Découvertes dans le domaine de la peinture religieuse du XIXe siècle en Île-de-France (V) [1]
Hormis un complément à nos notices précédentes sur le Jésus-Christ et la Samaritaine d’Émile Signol [2], cette nouvelle livraison concerne deux peintres très différents, liés tous les deux à la Seine-et-Marne quoique demeurant à Paris. Si la production du premier, Sébastien Norblin de la Gourdaine (1796-1884), a été très importante, et ce jusqu’à la fin de sa longue vie, celle du second, Louis-Félix Leullier (1811-1882), semble avoir été beaucoup moins conséquente après les années 1850. Nous reviendrons plus longuement sur ce dernier artiste dans un essai biographique et une tentative de catalogue des œuvres repérées pour lesquels nous avons accumulé une documentation conséquente. Nous avons, dans cet article, privilégié l’illustration des décors et tableaux religieux de ces deux contemporains, aux dépens des autres genres qu’ils ont abordés. Comme nous le soulignons toujours, nous sommes tout à fait preneur de critiques et d’ajouts que nous pourrons signaler d’une livraison à l’autre.
ADDITIF À :
Émile Signol (Paris, 16 germinal, an XII (6 avril 1804) - Montmorency, 4 octobre 1892) Jésus-Christ et la Samaritaine
Œuvre en rapport :
James-Charles Armytage d’après Émile Signol (ill. 1)
Christ & the woman of Samaria
1849 (?)
Gravure sur papier chiffon
H. 26,67 ; L. 20,32
Inscriptions :
En bas à gauche, sous le cadre décoré entourant la scène principale : Emile Signol.
En bas au milieu, en pied de page : CHRIST & THE WOMAN OF SAMARIA
En bas à droite, sous le cadre décoré entourant la scène principale : J. C. Armytage
En légende du médaillon inférieur du cadre : CHRIST APPEARING TO THE DISCIPLES
Historique :
Cette gravure était en vente, le 25 avril 2023, par la galerie Gary Germer & Associates à Portland (Oregon) aux États-Unis, sur le site en ligne Ebay ; la date de 1849, non portée sur la gravure, est fournie par le galériste, sans que nous en connaissions la raison, quoiqu’elle s’avère vraisemblable.
Lieu de conservation actuel :
Portland, Oregon, États-Unis, galerie Gary Germer & Associates.
Propriété privée.
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- 1. James-Charles Armytage (1802-1897), d’après Émile Signol
Christ & the woman of Samaria, 1849
Gravure sur papier chiffon – 26,67 x 20,32 cm
États-Unis, Portland (Oregon), Galerie Gary Germer & Associates
Photo : Galerie Gary Germer & Associates, via Ebay - Voir l´image dans sa page
Nous avions montré, dans une de nos précédentes livraisons, combien l’œuvre d’Émile Signol avait été diffusée par l’estampe à travers toute la France, tout particulièrement Jésus-Christ et la Samaritaine, mais nous n’avions alors repéré que des lithographies réalisées par des artistes français, même si deux au moins de leurs éditeurs avaient des correspondants en Allemagne, Autriche, Angleterre et aux États-Unis [3]. Tout récemment, nous avons trouvé sur le site de vente en ligne Ebay, une preuve que ce tableau avait été reproduit par un prolifique graveur et éditeur anglais, James-Charles Armytage (1802-1897).
Son interprétation du tableau de Signol est différente de celle de ses homologues français en ce qu’elle ne se contente pas de reproduire l’œuvre, mais l’accompagne d’un cadre baroque d’entrelacs, interrompu aux quatre points cardinaux par des médaillons renfermant des scènes qui ne nous semblent pas être dues à Signol, ni issues d’aucune autre de ses compositions. De haut en bas, dans le sens des aiguilles d’une montre : L’Agneau portant la croix inscrit dans un médaillon rond flanqué de deux anges portant des palmes, un ange élevant une âme au ciel dans un médaillon vertical ovale soutenu par ce qui semble être un atlante ailé (un ange ?), le Christ apparaissant aux disciples dans un médaillon horizontal ovale portant la légende CHRIST APPEARING TO THE DISCIPLES et enfin Madeleine élevée au ciel par un ange formant pendant avec son vis-à-vis, toutes iconographies rappelant la résurrection et la rédemption.
