Le goût artistique d’un grand financier au XVIIe siècle : Jacques Bordier

Vie et carrière de Jacques Bordier (vers 1590-1660) [1]

1. Gravure de Pieter Louis Van Schuppen
(1627-1702)
d’après Jean de Dieu (1625-vers 1672)
Portrait de Jacques Bordier
(incorrectement prénommé Pierre), 1657
34 x 25,6 cm
Paris, BnF
Photo : Thierry Prat.
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Bien souvent, on a décrié les financiers, les maltôtiers, les percepteurs, à qui l’on en a voulu d’avoir assis leur fortune sur la vôtre. Ainsi cette mauvaise langue de Tallemant des Réaux, quand il parlait de Bordier : « c’est un homme fin, civil quand il veut mais qui se prend fort pour un autre en toute chose. Il a fait aux Raincys une des plus grandes folies qu’on puisse faire ; cela l’incommodera à la fin, car il faut bien de l’argent pour entretenir cette maison » [2]. De l’argent, Bordier en eut et en mania à profusion, moins sans doute vers la fin de sa vie, et il est vrai que le Raincy lui coûta cher. Il fut jalousé, détesté même, à tel point que le 12 août 1647, le vicomte de Fontrailles et quelques grands seigneurs se retrouvèrent au château du Raincy pour en « casser toutes les vitres » [3].
On se tromperait cependant si l’on ne voyait en Jacques Bordier, petit fils d’un marchand de chandelles place Maubert, qu’un parvenu trop rapidement enrichi par des procédés douteux (ill. 1). Il répond en fait parfaitement au portrait-type des grands financiers du temps qu’a dressé Françoise Bayard, vrais techniciens dans leur métier, « piliers presque inébranlables d’une monarchie qui, sans eux, n’aurait jamais pu accéder à la puissance et à la magnificence » [4]. Nés dans la classe marchande et issus de la bourgeoisie parisienne, leur percée est toujours conditionnée par la cohorte des amis et des parents qui ne cessent de les assister.
Notre propos n’est pas de nous attarder sur son ascension dont nous n’évoquerons que quelques étapes. Après des études de droit, il devient avocat au Parlement de Paris ; son mariage en 1614 dans le riche milieu notarial des Lybault le conduit à changer d’orientation et à se diriger vers la finance : la trésorerie des gabelles du Lyonnais. La progression est ensuite rapide. En 1628, il est intendant des maisons et finances d’Anne d’Autriche, en 1635, il achète la charge de secrétaire ordinaire du Conseil d’Etat et direction des finances pour un montant de 600.000 livres. Le 11 juin 1649, c’est l’apogée avec la charge d’intendant des finances qu’il partage avec trois autres intendants. La traversée de la Fronde de 1648 à 1651, années catastrophiques pour des financiers fidèles au roi comme lui, ébranle sérieusement sa fortune, mais il réussit à se relever. Le roi lui accorde en 1657 la survivance de sa charge d’intendant des finances et lorsqu’il meurt le 27 septembre 1660, sa fortune, assise sur des biens mobiliers, terres et maisons, meubles meublants et sur ses offices dont celui d’intendant des finances estimé 800.000 livres, assure à ses héritiers une succession bénéficiaire. Les nouvelles amendes infligées en 1661 par la chambre de justice vont tant l’oblitérer qu’elles acculent ses héritiers à procéder à la liquidation de ses biens.
Plutôt que les hauts et les bas de cette belle carrière, nous voudrions mettre en lumière les circonstances de sa vie qui incitèrent ce grand financier à s’intéresser à l’art. Circonstances familiales d’abord : si le grand-père Zamet, riche chandelier, possédait une grande maison à trois corps d’hôtel rue Mouffetard, le père, Robert, époux de la non moins fortunée Guisarde Le Juge, vivait dans une demeure pourvue d’un beau mobilier et de nombreux tableaux [5]. Mais c’est son mariage en 1614 avec Catherine Lybault, issue d’une dynastie de notaires parisiens bien implantés dans la capitale, qui le met véritablement en contact avec des amateurs d’art. Jacques pénètre dans un clan familial véritablement ouvert aux arts et aux lettres. Les Lybault le font bénéficier de leur clientèle où l’on trouve les Macquart, les Hobier, les Quentin, les Margonne [6], financiers et investisseurs de haut vol susceptibles de prêter et de cautionner. Ces notaires et ces financiers trouvent plaisir à vivre dans de beaux hôtels luxueusement meublés, à s’entourer de tableaux et de tapisseries dont les inventaires après décès font foi. Il est de leur devoir de démontrer leur réussite par la richesse de leur cadre de vie, afin d’inspirer confiance à leurs clients.
Jacques Bordier l’a déjà compris en 1624 lorsque, devenu sous-fermier d’Antoine Feydau qui possède les deux plus grosses fermes de France, celles des aides et des gabelles, il voit celui-ci mener fastueuse vie dans son château de Bois-le-Vicomte, doté d’une superbe galerie de tableaux. Feydau représentait pour lui le modèle à suivre [7]. Bordier décide de s’installer dans le nouveau quartier qui avait la faveur des financiers, le Marais, dans l’actuelle rue du Parc Royal, où vivent ses parents et amis, il faudrait plutôt dire son « lobby », où figurent Claude Margonne et bientôt Étienne Macquart.

Demeures de prestige : l’hôtel parisien, la maison du Raincy

Le 30 mars 1628, Bordier acquiert dans cette rue, par échange, une maison que Claude Charlot venait d’acheter à Charles Margonne (le frère de Claude Margonne). C’est pour lui un moyen d’affirmer son insertion dans le monde de la haute finance. L’hôtel, à l’actuel numéro 10 (devenu plus tard hôtel de Vigny [8]), construit en 1618 par l’architecte Thiriot pour Margonne, comporte un corps de logis entre cour et jardin avec deux ailes en retour sur la cour ; au fond du grand jardin, un autre corps d’hôtel donnant sur la rue Saint-Anastase abrite Étienne Lybault [9]. Jacques Bordier et Étienne Lybault sont doublement beaux-frères : en effet, c’est la sœur d’Étienne, Catherine, que Jacques avait épousée en 1614, et Étienne se maria en 1628 avec Claude Bordier, sœur de Jacques. Les époux Lybault, Étienne et Claude, vont jouer un rôle essentiel pour notre propos.
Dès l’achat de la maison, Bordier entreprend des travaux puis, en 1642-1643, augmente le nombre de bâtiments auxquels ne semble pas étranger Louis Le Vau [10], transformant les appartements pour lesquels il construit l’aile droite et surélève l’aile gauche, les dote d’un grand escalier, construit une chapelle et, dans le jardin, une fontaine, aménage une petite salle des bains, un luxe encore rare, et meuble magnifiquement les pièces de l’appartement, grand salon, grande chambre, cabinet doré etc. Là se déploie son mobilier : cabinets d’ébène et cabinets de la Chine, miroirs de Venise, tapis de Turquie, clavecin, épinette, et surtout des tapisseries de valeur : sept pièces de haute lice tissées à Paris représentant l’histoire de Renaud et Armide, tapisseries à fleurs, brocatelles de Venise, verdures et grotesques des Flandres, plusieurs tentures de Rouen, plusieurs tentures de ligature, une pièce représentant Goliath. Charles Hurel, François Belin et Girard ont peint les dessus-de-porte et les trumeaux de cheminée. La grande chambre, avec son lambris peint à l’huile de grisailles et de culs-de-lampe d’or bruni, ses marqueteries et ses poutres au plafond, a servi de modèle à Jacques Poitevin pour son hôtel rue du Coq Héron.
Comme ses confrères, Bordier cherche aussi à investir sa fortune dans des constructions urbaines de rapport. C’est ainsi qu’il est devenu l’un des premiers constructeurs dans l’île Notre-Dame (Ile Saint- Louis) dont le chantier s’est ouvert depuis peu, en s’associant en 1633 au puissant groupe de Claude Charlot son ami fidèle, d’Ithier Hobier son cousin et de Quentin de Richebourg. Ses opérations dans l’île auxquelles est mêlé l’architecte Louis Le Vau [11] l’ont mis en relation avec le sculpteur Jacques Sarazin.
Mais surtout, il voit les grands financiers manifester leur réussite dans les somptueuses demeures qu’ils se font construire autour de la capitale : le maréchal d’Effiat, devenu surintendant des finances, édifie en 1630 le château de Chilly ; Claude de Bullion également surintendant des finances, transforme à Wideville la demeure de Benoît Milon ; maître de la Chambre aux deniers et maître d’hôtel du roi, toujours soucieux d’éblouir, Louis Hesselin donne des fêtes mémorables dans sa maison de Chantemesle près de Fontainebleau ; Claude Le Rageois, secrétaire du conseil des finances, entreprend en 1634 l’édification du château d’Avron. A son tour, Jacques Bordier achète à la fin de 1639, au nord-est de Paris, la terre du Raincy où il va construire jusqu’en 1645 une magnifique maison, dénommée château en 1660 ; le jeune roi et sa cour y descendront par deux fois en août 1648.
L’hôtel de Paris et le château du Raincy, que le fils aîné de Jacques, Hilaire, sera obligé de vendre : l’hôtel en 1661 à sa cousine Anne de Villers, et le château en 1663 à Anne de Gonzague, avaient été ornés d’une belle collection de tableaux, détaillée dans les inventaires après décès de Catherine et de Jacques [12]. Nous en comprendrons mieux la teneur si nous nous penchons d’abord sur celle dont s’étaient entourés Étienne Lybault et son épouse Claude Bordier. Leur testament et l’inventaire dressé après la mort de Claude Bordier (DOC. 2, 3, 4) ouvrent des perspectives révélatrices.

Collections d’Étienne Lybault

2. Domenico Zampieri, dit Le Dominiquin
(1581-1641)
Le Ravissement de saint Paul,
vers 1606-1608
Peint sur cuivre - 50 x 38 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : F. de La Moureyre
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Dans son testament du 1er avril 1641, Étienne Lybault se préoccupe de ce qui lui tient à cœur, ses tableaux. Il offre à Étienne Macquart, son bon ami et son exécuteur testamentaire, un petit tableau de Corneille représentant Cérès et Bacchus [13], et deux petits Brueghel qui sont dans son cabinet. À son beau-frère Jacques Bordier, il fait présent de deux grands Poussin (voir plus loin invent. 1652) et il lui restitue la Vierge du même Poussin que Bordier lui avait laissée. Il ajoute dans le codicille du 15 avril suivant qu’il lui donne en outre le Valentin représentant les Quatre Âges (voir plus loin inventaire 1652). Il laisse à son ami Charles Hurel « un bloc de marbre qu’ils ont acheté ensemble du sieur Sarazin », sous la condition qu’Hurel « épouse Marguerite Bellier, suivante de madame Bordier ». Il demande aussi à Hurel d’offrir de sa part à monsieur de Saint-Pierre, Roger de Robineau, une copie de la main dudit Hurel du Ravissement de saint Paul du Dominiquin.
L’original de ce Ravissement de saint Paul, peint sur cuivre par le Dominiquin, avait bel et bien fait partie des collections d’Étienne Lybault. Il avait été peint à Rome vers 1607 pour Monseigneur Agucchi. S’il ne figure pas dans le testament de Lybault, c’est parce que Lybault l’avait auparavant offert aux jésuites de la rue Saint-Antoine, à condition que les pères le conservassent dans leur sacristie. Cependant, en 1682, les jésuites l’offrirent à Louis XIV et le tableau se trouve aujourd’hui au Louvre (ill. 2). Quelques lignes de la main de Lybault écrites sur une étiquette collée au dos attestent de son origine [14]. Mais avant de se défaire de cette œuvre de qualité, Lybault en avait commandé des copies à Hurel, que l’on trouve chez sa première épouse, Antoinette Bornat, et chez plusieurs financiers [15].
Trois ans plus tard, sa veuve, Claude Bordier, la sœur de Jacques, demeurant « chez son frère rue du Parc Royal », teste à son tour le 23 janvier 1644 [16] et fait plusieurs legs : à la première de ses filles qui entrera au couvent, comme dot, une Vierge peinte par Vouet « dont le nom est au bas du tableau » ; à son frère Jacques qui sera tuteur honoraire des enfants mineurs, un petit tableau d’une Vierge par Léonard de Vinci ; à son neveu Hilaire Bordier, une Moisson de Lorrain, le priant de « ne pas considérer la valeur mais l’affection qu’elle a pour lui » ; à ses amis Macquart, une Vierge de l’Albane [17] et d’autres toiles anonymes, ruines et paysages, et une Madeleine. Elle offre de plus au curé de Saint-Gervais un tableau de fruits et aux ursulines de Pontoise, une Madeleine d’après Titien copiée par Vouet.
Dans l’inventaire dressé le 27 février 1644 après le décès de cette même Claude Bordier figurent les tableaux déjà énoncés dans le testament et, pour cette raison, non estimés ainsi qu’un grand Bassan, Jésus chassant les vendeurs du temple, estimé 30 livres seulement [18], une Sainte Dorothée anonyme, estimée 50 livres [19], et un Naufrage estimé 40 livres. Du bloc de marbre de Sarazin, il n’est plus question.
Les Lybault, on le sent, sont des amateurs attachés aux œuvres qu’ils ont pu acquérir, soucieux de leur sort, choisissant pour chaque pièce un destinataire approprié. On retrouvera chez Jacques Bordier les Poussin, le Valentin, la Vierge de Vouet, mais également le « bloc de marbre » de Sarazin sur lequel nous allons nous arrêter, et, dans cette optique, nous attarder sur Hurel.

Charles Hurel

Issu d’une famille de vitriers et de fabricants d’instruments de musique, Charles Hurel (†1648) était bien introduit dans le milieu des peintres de deuxième ordre, comme François Belin ou Girard, mais aussi auprès des financiers, et semblait être familier du sculpteur Sarazin [20]. Sa première épouse, Antoinette Bornat, elle-même issue d’une famille de peintres et de sculpteurs, fut marraine d’une fille de Sarazin [21]. Hurel et Sarazin achetèrent en 1643 des places à bâtir sur le pont Notre-Dame proches les une des autres.
Connu comme « maître peintre et sculpteur » depuis 1625, Hurel se disait en 1642 valet de chambre du Roi. Ses paysages, souvent des dessus-de-porte, figurent dans les inventaires de plusieurs financiers, mais avec une estimation toujours assez basse [22]. N’étant pas signés, aucun n’a pu lui être attribué de nos jours. Il s’était aussi spécialisé dans la copie d’œuvres de maîtres, plusieurs faites à la demande d’Étienne Lybault [23].
Le peintre reçut d’un neveu de Jacques Bordier, Jean Sylvestre de la Forest, la commande d’un portrait de Bordier (DOC. 7 et 13), mais il mourut avant d’avoir pu l’exécuter. Le peintre Jacob fut alors pressenti pour s’acquitter de la tâche, mais il n’est pas certain non plus qu’il s’en soit acquitté. En revanche, il y eut un portrait de Bordier dû au peintre Jean de Dieu, que grava Pierre Van Schuppen à Paris en 1657 (ill. 1) [24].
Nous n’avons pu identifier les autres peintures qui appartinrent aux Lybault, pas plus le Corneille, ni la Moisson de Lorrain, que le grand Bassan et l’Albane. On ne connaît pas de Madeleine copiée par Vouet d’après Titien. Si le goût des Lybault pour les grands Italiens du siècle passé ou plus récents et pour les Français contemporains est celui de plusieurs collectionneurs de leur temps, ils n’en ont pas moins su se procurer des œuvres d’exceptionnelle qualité.

Les Enfants à la chèvre de Sarazin

3. Jacques Sarazin (1592-1660)
Les enfants à la chèvre, 1640
Groupe en marbre - 90 x 66 x 75 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : F. de La Moureyre
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Quant au « bloc », acheté en commun par Lybault et Hurel, et peut-être par l’intermédiaire de ce dernier, était-il sculpté ? En tout cas, les conditions expresses émises par Lybault que nous avons évoquées plus haut montrent l’importance qu’il y attachait. Mais en 1641, Hurel, ne souhaitait nullement épouser la suivante de Mme Bordier, Marguerite Bellier ; il le prouva en se remariant le 14 juillet suivant avec Catherine Guyot [25]. Étienne Lybault en avait eu le soupçon car, dans le codicille du 15 avril 1641 qui fait suite à son testament, voyant que le mariage qu’il souhaitait ne se faisait pas, il annulait le legs en cas de non accomplissement de cette clause. Le legs fut donc annulé et, d’ailleurs, le bloc de Sarazin n’apparaît pas dans l’inventaire après décès de Charles Hurel dressé le 23 sept. 1648. Sa veuve Catherine Guyot, se remariera avec un apothicaire.
Je pense pour ma part qu’Étienne Lybault, dictant son testament, a improprement employé le terme de « bloc » pour désigner en fait une sculpture, un bloc de marbre sculpté. En effet, pourquoi Lybault et Hurel se seraient-ils associés pour acheter à Sarazin un simple bloc non travaillé ? Après le décès d’Étienne Lybault, sa veuve Claude Bordier dut l’offrir à son frère Jacques Bordier, puisque les conditions du legs n’avaient pas été satisfaites. Le célèbre groupe en marbre des Enfants à la chèvre que Sarazin signa en toutes lettres : Jacobus Sarazin faciebat 1640 figura en bonne place au château du Raincy, au centre de la Chambre à l’italienne dont le décor peint célébrait Bacchus ; il est ainsi décrit dans l’inventaire de 1653 de l’épouse de Bordier, Catherine Lybault : « une figure de marbre représentant ung bouc et des enffans, ouvrage du sr Sarazin sculpteur avecq son pied destail de bois », portant une estimation de 1200 livres ; il l’est à nouveau au même lieu dans l’inventaire de Jacques Bordier de 1660 : « ung Bachus avec un enffant et un bouc de marbre blanc sur son pied d’estail de boys de chesne ouvrage de Sarazin prisé la somme de trois mille livres ». C’était, j’en suis convaincue, ce beau groupe tout juste terminé par Sarazin que Charles Hurel et Étienne Lybault avaient acheté au sculpteur dès l’année 1640 ou, au plus tard, au tout début de 1641 (ill. 3, 4, 5) [26].


