John Singer Sargent. Éblouir Paris

« Chic », « poseur » et « tapageur », l’art de John Singer Sargent laissa Émile Verhaeren quelque peu dubitatif. « Il renferme, comme un verre à champagne trop précipitamment rempli, plus de mousse que de vin d’or ». Et le poète d’enfoncer le clou : pas de doute, il « manque de solidité, de dessous, il vise à étonner, à "épater" ».
Et c’est un fait : on est épaté. Peut-être pas enivré, mais séduit, assurément, par cette galerie de portraits plus brillants les uns que les autres. Séduit au point qu’on aimerait en voir davantage. Malheureusement, l’exposition du Musée d’Orsay se limite aux années parisiennes de l’artiste, c’est-à-dire l’époque de ses débuts qui fut, il est vrai, un condensé de chefs-d’œuvre. L’avis de Verhaeren ne fut que modérément partagé par ses contemporains, le talent virtuose du plus français des peintres américains fut largement salué par le public et par la critique. Du docteur Pozzi (ill. 1) à Madame X, en passant par la famille Pailleron, il faut voir ces portraits, en vrai, leur format monumental participant de leur pouvoir de séduction, autant que leur touche enlevée et que leur coloris.

1. John Singer Sargent (1856-1925)
Le Docteur Pozzi chez lui, 1881
Huile sur toile - 201,6 × 102,2 cm
Los Angeles, Hammer Museum
Photo : Hammer Museum

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Né en Italie, de parents américains issus de la bourgeoisie du Massachusetts, Sargent arriva à Paris en 1874 où il tissa des réseaux mondains et artistiques. Il entra dans l’atelier de Carolus-Duran, compléta sa formation à l’académie des beaux-arts, arpenta les musées également, copiant les maîtres anciens ; Frans Hals et Velázquez le séduisirent plus particulièrement par la vivacité de leur touche, le tracé perceptible du pinceau sur la toile. Le portrait des enfants Boit rappelle ainsi les Ménines (ill. 2) et montre comment l’artiste s’appuyait sur la tradition pour peindre une composition moderne. Car ce tableau énigmatique, pour ne pas dire inquiétant,…