La Grande Collecte Euro 2016 : Pellerin, c’est foot !

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Quo non descendet ?

Nous sommes parfois un peu excessif, reconnaissons le. Nous avons ainsi écrit deux éditoriaux à propos de Fleur Pellerin, intitulés respectivement « Rien… » et « Moins que rien… ». Or, à l’heure où même le personnel du Service des Musées de France s’interroge sur la politique du ministère et sur les moyens – ou plutôt l’absence de moyens – qui lui sont donnés, un grand projet fédérateur a tout de même été lancé !

Intitulé : « La Grande Collecte Euro 2016 » (on remarquera les majuscules, d’origine), il s’agit ni plus ni moins d’étendre sur une grande échelle (potentiellement tous les musées labellisés Musée de France) l’entreprise que le Louvre mène actuellement à Lens (voir la brève du 28/5/15). Un document adressé par mail à toutes les DRAC à destination des musées, la décrit comme une « opération de valorisation du patrimoine sociologique urbain  » (sic). En effet « La grande popularité et la forte médiatisation de l’événement Euro2016 suggère la possibilité d’expérimenter une forme de diffusion-collecte patrimoniale participative innovante, basée sur l’outil numérique. » (resic).

Le premier objectif est donc de : « Réunir en une grande opération nationale culturelle [1] les initiatives éparses proposées par les musées de France sur l’hexagone suite à la sollicitation du smf et des dracs.  » On précise aussi : « Cette opération sera bien identifiable et communicable ». Ministère de la Culture certes, mais aussi de la Communication. Il faut donc une opération « communicable ».

Le deuxième objectif s’énonce ainsi : « Mettre en place des synergies collaboratives : Musées, archives, bibliothèques, universités ». Le ministère de la Culture aime les pléonasmes : on aimerait savoir ce que seraient des « synergies non collaboratives ».

Voici le troisième objectif : « Assurer via internet une très large diffusion des projets culturels sur le thème des pratiques des « clubs de foot » en France et leur lien avec la construction des identités urbaines citoyennes ». Nous n’avions pas connaissance, jusqu’à aujourd’hui, de projets culturels ayant trait au football (à part, peut-être, la collection de vignettes Panini…). Crier « Aux ch… l’arbitre » notamment, fait-il partie des projets culturels sur le thème des pratiques des « clubs de foot » » ? Nous nous interrogeons sur cette grave question. Quant à la « construction d’identités urbaines citoyennes », nous serions reconnaissant aux lecteurs de La Tribune de l’Art de nous éclairer sur ce concept un peu abscons.

Les troisième et quatrième objectifs vont ensemble et nous intéressent particulièrement, puisque nous nous faisons régulièrement l’écho des acquisitions des musées. Il s’agit en effet grâce à une « Collecte participative », qui attirera « l’attention d’un public très élargi » sur la « constitution des mémoires des « communautés patrimoniales » [sic encore] », d’« Enrichir les collections des musées de France, en objets, archives, photos mais aussi patrimoine immatériel, vidéo, chants, témoignages, gestuelles… »

Nous souhaitons, dès maintenant, participer à cette grande collecte, et proposons donc pour un Musée de France :

 un objet,
 une photo
 une vidéo (concernant Lens, elle pourra être montrée dans l’auditorium du Louvre-Lens !),
 un chant,

Nous pensons bien à une gestuelle également, mais nous respectons trop nos lecteurs pour la mettre en ligne.
Par ailleurs, nous avons nous même, il y a fort longtemps, joué au football, et il nous reste une vieille paire de chaussures à crampons. Sans vouloir être prétentieux, pour un Musée de Beaux-Arts, une paire de chaussure de foot utilisée par le directeur de la rédaction de La Tribune de l’Art, ce serait tout de même très classe. Nous l’offrons bien volontiers à La Grande Collecte Euro 2016 !

Mais comme un objet sans étude n’est rien, le sixième objectif prévoit d’ « Abonder la documentation des objets de collection ». Il paraît qu’une poésie écrite par Ribery en CM2 a déjà été offerte aux Archives nationales.

Le septième objectif est bien dans la lignée du ministère de la Culture qui s’imagine amener de nouveaux publics dans les musées en dévoyant le rôle de ces derniers : « Toucher, par l’usage de l’outil « internet », de nouveaux publics et de nouveaux acteurs pour le patrimoine et les institutions patrimoniales (musées, bibliothèques, archives). »

Soyons sérieux deux minutes : que le Musée du Sport à Nice, sous tutelle du Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, organise une telle opération, financée par le dit ministère, pourrait sembler légitime. Que le ministère de la Culture s’y associe témoigne qu’il faudrait inventer quelque chose encore plus bas que « moins que rien » pour titrer cet article. Car non seulement la direction générale des patrimoines est mobilisée, mais le comité de pilotage est composé de représentants de plusieurs musées d’Histoire et/ou de Beaux-Arts, ceux qui se trouvent dans les villes organisatrices : le Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, le Musée Gadagne à Lyon, le Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Étienne, le Louvre-Lens (évidemment), le Musée d’Aquitaine à Bordeaux, le Musée des Augustins à Toulouse. Plus chanceux, les musées des beaux-arts de Nice, de Bordeaux, de Marseille et la Piscine de Roubaix se trouvent épargnés, d’autres établissements étant sollicités sur ce projet (le Mucem par exemple à Marseille). Notons que le Musée d’Art et d’Histoire de Bastia participe également au comité de pilotage (bien que ne recevant pas de matchs) car « la ville a très tôt indiqué son souhait de participer ». C’est beau une ville aussi intéressée par la vraie culture.

Évidemment, nous ne croyons pas une seconde que ces musées soient d’eux-mêmes volontaires. Il suffit que la municipalité le soit ! De même que probablement certains autres Musées des Beaux-Arts en France, qui ne sont pas dans le comité de pilotage, se verront obligés de participer…
La note interne précise : « Les musées financent chacun leur part de l’opération  ». On appréciera cela quand on connaît les baisses dramatiques de budget qui frappent les musées français. Mais rien n’est trop beau pour le football ! Les monuments que l’on détruit ou qu’on laisse à l’abandon, les musées dont des pans entiers des collections restent en réserves (tiens, à propos, rappelons que Saint-Étienne n’expose rien de ses collections anciennes et XIXe), les musées fermés, les musées privés de moyens de fonctionnement et de budget d’acquisition, quelle importance ?

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