4. Jacques Sarazin (1592-1660)
Les enfants à la chèvre, 1640
Groupe en marbre - 90 x 66 x 75 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : F. de La Moureyre
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5. Jacques Sarazin (1592-1660)
Les enfants à la chèvre, 1640
Groupe en marbre - 90 x 66 x 75 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : F. de La Moureyre
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Le goût de Jacques Bordier pour la peinture. Les inventaires

Qu’en sera-t-il du goût de Jacques Bordier et de son épouse Catherine Lybault ? Catherine meurt la première en 1642 et son inventaire ne sera dressé que dix ans plus tard. Les peintres François Belin, maître peintre rue de la Tixanderie, et Marin Jacob, aussi peintre à la Montagne Sainte Geneviève, chargés d’inventorier les tableaux après l’expertise des meubles, nous offrent une visite de l’hôtel pièce par pièce, qui se poursuit en 1653 au Raincy [27]. Lorsqu’en 1660 meurt à son tour Jacques Bordier, il rédige le 23 septembre 1660 son testament [28] dans lequel il ne prend aucune disposition pour ses œuvres d’art. Il nomme ses enfants et ses gendres exécuteurs testamentaires, puis dans un codicille, son commis Jacques Reysson. Son inventaire après décès est dressé devant Gallois notaire le 5 octobre 1660, soit cinq jours après sa mort, à la demande de ses quatre héritiers : ses deux fils Hilaire et Jacques, ses deux gendres Thomas Morant veuf de Catherine Bordier, et Claude Galard époux de Claude Bordier [29]. L’estimation des tableaux de l’hôtel parisien est faite par l’officier de service sous la dictée de Pierre Mignard, mais sans indication des pièces où ils se trouvent, et les trumeaux de portes et de cheminées ne sont pas mentionnés. Mais au Raincy, aucune estimation pour les tableaux n’a été faite [30].

Bien que Claude Mignot se soit déjà excellemment livré déjà à cet exercice, nous tenons à reproduire ici in extenso l’inventaire des tableaux de 1652, en le numérotant aussi pour plus de commodité et en le complétant par celui de 1660. Nous procédons ainsi parce que nous disposons de certaines données à leur sujet inconnues de Mignot. Nous trouvons :

Dans l’hôtel parisien

6. Valentin de Boulogne (1591-1632)
Les Quatre Âges de l’homme, vers 1626-1628
Huile sur toile - 96,5 x 134 cm
Londres, National Gallery.
Photo : The National Gallery, London 2013
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Dans la salle
1. « Ung grand tableau qui représente une Nuit prisé 30 lt. » [31]. Non mentionné dans l’inventaire de 1660.
2. « Ung autre tableau de l’histoire de Loth, prisé 200 lt. ». Le même inventaire de 1652 indique plus loin un autre petit tableau de l’histoire de Loth, prisé 50 lt. C’est sans doute le second qui figure dans l’inventaire de 1660 : « un petit tableau de Loth de Paul Veronese, prisé 150 lt. ».

Au cabinet dudit sieur Bordier
3. « Deux tableaux de Bacanalles du Poussin prisés ensemble 800 lt. ». Dans l’inventaire de 1660, Mignard les estime ensemble 1600 lt. Ce sont les « deux grands tableaux du Poussin » qu’Étienne Lybault avait offerts à son beau-frère Jacques Bordier par testament en 1641. Leur estimation élevée et leur appartenance précoce à Lybault font penser qu’il doit s’agir d’œuvres autographes [32].
4. « Ung Tableau du Valentin de quatre ages de l’homme prisé 400 lt. ».
Ce tableau appartint d’abord à Étienne Lybault qui le légua à Bordier en 1641. Mignard en 1660 lui donne une valeur de 1000 lt., supérieure donc à chaque Baccanale de Poussin. Nous pensons que ce tableau est celui de la National Gallery de Londres (ill. 6) [33].
5. « Ung tableau du Benedict de Jacob et son trouppeau prisé 300 lt. ». En 1660, le « voyage de Jacob de Jean Benedete » monte à 500 lt. [34].
6. « Ung tableau en ovalle de Se Catherine prisé 100 lt. ». Dans l’inventaire de 1660, « une teste en ovale d’une Sainte du Guide », précise Mignard, qui l’estime à 300 lt [35].

Dans l’antichambre du côté de la chapelle

7. « Ung paysage de S. Hurel prisé 10 lt. ». Non inventorié en 1660 [36].
8. « Ung grand tableau du Bassan de l’Adoration des Roys prisé 60 lt. ». En 1660, Mignard le décrit comme représentant la Vierge, avec une estimation, multipliée par 6, de 400 lt [37].
9. « Ung tableau représentant un port de mer du sieur Hurel prisé 12 lt. ». Ne figure pas dans l’inventaire de 1660.
10. « Ung tableau de la Vierge et de St Joseph prisé 20 lt. ».
11. « Un autre tableau de la Nativité de Notre Seigneur prisé 20 lt. ». Dans l’inventaire de 1660 : « un tableau d’une Nativité prisé 100 lt. », mais désignant peut-être l’œuvre de Perrier prisée 100 lt. en 1652 (voir n° 21).
12. « Ung tableau de la Descente de la Croix de Notre Seigneur dans la chapelle prisé 12 lt. ».

Dans la chambre dudit Sr Bordier

13. « Deux tableaux ovales de fleurs sur les portes du Sieur Girard prisés ensemble 60 lt. » [38].
14. « Ung tableau du Sieur Lemaire où est représenté une perspective prisé 100 lt. ». Il s’agit certainement d’ « un tableau d’une ruine de Le Maire prisé 300 lt. » en 1660 [39].
15. « Ung tableau représentant la Vierge de Léonard Alvins prisé 400 lt. ». Dans l’inventaire de 1660 : « un tableau d’une Vierge de Leonor Delvin prisé 1500 lt. ». Ce tableau avait été offert à Jacques Bordier par sa sœur Claude dans son testament du 23 janvier 1644 et on le retrouve dans son inventaire a.d. du 11 mars suivant (DOC. 4) [40].

Dans la chambre ensuite

16. « Quatre paysages sur les portes prisés ensemble 18 lt. ».
17. « Ung autre tableau de la Nativité de Nostre Seigneur du sieur Perrier prisé 100 lt. ». Peut-être identique à « un tableau d’une Nativité prisé 100 lt. » en 1660, et sans nom d’artiste [41].
18. « Ung autre tableau d’une Vierge du Sieur Poussin, prisé 60 lt. ». Ce même tableau sera prisé 500 lt. en 1660. Bordier l’avait prêté à son beau-frère Étienne Lybault qui le lui rendit avant de mourir [42], ce qui montre l’ancienneté de l’acquisition de ce Poussin par Bordier [43].
19. « Ung tableau de la Vierge du Sr Vouet prisé 300 lt. ». Dans l’inventaire de 1660, cet article est rayé. C’est probablement la Vierge de Vouet dont la sœur de Jacques et épouse d’Étienne Lybault, Claude Bordier, avait voulu doter la première de ses filles qui entrerait au couvent [44], ce qui ne se réalisant pas, le tableau fut récupéré par Jacques Bordier [45].
20. « Ung tableau de la Magdeleine du Sr Sarazin prisé 60 lt. ». L’estimation est la même que pour la Vierge de Poussin ci-dessus. En 1660, ce même tableau est prisé 150 lt. [46].
21. « Ung tableau représentant un plat de fruits du Sr De Somme prisé 100 lt. ». Le même « plat ou panier de Somme » sera estimé 300 lt. en 1660 [47].

Dans la chambre suivante

22. « Deux paysages du Sr. Blin sur les portes prisé ensemble 40 lt. ». Dessus de porte non inventorié en 1660 [48].
23. « Ung autre paysage du mesme à la cheminée ».
24. « Ung autre petit tableau représentant la Vierge du Sieur Ogier prisé 30 lt. » [49].
25. « Ung tableau de sainct Jacques le grand prisé 100 ll ». Dans l’inventaire de 1660 : « un autre Tableau de Sainct Jacques du phetis prisé 400 lt. ». Sa haute estimation laisse préjuger d’un tableau de qualité, dont le nom de l’artiste, ici transcrit phonétiquement, doit être Feti [50].
26. « Un petit tableau de l’histoire de Loth prisé 50 lt. ». Il doit correspondre à celui qui figure dans l’inventaire de 1660 : « un petit tableau de Loth de Paul Veronaisse, prisé 150 lt. » parce que, ainsi que le remarque Mignot, il est accroché à la même place dans l’inventaire de 1652 [51].
27. « Ung autre grand tableau d’une Vénus prisé 30 lt. ». Et en 1660 : « un tableau d’une Vénus prisé 100 lt. ».

Dans la chambre suivante

28. « Trois tableaux sur les portes représentant trois femmes du Sr Hurel prisez ensemble 60 lt. ».
29. « Un autre tableau de Cleopatre de Veronez prisé 80 lt. ». Sans doute, propose Claude Mignot, le même tableau que la « Cléopâtre d’après Véronèse » inventorié sur la cheminée de la petite chambre du Raincy, prisé 30 lt. [52], ce qui est impossible, les inventaires étant dressés l’un à la suite de l’autre. Le tableau du Raincy est probablement plutôt la copie de celui de Paris.
30. « Ung paisage du Sr Armand prisé 50 lt. ». Et en 1660, « un petit paysage de Herman prisé 50 lt. » [53].
31. « Ung petit tableau où sont peints les armes dud. Sieur Bordier par le Sr Dantueie ( ?) en forme de bas-relief prisé 100 lt. ». Armes de Bordier : trois gerbes et une bande d’or au croissant de gueules.

Au château du Raincy

L’inventaire de décembre 1652 fait à Paris se poursuit du 2 janvier au 11 mars 1653 dans « la maison du Raincy », où les tableaux, comme à Paris, sont énumérés à part, après les meubles et la porcelaine. En 1660, Pierre Mignard n’inventoriera pas ces tableaux. Pour quelle raison ?

1. « Item le portrait du Roy sur la cheminée du sallon peint par le Sr Perier prisé 60 lt. ».
2. « le portrait de la Reyne devant la table du buffet dud sallon peint par led Perier prisé 100 lt. » [54].
3. « Quatre tableaux de fleurs sur les portes du sallon du Sr Girard priséz ensemble 120 lt. » [55].
4. « Deux autres tableaux dud Sr Perier l’un devant la tribune et l’autre vis à vis l’un representant Apolon et l’autre la force prisez ensemble 200 lt. » [56].
5. « Quatre autres tableaux de fruits du Sr Girard sur les portes de la chambre a litalienne prisez ensemble 60 lt. ».
6. « Un tableau d’après le Poussin au manteau de la cheminée prisé 40 lt. ».
7. « Ung tableau du Maltois ou est representé un tapy de Turquie et des fruits prisé 150 lt. » [57].
8. « Ung autre tableau ou est représenté une teste de cerf et avec gibier prisé 60 lt. ».
9. « Ung tableau où sont trois chiens qui se battent pour un os prisé 20 lt. ».
10. « Ung autre tableau ou est un cocq dinde avec gibier prisé 50 lt. ».
11. « Ung tableau du Poussin à la chambre auprès le billard prisé 30 lt. ».
12. « Une Cleopatre d’après Veronese a la cheminée de la petite chambre a costé prisé 30 lt. ». Voir note 49.
13. « Ung Crucifix dans la chapelle prisé 20 lt. ».
14. « Ung tableau du Bassan qui représente la nativité de nostre Seigneur prisé 20 lt. ».
15. « Un tableau du Sr Hurel sur la porte du cabinet du sieur Bordier prisé 20 lt. ».

Réflexions sur les collections de peintures des Bordier

Si nous voulons établir une hiérarchie parmi ces petits maîtres qui décorèrent l’hôtel de Bordier d’après les estimations de 1652, on remarque que Hurel est celui dont la cote est la plus basse, entre 10 et 20 lt. par œuvre ; au-dessus viennent Girard et Ogier, 30 lt., Belin de 20 à 40 lt., et Armand 50 lt. De Somme se détache nettement avec une estimation de 100 lt., comme Lemaire ou Perrier, et le Maltais est estimé 150 lt. En revanche, une Vierge de Poussin n’était estimée que 60 lt. en 1652 (mais 500 lt. en 1660), de même que la Magdeleine de Sarazin (prisée 150 lt. en 1660), et qu’une grande Adoration des rois de Bassano, cependant qu’une Cléopâtre dite de Véronèse ne valait que 80 lt.
Les liens qu’entretint Jacques Bordier avec Hurel pouvaient lui avoir permis de connaître les Armand, Girard, Ogier, Belin, De Somme, et même Jacques Sarazin et Simon Vouet, appréciés aussi par ses parents et amis, les Macquart, les Hobier, les Margonne. Quant aux toiles de grande classe qui ornaient l’hôtel parisien, les Bacchanales de Poussin, le Valentin et le Léonard de Vinci, elles avaient été toutes offertes à Jacques Bordier par les Lybault.
Bordier avait pourtant acquis un discernement certain, ayant su découvrir un Grecchetto, un Guido Reni, un Jacopo Bassano, deux Véronèse, un Feti, montrant là son engouement pour les Italiens des XVI et XVIIè siècles. Comment se les était-il procurés ? Par des ventes successorales ? Avait-il acheté les Bassans et les Véronèse à des marchands ou à des collectionneurs français qui affectionnaient ce genre de peinture ? Il ne semble pas s’être rendu en personne à Rome, mais deux membres de sa famille proche y séjournèrent et purent jouer un rôle d’intermédiaire : un beau-frère, un fils. Le beau-frère : Antoine Sanson, marchand de soie, époux de Marie Bordier, s’y trouvait en 1640-1641 [58] et avait reçu une importante somme d’argent de la part d’Étienne Lybault. Le fils : Jacques, qu’on appelait Mr des Raincys, né vers 1620, s’était rendu à Rome et y avait fréquenté l’Académie de Saint-Luc, ce qui suppose qu’il s’intéressât à l’art ; Tallemant est intarissable sur les excentricités d’un goût douteux de cet être fantasque, épris de poésie à ses heures, qui passait pour insensé [59] ; son séjour romain coïncida avec la présence à Rome de François Perrier, et il le connut certainement car, s’il nous faut croire Gilles Chomer [60], il semble que ce fut François Perrier lui-même qui, depuis Rome, fut le pourvoyeur en tableaux de Bordier comme il l’était pour les Bornat - et peut-être pour Étienne Lybault. Dès lors, on comprend mieux le choix éclairé qui présidait aux oeuvres d’art peuplant l’hôtel parisien et la maison du Raincy, et le rôle essentiel que joua, auprès de Bordier, François Perrier dès son retour de Rome en 1645.

La chapelle des Minimes

7. Jacques Sarazin (1592-1660)
Sainte Famille avec saint François de Paule,
vers 1645
Huile sur toile - 200 x 152 cm
Couvent Saint-Louis du Temple de Limon, 78.
Photo : Thierry Prat
Voir l´image dans sa page

La chapelle dont Jacques obtint la concession le 25 octobre 1642, pour lui et les siens, au couvent des Minimes de la place Royale [61], offre une autre occasion de tester le goût personnel du financier. Pourquoi une chapelle dans ce couvent ? Pour sa proximité avec l’hôtel parisien certainement, mais aussi sans doute en raison des liens personnels liant les Lybault à cet ordre. Un frère de Catherine, Abel, était religieux au couvent des Minimes de Nigeon.
Les chapelles des Minimes concédées à différents particuliers, à charge pour eux de les orner, rivalisaient de beauté avec leur clôture ouvragée, leur lambris, le décor de leur autel, de leur tabernacle ou de leur retable -Simon Vouet en peignit plusieurs- , les peintures des voûtes ou encore les monuments funéraires qui y prirent place.
La chapelle de Bordier était la quatrième du côté de l’Épître, ou encore la deuxième à partir de l’entrée. Bordier ne chercha pas à renouveler les lambris relativement récents. Il commanda à Jacques Sarazin dans les années 1644-45 le tableau de l’autel représentant une Sainte Famille et fit peindre par Louis Testelin la voûte de motifs en camaïeu. Par chance, le tableau de Sarazin existe toujours, redécouvert par Jacques Thuillier (ill. 7) [62]. Cette composition à neuf personnages n’a sans doute ni la splendeur monumentale, ni la touche légère des Saintes familles de Simon Vouet dont elle s’inspire, ni la virtuosité dans le dégradé dont Sarazin sait faire preuve dans ses bas-reliefs en marbre, comme son Repos pendant la Fuite en Egypte (Louvre MR 2773). Le personnage du saint François de Paule en est le morceau le plus réussi. Œuvre de qualité néanmoins, elle s’inscrit dans une production courante dans la manière d’un Michel Corneille. C’est cependant la plus ambitieuse de ses œuvres peintes qui nous soit parvenue. En la commandant à l’artiste, Bordier en avait probablement arrêté les principales dispositions.
Bordier fit couvrir par Testelin la voûte de la chapelle de peintures en camaïeux dans des médaillons « imitant le bas relief et se détachant sur un fond de mosaïque », écrit Thiéry, et « d’une si grande beauté qu’on les croiroit de le Sueur », s’exclame Dezallier qui ajoute : « Tous les ornemens de cette chapelle sont d’après ses desseins ». Guillet en donne une description détaillée : « Dans les grisailles dispersées de part et d’autre en cette chapelle, il a représenté un grand appareil de musique pour chanter les louanges de Dieu, plusieurs livres de tablatures, des enfants qui forment des chœurs différents ; les uns chantent, les autres jouent des instrumens et quelques uns affectent de garder le silence, ce qu’ils marquent en portant le doigt sur la bouche, pour signifier qu’il n’est pas encore temps de mêler leur mélodie à celle des autres chœurs ». De tels camaïeux étaient une spécialité de Louis Testelin qui en peignit aussi au Raincy et en bien d’autres lieux. « Il excelloit dans ces feints bas reliefs, écrit Guillet, car outre la correction du dessin, il avoit un talent particulier pour y distribuer les jours et les ombres, et par ce moyen leur donner un grand relief » [63]. Malheureusement, aucun des camaïeux de Testelin n’a survécu.

