L’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a organisé hier mercredi une conférence de presse faisant le point sur les découvertes de Notre-Dame.
La Tribune de l’Art n’y a pas été invitée et l’a découverte via un tweet de cette institution. Il est vrai que c’est un dossier dont nous ne parlons presque pas, ils n’y ont donc sans doute pas pensé… À moins, c’est plus probable, qu’ils n’aient craint que nous posions des questions indiscrètes sur la non poursuite des fouilles du jubé dans le chœur (voir l’article) ? Ou sur les destructions occasionnées par la nécessité d’accélérer le chantier (voir l’article) ?
- 1. Un des deux sarcophages en plomb retrouvés dans les fouilles de la croisée du
transept de Notre-Dame dont l’un contiendrait les restes de Joachim du Bellay
Photo : Didier Rykner (25 mars 2022) - Voir l´image dans sa page
Quoi qu’il en soit, l’INRAP a trouvé un sujet anodin qui fait beaucoup parler dans les gazettes : la découverte possible du cercueil de Joachim du Bellay (ill. 1) ! Une hypothèse fragile qui devient pour beaucoup une certitude absolue et qui déclenche une passion qui n’est pas loin de relever du fétichisme.
Car même si tel était le cas (et encore une fois, c’est loin d’être sûr comme le reconnaissent d’ailleurs les scientifiques), quel en serait le véritable intérêt ? De prouver que Joachim du Bellay est bien mort ? On avait quelques indices à ce sujet.
De prouver qu’il était cavalier (il n’était pas le seul à cette époque) ? Qu’il est mort de ce que l’on pensait ? Qu’il a bien été enterré dans la cathédrale (pas à l’endroit où on l’a trouvé, mais c’est un détail bien sûr) ? Non, puisque ce sont ces critères qui ont amené à estimer que, probablement, il pouvait sauf erreur s’agir, éventuellement, du corps de Joachim du Bellay.
Admettons donc un instant que cette information soit exacte et qu’il s’agisse bien de lui. Qu’en tirerions-nous ? D’où vient cette rage à extraire de leur dernière demeure les figures célèbres de l’Histoire [1] ? Les cimetières en sont plein. Que cela puisse intéresser les historiens pour déduire quelques enseignements de l’étude du corps, pourquoi pas [2], mais il s’agit ici de bien autre chose. On n’est pas loin de la fausse science, où des hypothèses deviennent certitudes et où les faits n’ont plus d’importance.
- 2. Deux fragments de sculptures du jubé de Notre-Dame (début du XIIIe siècle) retrouvés lors des fouilles de la croisée du transept
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
En revanche, prouver une autre hypothèse largement partagée par les archéologues et les historiens, celle de la présence dans des zones non fouillées du côté du chœur du reste du jubé (ill. 2) pas encore découvert, ne sera pas possible. Les sculptures du XIIIe siècle resteront enfouies, pour ne pas contrarier le président de la République qui a exigé la « reconstruction » de la cathédrale pour l’année 2024. Une « reconstruction » - en réalité bien sûr une restauration - qui ne sera en réalité pas terminée le 8 décembre, mais devrait encore se poursuivre jusqu’en 2030.
Comme nous l’avons écrit et dit à plusieurs reprises, rien n’interdirait pourtant de poursuivre pendant quelques mois ces fouilles archéologiques en avançant provisoirement l’autel vers la nef et en interdisant la zone aux visiteurs qui auraient pu, néanmoins, suivre l’avancement des recherches derrière des cloisons transparentes.
Instruire les visiteurs en leur montrant un chantier archéologique dans un édifice religieux, retrouver des sculptures extraordinaires qui enrichiraient le patrimoine français ? Comme l’avait expliqué la précédente ministre : « ce n’est pas un sujet » ! Mieux vaut distraire les Français avec les prétendus restes de Joachim du Bellay.
Le poète et le jubé. Cela aurait pu faire une jolie fable pour la Fontaine.