L’Horizon sans fin. De la Renaissance à nos jours

Se prendre un mur peut être une expérience artistique percutante que le Musée des Beaux-Arts de Caen avait proposée à ses visiteurs en 2018 [1]. Cette année, au contraire, il invite le public à contempler « L’Horizon sans fin ». Le sujet est séduisant, mais il peut de prime abord sembler d’une banalité consternante, beaucoup trop vaste en tout cas pour être sérieusement traité, et l’on pouvait craindre une exposition comparable à « L’Amour » au Louvre Lens (voir l’article). Que nenni. L’une des commissaires, Céline Flécheux, lui a consacré sa thèse - « Horizon et représentation » - et prouve ici qu’il s’agit bel et bien d’un défi pictural et photographique qui peut être étudié avec le plus grand sérieux. Situé entre le visible et l’invisible, associé aussi bien à la notion de largeur que de profondeur, synonyme à la fois de limite et d’infini, l’horizon se défini par la contradiction. Et puisqu’il recule quand on avance, il est une frontière que l’on ne peut jamais franchir, une borne que l’on transporte en soi. Il a en cela une dimension existentielle : il appartient au sujet qui le voit. Étymologiquement, il signifie « je limite ».

1. Pietro di Cristoforo Vannucci, dit le Pérugin (vers 1448-1523)
Le Mariage de la Vierge
Huile sur panneau - 236 x 186 cm
Caen, Musée des Beaux-Arts
Photo : Wikipedia (domaine public)

Voir l´image dans sa page

On découvre donc, au fil des salles du musée et des pages du catalogue, qu’il est un sujet artistique beaucoup plus pointu qu’il n’y paraît, bien que « pointu » ne soit pas l’adjectif le mieux adapté. Peut-être même son exigence le rend-il un peu rébarbatif. Loin de la simple jouissance de paysages peints par les plus grands artistes, les commissaires semblent avoir privilégié l’analyse d’une notion, plutôt que le choix de chefs-d’œuvre. Sans doute la formation et la profession de Céline Flécheux, agrégée de philosophie, professeur en esthétique, histoire et théorie de l’art contemporain,…