’intériorisation et d’une sorte de sensualité dans le contour des chairs, dans l’ondulation des draperies, dans des compositions animées et souples [9], à l’opposé Théodon s’impose par une monumentalité plus froide, plus ferme, extrêmement maîtrisée, allongeant souvent les proportions des corps, conférant une certaine affectation aux attitudes qui peuvent sembler insolites, quelque peu rigides, frisant l’excès.
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- 9. Jean-Baptiste Théodon (1645-1713)
Licorne combattant un dragon
Pierre – H. 175 cm
Sceaux, Musée de l’Île-de-France
Photo : Pascal Lemaître - Voir l´image dans sa page
_ Or ces caractères se manifestent déjà dans un des premiers ouvrages qu’on lui connaisse : il s’agit de deux « Combats d’animaux », deux groupes en pierre qui marquaient l’entrée du domaine de Colbert à Sceaux. Identifiés depuis à peine trois ans, ils n’ont pas échappé à l’œil averti d’Alicia Adamczak. C’est dans la relation de 1685 de la « Promenade du Roy à Seaux le 16 juillet 1685 » que sont présentés comme ouvrages de Théodon (p. 4) le Dogue combattant un loup (ill. 8) et la Licorne combattant un dragon (ill. 9). Ces groupes étaient déjà montrés dans la Vue de la Maison de Sceaux gravée en 1675 par Israël Silvestre [10].
L’exactitude de l’attribution à Théodon ne laisse aucun doute. La forte tension calculée qui anime les protagonistes de ces deux « Combats d’animaux » est bien une caractéristique constante de sa production. L’artiste qui approchait alors la trentaine était manifestement un protégé de Colbert. Dès 1674, le ministre le faisait travailler pour le roi à l’escalier des Ambassadeurs de Versailles, puis à l’église Saint-Eustache de Paris dont il était lui-même « marguillier d’honneur » afin d’y tailler dans le bois les figures de la chaire ; dans l’un et l’autre cas, Théodon travaillait sous l’autorité de Charles Le Brun qui avait conçu tout le décor du Grand Degré et dessiné la chaire de Saint-Eustache. Quoi de plus naturel que Colbert, surintendant des Bâtiments et s’appuyant totalement sur Le Brun, souhaitât s’attacher les services de ce sculpteur dont il appréciait le talent, d’abord en lui commandant pour son domaine les « Combats d’animaux », puis en l’envoyant à Rome en décembre 1676 comme pensionnaire de l’Académie de France, mais non tenu de travailler uniquement pour le roi, contrairement aux élèves qui avaient passé le concours ; de Rome, Théodon pourrait continuer à sculpter des ouvrages destinés à Sceaux.
Sur le plan iconographique, Geneviève Lagardère a clairement montré comment, dans ces groupes d’inspiration manifestement giambolognesque, la licorne et le dogue symbolisaient les vertus revendiquées par Colbert de pureté et de fidélité, présentées dans des combats où la vertu triomphe du vice [11]. Les deux bronzes d’après Jean de Bologne que possédait Mazarin, Cheval attaquant un lion, Cheval attaquant un taureau, posés sur une table basse à l’extrémité de la galerie de l’hôtel parisien du cardinal-ministre, étaient bien connus de son homme de confiance que fut Colbert ; celui-ci n’eut qu’à imposer au sculpteur la représentation d’animaux propres à mettre en évidence un message symbolique qui le servît [12]. Les groupes de Sceaux, ambitieux, font preuve d’un art déjà passablement maîtrisé. A partir des modèles giambolognesques, le sculpteur a su façonner des animaux à la fois réels et mythiques et créer en symétrie deux groupes monumentaux cohérents, pleins d’énergie et de passion. Ce ne sont pas là les œuvres d’un débutant. Or sur les commencements du sculpteur et sur sa formation, on ne sait encore rien.
Théodon et les Potier de Gesvres
On peut se demander, comme l’a d’ailleurs fait Alicia Adamczak, si, précédant la protection de Colbert, Théodon n’aurait pu bénéficier de celle de la famille des Potier de Gesvres, celle-là même qui vendit en 1670 à Colbert la seigneurie et le château de Sceaux. La terre de Sceaux avait été acquise en 1597 par Louis Potier, baron de Gesvres, qui y construisit un château agrandi par son fils, René Potier, duc de Tresmes (vers 1579-1670). Au décès de René, son fils Léon Potier (1620-1704) vendit à Colbert le château et la seigneurie.