La « maison » du Raincy

Si le nom de Jacques Bordier reste relativement familier des historiens de l’art, plus encore que pour sa collection de tableaux et de tapisseries ou que pour sa chapelle aux Minimes, c’est bien en raison du magnifique château qu’il s’était fait construire au nord-est de Paris, le Raincy, malheureusement détruit en 1807.
De somptueuses propriétés de campagne se sont édifiées dans les années 1630 autour de la capitale ou plus loin en province, dont les propriétaires sont des gens ayant de hautes fonctions au gouvernement ou, tels Feydau ou Le Rageois, dans la finance [64].
A son tour, Bordier, qui a accédé à la noblesse et est arrivé à l’apogée de sa fortune grâce au cumul de nombreux offices –l’énormité de la dot dont il pourvoit sa fille Catherine en 1640 frappa les contemporains –, se doit de matérialiser cette puissance afin d’inspirer une totale confiance à ses clients et de manifester dans le bâtiment sa réussite sociale et professionnelle, ce que Françoise Bayard a appelé « le devoir de richesse ». Le 15 décembre 1639, il acquiert sur la succession en faillite de Jean Hérouard la seigneurie du Raincy [65]. Il détruit le manoir de son prédécesseur ainsi que les restes du monastère et de la chapelle Saint-Blaise adjacente et confie les travaux au jeune Louis Le Vau, alors âgé de moins de 30 ans [66]. Après des discussions entre Bordier, ses conseillers et l’architecte pour définir les dispositions principales, puis une année consacrée aux travaux de terrassement, de nivellement et au tracé des jardins, le chantier du château dont l’entrepreneur était Villedo était déjà bien actif en été 1643 ; le marché de charpenterie du 17 février (qui fournit la preuve que Le Vau dirigeait les travaux) indique que les maçons avaient presque achevé leur œuvre. Tout prit fin en août 1651 [67].
En 1646, François Perrier, à son retour de Rome, est en mesure de peindre à fresque les plafonds des pièces d’apparat et Testelin ceux de l’appartement [68]. En août 1648, le jeune roi répond par deux fois à l’invitation de Bordier de faire halte dans son château. Vers 1658, Bordier fait procéder à un dernier remaniement de son vivant, dans le cabinet au bout de l’enfilade des salles d’apparat de l’étage, que décora Dufresnoy.
L’aspect du château, détruit en 1807, nous est connu grâce aux plans et aux vues gravées de Jean Marot, d’Israël Sylvestre et d’Antoine Pérelle, rendues plus parlantes tant pour l’extérieur que l’intérieur par les descriptions anciennes, en particulier celle de A.J. Dezallier d’Argenville. Il faut les compléter par les inventaires de Catherine Lybault et de Jacques Bordier qui permettent une reconstitution détaillée de l’aménagement et du mobilier. Le parc avec les jardins fut transformé au XVIIIe siècle. Du temps de Bordier, il s’organisait à partir d’un grand axe nord-est/sud-ouest qui, partant du château, traversait la cour, l’avant-cour, une grande place bordée d’arbres et s’achevait vers le nord-est en une allée bordée d’arbres. A l’opposé, coupant le parterre de broderies en son milieu marqué par un bassin, il aboutissait à une vaste pièce d’eau, tandis que de part et d’autre se développait un quadrillage de jardins potagers et fruitiers et des allées ponctuées de ronds-points, de jets d’eau et d’une grotte d’architecture derrière les communs [69]. Le Nôtre fut-il responsable de son dessin comme on l’a dit au XIXè siècle ? Une dette active « au sieur Le Nôtre » dans l’inventaire des papiers de Catherine Lybault en 1652 accrédite cette hypothèse [70].
Le décor est sobre à l’extérieur. Un fossé rectangulaire, bordé d’une balustrade qui décrit plusieurs angles et détours, entoure le château et ses ailes. Une fois franchi le pont, un portail ouvre sur la cour d’honneur ; aux piédroits de ses piédestaux sont appliqués deux termes gainés sans bras ; des groupes d’enfants portant des trophées les surmontent, sculptés ainsi que les termes par Philippe de Buyster [71].
Des murs bas relient le portail à deux pavillons coiffés d’une lanterne, qui sont réunis au corps principal du château par une galerie couverte en terrasse à gauche, et un mur symétrique à arcades. Ce dernier s’articule en cinq éléments décrivant avancées et retraits ; à droite et à gauche, deux corps en avancée, cubiques, à combles droits, pourvus d’un ordre monumental de pilastres ioniques ; puis deux petits corps en retrait avec leur comble brisé ; enfin l’audacieux pavillon central sur plan ovale à trois étages de croisées et coiffé d’un dôme, avec sa double avancée demi-circulaire sur la cour comme de l’autre côté. Berger a montré toute la nouveauté en France de ce parti qui fait du corps central un espace ovale imposant, lisible dès l’entrée, dérivé de prototypes italiens [72].
Le décor sculpté se limite à deux statues dans des niches des pavillons d’entrée, aux métopes de la frise courant le long des trois façades, aux vases surmontant les toits, et aux bustes sur consoles aux façades des corps de logis en retrait.

Aménagement intérieur du Raincy

Mais c’est l’intérieur du château qui suscita le plus d’admiration, l’organisation de son espace, l’agencement des appartements, la splendeur de leur décor, et d’abord l’effet de surprise créé par un vaste vestibule au rez-de-chaussée et le grand escalier conduisant au Salon ovale.
Ce vestibule, d’une majestueuse austérité, qui occupait toute la superficie du pavillon central, impressionnait par ses dimensions (22 x 12 m) et par ses 32 colonnes monolithes d’ordre dorique soutenant l’étage, dont douze, isolées, délimitaient un rectangle central ; il était décoré d’une tenture de tapisserie de cuir doré or et argent et peu meublé : une grande table ronde, huit chaises. Deux perrons symétriques donnaient accès à droite à quelques pièces, à gauche au grand escalier qui constituait avec ce vestibule un ensemble sévère, contrastant avec le décor de l’étage. Les larges montées droites à la française, aux rampes et aux balustres en bois, conduisaient par paliers à l’étage. Il y régnait aussi l’ordre dorique et un décor « fort ordonné de figures sculptées en pierre et de deux groupes d’enfants portant sur leur tête des paniers de fleurs » du ciseau de Gérard van Obstal [73].
Les pièces qui se suivaient au rez-de-chaussée à droite du vestibule, étaient constituées d’une salle de billard aux murs tapissés de cuir doré et argenté, suivie d’une chapelle assez petite tapissée de même, dont le tableau au retable de l’autel était une Nativité d’après le Bassan. Le biographe de Buyster, Guillet de Saint-Georges, signale aussi un bas-relief de ce sculpteur en marbre (1,95 x 1,30 m), probablement appliqué au tombeau d’autel : une Présentation de la Vierge au temple [74]. Il y avait ensuite quelques chambres et garde-robes tapissées de damas jaune, de brocatelle de Venise. Dans la chambre jouxtant le billard est signalé en 1653 un tableau de Poussin dont le sujet n’est pas précisé, et dans la suivante la Cléopâtre d’après Véronèse (inventaire de 1653, n° 11 et 12).
A gauche du grand escalier s’étendait l’appartement privé de Jacques Bordier, qu’il aménagea plus tardivement avec un soin particulier, cherchant à diversifier les tentures murales, choisissant des bois précieux pour le mobilier, de riches tapis de table. Il y avait d’abord la grande « Chambre de la tenture d’argent », chambre d’apparat avec un lit de parade à hauts piliers et brocard brodé (prisé 1800 lt.), et aux murs une tapisserie de haute lisse illustrant l’histoire de David (prisée 3000 lt.). Puis la chambre de Jacques Bordier, à l’angle, donnant sur le parterre, meublée elle aussi d’un lit à piliers garni de tentures en taffetas de la Chine bleu à petits personnages et grotesques brodés d’or, une table en bois de poirier marquetée de bois de Brésil (prisée 1500 lt.), des fauteuils et des pliants en serge bleu, un petit cabinet de la Chine couvert de nacre de perles, et une tapisserie de haute lisse avec « des bucherons » (prisée 1800 lt.). Dans la garde-robe faisant suite, on trouvait un cabinet d’Allemagne et une cassette d’ébène. Une autre petite chambre derrière l’escalier, tapissée de satin de la Chine, contenait un lit garni en satin de Chine et en soie d’Aumale rouge.
Un escalier de dégagement faisait communiquer l’appartement bas avec celui de l’étage qui se composait de trois chambres et deux garde-robes. Dans la « chambre de velours » dominait la couleur rouge pour les deux lits et les tentures des murs. Une autre chambre était meublée d’un guéridon de bois de rose, d’un lit portant une couverte de satin à fleurs, de sièges et d’un miroir, et au mur une tapisserie de haute lisse représentant une chasse (prisée 1200 lt.). C’est pour l’une des chambres de cet appartement que Louis Testelin peignit en 1646, selon Guillet de Saint-Georges, « des plafonds où il a représenté l’histoire poétique de Proserpine, et sur le même sujet il fit plusieurs camayeux ou bas-reliefs feints dans le lambris » [75]. Dans les mêmes années, le thème de Proserpine était représenté par François Perrier à la voûte de la galerie de l’hôtel de La Vrillière. Jacques Bordier fut l’un des premiers amateurs à avoir distingué le talent de Testelin, en particulier pour les camaïeux.

Le grand escalier conduisait à la salle la plus impressionnante du château, le Salon ovale. Le rédacteur du Mercure, en 1697, en fut émerveillé : « Le Sallon qui occupe le milieu du bâtiment attire plus d’attention… C’est aussi le premier qui ait esté fait en France aussi spacieux, et il est encore aujourd’hui un des plus grands que l’on voye. Il est très bien pensé et tire du jour de tous costez. On voit au bas de la corniche qui règne autour de très beaux bas-reliefs [sans doute de Van Opstal] et au dessus de cette même corniche paroissent d’autres bas-reliefs mais si bien imités en camayeux, qu’on ne peut les regarder sans y estre trompé et les prendre pour de véritables bas reliefs. La veüe de ce sallon est très belle ». Dezallier l’appelle Salon à l’italienne (à distinguer de la Chambre à l’italienne qui lui fait suite). Il en possède en effet les caractéristiques préconisées par Palladio : l’ampleur des dimensions, l’élévation sur deux étages, une couverture en coupole, une grande clarté grâce à deux étages de croisées [76].
Ce grand salon était le royaume de l’illusion : « son architecture est peinte de grands pilastres ioniques dorés, si parfaitement qu’on dit que le Czar Pierre Ier les crut de relief », écrivait Dezallier. Ils feignaient de soutenir la longue voûte se déployant comme un ciel où François Perrier avait représenté, au milieu, la magicienne Médée que Dezallier appelle « la Mégère », assise sur son char traîné par des dragons ; au-dessous, seize panneaux de grisailles, peints à fresque et imitant le stuc, illustraient divers épisodes de son histoire ; « ils sont [disait Caylus] de la plus grande beauté et de l’effet le plus trompeur » [77]. Qui, de Louis Le Vau ou de François Perrier, avait souhaité cette architecture en trompe-l’œil, faisant écho au vestibule de Caprarola qu’avait peint Taddeo Zuccaro pour Alexandre Farnèse ? Le Vau ne connaissait pas l’Italie. Perrier en revenait. Un dessin à la plume montre son goût pour de telles scénographies [78].
Quant au sujet de Médée, il était insolite et de caractère « baroque » par les outrances des passions de l’héroïne. Dix ans plus tôt, Pierre Corneille, qui aimait à cette époque le fabuleux et les effets d’illusion, avait évoqué dans une mise en scène flamboyante Médée dans sa pharmacie d’enfer, puis sa montée au ciel dans son char aérien et fantastique ; ce char lui servait tantôt à prendre la fuite, tantôt à aller cueillir les herbes nécessaires à ses brouets vengeurs. On ne sait d’où exactement Perrier tira son inspiration, de la tradition grecque suivie par Ovide où elle apparaît comme une héroïne tragique mettant en œuvre tout son art de magicienne, ou de Sénèque qui la dépeignait en furie, en sorcière odieuse [79]. Ce thème, propice aux effets dramatiques, plaisait certainement à Perrier qui introduisit en France, après son second séjour romain, la « grande manière », le grand art décoratif romain qui allait supplanter l’art plus élégant de Vouet.
Plusieurs tableaux de ce Salon étaient également peints par Perrier : selon l’inventaire de 1653, se faisant vis-à-vis, le portrait du jeune roi sur la cheminée et celui de la reine au-dessus de la table du buffet ; et sur les tribunes des musiciens, Dezallier décrit « deux tableaux longs qui forment des tribunes où l’on peut placer des musiciens » avec, sur l’une, Apollon, et en face la Force. Dezallier attribue encore à Perrier, en face de la cheminée, « une figure qui représente la Paix tenant un flambeau dont elle brûle un faisceau d’armes » [80]. Ce dernier tableau ne figure curieusement pas dans l’inventaire de 1653. Bordier en aurait-il acheté l’ébauche qui figure dans l’inventaire après décès de Perrier, mesurant trois pieds sur deux [81], qu’il aurait fait terminer par un autre peintre ?
Philippe de Buyster sculpta à la cheminée : « deux esclaves grands comme le naturel posés sur les côtéz et accompagnés de divers instruments » [82], qui font penser à ceux de Gilles Guérin pour une cheminée du château de Maisons. Peu de mobilier dans ce salon, tout au plus un tapis de Turquie et une grande table servant de buffet (inventaire de 1653), auxquels Bordier, veuf, ajouta deux tables marquetées, six guéridons et un clavecin peint de fleurs (inventaire de 1660).

Le Salon ovale donnait accès à une enfilade de pièces brillamment décorées. D’abord, celle que les inventaires nomment la Chambre à l’Italienne, destinée à la fin du siècle à recevoir le Dauphin, mais plus simplement appelée Antichambre par Dezallier. Elle était entièrement dédiée au dieu Bacchus. Aussi Bordier plaça en son milieu, sur un piédestal en bois de chêne, le groupe en marbre de Sarazin : « un Bouc et des enfants » (inventaire de 1653), encore « un Bacchus avec un Enfant et un Bouc » (inventaire de 1660), acquis, nous l’avons dit plus haut, par Étienne Lybault et Charles Hurel. Les murs étaient garnis d’une tenture de tapisserie en brocart bleu de Venise et de huit tableaux, dont : quatre tableaux de fruits de Girard en dessus-de-porte, une copie du Poussin sur la cheminée (une Bacchanale ?) [83], un tapis de Turquie peint par Francesco Fieravino, dit le Maltais (inventaire 1653 n° 7) [84]. Mais on remarquait surtout les Bacchanales ou « l’histoire de Bacchus » de François Perrier qui occupaient tout le plafond en quatre « morceaux » : « Silène avec des gens occupés à jetter du raisin dans la cuve » ; « l’entrevue de Bacchus avec Ariane » ; « le triomphe de Bacchus », et enfin les noces de Bacchus et Ariane [85]. J. Thuillier a proposé de reconnaître quelques épisodes de ces peintures dans un dessin de Jean Le Pautre montrant Bacchus buvant, et une étude de Perrier pour une ménade jouant avec une jeune panthère [86]. Marianne Cojannot-Leblanc, dans un passionnant article à paraître dont elle m’a très aimablement fait profiter [87], suggère que tout ce décor s’articulait autour du groupe sculpté.

La Grande chambre dorée, tel est le nom de la pièce suivante indiqué dans l’inventaire de 1653, avec une estrade tapissée de velours vert à fond blanc et bordure cerise, et une alcôve tapissée de velours couleur feu et blanc ; aux murs une tenture de haute lisse de sept pièces à personnages ; en 1660, il est question d’une tenture de cuir doré à fond blanc. Bordier y plaça un lit à hauts piliers. Après son décès, elle fut divisée en deux pièces distinctes : le grand cabinet et la chambre à coucher. François Perrier avait peint aux plafonds des scènes relatives à Vénus : « Au plafond du Grand Cabinet est un morceau ovale très agréable et très bien colorié, c’est la Toilette de Vénus. Quatre médaillons dans les angles ont pour sujet la Naissance de cette déesse, Mars et Vénus, Vénus et Adonis, et le Jugement de Pâris. Autour de la corniche sont des enfants en camayeu, et de grandes figures allégoriques à la Déesse de l’Amour ». Au plafond de la chambre à coucher : « Vénus dans son char précédée des grâces et des amours : morceau à pans qui occupe le milieu du plafond » [88]. Une copie d’après une esquisse de Perrier : Vénus sur son char, pourrait correspondre, selon J. Thuillier, à ce second plafond [89]. Les portes et les cloisons de ces deux pièces étaient de glace sans tain, remarque Thiéry, et depuis le lit placé dans la superbe alcôve, « on découvre la plaine de Saint-Denis et la forêt de Bondy » [90].

