- Entrée de l’hôtel de Villeroy à Lyon
où se trouve le Musée des Tissus
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Qu’on ne se fasse pas d’illusions : le Musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon est au bord du gouffre (voir notre article) et si aucune réaction sérieuse des différents protagonistes n’a lieu d’ici la réunion du 8 mars, sa fermeture sera décidée le 14 mars, jour de l’Assemblée générale de la chambre de commerce, avec les conséquences incalculables en terme patrimonial, scientifique et financier que cela impliquera.
Il est temps, désormais, de mettre chacun devant ses responsabilités.
Les premiers responsables sont l’État, le Président de la République et le Premier ministre Manuel Valls. En diminuant drastiquement les ressources fiscales et en ponctionnant intégralement ou presque les réserves des chambres de commerce sans se préoccuper une seconde des cas particuliers comme celui de la CCI de Lyon qui entretient le musée, ils auront forcé cette dernière à se désengager et à fermer un musée qu’ils n’ont plus les moyens de faire fonctionner.
Un autre responsable est le Ministère de la Culture, c’est-à-dire encore l’État. La diminution sans précédent du budget du ministère de la Culture (encore un choix du Président de la République) a été supportée essentiellement par la mission patrimoine, c’est-à-dire les musées et les monuments historiques. Mais même avec ces baisses, il serait possible pour le ministère de prioriser la prise en charge, au moins pendant deux ou trois ans, le temps de trouver une solution viable, du Musée des Tissus et des Arts décoratifs (rappelons que nous parlons ici d’un coût de 2 millions d’euros par an, soit une goutte d’eau dans le budget du ministère). Il pourrait même envisager de transformer ce musée en musée national, ce que ses collections et son caractère unique justifieraient amplement.
Mais la politique du ministère, dont la continuité est assurée par Vincent Berjot, le directeur des patrimoines, et Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France, est celle de Ponce Pilate. On ne veut rien savoir, c’est une affaire locale, c’est l’affaire de Lyon et de la CCI de Lyon, on aidera s’ils prennent la chose en charge… Bref, ce n’est pas de leur faute.
Si, la fermeture du Musée des Tissus et des Arts décoratifs serait bien leur faute car ils ont en charge la politique des musées en France.
La responsabilité de la mairie de Lyon est aussi considérable. Courage, fuyons ! semble dire Gérard Collomb qui n’a même pas participé à la dernière réunion organisée par le préfet et la DRAC. Que la mairie ait dû reprendre le fonctionnement du Musée des Confluences n’est pas une excuse. Devant une situation telle que celle là, il était nécessaire et possible de rogner un peu son budget annuel quitte à diminuer temporairement ses activités pour maintenir ouvert le Musée des Tissus et des Arts décoratifs. Aux côtés de François Hollande, Manuel Valls, Fleur Pellerin, Audrey Azoulay [1], Vincent Berjot et Marie-Christine Labourdette, la responsabilité de Gérard Collomb est également écrasante.
La position de l’État est absolument incompréhensible car son refus de s’engager financièrement va lui coûter encore plus cher. Les articles L452-2, L452-3 et L452-4 du Code du Patrimoine sont clairs : si les collections d’un musée de France sont mises en danger, l’État devra participer aux frais de mise à l’abri pour la moitié du coût total de l’opération.
Sachant que la fermeture du musée s’accompagnera forcément d’un déménagement (la CCI reprenant la propriété des hôtels particuliers où il est abrité) et du départ de tout le personnel, conservation y compris, la collection sera mise de facto en danger. Et non seulement le ministère de la Culture devra payer cela, mais il devra à terme prendre en charge complètement les collections pourtant fermées au public. Pour paraphraser Churchill, ils auront eu le choix entre dépenser de l’argent pour sauver le musée et le déshonneur, ils dépenseront beaucoup d’argent pour fermer le musée et ils auront le déshonneur.
Comment peut-on affirmer, comme Audrey Azoulay l’a fait hier, que « Plus que jamais la culture est notre urgence » et laisser mourir le Musée des Tissus ? Comment peut-on prétendre dénoncer le vandalisme partout dans le monde et laisser mourir le musée des Tissus ? Comment peut-on ignorer les presque 100 000 signatures de la pétition et laisser mourir le Musée des Tissus [2] ? Comment mépriser ainsi la mobilisation de la communauté des chercheurs et des historiens de l’art internationaux (dont l’ancien directeur du Metropolitan Museum) et laisser mourir le Musée des Tissus ? Un crime contre la Culture est en train de se commettre, et tout le monde regarde ailleurs.