La halle de Fontainebleau va être démolie

Nicolas Esquillan (1902-1989)
Halle, 1941
Fontainebleau
Photo : Didier Rykner
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20/7/13 - Patrimoine - Fontainebleau, halle - Le patrimoine du XXe siècle est décidément aussi menacé, voire davantage, que celui des périodes précédentes. Alors que le ministère de la Culture s’est refusé à sauver le siège de Sanofi-Aventis, à Rueil-Malmaison, chef-d’œuvre de Bernard Zehrfuss et Jean Prouvé, qui va être détruit incessamment [1], on apprend désormais que l’instance de classement que la ministre de la Culture avait opposée aux bulldozers du maire de Fontainebleau prêts à détruire la halle construite par Nicolas Esquillan en 1941 n’aura pas de suite, ce qui revient à abandonner ce bâtiment aux démolisseurs.

Les deux dossiers sont assez comparables : une démission des précédents ministres qui ont laissé leurs services donner les autorisations nécessaires aux destructions, une lutte non couronnée de succès des associations pour obtenir la conservation du bâtiment et, au final, une peur du ministère actuel de devoir payer des indemnisations. Ainsi, l’Architecte des bâtiments de France ayant donné son accord pour la démolition de la halle de Fontainebleau, et le maire ayant préparé un projet pour la remplacer, notamment de parking souterrain, le ministère estime ne pouvoir risquer d’être condamné à payer d’importants dédommagements. C’est ce que nous a confirmé Vincent Berjot, le Directeur des patrimoines.
Doit-on désormais se résigner à voir disparaître la halle de Fontainebleau ? À l’occasion du Festival de l’histoire de l’art, nous sommes retourné la voir (ill.). Peut-on réellement penser que sa conservation ne présente pas un intérêt du point de vue de l’art et de l’histoire ?

Mais à quoi sert donc le ministère de la Culture ? Il est effarant de constater son absence de conviction pour défendre le patrimoine architectural alors qu’il est l’instance en charge de sa conservation [2].
Nous avions salué le courage de la ministre qui n’a pas hésité, à plusieurs reprises, à s’opposer à des destructions programmées. Mais à quoi sert une instance de classement qui n’est pas suivie du classement lui-même ? Absolument à rien. Les associations de protection du patrimoine, qui n’hésitent pas à aller en justice, peuvent ainsi constater que le ministère de la Culture recule systématiquement devant le risque d’un procès, quand bien même il n’aurait pas de doutes sur la nécessité de conserver les bâtiments.
Et en admettant les arguments de la Direction des patrimoines, à savoir la difficulté de revenir sur des décisions prises antérieurement, on peut constater qu’ils n’en tirent pas vraiment de conséquence. De nouveaux dossiers apparaissent, comme la future transformation de la Poste de la rue du Louvre qui va défigurer l’architecture métallique du bâtiment, fort mal connue du public car toujours cachée. Aucune protection n’a été décidée, on laisse le projet suivre son cours. Probablement le prochain ministre regrettera-t-il l’inactivité de celle-ci et invoquera l’impossibilité de revenir en arrière. Pour la Poste du Louvre, c’est maintenant qu’il faudrait agir.

Vincent Berjot, qui ne conteste pas l’intérêt architectural de la halle, regrette que celle-ci n’ait pas reçu en son temps le label Patrimoine du XXe siècle. Il dit vouloir tirer les conclusions de la sous-protection des bâtiments de qualité du XXe siècle en accordant plus largement ce label et en obligeant, via la prochaine loi sur le patrimoine, les documents d’urbanisme à les prendre en compte. Pourquoi pas. Mais pour être très franc, on finit par se demander à quoi servira une nouvelle loi sur le patrimoine. Il serait déjà révolutionnaire de faire appliquer complètement celle qui existe déjà.

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