La dernière pièce en retour de cette enfilade était le Cabinet, un « petit Cabinet doré » ; Dezallier le décrit comme un « carré long ». C’est la dernière entreprise de Bordier dans son château. Aussi n’est-il pas mentionné en 1653. En 1660 il était meublé de pliants dorés, de deux grands miroirs, de rideaux de taffetas blanc et de dix bustes en marbre blanc. Bordier fit appel pour les plafonds à Charles-Alphonse Du Fresnoy (1611-1665) dont il venait d’admirer le tableau de Sainte Marguerite peint à l’autel dans l’église parisienne éponyme (aujourd’hui au musée d’Evreux). Il en fut si satisfait, narre Félibien, « qu’il emmena Du Fresnoy dans sa maison du Raincy… pour y peindre un Cabinet ». En effet, Perrier était décédé depuis plusieurs années, et également Testelin (†1655). Du Fresnoy, lui, revenait de Rome où il était resté quinze années, et passait pour un artiste érudit, cultivé, un remarquable théoricien, sensible à la fois au coloris du Titien et au dessin d’Annibal Carrache. Dans le Cabinet du Raincy, il représenta l’Embrasement de Troyes, un des succédanés de l’histoire de Vénus : « Vénus accompagnée de l’Amour montre à Pâris cette ville en proie aux flammes. Les déesses ses rivales, mécontentes du jugement de Pâris, s’envolent dans les airs. Sur le devant est le fleuve Scamandre, qui promenoit ses eaux autour de Troie ». Dezallier et Thiéry reconnaissent, à la suite de Félibien, que cet ouvrage est un des plus beaux qu’ait fait Du Fresnoy, tant pour l’ordonnance que pour le coloris [91].

Peut-on établir un lien entre les différentes scènes mythologiques peintes aux plafonds du Raincy , avec tant de chars de triomphe s’élançant dans les cieux ? Proserpine enlevée par celui d’Hadès tiré par des étalons bleus, le char du Soleil conduit par Médée enlevé par des dragons ailés, celui de Bacchus joyeusement attelé à des léopards, le char de Vénus enfin traîné par des colombes et précédé des grâces et des amours. Ces chars triomphaux célébraient-ils la puissance que donne la fortune ? N’était-ce pas aussi une ode à la nature, dans ce merveilleux cadre champêtre du Raincy sur lequel, cent ans plus tard, un Dezallier d’Argenville continuerait à s’extasier, louant la pureté de l’air, les frais ombrages, les plaines arrosées par la Marne, que Bordier entendait célébrer par tous ces dieux ou demi-dieux, Proserpine, déesse des saisons et du renouvellement de la végétation, Bacchus, dieu de la vigne et des plaisirs de la vie, Médée et ses breuvages d’herbes miraculeuses, Vénus faisant naître des fleurs lorsqu’elle foulait la terre ? Or ce même Dezallier ne déclarait-il pas, dans sa description de 1768 : « La décoration de ces appartements inspire des pensées philosophiques. Tout s’y trouve relatif à un sujet principal. Les idées n’en sont que mieux liées les unes aux autres et l’on oublie moins vite et les Plaisirs qu’a faits la Peinture et les leçons qu’elle peut avoir donné » [92].
Puissance et enchantement certes, mais que d’obstacles Bordier a dû franchir dans sa carrière mouvementée, que de trappes ouvertes par la jalousie des envieux ! Des notes tragiques ne se glissent-elles pas ça et là : une idée de vengeance évoquée par Médée la sorcière, la mégère ; les incessantes difficultés que Bordier rencontra à la fin de sa vie, figurées par l’incendie de Troyes ?
Le très habile financier que fut Jacques Bordier était aussi un homme instruit, intelligent, capable d’élaborer ce programme. Ses choix artistiques, ses liens avec le milieu cultivé des notaires, la composition de son immense bibliothèque rassemblée à Paris [93], l’attestent. Il avait certes formé son goût au contact de son entourage et, principalement, de son beau-frère Étienne Lybault qui lui légua quelques-uns de ses principaux chefs d’œuvre parce qu’il l’en jugeait digne. Mais de son côté, avec son épouse, il avait su acheter lui-même la Vierge de Poussin, de bons Italiens (Grecchetto, Bassano), plusieurs Perrier ; c’est lui qui avait mis en valeur l’extraordinaire groupe de Sarazin et qui avait acquis sa principale œuvre picturale, la Sainte famille.
L’architecte Louis Le Vau et les peintres que Bordier sut découvrir servirent ses intentions. Des artistes cultivés comme Perrier, Testelin, et plus tard Du Fresnoy le conseillèrent certainement. Il n’en reste pas moins vrai que, derrière cette prodigieuse réalisation que fut le Raincy, il y eut d’abord la volonté, la ténacité, le goût d’un seul homme, Jacques Bordier.


Bibliographie

Sources anciennes

Caylus, Comte de : son Mémoire sur François Perrier, écrit vers 1750, publié par Jean Laran, « Une vie inédite de François Perrier par le comte de Caylus et Mariette », Mélanges Lemonnier, Société de l’Histoire de l’art français, 1913, p. 194.

Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), Voyage pittoresque de Paris, Paris, 1757, p. 284.

Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), Voyage pittoresque des environs de Paris, Paris, 1762, p. 329-336.

Dezallier d’Argenville (Antoine-Joseph), Abrégé de la vie des plus fameux peintres, seconde édition de 1762, reprint Genève 1772 en 4 vol., vol. IV.

Félibien (André), Entretiens sur les vies et sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et modernes, Paris, in 4°, 1666-1688 (BnF, V 14660-14664).

Guillet de Saint-Georges (Georges Guillet), dans Conférences de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, éd. critique intégrale dir. Jacqueline Liechtenstein et Christian Michel, tome II (1682-1699), Paris, 2008, Mémoires historiques sur les ouvrages de Jacques Sarazin, vol. I, p. 212-227 ; Philippe de Buyster, vol. I, p. 289-300 ; Gérard Van Opstal, vol. II, p. 454-462 ; Henri Testelin, vol. II, p. 430-439 ; François Perrier, vol. II, p. 469-478.

Lefèvre D’Ormesson (Olivier), Journal, et extraits des mémoires d’André Lefèvre d’Ormesson, Paris, éd. P.A. Chéruel, 1860.

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Thiéry (Luc Vincent), Guide des amateurs et des étrangers…aux environs de Paris, Paris, 1788, p. 176-180.

Ouvrages récents

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Bayard (Françoise), Le monde des financiers au XVIIe siècle, Paris, Flammarion 1988.

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Documents : Les collections de peinture et de sculpture de quelques grands financiers et de proches de Jacques Bordier, extraites d’actes notariés, testaments et inventaires après décès.

DOC. 1. Inventaire a.d. de Robert Bordier, 5 septembre 1644. MCAN, XVIII, 271

(Robert Bordier, père de Jacques Bordier, décédé en sa maison place Maubert le 30 août 1644, inventaire dressé à la requête de Jacques, de ses beaux-frères et sœurs, de L. Benoist, tuteur des enfants Lybault).

En la Salle
Un grand tableau peint sur toile ou est despeint une Nativité garny de sa bordure de bois doré avec un rideau et tringle, prisé 20 lt.
Item trois autres tableaux de plusieurs grandeurs garnis de leur chassis ou sont représenté une Flagellation, un Saint François et une Magdeleine
prisés ensemble 10 lt.

Dans la chambre où est décedé le feu Sr Bordier ayant vue sur la place Maubert
Un tableau de marbre enchassé ou est représenté un Saint hiérosme prisé 40 lt.
Une tenture de tapisserie façon Rouen 18 à 20 aulnes et 2 aulnes ½ de hauteur avec son soubassement prisé 36 lt.

(En outre, beau mobilier, buffet sculpté, vaisselle d’argent. Patrimoine immobilier confortable établi par Zamet l’aïeul, époux de Marie Hamon, et venant de la famille Le Juge (belle-famille de Robert). Dans les papiers, on note : une ferme en Beauce près de Chartres, plusieurs pièces de vignobles à Fontenay, une maison de rapport rue Garlande, une autre faubourg Saint-Marcel, et place Maubert, « Le Cygne » et « Les trois Rois »).

DOC. 2. Testament d’Étienne Lybault, 1er avril 1641. MCAN, LXXV, 46

(Conseiller du Roy et de ses finances, demeurant à Paris rue du Parc royal paroisse Saint Gervais.
Désire être enterré à Saint Étienne du Mont, avec ses défunts.
Divers legs à l’Hôtel Dieu, aux Minimes de Nigeon (où est à présent le frère Abel Lybault son frère), aux religieuses Sainte Claire de Bourges.
Legs à Louis Benois, demeurant au logis de Mr Bordier, en reconnaissance des services qu’il lui a ci devant rendu : 200 lt. de rentes sur les tailles. Louis Benoist était le commis de Jacques Bordier.
Legs à Demoiselle Marguerite Bellier, fille suivante de Madame Bordier sœur dudit testateur : 400 lt.
Legs au Sieur Morlier, domestique de Mr Bordier : 300 lt.
A François Malestra son valet, 300 lt.
A Marie, suivante de Mme Lybault sa femme, 150 lt.)

Idem donne et laisse au Sieur Hurel peintre son amy la part que ledit testateur a d’un bloc de marbre qu’ils ont acheté ensemble du sieur SARAZIN tant pour reconnaissance des bons offices qu’il a reçus du sieur Hurel qu’à la charge que ledit Sieur Hurel fera présent de la part dudit testateur à Monsieur de Saint Pierre d’une copie de la main dudit Sieur Hurel du Saint Paul de Dominiquin, appartenant audit testateur avec la corniche d’or bruni, lequel testateur supplie très humblement… ledit Sr Bordier son beau-frère d’avoir agréable qu’il lui fasse présent et laisse deux grands tableaux de Poussin appartenant audit testateur lequel veut qu’il soit rendu au Sieur Bordier la Madone du Poussin que le Sieur Bordier lui a laissé.

(L’exécuteur testamentaire est Étienne Macquart, conseiller, secrétaire du Roi, son bon amy, et Dame Claude Bordier sa femme) :
Au Sieur Macquart pour un petit témoignage de la grande amitié qu’il a pour lui, il lui donne et lègue trois petits tableaux dont l’un de Corneille représente Cérès et Bacchus, et les deux autres de Brughels qui sont dans le Cabinet dudit testateur.

Codicille :
Et le quinzième jour du mois d’avril 1641, le sieur Lybault a dit et déclaré que le legs qu’il a fait par ledit testament audit Sr Hurel a esté à condition que le mariage d’entre ledit Sr Hurel et la demoiselle Bellier, aussi légataire par ledit testament, sera effectué, ce quil n’est encore. Il veut et entend ledit legs fait audit Hurel estre et demeuré nul s’il ne se fait.

Item veut que le legs des tableaux par luy faict audit Sieur Bordier par le testament il lui lègue, donne et laisse encore un autre tableau des Quatre Ages de Valentin.
Item donne et lègue Mme Bordier sa sœur un petit tableau d’une perspective d’une église qui se trouvera parmi ses tableaux, qu’elle juge le plus conforme à sa piété.

DOC. 3. Testament de Claude Bordier, épouse d’Étienne Lybault et sœur de Jacques Bordier, 23 janvier 1644. MCAN, LXXV, 54.

Le 23 janvier 1644, Claude Bordier, veufve de feu noble homme Estienne Lybault, gisant au lict mallade de corps touttefois saine d’esprit mémoire et entendement, demeurant chez son frère rue du Parc Royal, dicte son testament et dispose de sa collection de tableaux :
Désire estre inhumée et enterrée en l’église St Estienne du mont au lieu où sont enterrez ses parents et mesme led feu sieur Lybault son mary.
Veut que ses quatre filles soient mises en pension dans le couvent des Ursulines de Pontoise jusqu’à l’aage de seize ans
Lègue à Mme de Margonne : son crucifix d’ivoire et deux urnes de porcelaine.
Item, suivant la volonté dernière de feu Sr Lybault son mari, elle lègue et donne à la première des demoiselles ses filles qui fera profession en religion le tableau de la Vierge fait par Vouet dont le nom est au bas du tableau, et ce pour le présent que l’on a accoutumé de faire à l’église.
Item ladite testatrice supplie très humblement Mr Jacques Bordier son frère, Sieur des Raincis, conseiller du Roy en ses conseils, secrétaire du Conseil d’Estat et finances de S.M., de continuer aux dites demoiselles ses nièces, filles de ladite testatrice, la singulière affection qu’il luy a toujours porté et d’avoir pour agréable d’en être le tuteur honoraire
Et qu’elle nomme pour leur tuteur onéraire Mr. Macquard, conseilles secrétaire du Roi, de la probité et affection duquel au bien de sa famille ladite demoiselle a toute connaissance, le priant aussi de trouver bonne conscience en l’action et d’agir selon les ordres dudit sieur Bordier auquel Sr. Bordier seul il rendra compte de son administration…
Suppliant ladite demoiselle ledit Sr Bordier d’avoir pour agréable le legs qu’elle luy a fait d’un petit tableau de la Vierge de Leonnard de Vincy.
Item donne et lègue à Mr Bordier son neveu conseiller au parlement de Rouen (Hilaire Bordier) un tableau d’une Moisson de Claude Le Lorain, le priant de ne pas considérer la valeur mais l’affection qu’elle a pour lui
Item à monsieur Bordier le jeune aussy son neveu une montre à réveil matin,
A Claude Bordier sa nièce, fille de son frère un petit joyau où il y a cinq diamants,
Item donne au Sr Macquard un tableau de la Vierge de L’Albane et un autre tableau d’une ruine et paysage
Et à madame sa femme un tableau d’une Magdeleine sa patronne et un chappelet de Cavaubout,
Lègue à monsieur le curé de Saint Gervais un tableau de fruits qui est sur son cabinet
Aux Ursulines de Pontoise un tableau de Ste Magdeleine qui est sur la cheminée de sa chambre, qui est une coppie du Titien fait par Vouet
Item donne à monsieur Lybault frère de son deffunt mari 100 lt. de rente
Et à sa nièce Lybault la relligieuse à Pontoise, 30 lt. aussi de rente
Aux pères jésuites rue Saint Antoine 200 let de rente
Aux filles relligieuses Sainte Claire de Bourges 100 lt.
A dame Bellier un petit jonc de rubis
A Marie Denise sa servante 200 lt.
Etc...

DOC. 4. Inventaire a.d . de Claude Bordier le 11 mars 1644. MCAN LXXV, 54

À la requête de Jacques Bordier, tuteur honoraire de demoiselles Anne, Marie-Louise, Angélique et Catherine Lybault ses nièces, filles mineurs de feu Estienne Lybault et de Claude Bordier, et aussi à la requête de Louis Benoist, bourgeois de paris demeurant en ladite rue du Parc Royal, tuteur onéraire des dites mineures et d’Étienne Macquart, demeurant rue Payenne subrogé tuteur.
Inventaire de tous les biens meubles, vaisselle d’argent, deniers, titres…demeurés après le décès de ladite Lybault arrivé le 27 février dernier en la chambre et lieux qu’elle occupait des dépendances de la maison du Sieur Bordier en la rue du Parc Royal

En la chambre où ladite défunte est décédée : mobilier, tapisserie des Flandres à grotesques, 250 lt.
En un cabinet proche, mobilier, tapisserie de brocatel de 8 pièces à fond bleu, bordure rouge,
Puis habits, linge, coffrets, 15 pots de porcelaine, un Crucifix d’ivoire et la croix à pied, deux urnes de porcelaine
Tableaux :
Un tableau d’une Vierge tenant son fils de Leonnard Dalvin
Un tableau d’une Vierge de Lalbane
Un tableau d’une Magdeleine
Un tableau d’une moisson de Claude Le Lorain
Une ruine et paysage
Un tableau de fruits
Une Magdeleine qui est une coppie du Titien faicte par Vouet
Aucune prisée des tableaux et objets cités ci-dessus parce qu’ils ont été légués par la défunte par testament

Item une Vierge tenant son fils fait par Vouet avec sa bordure dorée, pas de prisée parce que légué à la première de ses filles qui entreraient en religion

Un grand tableau du Bassan représentant Nostre Seigneur chassant les Juifs du temple garny de sa bordure, 30 lt.
Un tableau où est représenté Saincte Dorothée, 50 lt.
Un tableau d’un naufrage, 40 lt.
Mortier, pilon, passementerie de Flandre, montres, vaisselle d’argent
Une figure de terre cuite représentant une petite fille, 6 lt.
Livres (de piété)

Papiers (photocopiés)
Dont : déclaration le 26 janvier 1638 devant Lemoyne notaire : contrat de constitution au profit de Charles Hurel, et autre déclaration de Hurel au profit d’Étienne Lybault sous seing privé, puis acte de reconnaissance de ladite déclaration par devant Galloys notaire le 28 février 1639.

DOC. 5. Inventaire a.d. de Roger Robineau, chevalier de Saint-Pierre, 17 octobre 1646. MCAN, LXXV, 62.

