La Tribune de l’Art œuvre pour la sauvegarde du patrimoine

Pour participer à la campagne, c’est ici.

Hôtel de la Marine, terrasse sur la place de la Concorde
Photo : Didier Rykner
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Lors de la création de La Tribune de l’Art, le 7 avril 2003, nous avions écrit en guise de profession de foi un texte dont nous ne changerions pas une virgule aujourd’hui. Celui-ci soulignait notamment qu’il nous semble impossible de « séparer l’histoire de l’art de la protection des objets qu’elle étudie », objets de musée ou monuments. Cela signifiait que nous voulions faire, avec ce site, non seulement un outil d’information, mais également un moyen de protéger le patrimoine, en pratiquant un journalisme engagé.

Plus de treize ans plus tard, nous pouvons dire avec une certaine fierté que notre objectif a été atteint. Nous avons contribué, seul ou plus souvent en collaboration avec d’autres bonnes volonté (essentiellement les association de protection du patrimoine, mais aussi d’autres collègues journalistes), à protéger ou à sauver nombre d’œuvres ou de monuments. Nous avons également participé, souvent avec succès, aux grands débats qui ont agité le monde politique à propos du patrimoine et des musées. Ainsi, nous avons à plusieurs reprises informé, inlassablement, à l’aide de plusieurs articles et interviews, nos lecteurs et bien au delà sur les dangers de la mise en vente des œuvres des musées, que ce soit sur le principe ou en reprenant des exemples précis. Si cette bataille (qu’il faut hélas renouveler périodiquement), a pu pour l’instant être gagnée, nous n’y sommes pas entièrement étranger.
Autre serpent de mer, qui revient régulièrement sur le devant de la scène politique et sur lequel, là encore, nous avons publié un grand nombre d’articles et d’interviews, et pour lequel nous avons même interpellé directement les parlementaires : l’impôt sur la fortune pour les œuvres d’art. Là encore, une bataille gagnée - pour l’instant.
De même, aux côtés des associations et notamment de Sites et Monuments. Si celle-ci a tout de même été votée, ses conséquences seront moins graves qu’elles ne l’auraient été si le ministère de la Culture avait réussi à entériner son projet initial.
D’autres batailles sont actuellement menées. Avec un bon espoir de gagner pour l’isolation par l’extérieur, le décret du ministère de l’Écologie devant a priori être modifié pour ne concerner que les constructions en matériaux modernes (il faut cependant rester vigilant), ou parfois de manière un peu désespérée comme pour l’envahissement des éoliennes partout en France.

Dans le domaine du patrimoine, et sur des monuments précis, nous avons été parmi les acteurs importants dans le sauvetage de l’Hôtel de la Marine que l’État voulait confier en bail emphytéotique au privé, dans la conservation du mur et de l’écurie du Musée Lorrain de Nancy, dans l’amélioration du PLU de Versailles finalement acceptée par le maire François de Mazières (nous reviendrons bientôt sur cette évolution majeure, tout à l’honneur de cet élu), dans la préservation de la rue des Carmes à Orléans, le classement d’œuvres du château d’Haroué qui devaient être vendues, l’annulation de la vente du mobilier du château de Sassenage, dans l’enlèvement des cadenas du Pont des Arts (nous avions été le premier à dénoncer ce scandale), même s’il reste encore plusieurs ponts à sauver de cet envahissement, dans l’enlèvement de la pergola du Musée Picasso ou la restauration de la Maison Basfroi… Pour d’autres dossiers, notre rôle est plus difficile à quantifier (autorisation de la photographie dans les musées, sauvegarde de l’hôpital Richaud à Versailles, préservation de la halle Freyssinet, etc.) mais nous avons également participé à ces combats.

