- La verrière du Grand Palais
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Il y a presque exactement deux ans, nous publiions une enquête détaillée sur le scandale à venir de la rénovation du Grand Palais. Plusieurs journaux ont depuis confirmé notre analyse, qui est aussi celle de la Cour des Comptes, du Canard Enchaîné à Valeurs actuelles, en passant par Le Point. Tous dénoncent le gouffre financier que va représenter ce projet qui ne répond en réalité à aucune nécessité. Alors que jamais l’argent n’a été aussi rare pour la Culture, que les cathédrales flambent faute de budget pour les sécuriser, que le patrimoine est partout en grand danger, on s’apprête à dépenser plus de 600 millions d’euros (chiffre cité à Valeurs actuelles par un cadre de la RMN-GP, alors que le budget initialement estimé à 236 millions, était passé ensuite à 466) pour rien. Et cela alors que les travaux, hors ceux de restauration, n’ont pas encore commencé. Nul doute que cela augmentera encore comme pour tous les chantiers de ce type menés par l’État.
Cette affaire est exemplaire de ce à quoi aboutit souvent la haute administration française, qui n’est en réalité contrôlée par personne. Les politiques passent et sont souvent des amis proches, formés aux mêmes écoles. Quant à la Cour des Comptes, elle n’a en réalité aucun autre pouvoir que celui de dénoncer les dérives à venir ou déjà survenues sans que jamais personne n’ait jamais de véritables comptes à rendre.
Dans le cas des travaux du Grand Palais, dont beaucoup sont conscients qu’ils mènent droit à une catastrophe financière, le déroulement des opérations est presque une caricature. Ceux-ci ont été lancés par Jean-Paul Cluzel, président de la RMN-GP, qui voulait lui aussi avoir son grand projet. Alors qu’il a pris sa retraite depuis déjà plus de quatre ans, ce projet continue, comme en roue libre, sans que personne ne songe une seconde à le remettre en question. Son successeur à la tête de la RMN-GP, Sylvie Hubac, a poursuivi dans la même voie avec la bénédiction de la ministre de la Culture Françoise Nyssen, et celui qui préside désormais cette institution, Chris Dercon, qui n’est pourtant absolument pas persuadé de son bien fondé, continue comme si de rien n’était. Franck Riester, que plusieurs personnes ont alerté, n’a rien fait. Et pour cause : il est un ami proche de Jean-Paul Cluzel. Ce dernier, énarque et ancien inspecteur des finances, fait partie de la même caste qu’Emmanuel Macron, qui était ministre de l’Économie quand l’État a apporté sa caution pour les emprunts contractés par la RMN-GP pour ce projet. Si celle-ci ne peut pas payer (et à peu près tout le monde sait qu’elle ne pourra pas payer) c’est l’État, donc le contribuable, qui financera.
Et que financera-t-il ? Une nouvelle galerie marchande et quelques salles d’expositions supplémentaires. Rien d’indispensable comme nous l’avions amplement démontré et comme au fond chacun le sait, sans que rien ne soit fait pour arrêter les frais alors qu’il en est encore temps. Cette affaire montre une fois de plus ce que donne une politique ultra libérale, lorsque celle-ci est financée avec de l’argent public. Un oxymore qui, dans le domaine du patrimoine, ne profite jamais à celui-ci. On est dans un accord perdant-perdant. Le patrimoine perdra, et le contribuable également. D’autres, bien sûr, y gagneront…