A la requête de Pierre Brochot greffier en la première chambre des Registres du Palais au nom et comme procureur de Mre Sébastien Zamet, évêque de Langres, pair de France, et encore de Dame Marie chrestienne de Zamet, femme épouse de Mre Roger de Pardaillan chevalierMarquis d’Antin séparée quant aux biens d’avec ledit Marquis (procuration 13 sept. 1646 devant notaire Marceau), Mr. Sebastien Artus Sr de Feugnerolle escuier de la Reine Régente mère de S.M. demeurant à Paris rue St. Honoré se portant fort de Dame Madeleine Robineau sa mère veuve de feu Guillaume Artus vivant chevalier dudit Feugnerolle, Mr Guillaume Robineau Sr. De Villebon demt à Paris rue St. Jacques au collège de Marmoutier, Dame Magdelaine Robineau veuve de M.X. de Champagne vivant chevalier Baron de Neufsaillette… tous légataires du défunt Roger Robineau chevalier Sieur de Saint-Pierre, frère de la dite dame de Feugnerolles, aussi frère utérin dudit Sr Evesque et Oncle desdits Srs Robineau, dame de Neufsaillette et Artus, tous légataires selon le testament du défunt reçu par Le Caron notaire le 21 août 1646, et se faisant fort de Mre Jacques Bordier, seigneur des Raincys.., de Pierre Robineau conseiller du Roi…, et Estienne Macquart conseiller du Roy et de ses finances et encore d’iceluy payeur et acquereur par leg porté sur ledit testament… comme aussi faisant délivrance des meubles, tableaux, linge, livres et autres mentionnés audit testament. La remise des legs en presence desdits Srs dont Bordier dans l’hôtel duquel l’acte de partage est signé le 17 octobre 1646 etc…

Inventaire du Sr de Saint-Pierre en la maison où il est décédé près les Minimes de la place royale
Dans la chambre où le défunt est décédé :
2 tapis de Turquie, 16 lt. chaque / tapisserie de cuir doré de 8 pièces : 6 lt.
Dans l’antichambre :
Tapis de Turquie 16 lt. / tapisserie cuir doré à fond vert : 36 lt.
Chambre du Rieur Remy :
Trois tableaux, l’un représentant feu Mr Zamet père, Mr de Langres, et le 3è Mr Zamet fils / item un autre tableau de Saint Pierre : pas prisés, légués les trois premiers à la marquise d’Antin, et l’autre au sr. Robineau / Un tableau peint sur toile St Jean Baptiste, prisé 6 lt./ un autre où est représenté sainte Madeleine, 3 lt./, un autre le Duc de Tresme, 6 lt.
Dans le galetas :
Trois petits tableaux dont deux sur bois et l’autre sur toile : une Dame, le Lazare, la Visitation chacun 30 sols.
Tapisseries :
Deux léguées à la marquise d’Antin, l’une représentant des Pecheurs (8 pièces), l’autre la Closture de Daniel (8 pièces à fond rouge).
Dans le Cabinet du défunt : cabinet aux livres attenant sa chambre.
Un tableau peint sur bois, la Magdeleine, légué au Sr Zamet évesque / un Saint François sur bois / Un petit Cupidon de bronze sur sn pied d’estail de bois noircy, prisé dans un lot de 30 lt.

En la maison de Maisons près Charenton :
Chambre haute : trois tableaux peints sur jaspe, une Annonciation de la Vierge, une Annonciation de l’ange avec les bergers de la Nativité de N Seigneur, la Vierge, Jésus Christ sur son sépulcre (légués à l’évêque).
Gallerie : 3 grands tableaux en l’un est représenté ledit Sr de Saint Pierre habillé à l’Espagnol et les autres des sieurs et dame Zamet 4 lt.
Au Cabinet à côté de la grande galerie : 12 tableaux peints sur bois où sont représentés les 12 mois de l’année, 36 lt. / 3 petits tableaux peints deux sur bois représentant le Roy louis XIII, le cardinal de Richelieu, et le 3è sur toile représentant le Roy de présent, 3 lt. / Un tableau peint sur toile où est représenté un courtisan habillé de blanc garni de sa corniche plate, 30 lt. / Un sur toile où est représenté le président Leclerc / Enfin trois tableaux en l’un Mr Zamet, en l’autre une Religieuse qui représente la sœur de ladite Dame, non prisés
(dans les papiers, achat de la maison de Maisons près Charenton par Dame Sara Leclerc, dame de Maisons, épouse de Mr Sauwel …, devant Le Boucher notaire 4 février 1631).

DOC. 6. Inventaire de Nicolas Hennequin, fermier général gabelous demeurant rue et paroisse St. Germain l’Auxerrois, inventoriant ses tableaux à l’occasion de son remariage, le 6 avril 1641 avec Anne de Bonnaise. MCAN, LXXV, 46 (sa première femme, Marie Le Maistre, inventaire a.d. le 31 oct. 1637, LXXV 46)

La Vierge tenant Jésus, Saint Jean et trois autres figures, tableau sur toile de 4 pi. sur 3, de Viel Panne (Palma l’Ancien), prisé 200 lt.
Un tableau sur boys de Corrège d’pi ½ de large et quinze pouces de hault représentant David avec autre figure tenant en main la teste de Goliat, 200 lt.
Un portraict sur toile de Titien, 7 po de haut et 15 de large, représentant un homme, 100 lt.
Un portrait sur toile de Paul Veronais de 15 po de haut sur 1 pi de large représentant un aveugle, 60 lt.
Un tableau de vieil Bassan sur toile de 3 pi 21 po de long et 2 pi 1 po de large représentant deux figures d’homme et une de femme ensemble plusieurs animaux, 100 lt.
Un tableau sur bois de Jean Belain de 3 pi 22 po de long et d’un pied huit pouces de haut représentant la Vierge tenant Jésus et deux autres figures à ses côtés, 100 lt.
Un tableau sur toile de Boniface de 2 pi de haut et 2 pi ½ de large représentant nostre Seigneur nud, flagellé et couronné d’espine, 50 lt.
Un portrait sur toile du viel Tintoret de 2 pi 22 po de haut et 2 pi 3 po de long représentant un noble vénitien tenant ses gants en une main, 40 lt.
Un portrait de Georgion d’un pi et 2 po de haut et d’un pied de large représentant une femme qui se peigne, 50 lt.
Deux autres petits portraits sur bois dud Georgion en l’un desquels est représenté un noble Vénitien et en l’autre un prestre prisés ensemble 40 lt.
Un portrait sur toille de Paris Bourdon de 1 pi et 2 po de hault et 10 po de large représentant une personne, 30 lt.
Un autre portrait sur thoille d’un pi et demy de hault et de dix poulces de large représentant une femme appuyée sur sa main gauche, 20 lt.
Lesdits tableaux garnys chacun de leurs bordures de poirier noircy façon d’ebène.
Un grand tableau sur toile de 6 pi de hault et de 4 de large sans bordure représentant Notre seigneur portant sa croix et ayant la corde au col tirée par un Juif, 30 lt.
Un autre tableau sur bois d’après le Titien de 3 pi 4 po de long et de 2 pi 4 po de hault ayant double bordure une platte bande l’une de rouge et or et l’autre de noir et or ledit tableau représentant la Vierge tenant Jésus et deux figures à ses côtés, 30 lt.
Ung autre tableau sur toile du padouan après le Titien de 3 pi et demy de hault et de trois pi de large sans bordure représentant une déesse tenant le monde en main un satire et un cupidon devant et derrière elle, 100 lt.
Un autre tableau sur toile d’après le Titien de 3 pi de haut et de 2 pi quatre po de large sans bordure représentant la Vierge tenant Jésus et un ange à côté, 30 lt.
Un autre tableau sur toille de … Le Guide… de 2 pi et demy de haut et de deux pi de large sans bordure représentant saint Pierre repenty, 20 lt.
Trois autres tableaux sur thoille l’un deux pi ou environ en carré représentant la Vierge baisant Jésus qui est une esbauche du vieil Bassan l’autre de 2 pi quatre pouces de hault et de deux pieds de large est aussy une Vierge tenant Jésus et saint Jean qui luy porte … sans bordure et le troisième sur toile de Jacques Bassan de deux pieds moings deux poulces de large et d’un pied quatre poulces de hault ayant une bordure en platte bande prisés ensemble 20 lt.
Six petits tableaux d’environ un pied chacun dont cinq sur bois garnis de leurs bordures : un paysage, une Vénus…, un souffleur de feu et des portraits, prisés ensemble 30 lt.

DOC. 7. Inventaire a.d. de Jacques Sylvestre de La Forest, 27 juillet 1663, MCAN, LXXV, 120

Conseiller secrétaire du roy, maison et couronne de France et de ses finances, demeurant à Paris, rue neuve St. Louis, par. St. Gervais, à la requête de Anne Sanson sa veuve, A. de La Forest (sa fille) et Antoine Petit, sieur de Passy conseiller du roi en sa cour de Parlement de Metz
En présence d’André Sylvestre de la Forest, aumonier du roy prieur de St. Pierre de Bar sur Aube, oncle paternel et subrogé tuteur, de Paul Fauverel procureur de Jacques Robert Sylvestre de La Forest (fils aîné et légataire du défunt)

Inventaire de la maison :
Dans la bibliothèque : une petite table / quatre figures de bronze : une flagellation à la colonne sur son pied d’estail de marbre, et trois autres figures : le tout 80 lt.
Soixante-neuf tableaux trouvés dans les chambres et cabinets, prisés par Lhomme :
1. Un tableau de paysage et architecture peint sur toille et bordure, sur lequel est représenté une histoire saincte, 100 lt.
2. Un autre tableau sur cuivre d’un paysage, bordure, dans lequel est peinte une Magdeleine pénitente, 15 lt.
3, 4, 5. Trois autres tableaux de même grandeur et bordures avec paysages, 80 lt.
6. Un tableau et bordure peint sur bois, où est peinte une dame avec son enfant, 30 lt.
7. Un tableau et bordure représentant un village et plusieurs gueux, 50 lt.
8. Un tableau de paysage garny de sa bordure où il y a une cascade d’eau, 50 lt.
9. Un autre tableau et bordure d’or bruny dans lequel est peint un ravissement de St Paul coppie du Dominicquain prisé 20 lt.
10. Un petit tableau dans lequel est peinte une nostre dame avec son petit Jésus est une coppie du Dominicquain prisé avec sa bordure d’or bruny, 20 lt.
11. Un autre petit tableau garny de sa bordure d’or bruni où est peinte une nostre dame coppie du Carache, 20 lt.
12. Un tableau de paisage dans lequel est peint un baptesme de Notre Seigneur prisé avec sa bordure d’or bruny, 20 lt.
13. Un tableau dans lequel sont representez plusieurs fruicts prisé avec sa bordure d’or bruny 6 lt.
14. Un tableau ou est représenté une ruine de chasteau prisé avec sa bordure d’or bruny 10 lt.
15. Un tableau garny de sa bordure d’or bruny dans lequel est peint un paisage peint sur toille prisé 50 lt.
16. Un tableau dans lequel est depeint un paisage sous les arbres duquel sont des Joueurs des buveurs et autres gens qui se divertissent prisé avec sa bordure d’or bruny 20 lt.
17. Un tableau dans lequel est peinte une nostre dame avec son petit Jesus coppie de Wouet prisé avec sa bordure d’or bruny 30 lt.
18. Un tableau ou est depeinte une histoire, qui est coppie de l’abbé de Sainct Martin prisé avec sa bordure en partie dorée 15 lt.
19. Un tableau ou sont depeintes plusieurs demy figures a table coppie du Valentin prisé avec sa bordure 40 lt.
20. Un tableau ou est représenté une Ruine sans bordure 6 lt.
21. Un tableau ou et depeinte la fuitte de notre dame en egypte coppie de l’Albane 8 lt.
22. Un tableau peint sur cuivre où est sainct Jean preschant au desert, 25 lt.
23. Un tableau sans bordure ou est peint un tapis sur lequel sont quelques fruicts, 50 lt.
24. Un tableau ou sont depeints des raisins avec un vaze prisé avec sa bordure en partie dorée, 20 lt.
25. Un tableau ou est depeint un paysage soubz lequel sont des figures de Venus d’Amour et Bacchus avec sa bordure d’or bruny, prisé 15 lt.
26. Un tableau ou est depeint un paisage d’un Soleil couchant et led. Tableau sans bordure prisé 50 lt.
27. Un tableau ou est peinte une Magdeleine au desert prisé avec sa bordure d’or bruny, 8 lt.
28. Un tableau ou et peinte une Vierge son petit enfant Jesus et un saint Jean et qui est original de Sarazin prisé avec sa bordure 150 lt.
29. Un petit tableau ou est peinte une Magdeleine prisé avec sa bordure d’ebeinne 8 lt.
30. Un tableau ou est représenté Nostre dame avec une guirlande de fleurs prisé 10 lt.
31. Un tableau coppie de Raphael ou est représenté un triomphe de l’Eglise romaine garny de sa bordure dorée, pris 200 lt.
32. Un autre tableau ou et un paisage dans lequel est représenté le poinct du jour prisé 50 lt.
33. Un autre tableau ou sont représentez plusieurs personnages agés prisé avec sa bordure dorée 100 lt.
34-35. Deux tableaux de paysages de mesme grandeur d’Italie à bordure dorée prisés 200 lt.
36-41. Six autres tableaux de paisage aussy d’Italie de mesme grandeur et sans bordure prisez 250 lt.
42. Un petit tableau peint sur toille ou sont representez trois enfans qui se jouent avec sa bordure noircie prisé 6 lt.
43. Un tableau ou est representé un naufrage à bordure noire prisé 10 lt.
44. Un tableau peint sur toille ou sont representé plusieurs figures et animaux prisé 40 lt.
45. Un tableau de fleurs peint sur toille avec sa bordure d’or bruny prisé 6 lt.
46. Un tableau peint sur bois ou est représenté le festin de Baltazard avec sa bordure dorée à l’antique prisé 30 lt.
47. Un tableau peint sur toille ou est représenté un Joueur de flustes sans bordure prisé 6 lt.
48. Une nostre dame peinte sur toille avec une bordure d’or bruny prisé 10 lt.
49. Un tableau peint sur bois ou est représentée une nopce de village coppie du Breugle prisé avec sa bordure noire 40 lt.
50. Un tableau peint sur toille d’un paisage ou sont plusieurs …animaux fleurs fruicts avec sa bordure noire, 10 lt.
51. Un tableau peint sur bois ou est représenté le festin de Baltazar sans bordure, 40 lt.
52. Un tableau peint sur toille avec sa bordure noire ou est représentée une Venus qui dort avec plusieurs amours, 12 lt.
53. Un tableau peint sur toille ou est representé une dorothée sans bordure prisé 4 lt.
54. Un tableau peint sur toille ou est representé une nostre dame coppie de Raphael sans bordure prisé 12 lt.
55. Un grand tableau peint sur toille du Mariage de la Vierge sans bordure, 15 lt.
56. Un petit tableau peint sur toille d’un paisage à bordure doré, 100 sols
57. Un paisage peint sur toile ou est représenté une ruine à bordure d’or bruny, 6 lt.
58. Un grand tableau sur toille ou est représentée la nativité de nostre seigneur, sans bordure, 15 lt.
59. Un autre grand tableau peint sur toille ou est représenté une annonciation de la vierge, prisé sans bordure 10 lt.
60. Un autre grand tableau sur toille sans bordure ou est représenté une circoncision, 15 lt.
61. Un tableau sur toille d’une adoration sans bordure prisé 15 lt.
62-63. Deux petits paysages avec une bordure noircie, 3 lt.
64. Un tableau de Venus avec un satyre, 40 lt.
65-66. Deux tableaux peints sur toile de paisages bordure, 42 lt.
67. Un tableau ou est peint un naufrage avec sa bordure d’or bruny, 6 lt.
68-69. Deux petits tableaux peints sur toille ou sont représents deux ruines avec leurs bordures noircies, 4 lt.

Tous lesquels tableaux cy dessus ont esté prisez par l’advis de Jacques Lhomme me peintre à Paris, et a signé : Lhomme

Inventaire des papiers :
Contrat de mariage devant Parque, 18 février 1640.
11 avril 1658 : achat de la maison 81.000 lt., devant Muret et Motclet notaires
Autre maison rue neuve des Minimes : vendue par claude Dublet pour 12.000 lt. le 20 juillet 1658 devant Galloys.
1655. Adjucation pour le défunt d’une maison size rue Saint Anastase.
1658, 22 mai, devant Galloys.
Achat de place à Michel Villedo et Anne Mignon de 63 toises, à l’encoignure des rues neuve St. Louis et Corderie avec tous les bâtiments faits sur icelle et les matériaux qui y restaient : 25.000 lt.
Maison de Gentilly, cédée par les Sanson, 29 nov. 1659, Parque notaire.

(Situation financière en faillite, maisons saisies. Anne Sanson réclame l’héritage de son père qui lui et échu devant la communauté).
Inventaire à Gentilly (entre les deux inventaires, Anne Sanson a dû vendre carrosses et chevaux pour se nourrir) : « Un petit tableau peint sur toile sans bordure, représentant le jugement de Salomon ».
(Succession violemment contestée par le gendre qui refuse d’y participer).

DOC. 8. Inventaire a.d. Marie d’Aubeterre, épouse de Louis Benoist, 4 novembre 1666. MCAN, LXXV, 133

A la requête de Louis Benoist, bourgeois de Paris demeurant rue Saint-Anastase par. Saint-Gervais, tuteur de Jacques, Marie, Hilaire, Elisabeth, Louis, Vincent et Alexandre Michel Benoist. Louis Benoist était le commis de Jacques Bordier.

