En prétextant un démontage, Nyssen entérine la destruction de la halle d’Arles

Édouard Allar (1873-1936) et Étienne Bentz (1868-1942)
Halle de l’exposition coloniale de 1909
Acier bas carbone
Arles
Photo : Jonathan Dahan
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Comment détruire un monument sans le dire, sans l’assumer, et en faisant croire qu’on le protège ? La recette est simple et si Françoise Nyssen est absolument inexistante sur le plan du patrimoine et des musées, elle aura au moins compris cette leçon : on démonte en faisant croire qu’on remontera. Et bien sûr, on ne remonte jamais.

La Provence nous apprend en effet que la halle d’Arles (ill. 1 ; voir notre article) va être « démontée et déplacée », sans même être classée monument historiques ! Déplacée où ? Selon le journal, la ministre parle du site des papeteries Étienne, « quand les contraintes liées au PPRI [1] le permettront ». Elle a ajouté : « Je souhaite que se réunisse un groupe public-privé pour bien construire un vrai projet que le ministère de la Culture pourra accompagner. Les idées ne manquent pas dans la région, et tout est ouvert ».
Bref, « y’a qu’à », « faut qu’on ». On n’a pas de projet, pas de financement, mais on va trouver tout ça, faites-nous confiance…

Tout cela évidemment n’est que poudre aux yeux, et le démontage de la halle Eiffel va avoir pour résultat de l’envoyer rouiller quelque part sans qu’elle soit jamais remontée. Car on sait ce qu’il en est des promesses de ce genre, qui n’engagent que ceux qui y croient. En voici quelques exemples, avant de nous attarder sur un autre tout récent et passé inaperçu que personne n’a encore dénoncé.
La Chancellerie d’Orléans, monument classé détruit en 1923, devait être remontée. Elle ne le sera jamais, même si finalement les décors (et eux seuls car les pierres de l’édifice ont disparu) seront installés bientôt (un siècle après) dans l’hôtel de Rohan-Strasbourg (voir la brève du 14/7/11).
Gare de Lyon, la SNCF s’était engagée dans les années 70 à remonter la façade à droite de la tour de l’Horloge, qui avait été démontée pour la construction de l’hôtel jouxtant la gare. On attend toujours.
L’aile en pierre des remises à carrosses sur la rue de Fourcy de l’Hôtel Hénault de Cantorbe, dans le Marais, devait être remontée. On attend toujours.

2. Vue de l’hôtel Texier, carrefour Duroc
en cours de démontage, avec promesse
de remontage. Il n’a pas été remonté et
ne le sera probablement jamais
Photo : Didier Rykner
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Un autre exemple récent est celui de l’hôtel Texier (dit aussi Courcel), qui se trouvait au carrefour Duroc, et qui a été détruit (démonté disaient-ils) par l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (ill. 2). Pour répondre aux associations qui s’en indignaient, l’administration a prétexté un remontage futur. En 2015, nous avions interrogé l’AP-HP (voir l’article). Celle-ci nous avait répondu : « Le nouveau Necker a ouvert aux patients début 2013. L’AP-HP a depuis engagé la deuxième phase de travaux basée sur des déconstructions importantes au cœur du site permettant l’aménagement d’un grand jardin ouvert au public en 2017. C’est à l’issue de ces travaux que serait réalisé le remontage de l’hôtel Texier. » Nous sommes en 2018. Nous avons à nouveau demandé à l’AP-HP en octobre dernier où en était le remontage de l’hôtel Texier. Celle-ci nous a répondu : « Nous n’avons pas d’autres éléments à vous apporter pour le moment concernant la maison Texier et le musée de l’AP-HP.  » Pourtant, il n’y avait pas à chercher bien loin pour en savoir plus. Il suffisait de consulter cette page du budget participatif 2017 de la mairie de Paris pour apprendre que «le représentant de l’AP-HP [ayant] invoqué un problème de ressource », il a évoqué « l’appel au mécénat ou la possibilité d’un legs pour le faire renaître [2] » ! Le projet était donc proposé dans le budget participatif, pour 6 millions d’euros, et n’a bien entendu pas été retenu. L’AP-HP n’a aucune intention de jamais tenir sa promesse qu’elle n’avait faite que pour calmer les associations de défense du patrimoine. On attend toujours, et on attendra longtemps que cet hôtel (dont nul ne sait où ni dans quel état sont conservés ses pierres et ses décors, en supposant même qu’ils le soient) soit remonté. Comme le disait Alexandre Gady (dans cette interview) : « Il en va des monuments démontés et remontés comme du Père Noël : on a très envie d’y croire, mais personne ne l’a jamais vu »

Un remontage promis pour calmer les associations, aucun projet ni financement prévu. Françoise Nyssen, en réalité, entérine la destruction de la halle d’Arles sans aucun espoir qu’elle soit jamais remontée. Elle dit souhaiter «un vrai projet que le ministère de la Culture pourra accompagner». Elle confirme ce que nous écrivions : Françoise Nyssen veut « accompagner » la destruction du patrimoine

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