L’hôtel Lambert en 2009. Notre-Dame en 2019. Et aujourd’hui, l’hôtel de Seignelay au 80 rue de Lille, dans le VIIe arrondissement, victime d’un incendie (ill. 1 à 3).
Le point commun de toutes ces catastrophes patrimoniales ? Les trois monuments étaient en restauration. Même si pour Notre-Dame la responsabilité du chantier reste à prouver, comme elle le sera aussi pour ce dernier sinistre, il ne s’agit évidemment pas d’une coïncidence : comme nous l’avait confié un pompier spécialisé dans ce type d’incendie, comme cela nous a été confirmé depuis par d’autres pompiers et architectes, et comme on le voit d’expérience, 90 % des incendies sur monument historique sont dus aux chantiers de restauration.
Ce n’est pas faute pour nous de l’avoir écrit, et écrit à nouveau. Mais Cassandre elle-même aurait eu plus de chances d’être entendue.
- 1. L’hôtel de Seignelay en flammes le 6 février 2022
Photo : Camille Louis - See the image in its page
La responsabilité n’est pas celle des maîtres d’œuvre qui font avec les moyens qu’on leur fournit. Signalons que, d’après nos informations, le chantier de l’hôtel de Seignelay, dont le propriétaire, Pierre Kosciusko-Morizet l’avait racheté à l’État, était tenu de manière exemplaire, avec un bon architecte du patrimoine et des entreprises compétentes.
- 2. L’hôtel de Seignelay après la maîtrise de l’incendie le 6 février 2022 (19 h 42)
Photo : Didier Rykner - See the image in its page
La responsabilité peut être celle des maîtres d’ouvrage qui ne mettent pas toujours en place les mesures indispensables pour éviter ce type de drame, mais comment le leur reprocher alors que celles-ci ne sont pas obligatoires ?
La vraie responsabilité est donc celle des gouvernements et des ministres de la Culture successifs qui n’ont jamais réellement pris la mesure de cette question.
- 3. Les pompiers en action au 80 rue de Lille (l’incendie est alors maîtrisé)
Photo : Didier Rykner - See the image in its page
Nous nous répétons donc une fois de plus, et probablement pour rien puisqu’il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre : il faut imposer des précautions spéciales pour les chantiers sur monuments historiques qui sont infiniment plus précieux qu’un bâtiment lambda. Il devrait donc être obligatoire, outre d’imposer une surveillance encore plus drastique des points chauds [1] :
– d’installer des alarmes incendie spécifiques aux chantiers,
– de mettre en place des rondes régulières de sécurité pendant le week-end et les nuits,
– d’imposer un stockage sécurisé des liquides et gaz inflammables,
– de n’utiliser que des entreprises spécialisées dans les monuments historiques,
– de réglementer l’intervention des différents corps de métier,
- 4. Salon au rez-de-chaussée Napoléon III
(et non grand salon comme nous l’avions d’abord écrit)
Photo : Georges Estève/Médiathèque de l’architecture et du patrimoine - See the image in its page
- 5. Le grand salon de l’hôtel de Seignelay
Photo : Georges Estève/Médiathèque de l’architecture et du patrimoine - See the image in its page
Nous ne savons évidemment pas si ces mesures étaient en vigueur ici. Ce qui est certain, c’est qu’elles ne sont pas obligatoires.
L’hôtel de Seignelay est un bâtiment dû à Germain Boffrand. Le joyau principal est (était ?) son grand salon rocaille (ill. 5) dont on ne sait encore dans quel état il se trouve aujourd’hui, mais dont il faut craindre la destruction complète, compte tenu de la violence de l’incendie. Seule bonne nouvelle que nous pouvons donner à ce stade : les fenêtres d’époque avaient été déposées pour être envoyées en restauration et sont donc probablement sauvées.
Pauvre Boffrand ! Son château de Lunéville avait déjà été ravagé par les flammes et est encore bien loin d’être restauré complètement (voir l’article). Quant au petit château du prince Charles, également de lui, et également à Lunéville, il est toujours en ruine sans que le ministère n’impose aucun travaux d’office, voire une expulsion (voir les articles). Son propriétaire défaillant a par ailleurs à faire avec la justice, et aux dernières nouvelles on y entre à nouveau comme dans un moulin.
Nous attendons désormais le commentaire éploré du ministère de la Culture. Les larmes de crocodile qu’il versera sur ce nouvel incendie ne nous fera pas oublier son écrasante responsabilité.