Or les Potier possédaient des terres dans la vallée de l’Ourcq, au nord-est de Meaux, tout près de Vendrest, lieu de naissance de Théodon, de même qu’un château à Crouy-sur-Ourcq. Ce château de Gesvres, René le fit transformer et moderniser par François Mansart au milieu du XVIIè siècle, peut-être dans les mêmes années que le château de Sceaux. Ce fut la résidence ordinaire de René puis de son fils Léon [13].
Une partie de la seigneurie de Vendrest appartenait à René Potier, avant d’être vendue en 1668 à l’abbaye de Jouarre.
René Potier était l’époux de Marguerite de Luxembourg. Les Luxembourg étaient seigneurs de Gandelu, une terre située elle aussi près de Vendrest et qui appartint ensuite aux Potier de Gesvres. Une nièce par alliance de Théodon, Marie Élisabeth Mathau, fille d’un « sculpteur et marbrier ordinaire du roi », était dame de compagnie de Marie Amelot qui était la belle-fille du propre cousin de Marguerite de Luxembourg, Bernard de Luxembourg, « chef du nom et de la maison de Luxembourg », demeurant en l’hôtel parisien de Châlons-Luxembourg rue Geoffroy-l’Asnier. À la demande de Marie Amelot, Bernard de Luxembourg constitua une dot de 4000 livres à Marie Élisabeth Mathau en 1701 et en 1702 lorsqu’elle épousa le neveu de Théodon, un nommé Antoine Noël. Au mariage était présente Élisabeth Jourdain, l’épouse de Théodon [14].
On sait par ailleurs que vers 1687, Théodon sera ouvertement protégé à Rome par Léon Potier, abbé de Gesvres, protonotaire apostolique (petit-fils de René Potier et fils de Léon, le vendeur de Sceaux), qui l’avait engagé comme son « maître d’hôtel » ; rentré à Paris en 1688, ce Léon Potier, loin de l’oublier, intervint au moins deux fois en sa faveur, en 1692 et en 1696 ; lui et sa sœur furent parrain et marraine de sa dernière fille, née à Paris en 1700 et baptisée en l’absence du père resté à Rome, à la demande de sa mère Élisabeth Jourdain qui avait déjà regagné la France.
Tous ces indices montrent que les relations entre Théodon et la famille des Potier et même celle des Luxembourg furent multiples. L’hypothèse que René Potier ait recommandé l’artiste à Colbert paraît très vraisemblable. Elle ne permet pas pour autant d’identifier le sculpteur qui avait assuré sa formation.
Ces Potier n’étaient certes pas des ignorants en matière artistique. Nous avons vu que René avait fait appel à François Mansart pour la modernisation de son château de Gesvres. Rappelons que les Potier surent, par ailleurs, se tourner vers d’excellents sculpteurs pour les quatre imposants monuments funéraires qu’ils firent dresser dans leur chapelle familiale au couvent des Célestins : ceux de l’épouse de René Potier, Marguerite de Luxembourg, duchesse de Tresmes († 1645) ; de René Potier, duc de Tresmes († 1670) ; de leur fils Louis Potier, marquis de Gesvres, mort à 33 ans († 1643) ; et celui enfin que leur autre fils, Léon Potier, duc de Gesvres († 1704), se fit à son tour ériger vers 1702 [15]. Cela montre de la part de cette famille certaines ambitions et des accointances manifestes avec les meilleurs cercles artistiques parisiens. Pour le monument de René, un premier marché avait été passé avec Pierre II Biard en 1661. Celui de Louis Potier, jeune homme en armure, est l’œuvre d’Étienne Le Hongre. Les figures en priants de Marguerite, de René et de Louis, ont survécu et sont déposées dans l’église de Saint-Gervais à Paris. Elles montrent chacune une grande qualité plastique. Une enquête reste à approfondir sur ces œuvres remarquables.
