Le petit grand Louvre d’Emmanuel Macron

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Emmanuel Macron pendant son discours au Louvre devant la Joconde
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Le discours d’Emmanuel Macron au Louvre, où il a souhaité apparaître comme le sauveur d’un musée dont il ne s’est jamais préoccupé jusqu’à aujourd’hui, était cousu de fil blanc. Nous savions déjà depuis deux ans que la présidente du Louvre, Laurence des Cars, et le président de la République voulaient leur « Grand Louvre » avec une entrée du côté de la Colonnade, de nouvelle salles d’exposition et - cette information était un peu plus récente - une salle spéciale pour la Joconde afin de la retirer du circuit global pour désengorger la salle des États, la Grande Galerie, et plus généralement toute cette aile du Louvre. Ce projet aura pour nom « Nouvelle Renaissance du Louvre ». Une sorte de rerenaissance donc. « Renaissance », le nom du parti du président ! « Renaissance » comme la Joconde ! Trop fort.

Comme nous l’avons écrit hier : oui, isoler la Joconde est une bonne idée, et oui il faut de nouvelles entrées au Louvre. Est-ce malin de creuser cette nouvelle salle sous la cour Carré ? Pourquoi pas… En revanche, vouloir faire une seule nouvelle entrée supplémentaire de grande taille, du côté de la colonnade, alors qu’il faudrait plusieurs petites entrées en divers points du Louvre, est une très mauvaise idée [1], et pourquoi de nouvelles salles d’exposition qui ne sont pas une priorité, le Grand Palais étant fait pour cela ? Et pourquoi, surtout, lancer - il en était déjà question il y a deux ans et il l’a dit aujourd’hui [2] - un concours international d’architecte ? Un concours international d’architecte pour aménager une entrée dans un monument classé et faire des salles souterraines ? Nous avons beau avoir eu l’assurance de Laurence des Cars que la Colonnade de Perrault ne serait pas abimée, ce risque n’est évidemment pas à écarter. Après son geste sur les vitraux à Notre-Dame, le président de la République en voudra probablement un au Louvre. La mégalomanie à l’œuvre.

Et la question de la vétusté du palais, dont nous parlions également dans notre article de lundi ? Il l’a évacuée assez rapidement en annonçant que tout allait être remis à neuf ou presque car, évidemment, c’est beaucoup moins glamour. Et en seulement six ans cette fois, plutôt que cinq.
Bien évidemment, rien n’a été détaillé. Rien sur les causes de ces dysfonctionnements au musée : comme pour Notre-Dame, personne n’est responsable. Rien non plus sur la capacité de la présidente actuelle à mener un chantier qu’elle aurait dû pourtant commencer depuis trois ans. Rien également sur le financement : combien cela coûtera-t-il ? On parle désormais du chiffre délirant de près d’un milliard d’euros, 500 millions environ pour chaque partie du projet. Qui paiera ? Si la moitié, comme nous l’avions écrit, semble assez facile à trouver, qu’en serait-il de l’autre ? Les recettes d’entrée (notamment avec un tarif différencié pour les étrangers hors Union Européenne [3]), les versements d’Abu Dhabi également (ce qui est la moindre des choses comme nous le disions) et le mécénat seraient mis à contribution. Mais rien n’est dit sur l’origine de ce mécénat. S’il faut plusieurs centaines de millions d’euros pour construire ce projet, il est fort peu probable qu’une souscription populaire soit un vrai succès. Bernard Arnault mettra-t-il la main à la poche pour assurer des flux de visiteurs du côté de la Samaritaine qui est en manque de fréquentation ? C’est une hypothèse qui circule depuis deux ans, même si elle a depuis été mollement été démentie. Pratiquement pas un sou ne viendra des pouvoirs publics a-t-il assuré. Comme pour la reconstruction de la flèche de Saint-Denis, où cette promesse, non tenue, avait également été faite ?

La cerise sur le gâteau, c’est l’hommage rendu par Emmanuel Macron à Anne Hidalgo, qui a passé ses deux mandats à faire disparaître la capitale avec sa complicité passive. La Ville de Paris devrait prendre en charge le réaménagement de la rue devant la colonnade. Nous pouvons craindre le pire, à moins qu’elle ne choisisse, comme pour la Concorde, de mettre en place un comité d’experts (voir l’article).
Quant aux travaux lourds qui devraient être menés sur le palais du Louvre et qui se feront heureusement sans fermeture du musée, il reste à espérer qu’il seront soumis à toutes les mesures nécessaires que nous demandons depuis très longtemps pour les chantiers monuments historiques. On imagine les conséquences d’un incendie qui serait causé par ces travaux…
Il est à craindre hélas que nous ne devions faire face à un nouveau combat patrimonial. C’est décidément sans fin.

Didier Rykner

Notes

[1On nous dit qu’il faut par exemple des « bagageries », mais si un visiteur a des bagages à déposer, qu’il passe par la Pyramide…

[2Sans grande surprise, nous avions eu cette information en direct du Louvre dès hier, et nous l’avions tweeté.

[3Il faudra désormais un passeport ou une carte d’identité pour entrer au Louvre !

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