Tableaux et porcelaines :
Un grand Crucifix d’ivoire dans un tableau à bordure d’or sur velours noir, 30 lt.
Une copie d’une Vierge d’après Leonard Dalvinci avec sa bordure dorée, 15 lt.
Une tête de Christ dans une bordure dorée à 6 pans avec une tête d’une Magdeleine de pareille bordure, 20 lt.
Une autre tête de Magdeleine dans une bordure dorée, 12 lt.
Le Crucifiement de Saint Pierre, 12 lt.
Saint Hiérosme faisant pénitence, 8 lt.
Un grand tableau de Mauperché représentant un paysage dans un morceau d’architecture et des animaux, 50 lt.
Un autre grand tableau d’un paysage à bordure dorée avec un chapelet alentour, 8 lt.
La copie d’une Joconde avec une bordure dorée, 12 lt.
Une perspective de Lemaire avec son cadre doré, 20 lt.
Un petit tableau de Fouquiere représentant un ??? avec un autre de fouquière d’un paysage, un petit tableau représentant la ville de Venise, prisés ensemble 75 lt.
Un tableau représentant l’éducation de Bacchus, 6 lt.
Un paysage de Hurel avec un morceau d’architecture, un autre paysage de luy avec une tour ruinée, un autre paysage de luy avec des pêcheurs, 20 lt.
Un autre paysage ou il y a des petits personnages et des moutons avec un autre paysage où il y a des oiseaux, un autre petit paysage avec une bordure de bois de sapin blanc, un autre tableau représentant un bouquet de fleurs, deux petits tableaux représentant la salutation de l’ange et l’autre la fuite de la Vierge en Egypte, le tout ensemble, 30 lt.
Une figure d’yvoire représentant deux petits enfants du sieur Van Opstal enfermés dans une bordure noire à fond de velours noir, trois petites figures d’albastre représentant trois saints, prisés ensemble 40 lt.

DOC. 9. Inventaire a.d. de Madeleine Hobier, épouse d’Étienne Macquart, 17 novembre 1653, MCAN, LXXV, 84

(Elle est apparentée aux Lybault par son père Ithier Hobier, cousin germain d’Étienne Lybault par sa femme. Sa fille Marie Macquart sera belle-sœur par alliance de Claude II Bordier (le mari de Marie Macquart, Gallyot Gallard, est le beau-frère de Claude Bordier qui a épousé le frère de Gallyot, Claude Gallard.
Étienne Macquart et Madeleine Hobier habitent 12 rue du Parc Royal, hôtel limitrophe de celui de Jacques Bordier.
Étienne Lybault appelle Étienne Macquart son bon ami.
Étienne Lybault donne Étienne Macquart 3 petits tableaux : un Bacchus et Ariane de Corneille prisé 100 lt. dans inventaire Étienne Macquart, et deux Breughel avec plusieurs personnages dans inventaire Madeleine Hobier.
Claude Bordier donne à Étienne Macquart : la Vierge de l’Albane, et une Ruine dans un paysage ; à Madeleine Hobier, épouse Macquart, une Madeleine).

Inventaire des tableaux
Dans le cabinet du sieur Macquart joignant la salle ayant vue sur le jardin :
Cinq grands tableaux garnys de leurs bordure dorée en trois desquels sont représentés divers paysages, un autre du Goualchin (Guerchin) où est représenté une décollation de Saint Jean, l’autre un tapis du Malthois, prisés ensemble 500 lt.
Trois autres petits tableaux, deux garnis de bordure dorée et l’autre d’ébène, en l’un desquels est représentée l’Horreur d’un lieu infâme, et aussi une Surprise de mort, et l’autre un paysage, priséz ensemble 15 lt.
Dans un autre petit cabinet joignant : 8 tableaux, 3 bordures dorées, 5 ébènes représentant diverses histoires et paysages, 10 lt.
Dans la petite salle au dessus de la remise de carrosses :
Un crucifix d’argent doré sur sa croix d’ébène sur un fond de velours noir, 40 lt.
Un tableau de l’Albane garni de son chassis et bordure dorée représentant une Vierge, 100 lt.
Un autre tableau aussi garny de son chassis et bordure représentant le Ravissement de Saint Paul, copié du Dominiquain, 20 lt.
Une autre copie de Leonard d’Alvin d’une Vierge tenant un petit Jésus, 20 lt.
Un tableau aussi peint sur bois avec sa bordure dorée représentant une Vierge travaillant, 20 lt.
Un autre tableau peint sur cuivre du Correge représentant une Magdeleine avec sa bordure dorée, 40 lt.
Deux autres petits tableaux de Corneille représentant divers paysages avec leurs bordures de bois doré, prisés ensemble 120 lt.
Trois autres petits tableaux, deux de Brueghels ou sont despeint plusieurs petits personnages et l’autre représentant le Jeune Thobie, prisés ensemble 80 lt.

DOC. 10. Inventaire a.d. d’Étienne Macquart, 30 mai 1659. MCAN LXXV, 103

Un grand paysage Dubot garny de sa bordure prisé 60 lt.
Un grand paysage de Romain aussy garny de sa bordure dorée, 40 lt.
Un grand tableau ou est aussi représenté un paysage d’une mer et des navires flottants, bordure dorée, 40 lt.
Un autre tableau plus petit représentant un paysage d’Armand bordure dorée, 60 lt.
Un autre représentant un Saint Jean de Dieu, 10 lt.
Un autre représentant un bacchus de Corneille, 100 lt. [n.b. Bacchus et Ariane, offert par Lybault]
Un autre petit tableau ou est représenté deux personnes couchées et des démons peints sur … , 15 lt. [n.b. la Surprise de la Mort, l’Horreur d’un lieu infâme, dans invent. de sa femme Madeleine Hobier ?]
Un autre petit tableau représentant une femme avec un enfant aussy garny de sa bordure, 3 lt.
Un panier de raisins garni de sa bordure de bois noircy, 12 lt.
Un autre panier de plusieurs fruits, idem, 12 lt.
Un autre ou est aussi repris : trois grappes de raisins sur une table, bordure de bois noircy, 30 lt.
Un tableau représentant un pasturage, bordure de bois doré, 6 lt.
Un paysage, 4 lt.
Une vieille femme tenant un chat, 20 lt.
Dans la bibliothèque :
Un tableau de la Gloire de l’Albane, non prisé, légué au Sieur Hobier par Macquart (testament)
Une Vierge de l’Albane, léguée au Sieur de Jean, secrétaire du Roi [n.b. avait été donné par Claude Bordier]

Inventaire des papiers :
A Nauphle, maison rue de Thorigny (1658) : une promesse signée Bordier 15 octobre 1658 de la somme de 100 000 lt. pour prêt payable à volonté. Un écrit idem 20 mars 1656 promesse de fournir audit Sr Macquart un billet de l’épargne pour 2545 lt.
Locations par Bordier le 14 mai 1656 de la terre de Bourdict, manoir etc.10 mai : 1400 lt. au coin du pont Marie. 27 juin, rue Payenne attenant le Petit arsenal, 180 lt.

(Les Macquart eurent 6 filles, dont deux religieuses. Leur partage se fit provisoirement le 8 août 1661 devant Galloys notaire. En 1668 eut lieu le partage définitif. Il ne restait que deux filles).

DOC. 11. Inventaire a.d. de Claude Margonne, 24 septembre 1659. MCAN, XC, 222

(Claude Margonne conseiller du roi en ses conseils, secrétaire de S.M. et de ses finances et receveur général des finances en la généralité de Soissons.
Par son premier mariage, il était cousin des Bordier. D’après Tallemant, sa fille avait failli épouser Hilaire Bordier, et sa seconde épouses Anne Puget était « la bonne amie » de Jacques Bordier. Son hôtel rue Saint-Anastase).

Un tableau représentant une huile de Fouquières, bordure dorée, 100 lt.
Une petite Madeleine, bordure de bois blanc, 15 lt.
Un tableau du Maltais, bordure de bois doré, 150 lt.
Un tableau représentant un Turc, bordure doré, 30 lt.
Une vierge, bordure de bois doré, 25 lt.
Une tête de Vierge de Vouette, bordure, 10 lt.
Deux grands paysages d’Italie, 75 lt.
Une Dorothée du Valentin, 200 lt.
Deux paysages d’Armand, bordures dorées, 100 lt.
Deux petits tableaux de fleurs, 30 lt.
Deux petits tableaux, bordure dorée, chevaux de Bamboche, 30 lt.
Un paysage, 15 lt.
Un autre tableau de Valentin représentant un flûteur, 15 lt.
Trois petits tableaux des Flandres, 15 lt.
Un petit tableau représentant une Mer, 10 lt.
Un autre, un flûteur, 100 lt.
Une Vierge et des anges, 30 lt.

Dans le cabinet :
Une mer agitée, 100 lt.
Un tableau de fruits, 30 lt.
Une Vierge et Saint Jean, 20 lt.
Un petit tableau représentant une Mer, 4 lt.
Un plat de fruits, 10 lt.

Autres tableaux (22 + 1 représentant un pot de fleurs et une Diane, dans la maison size à la Roquette lez paris.

Partage de Margonne le 10 octobre.

DOC. 12. Inventaire a.d. d’Antoinette Bornat, 1è épouse de Charles Hurel, 1er octobre 1640, MCAN, LXXV, 44

(Née en 1608. Fille d’Antoine Bornat, peintre du roi, et de Catherine Jacques, elle-même fille de Mathieu Jacquet. Épouse Charles Hurel le 2 juin 1626 devant notaire Cuvillier. Décède le 17 septembre 1640).

Inventaire à la requête de Charles Hurel, maître peintre sculpteur, bourgeois de Paris, demeurant rue neuve Saint-Louis, paroisse Saint-Paul, en la présence de Catherine Jacquet dite Grenoble, veuve de feu Antoine Bornat, demeurant à présent en la maison dudit Hurel, héritière mobilière de sa fille et tutrice de Thomas Bornat son fils mineur, héritier pour moitié du propre de la défunte sa sœur, et aussi en la présence de Jacques Bornat, maître peintre sculpteur bourgeois de Paris, héritier pour l’autre moitié (donc frère aîné de Thomas).

Tableaux dans un cabinet attenant la salle haute :
Saint Paul au ciel sur cuivre, 30 lt.
Les Quatre Âges de l’homme sur toile, 30 lt.
Un voyage de Jacob, et Deux Bacchanales, prisés ensemble 90 lt.
8 tableaux sur toile de paysages, 8 lt.
4 tableaux sur toile de paysages, 8 lt.
8 petits tableaux, 12 lt.
Une Vénus avec de petits amours
Sainte Hélène
Saint Roch
Vierge et sainte Hélène

6 moyens paysages
2 Vierges imparfaites, petits paysages sur cuivre, 12 lt.
Un paysage avec figures
Un Christ au désert sur cuivre
Le Ravissement de saint Paul
Saint Étienne sur cuivre
Un petit crucifix sur bois 10 lt.
2 Vierges, l’une sur bois, l’autre sur cuivre, 60 lt.
2 autres peintres sur toile, 60 lt.
Sainte Dorothée ( ??), 4 lt.

DOC. 13. Inventaire a.d. de Charles Hurel, 23 septembre 1648. MCAN, IX, 408 (publié par Fleury 1969, p. 323-326. Seul l’inventaire des plâtres et des tableaux est ici repris).

(Inventaire dressé en une maison sise sur le pont Marie, à la requête de Catherine Guyot, sa veuve, en son nom et comme tutrice de Catherine, 6 ans, Anne, 4 ans, Étienne, 3 ans, Antoine-Charles, 10 mois. Estampes, livres, papiers (parmi ceux-ci, le marché entre Hurel et le sieur de La Forest pour la fourniture d’une tableau représentant le sieur Bordier, 30 lt., la veuve Hurel a engagé le peintre Marin Jacob pour l’exécution de ce portrait, qui sans doute ne fut pas davantage exécuté ; en tout cas il n’apparaît pas dans l’invent. a.d. de La Fresnay, 1663). Catherine Guyot, fille de Laurent Guyot, peintre ordinaire et valet de chambre du roi, cousin de Simon Lerambert, et de Jeanne Dumée d’une famille de peintres).

Inventaire des figures de plastres moullées servant audict art de peintre et sculpteur, prisées par Bierman assisté de Nicolas Vyon, maître sculpteur et peintre.
Une figure d’anatomie et une petite figure d’enfant, 4 lt.
Onze autres petites figures tant de femmes que d’enfants et autres, 110 sols
Quatorze pièces, têtes, pieds, membres, 7 lt.
Dix pièces, consoles et festons, 40 sols
Un petit cheval ébauché de terre, 8 lt.

Inventaire des tableaux prisés par Marin Jacob, maître peintre et sculpteur
Un tableau représentant un Crucifix, bordure d’or bruni, 25 lt.
Tableau représentant la Vierge tenant son enfant, bordure d’or bruni, 25 lt.
Grand tableau d’après le Poussin : Vierge et saint Joseph, bordure d’or bruni, 15 lt.
Deux tableaux de paysages, dont un dudit défunt et l’autre du sieur Belin, bordures d’or
Deux petits tableaux de fleurs du sieur Gerard, bordure d’ébène, 10 lt.

(Noter que la plupart des tableaux qui figuraient dans l’inventaire d’Antoinette Bornat ne figurent pas dans celui de Hurel, en particulier les tableaux peints sur cuivre et, semble-t-il, ce qui devaient être des copies commandées à Hurel, comme Les Quatre Ages de l’homme (de Valentin ?), le Voyage de Jacob, les Bacchanales (de Poussin ?)).


Noms d’artistes cités dans cet essai et tels qu’ils apparaissent dans les inventaires :

Francesco Albani, dit l’Albane (1578-1660) : appelé Lalbane
Pieter Jacobz Van Laer, dit il Bamboccio (1599-1642) : appelé Bamboche
Jacopo Bassano (1515-1592) : appelé Le Bassan
François Belin ou Blin : appelé Jean Belain
Pieter Brueghel (vers 1525-1569) : appelé Breugle, ou Brueghuels
Philippe de Buyster (1595-1688)
Giovanni Battista Castiglione, dit le Grechetto (1609-1664) : appelé Le Benedict, ou Benedete
Paris Bordone (1510-1571) : appelé Paris Bourdon
Carache
Corrège
Dantueie ( ?)
De Somme
Domenichino Zampieri, dit Le Dominiquin (1581-1641) : appelé Le Dominicquain
Charles Alphonse Dufresnoy (1611-1665)
Domenico Feti (1589-1624) : appelé Le Phetis
Francesco Fieravino, dit il Maltese (vers 1580-1659) : appelé le Chevalier Maltais, ou Malthois, ou Le Maltois
Fouquière (vers 1580-1659)
Gérard Malpas Bastin, dit Goswin (1613-1685) : appelé le sieur Girard ou Gérard
Giorgio da Castelfranco, dit Giorgione (vers 1477-1510) : appelé Georgion
Giovanni Francesco Barbieri, dit le Guerchin (1591-1666) : appelé Le Goualchin
Charles Hurel (vers 1600-1648)
Claude Gellée, dit Le Lorrain (vers 1600-1682) : appelé Claude Lorain
Jean Lemaire, dit le gros Lemaire (1598-1659)
André Le Nôtre (1613-1700)
Louis Le Vau (1612-1670)
Henri Mauperché (vers 1602-1686)
Pierre Oger
Palma l’ancien (vers 1480-1528) : appelé Viel Panne
François Perrier (1594-1649)
Nicolas Poussin (1594-1665)
Raphaël Sanzio (1483-1520)
Guido Reni, dit Le Guide (1575-1642) : appelé Guide
Giulio Romano : appelé Romain (vers 1499-1546)
Jacques Sarazin (1592-1660)
Louis Testelin (1615-1655)
Gérard Van Opstal (1604-1668)
Hermann van Swanevelt (1603-1655) : appelé Armand ou Herman
Jacopo Robusti, dit le Tintoret (1518-1594)
Paolo Caliari, dit Véronèse (1528-1588) : appelé Veroneze, ou Veronaisse
Léonard de Vinci (1452-1519) : appelé Leonard Albins, ou Leonor Delvin, ou Leonnard de Vincy, ou Leonnard Dalvin
Simon Vouet (1590-1649) : appelé Vouette

Françoise de la Moureyre

Notes

[1Cet essai, je tiens à le dire, doit beaucoup aux recherches entreprises avec passion dans les années 1990 par la regrettée Henriette Dumuis qui n’en aura donc pas vu le terme.

[2Tallemant p. 444.

[3Lefèvre d’Ormesson éd. 1860, I, 391-92.

[4Dessert 1984 ; Bayard 1988.

[5Partage des biens de Robert Bordier, 7 déc. 1644, MCAN, LXXV, 56. Sa maison est évaluée à 14.500 lt. Son inventaire a.d. , 5 sept. 1644, MCAN, XVIII, 271, DOC. 1, cite ses peintures, toutes à sujet religieux et anonymes : Nativité, Flagellation, Sainte Madeleine, Saint François, et « un tableau de marbre ».

[6Étienne Macquart, receveur général des finances en Normandie, voisin de Bordier rue du Parc Royal ; son inventaire a.d. 30 mai 1659, MCAN, LXXV, 103, DOC.10 ; Ithier Hobier, conseiller en Parlement, dont la fille Madeleine a épousé Étienne Macquart ; l’inventaire a.d. de Madeleine 17 nov. 1653, MCAN, LXXV, 84, DOC. 9 ; Charles Margonne, conseiller du roi, commissaire ordinaire des Guerres, puis receveur général des finances de la Généralité de Paris, obligé de vendre son hôtel à Jacques Bordier en 1627, inventaire a.d. de son frère Claude Margonne qui demeure rue Saint-Anastase, 24 sept. 1659, MCAN, XC, 222, DOC. 11. Tous ces inventaires révèlent un goût commun pour la peinture.