Le Martyre de saint Victor au Plessis-Placy
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- 10. Jean-Baptiste Théodon (1645-1713)
Le martyre de saint Victor, état de 1997
Plâtre – H. 300 cm
Le Plessis-Placy, église
Photo : G. Delalande - Voir l´image dans sa page
Profitant de l’hospitalité que m’offre cette Tribune accueillante, je voudrais enfin rappeler le sort déplorable qui guette une autre œuvre peu connue des dernières années de Théodon : le Martyre de Saint Victor dans l’église du Plessis-Placy, Seine-et-Marne, située à 10 km de Vendrest (ill. 10). Une tradition locale rapporte que ce fut l’abbé Jean-Baptiste Guyard, curé de cette paroisse entre 1691 et 1736, qui eut l’idée de commander l’œuvre à l’ancien enfant du pays devenu célèbre [16]. Alicia Adamczak a retrouvé le paiement qui confirme cette attribution.
D’anciens récits hagiographiques rapportent que le chrétien Victor, soldat romain de la légion thébaine sous l’empereur Maximien, ayant refusé de sacrifier aux dieux, fut attaché par des cordes à un chevalet où il fut supplicié. Théodon a traduit cette scène dans un haut relief en plâtre haut de 3 mètres environ, groupant cinq personnages : saint Victor, à demi nu, ligoté contre un chevalet par des cordes reliées à une poulie, s’entretient avec le Christ qui lui apparaît avant qu’il n’expire, tenant sa croix et entourant de son bras gauche les épaules du saint, adoucissant angoisses et douleurs ; derrière, la figure de la Foi élève un calice vers le ciel ; au premier plan un Ange présente la palme des martyrs et un Angelot tend vers le saint une couronne de lauriers. L’artiste a su admirablement exprimer la tendre complicité unissant le Christ et Victor qui se tourne d’un élan plein de confiance vers Lui, faisant de ce morceau un des plus émouvants du début du siècle et montrant une évolution tardive et prometteuse du sculpteur, déjà âgé. Un sentiment analogue animait les deux statues de Saint Jacques le Mineur et Saint André qu’il avait sculptées cette même année 1707 pour la chapelle royale de Versailles.
Le haut relief du Plessis-Placy, « tableau vivant » d’esprit beaucoup plus romain que français, est placé comme retable derrière l’autel de la petite église, dans une niche en cul de four ouverte sur le ciel construite à cet effet, qui lui procure un éclairage zénithal naturel. Il est touchant de voir l’artiste vouloir, au retour d’une glorieuse carrière outre-monts, faire bénéficier cette modeste église de campagne, proche de son village natal, d’une composition originale et ambitieuse qui en rappelle d’autres qu’il avait pu contempler dans la Ville des papes [17].
En dépit d’un classement vieux de cent ans aux Monuments historiques, ce beau relief est tombé dans un relatif oubli, l’église du Plessis-Placy située hors du village, encore affectée au culte, n’étant que rarement ouverte. Et surtout, hélas, il se détériore rapidement [18].
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- 11. Jean-Baptiste Théodon (1645-1713)
Le martyre de saint Victor(détail), état de 2001
Plâtre – H. 300 cm
Le Plessis-Placy, église
Photo : G. Delalande - Voir l´image dans sa page
En 1984, l’affaissement du pignon de l’église entraîna le lancement d’importants travaux de restauration en particulier aux charpentes, à la voûte et à la toiture. Le retable, en plâtre comme nous l’avons dit et à armatures métalliques, est en fort mauvais état en raison de l’humidité qui exerce ses ravages. C’est ainsi que les bras de plusieurs personnages ont subi des dommages, des fissures sont apparues, aggravées par des bris accidentels, et des éléments d’armature sont maintenant à nu (ill. 11).
Voilà treize ans que les premières démarches ont été entreprises pour attirer l’attention de l’administration sur son état. Étant donné qu’il se trouve dans l’église d’une très petite commune, il requiert tout particulièrement une prise en charge diligente de la part des autorités responsables de la conservation des Monuments Historiques. Ce retable, d’une conception et d’une réalisation très originales dans l’histoire de la sculpture française, mériterait pourtant que tout soit tenté pour le conserver.
À la demande de la Direction régionale des Affaires culturelles à Paris, Hugues de Bazelaire avait dressé en 2004 un long rapport d’étude préalable à sa restauration. Il préconisait de le placer dans une enceinte close équipée d’un appareil déshumidificateur et de n’envisager sa réfection et son replacement que six mois après la reconstruction de la voûte et quand le plâtre serait sec.
En 2006 ont été effectués un simple nettoyage et un traitement des parties métalliques apparentes, avec pose de protections.
Il est de la plus grande urgence que les travaux de sauvegarde soient entrepris si l’on veut sauver ce retable magnifique.