L’urbanisme bruxellois de la seconde moitié du XXe siècle a été si violent qu’un terme a été créé pour rendre compte des dégâts qu’il a causé : « bruxellisation », soit la destruction d’une ville en temps de paix. Si la capitale belge n’a pas été la seule cité à subir ce vandalisme - la France n’a hélas pas été épargnée - elle est peut-être celle où ce phénomène a été le plus fort. Si Paris reste une très belle ville avec hélas beaucoup de verrues, Bruxelles est une ville devenue laide où subsistent, ça et là, des îlots de beauté. Ce qui agresse encore aujourd’hui son patrimoine est donc d’autant moins acceptable.
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- 1. Le 40 rue Léopold à Liège
Photo : Promeneuse7 (CC BY-SA 3.0) - Voir l´image dans sa page
Nous nous sommes fait l’écho récemment de deux affaires concernant la Belgique, l’une à Liège, l’autre à Bruxelles, toutes deux liées à ce qu’il faut bien appeler le wokisme. La première se termine bien, la seconde menace de se finir très mal.
La première, c’était la demande par une association de l’enlèvement de deux sculptures sur la façade (ill. 1) d’un immeuble historique (voir l’article). Comme souvent dans ces cas, les arguments étaient non seulement absurdes : ils étaient faux. Les mains manquantes ne l’étaient pas pour célébrer les mains coupées sur ordre du roi Léopold et la rue Léopold où elles se trouvaient n’était pas nommée ainsi en l’honneur de Léopold II, mais de Léopold Ier. Il n’y avait aucun rapport entre la disparition de ces mains (dues à la détérioration de la sculpture) et le tragique épisode dénoncé par les activistes.
Reconnaissons-le : après que l’affaire a été médiatisée, l’association des Liégeois d’origine congolaise, à l’origine de la controverse, a su reconnaître son erreur, négocier avec le propriétaire de l’immeuble et s’accorder sur une restauration des sculptures pour leur rajouter des mains. On peut lire à ce propos cet article de la RTBF. Soulignons que la nécessité de ne pas faire n’importe quoi pour cette opération touchant à des œuvres d’art par ailleurs classées est soulignée par le propriétaire et que cela devrait être réalisé, on l’espère, dans les règles de l’art, à partir des photographies anciennes montrant les mains telles qu’elles avaient été conçues par le sculpteur.
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- 2. Sculpture de Aglaïa Konrad donnée en exemple par Bruxelles pour figurer celle qui sera conçue pour remplacer le monument de Victor Rousseau
Photo : Ville de Bruxelles - Voir l´image dans sa page
La seconde histoire risque de plus mal se terminer : il s’agit de remplacer à Bruxelles un monument sculpté historique représentant La Maturité par le sculpteur Victor Rousseau (voir l’article). Non seulement le gouvernement bruxellois refuse de revenir en arrière, mais il a choisi l’œuvre qui devrait remplacer le groupe en marbre de carrare. L’auteur, comme nous l’apprend là encore la RTBF (voir l’article), est l’« artiste bruxelloise d’origine autrichienne » Aglaïa Konrad.
La RTBF, citant ses promoteurs, nous apprend que « cette sculpture sera constituée de débris de chantiers, l’artiste sublim[ant] ces déchets de chantiers pour leur rendre hommage sous une forme tendre et sculpturale » (n’est-ce pas charmant ?). Elle sera formée « de deux colonnes, l’une de 4 à 5 m de hauteur, la deuxième de 2 à 3 m de hauteur ». Le visuel accompagnant la chose (ill. 2) est décrit comme non contractuel puisque : « Ce sera une œuvre originale, spécifiquement créée pour ce lieu, et l’illustration fournie ne correspond pas à l’œuvre qui sera installée sur la place réaménagée ». Nous voilà donc rassurés…
Le sens de l’œuvre est ainsi décrit : « L’artiste aborde ce sujet à partir d’une perspective féministe, recontextualisant ainsi l’histoire de l’urbanisme et du développement architectural d’une ville qui s’est construite principalement à partir d’une vision masculine. » Féministe et anti-masculiniste, voilà Victor Rousseau rhabillé pour l’hiver.
Le reste du charabia que cite la RTBF mérite d’être repris également ici : « Les matériaux rassemblés seront taillés comme des cristaux, puis empilés sur un axe en métal central, afin de les transformer en bijoux monumentaux. Inspirée de l’esthétique des ruines, l’artiste retouche les matériaux bruts afin d’accentuer ce contraste entre la forme et le contenu. Les matériaux utilisés sont traités afin d’éviter tout futur déclin, pour les cristalliser dans le temps et les préserver de tout autre type d’érosion naturelle. »
Si le gouvernement bruxellois voulait en faire une allégorie de son action destructrice, qui concerne en réalité tout le quartier où se trouve le monument, il ne s’y prendrait pas autrement. La bruxellisation se poursuit.