- Vue panoramique de Lens prise depuis le site Ecopole
Photo : Hemmer (Wikimedia)
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Lorsque l’Etat et le ministère de la Culture se décident, pour une fois exemplaires, à faire respecter la législation des monuments historiques, celle-ci prouve son utilité. Un élu local, Guy Delcourt, le maire de Lens, vient de montrer par l’exemple que la vigilance était plus que jamais nécessaire.
L’histoire est édifiante et a largement été contée, principalement dans la presse régionale [1]. Dans le cadre d’une proposition de classement au patrimoine de l’UNESCO [2] des cités minières du Nord, plusieurs d’entre elles ont bénéficié de protections au titre des monuments historiques, tout à fait justifiées par l’intérêt que ce type d’habitat représente, notamment du point de vue urbanistique. En 2009, neuf bâtiments de Lens liés à la mine ont été inscrits.
Le 1er décembre 2009 le « groupe scolaire Jean Massé, ancienne habitation du directeur des écoles, et ancien patronage de la Cité n° 12 » a ainsi fait l’objet d’une inscription. La protection de l’habitation du directeur des écoles n’a pas eu l’heur de plaire au maire de la ville, Guy Delcourt. Celui-ci vient en effet de commencer à la détruire, osant dénoncer : « le diktat des fonctionnaires de l’Etat qui s’autorisent à décider à la place des élus locaux [3] ».
On s’étonne que cette position ne soit pas dénoncée unanimement par la classe politique et par le Parti Socialiste auquel Guy Delcourt appartient. C’est un peu comme si ce dernier déclarait, à propos d’un policier le verbalisant pour conduite dangereuse, que ce fonctionnaire n’a pas à décider à la place d’un élu local comment il doit conduire sa voiture. Il rend en effet l’architecte des bâtiments de France responsable de cette situation, d’ailleurs à tort. L’autorisation de démolir un monument historique (un scénario qui devrait être interdit) doit être donnée expressément par un avis conforme du ministre [4]. Manifestement, soucieux de démolir l’un des très rares monuments historiques de sa ville [5], le maire en profite pour mener une nouvelle attaque contre les ABF. On peine à penser qu’elle ne soit pas concertée, au moins inconsciemment, avec toutes celles qui ont eu lieu récemment dans la réforme des Zones de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager. La dialectique est la même ; certains élus estiment manifestement que ce statut leur donne tous les droits.
Le principal argument de Guy Delcourt est d’une pauvreté affligeante : les constructions concernées n’auraient « aucun caractère exceptionnel [6] », sans comprendre que c’est leur ensemble qui fait sens, la manière dont elles sont ordonnancées qui donne tout leur intérêt à ce patrimoine, sans oublier leur forte portée historique et symbolique. Il dénonce également le retard pris pour la création de logements (on ne voit pas pourquoi, puisqu’il lui suffirait de réhabiliter ceux qu’il veut détruire) ou, bien évidemment, l’argument ultime, celui de la sécurité des riverains, que les lecteurs de La Tribune de l’Art connaissent bien puisqu’il est invoqué, la plupart du temps à tort, à chaque fois qu’il est question de détruire un monument.
Fort heureusement, la démolition entamée a été interrompue grâce à une mise en demeure préfectorale et à un procès-verbal dressé par le Conservateur régional des monuments de France pour « démolition sans autorisation ». Si le maire a interrompu le vandalisme en cours (s’estimant « sidéré par la promptitude avec laquelle les services de l’Etat ont réagi » - sic !) [7], il ne renonce pas à ses desseins et se barricade dans son attitude de bravache.
Que ce soit le maire de Lens qui tente de passer outre la loi en entamant la démolition de ce bâtiment est édifiant. Cette ville dont le patrimoine est pourtant à peu près inexistant veut donc se débarrasser d’un de ses rares monuments historiques [8] qui pourrait, grâce à l’éventuel classement de l’UNESCO, attirer les touristes qui lui manquent tant. Rappelons que c’est dans cet objectif avoué que le Louvre-Lens, un projet que nous combattons depuis le début, a été conçu, récompensant un élu qui montre qu’il est bien peu soucieux de la culture. Nouvelle preuve (par l’absurde) qu’il s’agissait purement d’une décision politique.