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Jules-Eugène Lenepveu, peintre du monumental
Angers, Musée des Beaux-Arts, du 24 juin 2022 au 8 janvier 2023.
La rétrospective Jules-Eugène Lenepveu, longtemps promise par le Musée des Beaux-Arts d’Angers, était très attendue. L’attente valait la peine, car il s’agit d’une authentique réussite, d’autant plus méritoire que le défi n’était pas simple : comment montrer et exposer un peintre qui fut essentiellement un grand décorateur ? Pire encore : un décorateur dont une grande partie de l’œuvre a disparu ou est aujourd’hui caché ?
Le pari est amplement gagné. Grâce aux esquisses et aux nombreux cartons grandeur nature de ses œuvres murales, cet aspect essentiel de sa production est présent dans l’exposition et le visiteur pourra en outre se rendre dans la ville pour y admirer trois réalisations majeures de l’artiste : le décor de la chapelle de l’hôpital, le plafond du théâtre et la peinture murale de l’Hôtel Pincé. À l’exception de cette dernière, que nous n’avons malheureusement jamais pu voir, nous reviendrons plus loin sur ces autres chantiers.
- 1. Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898)
La Mort de Vitellius, 1847
Huile sur toile - 146,5 x 114 cm
Paris, École nationale supérieure des beaux-arts
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Lenepveu fait partie de cette cohorte de peintres provinciaux qui purent apprendre les rudiments de leur métier dans leur ville natale puis, grâce à leur don, être envoyés se perfectionner à Paris grâce à une bourse accordée par la municipalité, dans l’espoir d’obtenir un jour le prix de Rome. Celui-ci n’était pas forcément nécessaire ni suffisant pour mener une grande carrière : certains lauréats vécurent difficilement et beaucoup de peintres y ayant échoué connurent un grand succès. Il était néanmoins le gage de débuts plus faciles, et l’assurance de pouvoir se rendre en Italie pendant cinq ans.
Arrivé dans la capitale en 1837, Lenepveu entra dans l’atelier de François-Édouard Picot, véritable « véritable machine à fabriquer des prix de Rome [1] » : dix-sept de ses élèves obtinrent en effet la récompense suprême [2]. S’il fut candidat sept fois au prix de Rome (il fut six fois admis en loge), ce long insuccès n’est pas inédit : beaucoup d’artistes tentèrent le concours à plusieurs reprises avant de finir par obtenir le prix, tant les concurrents de qualité étaient nombreux, et les épreuves difficiles. Ce n’est donc qu’en 1847, à l’âge de 27 ans, que le peintre obtint enfin la récompense si désirée, avec un sujet inhabituellement violent : La Mort de Vitellius. Son tableau (ill. 1), de format vertical contrairement à celui de Paul Baudry exposé à ses côtés, est incontestablement remarquable. On y voit déjà sa capacité à organiser une composition complexe et mouvementée qui aboutit plus tard aux compositions « baroques » du plafond de l’Opéra de Paris et du théâtre d’Angers, mais aussi une science du coloris assez subtile, notamment dans la belle gamme des blancs du personnage central et de l’empereur assassiné qui a déjà la pâleur de la mort.