Pour d’autres combats, nous avons été presque seuls, au niveau national, à alerter les responsables, ce qui a permis des solutions heureuses : si l’église Saint-Martin d’Arc-sur-Tille n’a finalement pas été détruite, rien n’aurait pu se faire sans nos articles, pas davantage que l’autel de la chapelle du château de la Coquille n’aurait pu être sauvé si nous n’avions pas écrit à ce sujet. À défaut de sauver l’église d’Abeville (un de nos combats perdus parmi les plus douloureux), sa cloche n’a pas pu être vendue grâce à notre alerte. Nous avons de même contribué largement à sauver d’aménagements malheureux plusieurs décors d’églises : à Saint-Saturnin, en Auvergne, ou à Anzy-le-Duc, où les vitraux qui devaient remplacer ceux du XIXe siècle n’ont jamais été posés [1].
Si l’ancien musée des Arts Africains et Océaniens n’a pas été flanqué d’une nouvelle entrée qui aurait masqué sa façade Art Déco, c’est largement grâce à notre action qui a alerté les ayant-droits d’Alfred Janniot qui ont pu empêcher ces travaux [2]. Si la façade et le jardin du Musée de Picardie ne seront finalement pas vandalisés, si le château de Hombourg-Budange a été sauvé, si les vestiges archéologiques du château de Blérancourt n’ont pas été détruits, c’est, encore une fois, en grande partie grâce à nos articles. Parfois, nous apprenons a posteriori l’utilité de notre travail : c’est ainsi que Claire Denis, petite-fille de Maurice Denis, nous a dit que notre article sur l’incendie de l’église du Vésinet avait déclenché une prise de conscience qui avait permis une restauration rapide de la chapelle de Maurice Denis.

Notre travail joue également un rôle pour les collections des musées français. Si l’achat des Rembrandt Rothschild par le Louvre et le Rijksmuseum est une solution bâtarde non satisfaisante sur bien des points, elle permet tout de même de garder en Europe ces deux portraits qui seraient sans doute partis dans un musée lointain, voire dans une collection privée inaccessible, si nous n’avions pas été le premier à révéler qu’ils n’avaient pas été classés « trésor national ». De nombreux tableaux des musées nationaux ont pu revenir dans leurs collections à la suite de notre article sur le « musée caché de la République », un article qui a déclenché, plusieurs années plus tard, un reportage dans le journal de France 2.
Au Louvre, nous avons réussi à faire échouer l’exposition « Portraits » à Vérone comme nous l’a confirmé, en nous remerciant, une conservatrice des musées locaux. Et la restauration du retable d’Issenheim, menée en dépit du bon sens et beaucoup trop rapidement (même si, heureusement, il n’a pas été abimé), a été interrompu grâce à notre article.

Nous aurions pu encore parler du Crotoy, épargné par un projet urbanistique grâce à l’article que nous avons publié (mais pas écrit), des succès pour la sauvegarde du château de Sarcignan, contre la vente du mobilier de l’hôpital de Valenciennes, ou celle de celui de la Fondation Eugène Napoléon, ou bien d’autres encore pour lesquels l’impact réel de nos articles est plus difficile à quantifier. Ou des combats actuels, loin d’être gagnés, contre la fermeture du Musée des Tissus à Lyon, le sort tragique des apôtres de Louviers, les publicités géantes qui défigurent Paris, les Serres d’Auteuil, en cours de destruction, pour les loges de l’Opéra ou le doublement de la façade de la gare du Nord

Des défaites, bien sûr, sont également à déplorer, trop nombreuses, mais contre des projets que nous sommes fiers d’avoir combattus : la destruction des églises de Gesté et d’Abeville (déjà citée), celle des Salons Mauduit à Nantes, de la halle de Fontainebleau, le vandalisme sur le château d’Ancenis, sur le réservoir de Chantilly, la fermeture du Musée de l’Assistance Publique à Paris…
Sans compter tous les vandalismes, passés, en cours ou à venir, dont nous n’avons pas pu parler, faute de temps et de moyens.

Si vous pensez que notre action est utile, si vous souhaitez être encore mieux informés non seulement de l’actualité de l’histoire de l’art mais aussi de celle du patrimoine, sauvé ou menacé, vous pouvez aider La Tribune de l’Art à se développer, en participant à notre première campagne de mécénat participatif. Nous vous en disons plus ici.

Didier Rykner

Notes

[1Nous savons, par un ami commun, que Gérard Fromanger, bon artiste mais qui s’était ici fourvoyé, nous en tient pour responsable !

[2Hélas, nous n’avons appris que trop tard la construction d’un hôtel non loin du monument qui défigure ses abords…

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