Eugène Boudin, le père de l’impressionnisme : une collection particulière

Il exposait ses œuvres depuis plusieurs années déjà, ce fut donc avec un certain humour teinté de modestie qu’Eugène Boudin s’étonna quand le succès critique et financier daigna s’intéresser à lui : « ce qu’il y a de surprenant c’est que j’ai fait l’effet d’une révélation. Je nageais dans les brumes et me voilà sorti et en pleine lumière. [1] ». L’exposition monographique qu’organisa Durand-Ruel en 1883 fut amplement saluée, au point que le peintre se réjouit du nombre d’articles qui lui furent consacrés - au moins quarante-huit ! Comble de la gloire : « Il y a même une caricature. C’est une vieille qui regarde, au sortir de l’église "Exposition Eugène Boudin". Légende : "Une exposition de Boudin en plein carême, les v’la bien les mœurs de la République"  [2] » (ill. 1).

1. André Gill (1840-1885)
Caricature dans L’Éclipse, 22 mars 1883
Photo : Gallica

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Boudin n’est pas retourné dans les brumes depuis, il n’a rien d’un peintre méconnu, régulièrement mis en valeur par les musées en France comme à l’étranger [3] (voir l’article), souvent présent aussi dans les (trop ?) nombreuses expositions consacrées aux impressionnistes. C’est d’ailleurs une injustice que de le réduire à ce rôle de précurseur, condamné à n’être que celui qui servit de marche-pied à Monet, tout comme Cimabue est lié pour l’éternité à Giotto dont il découvrit le talent [4]. Boudin pourtant s’est méfié de l’impressionnisme, dont la touche pouvait selon lui conduire à une forme de « négligence ». Et s’il participa à la première exposition de 1874, le résultat ne fut guère convaincant pour lui qui avait engagé des frais et ne vendit aucune œuvre. Comme Manet, il préféra exposer au Salon, ce qu’il fit de 1859 à 1890, obtenant une médaille de troisième classe pour La Meuse, à Rotterdam, puis de seconde classe pour L’Entrée et La Sortie. À la demande de Puvis de Chavannes, il finit par délaisser ce rendez-vous pour rejoindre la Société dissidente des…