Contenu abonnés
Histoires d’œils
Auteur : Philippe Costamagna.
Universitaire, conservateur du Musée Fesch dont il a mené la rénovation de main de maître (voir notre article), Philippe Costamagna est spécialiste du XVIe siècle italien, notamment de l’école florentine. L’ouvrage qu’il publie n’est pas un livre savant, pas non plus un livre de mémoires même si l’auteur se livre en partie et utilise ses propres souvenirs pour esquisser une histoire du « connoisseurship ». Le « connoisseur », terme anglais forgé d’après un mot français, est l’historien d’art qui sait reconnaître dans une œuvre d’art la main d’un artiste. On peut aussi parler d’ « attributionniste », un qualificatif parfois utilisé avec mépris par certains historiens de l’art, ou d’ « œil » comme Costamagna qui n’hésite pas à mettre le terme au pluriel en lui rajoutant simplement un « s » (mais rassurons nous, les œils, en général, ont bien deux yeux).
Le livre est passionnant, et souvent drôle, à l’image de son auteur. Il faut cependant relativiser sa portée. Philippe Costamagna ne parle, presque exclusivement, que de l’école italienne. Il peut laisser penser par ailleurs que les « œils » sont excessivement rares, et qu’ils sont absolus ou presque. C’est un peu exagéré. Attribuer un tableau ou un dessin à un peintre est un don certes (certains n’auront jamais cette compétence), mais qui se travaille aussi (on l’affine au cours du temps). Un nombre non négligeable de personnes sont capables de cela, à des degrés plus ou moins importants, dans des domaines parfois différents, pour des périodes et des écoles diverses. Surtout, ce don est rarement infaillible et la première qualité d’un « œil » doit être la modestie. Les meilleurs se sont trompés, une attribution peut évoluer à l’aune de la progression des connaissances ou de l’expérience de celui qui la fait. Tout cela, Philippe Costamagna le dit, mais parfois d’une manière un peu trop discrète.