3/11/23 - Patrimoine - Paris - Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles, fort heureusement. Nous avions en effet parlé il y a un an et demi (voir la brève du 24/2/22) des menaces qui pesaient sur la piscine Oberkampf, un bel exemple d’Art déco, un style trop souvent vandalisé ces dernières années (voir les articles). On trouvait pour une fois, du côté des défenseurs de ce monument, le maire du XIe arrondissement, François Vauglin, qui n’a donc pas que de mauvais combats tels que le réaménagement des boulevards Jules Ferry et Richard Lenoir [1].
- 1. Piscine Oberkampf
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Cette piscine dont nous retracions succinctement l’historique faisait l’objet, à la demande du maire, d’un dossier d’instruction de protection au titre des monuments historiques comme nous l’avait confirmé la direction régionale des monuments historiques d’Île-de-France. Ce dossier a finalement abouti à l’inscription de la piscine. On peut lire dans l’arrêté signé par le préfet : « Considérant que la piscine dite Oberkampf est une des premières piscines construites en dehors de la Seine à Paris durant les années 1880, composant alors avec les activités hygiénistes et médicinales d’un établissement de bais, qu’elle témoigne à ce titres d’une période de transition entre les bains froids pris dans le fleuve et les piscines modernes uniquement dévolues à la natation, qu’elle conserve un niveau d’authenticité suffisant pour rendre lisible une partie de son intérêt d’origine et ses modifications durant les années 1920, et que pour ces raisons elle présente un intérêt suffisant du point de vue de l’histoire de l’art pour en rendre désirable la préservation. »
- 2. Piscine Oberkampf, la couverture en pavé de verre
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Certes, la protection ne concerne pas l’intégralité de l’immeuble dans lequel se trouve la piscine ce qui on l’espère ne posera pas de problème lors des travaux à venir dans le cadre d’une promotion immobilière. En effet sont inscrits les éléments suivant : « la piscine proprement dite, comprenant sa couverture en pavés de verre [ill. 2] et la terrasse qui l’entoure, le vestibule avec ses vitraux [ill. 3 et 4], la cheminée située dans la cour ». Ce sont évidemment tous les éléments intéressants que nous avions pu voir lors de notre visite. Il reste que ces protections partielles peuvent parfois poser des problèmes lorsque des rénovations lourdes sont faites sur un immeuble. Il faut espérer qu’elle soient suffisantes pour assurer sa bonne conservation.
- 3. Jean-Baptiste Anglade (1841-1913)
Vitrail de la piscine Oberkampf, vers 1886
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
- 4. Jean-Baptiste Anglade (1841-1913)
Vitrail de la piscine Oberkampf, vers 1886
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Rappelons en effet qu’une autre piscine Art déco, beaucoup plus importante du point de vue de l’histoire et de l’art, la piscine Molitor, qui était également inscrite au titre des monuments historiques, a été pourtant presque entièrement détruite pour être reconstruite soi-disant « à l’identique » comme nous l’avions expliqué dans plusieurs articles. Cela confirme une fois de plus que si l’inscription est une bonne mesure, elle est parfois très insuffisante pour assurer une conservation optimum d’un monument. Ajoutons que, comme nous le regrettions également dans un autre article, là encore l’avis du propriétaire (qui a récemment acquis l’ensemble) a été demandé par la DRAC Île-de-France (« Je vous serais gré de me faire part de votre avis favorable concernant cette proposition de protection au titre des monuments historiques »). S’il est normal d’informer tout au long du processus le propriétaire afin que la mesure soit faite autant que faire se peut avec son agrément, l’inscription ne requière pas un avis favorable du propriétaire. Heureusement, celui-ci, la société MG Holding, s’est déclaré favorable à cette protection, ce dont il faut se réjouir, mais on se demandera toujours ce qui serait arrivé dans le cas contraire.
Le Parisien, qui a été probablement le premier à annoncer la bonne nouvelle dans cet article, écrit d’ailleurs : « Le ministère de la Culture a demandé [au propriétaire] son accord, condition sine qua non du classement au titre des Monuments historiques. "Il a accepté l’inscription, ce qu’il aurait pu refuser" se réjouit de son côté François Vauglin ». Cela montre la grande confusion qui règne dans l’esprit du public (et manifestement aussi des édiles, voire du ministère de la Culture, ce qui est plus gênant) sur les notions d’inscription et de classement. Non, selon la loi, l’inscription - il s’agit bien ici de cela, et non d’un classement - ne peut pas être refusée par la propriétaire, le Code du patrimoine est très clair à ce sujet.
La piscine étant plutôt en bon état, celle-ci a même pu rouvrir au public comme le dit Le Parisien. Oui, les bonnes nouvelles sont rares, et quand il y en a, il faut s’en réjouir.