[7Heumann 1938, p. 182-233.

[8Sur l’Hôtel de Vigny, voir Mignot 1985, L’Hôtel de Vigny, Cahier de l’Inventaire 5.

[9Étienne Lybault était notaire, Trésorier général des gabelles du Lyonnais en 1623.

[10Voir à ce sujet Cojannot 2012, p. 285-286, 311, 313.

[11Sur ces parcelles sur le Pont Marie, cf. Cojannot 2012, p. 176.

[12Les héritiers de Jacques Bordier étaient : son fils aîné Hilaire, époux de Denise de Heere, Jacques appelé Monsieur des Raincys, mort en 1666, Thomas Morant, veuf d’une fille de Jacques, Catherine Bordier (elle-même décédée le 30 juin 1646), et Claude Bordier, autre fille de Jacques, épouse de Claude Galard, président de la Chambre des Comptes. Le 16 octobre 1660, ils nommèrent Louis Benoist leur procureur. L’hôtel de la rue du Parc Royal (hôtel de Vigny) sera vendu avec la maison de la rue Saint-Anastase et celle de la Grande rue Saint-Louis pour 165.000 lt. à leur cousine Anne de Villers, épouse de P. Girardin, avec ses trumeaux et dessus de porte, mais sans son mobilier (vente du 27 juillet 1661, MCAN, LXXV, 112) ; elle y fera peindre les plafonds par Nicolas Loir. Souvent menacé de démolition, l’hôtel de Vigny fut acheté par l’État en 1938, classé dans le secteur sauvegardé par Malraux, restauré dans les années 1980, il a abrité quelques années le centre de documentation du patrimoine, puis a été vendu à un investisseur anglais en 2007. Les plafonds peints du rez-de-chaussée sont conservés.
Le château du Raincy fut acquis le 12 septembre 1663 par Anne de Gonzague, princesse palatine (1616-1684). Lorsqu’elle y mourut, le château resta indivis entre ses trois filles qui le revendirent en 1694 au marquis Louis Sanguin de Livry, maréchal de camp. Le Raincy prit alors le nom de Livry-le-Château. Louis Sanguin y fit faire de nombreux embellissements avant de décéder en 1723, et le château resta dans la famille des Sanguin jusqu’en 1769. Il passa alors à la famille d’Orléans.

[13Testament dans MCAN, LXXV, 46, DOC. 2. Ce tableau fut prisé 100 lt. dans l’inventaire a.d. d’Étienne Macquart, 30 mai 1659, MCAN, LXXV, 103, DOC. 10.

[14Musée du Louvre, inv. 792, H. : 50, L. : 38. « Con.er Secrett.re du Roy Et de ses finances, aux Reverends Peres de la compagnie de Jésus, à condition que ledit tableau demeurera dans la sacristie sans qu’il puisse estre donné à personne ny mis ailleurs qu’a l’endroit ou les Relligieux qui ont celebre la Sainte Messe rendent grace à Dieu ».

[15Roger Robineau, chevalier de Saint-Pierre, gentilhomme ordinaire de la Maison du Roi, était le demi-frère de l’évêque de Langres Sébastien Zamet. Familier de Bordier, il s’intéressait lui aussi à la peinture ; plus de 30 tableaux sont énumérés dans son inventaire a.d. du 17 oct. 1646 (MCAN, LXXV, 62, DOC. 5), beaucoup de portraits et des peintures à sujets religieux, mais curieusement, la copie du Dominiquin n’y apparaît pas. Hurel ne respecta-t-il pas les volontés d’Étienne Lybault ? On trouve dans l’inventaire d’Antoinette Bonnat un « Saint Paul au ciel sur cuivre » estimé 30 lt. et un « Ravissement de Saint Paul » aussi sur cuivre, estimé seulement 20 lt. avec deux autres peintures encore sur cuivre ; ils ne figurent plus dans l’inventaire a.d. de Charles Hurel. La copie d’Hurel fut peut-être offerte par Hurel aux Macquart : dans l’inventaire a.d de Madeleine Hobier, épouse d’Étienne Macquart, dressé le 11 juin 1653 dans son hôtel rue du Parc Royal, on trouve : « un tableau garny de son chassis et de sa bordure dorée représentant le Ravissement de saint Paul, copie de Dominiquin », prisé 20 lt. (MCAN, LXXV, 84, DOC. 9) ; mais il n’est plus indiqué dans l’inventaire de son époux Étienne Macquart de 1659, DOC. 10. Il semble être passé entre les mains du neveu de Jacques Bordier, Jacques Sylvestre de la Forest (inventaire a.d. 27 juillet 1663, MCAN, LXXV, article 9, estimé 20 lt., DOC. 7).

[16Testament de Claude Bordier, MCAN, LXXV, 54, DOC. 3.

[17La Vierge de l’Albane sera prisée 100 lt. dans l’inventaire a.d de Madeleine Hobier, 11 nov. 1653 (MCAN, LXXV, 84, DOC. 9). Son mari Étienne Macquart la lèguera en 1659 au Sieur de Jean, secrétaire du roi (inventaire a.d. de Macquart du 30 mai 1659, MCAN, LXXV, 103, DOC. 10).

[18Sur cette composition, cf. Rearick 1992-1993. Jacopo Bassano assisté de Leandro a peint vers 1578 une grande toile sur ce thème (coll. part. de Bassano provenant d’une coll. anglaise). Une autre grande composition de Jacopo sur ce thème date de 1579 et a été maintes fois copiée par Leandro et par Francesco.

[19Il est possible que cette Sainte Dorothée ait appartenu ensuite aux Margonne, amis et voisin des Lybault. Dans l’inventaire a.d. de Claude Margonne, 24 sept. 1659, DOC. 11, dans son hôtel rue Saint-Anastase est cité « une Dorothée du Valentin » estimée 200 lt., DOC. 11.

[20Sa première épouse, Antoinette Bornat (morte sans enfant, inventaire a.d. le 17 sept. 1640, MCAN, LXXV, 44, DOC 12, comportant de nombreux tableaux), était fille d’Antoine Bornat, peintre de la maîtrise, et de Catherine Jacquet ; elle était ainsi la petite-fille du sculpteur Mathieu Jacquet dit Grenoble. Veuf, Charles Hurel se remaria en 1641 avec Catherine Guyot, dont le père, Laurent, peintre ordinaire et valet de chambre du Roi, était cousin de Simon Lerambert, et dont la mère, Jeanne Dumée, appartenait aussi à une famille de peintres.

[2117 mars 1740, baptême d’Antoinette, septième enfant de Sarazin, Laborde 12184-60221.

[22Ainsi dans l’inventaire a.d. de Catherine Lybault, l’épouse de Jacques Bordier (30 déc. 1652-14 mars 1653, MCAN, LXXV, 109), plusieurs toiles d’Hurel (inv. n° 7, 9, 33-35, 55).

[23Parmi ces copies : Les Quatre Ages de l’Homme d’après Valentin, deux Bacchanales d’après Poussin, et le Ravissement de saint Paul d’après le Dominiquin sont cités dans l’inventaire a.d. de sa première épouse Antoinette Bornat (1er oct. 1640, MCAN, LXXV, 44, DOC. 12) ; elles reproduisaient des originaux appartenant aux Lybault. Une Sainte Famille d’après Poussin est citée dans son propre inventaire a.d. (23 sept. 1648, MCAN, IX, 408, dans Fleury 1969, p. 323, DOC. 13).

[24Deux exemplaires connus : BnF, N, n° 5604 du catal. Duplessis, et bibliothèque de l’Arsenal, n° 884. Les portraits peints par Jean de Dieu ne sont connus que par les gravures qui en furent faites, cf. Heinecken, IV, p. 716 et Thieme-Becker, p. 277.

[2514 juillet 1641, devant Langlois notaire.

[26En 1667, Hilaire Bordier le vendra pour 2400 lt. au roi (Guiffrey 1881, Comptes des Bâtiments du roi, I, 213). Après avoir longuement séjourné dans les jardins de Marly où sa présence est attestée de 1693 à 1768, installé sur une imposante console de marbre sculptée en 1702 par Armand-Louis Solignon et Nicolas Monthéan, il est aujourd’hui au Louvre (Le groupe : H : 0,90 ; L : 0,66 ; Pr : 0,75. La console : 1,20 ; L : 1,20 ; Pr : 0,98. Inv. RF 1843 A et B).

[2730 déc. 1652-14 mars 1653, MCAN, LXXV, 109.

[28MCAN, LXXV, 108.

[29MCAN, LXXV, 109.

[30A Robert Le Blant 1976, revient le mérite d’avoir découvert et publié ces inventaires et d’avoir esquissé la biographie de Bordier. Mais son article, si intéressant soit-il, contient plusieurs inexactitudes et des erreurs de lecture. Il n’a pas non plus cherché à identifier les tableaux qui sont cités. L’inventaire de 1652, ainsi que celui de 1660, en revanche, a été entièrement retranscrit et annoté pour ce qui regarde les tableaux de l’hôtel parisien, par Mignot 1985, p. 40-50.

[31Le courant caravagesque a diffusé ce genre de scène nocturne, scènes de tripot, concerts nocturnes, nuits mystiques, tant en Hollande qu’en France et en Lorraine.

[32Voir Mignot 1985, p. 40. Poussin avait peint presque toutes ses Bacchanales à Rome entre 1626 et 1637. Celles de Richelieu, peintes dans les années 1634-1637, sont les premières que l’on connaisse sur le sol français.

[33Contrairement à ce qui a été généralement dit, et que retient aussi Mignot, il est impossible que le Valentin de Bordier soit celui qui avait appartenu à Particelli d’Hemery, figurant dans son inventaire en 1650 avec une estimation de seulement 200 lt. En effet, en 1641, le Valentin de Bordier était entre les mains des Lybault, puis fut légué à Bordier. Étienne Lybault, Claude Margonne et Jacques Bordier ont été parmi les premiers collectionneurs français à acquérir des toiles de Valentin. Nous pensons que c’est le Valentin de Bordier, non celui de Particelli d’Hemery, qui se trouva plus tard chez le duc d’Orléans au Palais Royal et qui est conservé aujourd’hui à la National Gallery de Londres (96 x 134). Le duc d’Orléans l’aurait acheté à un nommé Dussé (le marquis d’Ussé ?), selon Dubois de Saint-Gelais 1727. Il est reconnu comme un chef d’œuvre de la maturité du Valentin, peint à Rome vers 1625-1628. Cinq répliques, dont trois de meilleure qualité, en sont connues. Noter qu’une peinture sur toile des « Quatre Ages de l’homme » figurait dans l’inventaire d’Antoinette Bornat avec une estimation de 30 lt., DOC. 12 : il s’agissait probablement d’une copie de la toile de Lybault faite par Hurel.

[34Benedict Castillon, dit le Benedetto, ou le Genovese selon A. Félibien, autrement dit Giovanni Battista Castiglione, le Grecchetto (Gênes 1609-Mantoue 1664) est un contemporain de Jacques Bordier. Il a peint de nombreux « voyages de patriarches » à plusieurs moments de sa vie, mais plus particulièrement pendant son premier séjour romain, entre 1630 et 1635. Une pièce de justice de 1635 le cite comme étant « celui qui peignait le voyage de Jacob ». Il fut rapidement repéré par les collectionneurs, le premier connu étant le maréchal Charles de Créquy, résidant à Rome en 1633-1634, suivi par les Napolitains (1637) et ensuite, les Génois à partir de 1643, au gré des déplacements de l’artiste. Le cardinal de Richelieu détenait un Grecchetto au Palais cardinal, « Tobie avec des animaux », inventorié en 1642, peut-être celui du duc de Créquy. Voir Il Genio di Giovanni Benedetto Castiglione il Grechetto, cat. de l’expo. de Gênes, Accademia ligustica di Belle Arti, 1990. Dans une coll. privée, Jacob conduisant les troupeaux de Laban, peint vers 1632. Mais aussi au Prado à Madrid : Le Retour de Jacob.

[35Voir Mignot 1985, p. 40 n° 6.

[36Charles Hurel a été largement évoqué ci-dessus, en particulier à propos de Jacques Sarazin.

[37Voir Mignot 1985, p. 40 n° 8. Noter que les Bordier avaient dans leur chapelle du Raincy une Nativité ou Adoration des Bergers du Bassan (n° 54 de l’inventaire) d’une estimation moindre (20 lt. en 1653). Bassano a plusieurs fois peint ce sujet, par exemple : Adoration des Mages au Kunsthistorisches Museum de Vienne.

[38Voir Mignot 1985 p. 49. Ces dessus de porte, comme ceux de Belin et de Hurel, n’étant pas des peintures de chevalet, n’ont pas été inventoriés par Mignard en 1660. Girard peignit aussi quatre dessus de porte dans le salon du Raincy représentant des fleurs. Charles Hurel possédait deux petits tableaux de fleurs de ce peintre, estimés en 1648 seulement 5 lt. chacun. Le même Girard peignit de fleurs la Grande salle de l’hôtel de l’abbé de La Rivière, décoré par ailleurs par Dorigny et Tortebat. Huit tableaux de fruits de Girard sont inventoriés sur les portes du Raincy en 1653. Jacques Thuillier, 1993, consacre la longue note 36 à ce peintre Girard, qu’a identifié René Jans 1977 : il s’appellait Gérard Malpas, natif de Liège, était fils de Dries Malpas et de Marie Goswin, et se fera souvent appeler Goswin ; il gagna Rome où il se trouvait encore en 1642 et dut donc y rencontrer François Perrier à qui il restera très attaché. A Paris ils travaillent sur les mêmes chantiers. En février 1648, Girard figure parmi les premiers membres fondateurs de l’Académie.

[39Était-ce le « petit tableau d’une perspective d’une église », anonyme, qu’Étienne Lybault offrait à sa sœur Claude dans le codicille de son testament du 15 avril 1641 ? Il est aujourd’hui impossible d’identifier le tableau de Bordier parmi les nombreuses représentations d’architecture ornées de figures antiquisantes qui peuplent musées et collections, peintes par Jean Lemaire dit Le gros Lemaire (1598-1659), l’ami de Poussin à Rome et son collaborateur au Louvre. Félibien (p. 69) disait qu’il « a fort bien fait les perspectives ».

[40Sans doute était-ce une copie de la Vierge de Bordier que l’on trouve dans l’inventaire de l’épouse d’Étienne Macquart, Madeleine Hobier du 17 novembre 1653, DOC. 9 : « une Vierge tenant un petit Jésus de Léonard d’Alvin estimée 20 lt. ». Notons que la haute estimation à 400 lt. dans l’inventaire de 1652, est la même que celle donnée à une des deux Bacchanales de Poussin, au Valentin, au Grechetto, et que l’estimation de 1500 lt. en 1660 est la plus élevée de toutes, ce qui laisse préjuger de sa qualité. Il est difficile de déterminer de quelle Vierge de Léonard il s’agissait et comment elle se trouvait en France. Qu’était devenue au XVIIè siècle la Vierge aux fuseaux peinte pour Florimond Robertet, dont on a recensé plusieurs versions ? Plus tard, on verra le marquis de Béthune vendre à Louis XIV la Vierge des balances (Louvre, n° 1604, où elle est attribuée à Luini avec un point d’interrogation). Bien d’autres candidates restent possibles, parmi les nombreuses et excellents répliques anciennes de laMadone Benois de Léonard, ou parmi d’autres attribuées aujourd’hui à Boltraffio, Ambrogio da Predis, Lorenzo di Credi, Bernardino Luini, l’atelier de Verrocchio etc..., telles que la Madone à l’œillet, la Madone Litta, la Madone Dreyfus, etc., dont le curriculum a des lacunes.

[41Bordier avait-il transporté cette Nativité au Raincy, où Perrier joua un rôle important ? Une Adoration des mages avait été peinte par ailleurs par François Perrier pour les Cordeliers de Lyon (Dezallier, Vie, 1762, IV, p. 24).

[42Testament d’Étienne Lybault, 1er avril 1641, MCAN, LXXV, 49, DOC. 2.

[43Charles Hurel avait peint « un grand tableau d’après le Poussin où est dépeint une Vierge et Saint Joseph », inv.a.d. Hurel de 1648, DOC. 3 ; il pourrait s’agir d’une Sainte Famille, ou encore d’ un Repos pendant la fuite en Egypte.

[44Inventaire de Claude Bordier, épouse d’Étienne Lybault, 23 janvier 1644, MCAN, LXXV, 54, DOC. 4 : « item un tableau d’une Vierge tenant son fils faict par Vouet avec sa bordure dorée duquel tableau n’a aussy esté faict aulcune prisée attendu qu’il a aussy esté légué par lad. Deffuncte à la première desdictes damoiselles ses filles qui fera profession en religion pour le present que l’on a accoustumé de faire à l’eglise ».

[45Les Vierges de Vouet connurent une extraordinaire vogue, ce que prouve ici la haute estimation de ce tableau. Jacques Thuillier fait remarquer que les premières furent peintes avant 1638, année des premières gravures de Michel Lasne, Pierre Daret et Claude Mellan, dans lesquelles ces Vierges sont montrées à mi-corps ou de trois-quart, tenant l’enfant devant elles sur leurs genoux.

