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Giovanni Bellini. Influences croisées
Paris, Musée Jacquemart-André, du 3 mars au 17 juillet 2023.
Giovanni Bellini est-il l’un des plus grands maîtres vénitiens de la Renaissance ? L’exposition du Musée Jacquemart-André finit par faire douter le visiteur ; c’est d’autant plus fâcheux que ce n’est pas son but. Mais comment reconnaître le génie d’un peintre sans voir ses plus grands chefs-d’œuvre ? Leur absence des salles n’a rien d’étonnant, elle est même rassurante : il eût été déraisonnable de faire voyager les grands retables de l’artiste, celui de Pesaro par exemple. D’ailleurs, ceux-ci n’auraient guère eu leur place dans les pièces exiguës que le musée réserve à ses expositions temporaires.
Autre bémol : comment reconnaître le génie d’un peintre sans entrevoir la diversité de son œuvre ? Certes, les Vierges à l’Enfant constituaient le fonds de commerce de Bellini, qui non seulement en multiplia les représentations, mais reproduisit à l’envi ses compositions à l’aide de cartons pour mieux les diffuser et en tirer profit. Néanmoins, le peintre n’était pas obnubilé par les madones, il consacra son pinceau à d’autres sujets - religieux, mythologiques, quelques portraits également - qu’on aurait aimé admirer. C’était l’occasion par exemple de confronter les panneaux de Saint Étienne et de Saint Laurent , redécouverts en 2019 et classés trésors nationaux, avec les deux tableaux issus du même polyptyque, figurant Saint Antoine abbé et un Saint Évêque, probablement Saint Augustin, déposés au Louvre, (voir la brève du 1/10/20).
Enfin, si les commissaires ont tout de même réuni plusieurs chefs-d’œuvre, un certain nombre de verrues ponctuent le parcours et relativisent injustement le talent du maître. Une exposition dans un espace aussi restreint ne pouvait que promettre un florilège des plus belles peintures, et voilà pourtant les salles encombrées de madones aux airs de matrones, œuvres d’atelier ou à l’attribution contestée (ill. 1). Il est bien rougeaud ce petit Jésus, et sa mère un brin pataude.