[46Sarazin, on le sait, s’était volontiers adonné à la peinture et avait peint dans les années 1640 de nombreux tableaux de dévotion, dont des Vierges à l’Enfant, la plupart connus par la gravure, mais on ne connaît pas la composition de cette Madeleine, thème très en faveur lui aussi. Bordier commanda à Sarazin le tableau d’autel de sa chapelle aux Minimes : une grande Sainte Famille avec saint François de Paule (aujourd’hui à Limon, cat. expo. Noyon, p. 114, n° 18, ill. 7) et il possédait, on s’en souvient, le groupe en marbre des Enfants à la chèvre qu’il installa en bonne place au Raincy. Le neveu de Bordier, Jacques Sylvestre de la Forest, détenait une autre peinture « originale » de Sarazin représentant « une Vierge, son petit enfant Jésus et un Saint Jean » prisée 150 lt. (invent. a.d. du 27 juillet 1663, MCAN, LXXV, 120, art. 28, DOC. 7) ; une gravure de Daret de 1644 montre une telle composition (cat. Noyon, p. 116). Les liens entre Jacques Bordier et Sarazin ne s’arrêtent pas là. Ils achètent l’un et l’autre des places à bâtir sur le Pont Notre-Dame, construites par Dublet : le 21 décembre 1643, devant Richet, Almeras revend deux places à Sarazin (Dumolin, III, p. 275), et les numéros 4 et 7 lui échoient par tirage au sort le 27 mars 1645. Enfin, le 1er mai 1644, Bordier est parrain du onzième enfant de Sarazin prénommé Jacques (Laborde 12184-60222). Toutes ces informations dans : Jacques Sarazin sculpteur du Roi 1592-1660, cat. de l’exposition de 1992 à Noyon, Musée du Noyonnais, éd. RMN, 1992.

[47Mignot 1985, p. 49, fait remarquer avec raison qu’il ne peut s’agir du peintre Charles de Somme (Bruxelles 1637-Paris 1673 ), réputé pour ses natures mortes avec des fruits mais trop jeune pour être connu des collectionneurs en 1652.

[48Sur François Belin ou Blin, voir Mignot 1985, p. 49. Hurel possédait un de ses paysages. François Blin avait inventorié les tableaux de Catherine Lybault.

[49Il y eut un Pierre Oger, maître peintre, actif à Paris dans les années 1614-1626 (Fleury 1969, p. 525-526).

[50Ce tableau cité dans l’inventaire de 1652 a échappé à Claude Mignot, qui a néanmoins noté la mention du même tableau dans l’inventaire de 1660, mais sans en déchiffrer le nom. Domenico Feti (Rome 1589-Venise 1624), qui fut actif à la cour des Gonzague de Mantoue où il peignit entre autres une suite des douze Apôtres, fut apprécié par Jabach et était représenté par quatre toiles dans les collections de Louis XIV. On trouve un Saint Jacques de Feti, estimé 400 lt. dans l’invent. a.d. de Charles Fleuriau, comte de Morville, 3 mars 1732 (Rambaud, 1964, p. 571). Dans un autre inventaire de 1713, son nom est transcrit : Duferty (ibid., p. 540).

[51Nous pensons comme Claude Mignot que ce Véronèse peut être celui qui passa dans la collection du duc de Liancourt (†1674), puis du duc d’Orléans, et se trouve aujourd’hui au Louvre (inv. 1187).

[52Véronèse peignit plusieurs tableaux sur le thème de Cléopâtre. L’un, de la collection Contarini, avait disparu en 1648. Au Museo civico de Bassano, on trouve une Toilette de Cléopâtre de Véronèse (inv. 417) qui avait appartenu au sculpteur Canova. Enfin, un Suicide de Cléopâtre est connu par une copie tardive à l’Alte Pinacothek de Munich (inv. 1101).

[53Signalons dans l’inventaire a.d. de Claude Margonne dressé dans sa maison rue Saint-Anastase le 24 sept. 1659 « deux paysages d’Armand garnis de leur bordure dorée » estimés 100 lt. (MCAN, XC, 222. DOC. 11) ; et dans celui d’Étienne Macquart du 4 mars 1659, un petit paysage d’Armand dans sa bordure dorée, prisé 60 lt. (MCAN, LXXV, 103, DOC. 9). Mignot 1985, p. 50, identifie avec raison ce peintre avec le paysagiste flamand Herman van Swanevelt (vers 1600-vers 1655) reçu à Paris à l’Académie en 1644 et que ses contemporains appelaient « le sieur Herman ».

[54Ces deux portraits furent certainement commandés à Perrier pour célébrer les deux venues du roi au Raincy au mois d’août 1648, mais ils ne restèrent pas longtemps en place.

[55Voir note 38.

[56François Perrier (1590-1650), qui avait conçu tout le décor peint à la voûte de ce salon, y décora à la même époque le devant des deux tribunes de musiciens dont Dezallier d’Argenville (Abrégé, p. 14) donne une description un peu différente : « au dessous [du plafond] sont encore deux tableaux longs, où sont des tribunes pour les musiciens, avec des figures historiées relatives à la musique ». Le sujet d’Apollon convenait pour le thème de la musique, mais pas celui de la Force que François Belin et Marin Jacob, chargés d’inventorier les tableaux, n’auront peut-être su interpréter. Dezallier ne cite pas les portraits du roi et de la reine mère qui, n’étant plus d’actualité, avaient dû être ôtés. En revanche, il attribue à Perrier dans ce même salon un tableau qui avait, semble-t-il, pris la place du portrait de la reine mère et qui ne figure pas dans l’inventaire de 1653 : « En face de la cheminée est une figure qui représente la paix tenant un flambeau dont elle brûle un faisceau d’armes ». Il a donc été mis en place après 1653 mais pas par les soins de Perrier qui était mort depuis trois ans. Dans l’inventaire après décès de Perrier du 12 janvier 1650 (MCAN, XCVI, 54, publié par Le Blant 1980 p. 361-374), on relève un tableau d’environ 1m de large sur 65 cm de haut « d’une esbauche de la main dudit deffunt ou est représenté la paix », prisé 10 lt., faisant pendant à un tableau de mêmes dimensions figurant la Guerre, achevé et estimé 200 lt. Sur l’activité de Perrier pour Jacques Bordier, voir Thuillier 1993, p. 11-14.

[57Les natures mortes de Francesco Fieravino, dit Il Maltese ou le Chevalier Maltais (vers 1610-1670) connurent un vif succès à Rome entre 1650 et 1660, comme aussi en France, ainsi que le montre la haute estimation de son tableau. Félibien parle de la réputation dont il jouissait « pour les tapis, instruments et vaisselles » (1679, p. 56). En effet il disposait presque toujours sur un tapis des instruments de musique, des armes et des fruits. Madeleine Hobier, l’épouse d’Étienne Macquart, avait un « tapis du Maltois » inventorié le 17 novembre 1683 (MCAN, LXXV, 84. DOC. 9) qu’on ne retrouve pas dans l’inventaire de son mari. De même Claude Margonne possédait un tableau du Maltais estimé 150 lt. (inventaire 24 sept. 1659, MCAN, XC, 222, DOC. 11).

[58Sur Sanson, voir Bayard 1988, p. 272 et 343. Son voyage à Rome est mentionné dans l’inventaire des papiers de Claude Bordier (11 mars 1644, MCAN, LXXV, 54, DOC. 4) : un écrit numéroté 15, signé Philbert Ogier et daté du 12 août 1640 par lequel Ogier reconnaît que le défunt Étienne Lybault lui a mis en main une lettre de crédit du 12 juillet de Messieurs Forne et Sanson pour recevoir à Rome jusques à 60 écus, et un autre écrit daté du 31 janvier 1641 par lequel Forne et Sanson reconnaissent avoir reçu de Lybault 253 lt. pour lesdits 60 écus.

[59Tallemant, p. 447-449. Ce fils Jacques mourut dans un certain dénuement que révèle son testament rédigé le 15 décembre 1665 rue de Thorigny (MCAN, LXXV, 129). Mlle de Scudéry le décrivait dans son Cyrus sous le nom d’Agathyrse.

[60Chomer 1992.

[61MCAN, LXXV. La chapelle, accordée en 1613 à Anne de Nicolaï de Bournonvilier, veuve de Louis de Vanditour, qui l’orne et la lambrisse, passe à ses héritiers ; les Du Fresnoy en achèvent la décoration et la rendent aux religieux le 25 octobre ; le même jour, les religieux en font la concession devant le notaire Langlois à Jacques Bordier moyennant 6000 lt. Catherine et Jacques Bordier sont inhumés dans le caveau.

[62Conservé au couvent Saint-Louis du Temple de Limon, près de Vauhallan, ill. 7. Thuillier 1973. Ce tableau porte le n° 18 dans le catalogue de l’exposition Jacques Sarazin, Noyon, 1992 où il est reproduit. Sur fond de paysage et de colonnes en ruines, la Vierge est adossée à une balustrade sur laquelle est assis l’Enfant Jésus à qui Joseph offre un lys ; sainte Anne joint les mains ; au premier sont habilement montrés de dos sainte Elisabeth, le petit saint Jean et un agneau ; à gauche se tient François de Paule, le fondateur des Minimes, de profil, priant avec ferveur.

[63Thiéry, Paris, 1786, I, p. 6 ; Dezallier d’ Argenville, Paris, 1757, p. 284 ; Guillet, « Testelin », p. 432. Thiéry et Dezallier parlent de quatre médaillons, mais l’huissier de 1790 en mentionne dix. Il y en avait sans doute quatre principaux et six secondaires.

[64Outre les châteaux des grands financiers évoqués plus haut, on peut aussi citer les châteaux de Rueil et de Richelieu pour le cardinal ; celui de Cheverny achevé en 1634 par le fils du chancelier Henri Hurault, Philippe.

[65Sur le Raincy, voir surtout Cojannot 2012, p. 221-227, 310-315, et aussi : Chavard et Stemler, Recherches sur le Raincy 1238-1848, Paris, 1884 ; Berger, 1976. Jacques Thuillier 1993 précise très justement que les meilleures descriptions anciennes des décors du château sont : le Mémoire de Caylus écrit vers 1750, dans Laran, 1913, le Voyage pittoresque des environs de Paris de Dezallier d’Argenville de 1762 (p. 329-336), et l’Abrégé de la vie des peintres d’Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville de 1745, qu’il faut utiliser dans la seconde édition de 1762 parce que le passage concernant le Raincy a été revu et complété. Il faut y ajouter celle du Mercure galant de juin 1697.

[66L’architecte est bien connu de Bordier et d’autres financiers pour ses opérations immobilières dans l’Ile Saint-Louis. Depuis 1637, il construisait des hôtels parisiens : Bautru, Scarron, Miramion, Gillier, et venait d’entreprendre les hôtels Lambert et Sainctot (cf. Tooth 1973).

[67Marché du 17 février 1644 passé dans l’étude Langlois (MCAN, LXXV, 54) avec Jean Nicolas, maître charpentier de Sucy en Brie, qui s’engage à suivre « les desseing, longueur grosseur et ordonnance qui lui seront donnés de temps en temps a mesure que les ouvrages avanceront, par Le Vau architecte ordinaire du Roi ». Ce marché concerne la charpenterie pour les plafonds de l’appartement bas, du vestibule et du palier du grand escalier, pour le grand comble qui recouvre les dômes du Salon ovale et pour les combles des deux corps adjacents au corps central, pour la construction des escaliers de dégagement, des cloisons, les linteaux et les manteaux de cheminée, ces ouvrages devant être exécutés avant la fin de septembre prochain, « en sorte que ladite charpenterie ne retarde point les maçons ». Le 6 août 1651 eut lieu la visite des experts Nicolas de Verdun, Jean Pastel et Nicolas Sainctot.

[68A. Félibien (p. 59) indique que Perrier travaille au Raincy après son second retour de Rome qui eut lieu en 1645, et Guillet (« Perrier », p. 474) donne 1646 comme étant l’année où Testelin fut employé au Raincy. Cependant le même Guillet (« Testelin », p. 432) se trompe lorsqu’il sous-entend que Perrier aurait fait ses ouvrages au Raincy avant son second voyage de Rome, soit entre 1630 et 1635, ce qui est impossible.

[69Cf. Gaulard et Bougon 1974.

[70En 1643, André Le Nôtre, issu d’une famille de jardiniers employés par le Roi, lui-même nommé en 1635 jardinier de Monsieur et en 1637 Premier jardinier du Roi au jardin des Tuileries, est déjà connu, mais sa véritable notoriété ne se fera que vers 1655-60 avec ses créations à Vaux, puis à Versailles et Chantilly. Les jardins du Raincy, s’il en fut responsable, auraient peut-être incité Le Vau et Nicolas Foucquet à réclamer son concours à Vaux.

[71Piganiol de la Force 1742 ; Guillet, « Buyster », p. 293 ; La Moureyre, « Philippe de Buyster », 2007.

[72Les salles ovales au centre d’édifices civils furent expérimentées par Borromini au Palais Barberini et par Bernin dans un projet pour un casino à Mompacchio, mais elles restaient invisibles de l’extérieur. Le Vau est ici l’inventeur d’un volume ovale prépondérant et dynamique largement débordant sur les deux façades, sur cour et sur jardin. Cette création lui servit de prototype pour d’autres châteaux : Meudon (1651-1657), Vaux (1656-1661) où le grand salon ovale central englobe en un seul espace non divisé la hauteur du rez-de-chaussée et de deux étages, et enfin son projet pour l’aile orientale du Louvre.

[73Dezallier, Environs de Paris, 1762, p. 332 ; Guillet (« Van Opstal », p. 456) donne le nom du sculpteur, installé en France depuis peu.

[74Guillet, "Buyster", p. 293.

[75Une note en marge du manuscrit de Guillet (« Testelin », p. 432) ajoute qu’ « il fut associé avec les srs Guignard et Bacco, qui faisaient les ornements ». Louis Testelin, alors âgé de trente et un ans, peintre ordinaire du Roi, jouissait déjà d’une solide réputation, aidé en cela par son père Gilles Testelin, peintre du roi Louis XIII et logé au Louvre, mais il avait déjà affirmé son propre talent deux ans plus tôt, peignant en association avec Philippe de Champaigne les Bains d’Anne d’Autriche au Palais Cardinal et avec Charles Le Brun, son ami de toujours, des tableaux au Val de Grâce.

[76Mercure galant, juin 1697, p. 200-202 ; Dezallier, Environs de Paris, p. 333 ; A. Palladio, Les quatre livres d’architecture et Daviler, Dictionnaire d’architecture, 1695, p. 226. Les salles ovales étaient en France assez en vogue, on en trouvait au château de Fontainebleau, à l’hôtel de Soissons (1580), au château des Tuileries etc.

[77Thiéry, 1788, p. 178-179.

[78Louvre, RF 10856.

[79Séchan 1927 ; Mallinger 1897 ; Arcellaschi 1990.

[80Inventaire de 1653, n° 39-42 ; Dezallier, Abrégé, 1762, p. 23 et Environs de Paris, 1762, p. 333.

[81Invent. a.d. 12 janvier 1650, MCAN, 54. Cette ébauche est prisée 10 lt. Une autre toile de pareille grandeur représentait la guerre, prisée 200 lt. Voir note 56.

[82Guillet, « Buyster », p. 293 ; La Moureyre, “Philippe de Buyster”, 2007.

[83La copie d’après Poussin sera remplacée par « un Banquet royal, qu’on dit de Rembrandt », Dezallier, Descr., 1762, p. 334.

[84Sur Girard et sur le Maltais, voir notes 38 et 57.

[85L’intérêt de Perrier pour le thème de Bacchus, ses cortèges, son triomphe et Silène se manifeste dans ses gravures d’après des reliefs antiques : ceux du palais Mazarin de la vigne Montalto et de la villa Borghèse (BnF, Estampes, Da 9). Une toile de sa main représentant Bacchus et Ariane a été montrée dans l’exposition Le Dix-septième siècle en Europe, Charenton-le-Pont, 1989, cat. n° 3.

[86Thuillier 1993, p. 13-14, fig. 9, 10 : Le dessin de Le Pautre d’après Perrier constitue la planche 10 du Livre de portraiture publié par François Bourlier (BnF, Estampes), et l’esquisse à la pierre noire se trouve dans l’Album Perrier du Cabinet des dessins du Louvre, 984.

[87Cojannot-Leblanc, « Un décor pour un marbre ? Hypothèse sur les Enfants à la chèvre de Jacques Sarazin », à paraître.

[88Dezallier, Environs de Paris, 1762, p. 334, et Abrégé, 1762.

[89Thuillier 1993, p. 14, fig. 11 (Louvre, Cabinet des dessins, Album Perrier 886).

[90Thiéry, Environs de Paris, 1788, I, p. 179.

[91Félibien, Xè Entretien, p. 283-284 ; Dezallier, Environs de Paris 1762, p. 335 ; Thiéry, Environs de Paris 1788, p. 179.

[92Dezallier d’Argenville, Environs de Paris, 3è édition de 1768, p. 373.

[93Peu de littérature contemporaine dans cette bibliothèque, mais un grand nombre de traités religieux où figurent à maintes reprise Saint Augustin et Arnauld d’Andilly ; des traités de philosophie avec Sénèque, Aristote, Platon ; des ouvrages de géographie, d’histoire, de médecine, d’astronomie, des traités sur la perspective (Perspective de Houdier, 1625 ; Perspective curieuse de Nicéron, 1638 ; Perspective spéculatrice de Mignon, 1643) ; quelques livres de mythologie, l’Iconologie de Ripa, plusieurs éditions des grands traités d’architecture : Serlio, Du Cerceau Vignole, Scamozzi, Vitruve, Alberti, Le Muet, Delorme, Palladio etc. La gravure d’un frontispice aux armes de Bordier entre les allégories de la Force et de la Justice porte au revers la note : Jacques Bordier, Sr des Rainci, Secrétaire du Conseil, fils d’un chandelier (BnF, n..F9658, coll. Lancelot K 27).

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