L’ensemble, avec son cadre décoratif, évoque une enluminure. Cette gravure pourrait servir d’illustration pour un livre religieux, un catéchisme ou un missel, voire pour une image pieuse, la principale différence avec ceux-ci étant que le message délivré ici est implicite et non explicite. Ce didactisme est absent des lithographies publiées dans notre deuxième livraison, simples reproductions d’une œuvre d’art illustrant un moment important de la révélation dans le Nouveau Testament [4].
Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (Paris, 24 février 1796 – Paris, 18 août 1884)
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- 2. Anonyme
Portrait de Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Entre 1826 et 1830
Huile sur toile - 47,5 X 37,5
Rome, Académie de France, inv. 2016.0.63
Photo : Académie de France à Rome – Villa Médicis - Voir l´image dans sa page
Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin (ill. 2), plus connu sous le surnom de Sobeck [5], est né à Varsovie le 24 février 1796 et mort à Paris le 18 août 1884 à près de quatre-vingt-dix ans [6]. Il est le fils du second mariage de Jean-Pierre Norblin de la Gourdaine (1745-1830), peintre français né à Misy-Fault-Yonne (Seine-et-Marne) qui fit la plupart de sa carrière en Pologne où il vécut trente ans et fut peintre pour les familles de magnats Czartoryski puis Radziwill, ainsi que pour le roi Stanislas II Auguste. Sébastien, rentré en France avec sa famille en 1804, effectua ses études au collège de Provins puis fit ses classes dans les ateliers de Jean-Baptiste Regnault (1754-1829) et de Merry-Joseph Blondel (1781-1853) et se présenta avec assiduité au concours du Prix de Rome de 1816 à 1825, sa ténacité trouvant sa récompense avec un Premier grand prix cette dernière année [7]. Il demeura à l’Académie de France à Rome de 1826 à 1830 [8], mais resta en Italie jusqu’en 1832 [9]. Il est nommé professeur à l’école des Beaux-Arts de Paris en 1837 [10], où il eut comme élèves Jean-Pierre-Alexandre Antigna (1817-1878) et Victor-Casimir Zier (1822-1883). Ses premières expositions, parfois sous le nom de « Norblin le jeune », eurent visiblement lieu dans les salons du nord de la France : Douai (1819, 1821, 1823, 1825 et 1833), Lille (1822 et 1825), Arras (1833) et Boulogne-sur-Mer (1847) [11], ainsi qu’en Picardie, à Amiens en 1844 [12] ; il y est récompensé de quatre médailles d’argent, à Douai en 1819, 1823 et 1825 et à Lille en 1822 [13]. Ses présentations étaient alors essentiellement des anatomies et des têtes d’étude [14], ainsi que des sujets antiques liés à son travail aux Beaux-Arts où il tentait depuis 1816 d’obtenir le Premier grand prix. Si l’on excepte un épisode de l’Ancien Testament, le Dalila livrant Samson aux Philistins [15] présenté à Lille en 1822 (n° 352) puis à Douai en 1823 (n° 389), c’est dans cette dernière ville qu’il exposa, la même année et pour la première fois, deux sujets religieux d’iconographie néotestamentaire : Une tête de Vierge (n° 393) et Une madone (n° 394) [16]. Il commença à exposer au Salon de Paris en 1827 [17] puis y présenta régulièrement des œuvres en 1833 [18], 1834, 1836, 1839, 1841, 1842, 1844, 1846, 1847, 1848, 1849, 1850, 1857, 1859, 1861, 1863, 1874 et 1876, obtenant une médaille de deuxième classe en 1833 et une de première classe en 1844. Dès 1835, il reçut sa première commande de l’État [19] et, en 1836 et 1837, il est sollicité pour réaliser deux copies destinées au tout nouveau musée historique de Versailles [20]. Très rapidement, Norblin se tourna vers la peinture religieuse qui va devenir son thème de prédilection, sans abandonner pour autant totalement le paysage, genre qui l’avait beaucoup occupé lors de son séjour italien [21], les portraits ou l’Antiquité. Dans le premier domaine qui nous occupe ici, il va essentiellement s’intéresser au Nouveau Testament, présentant une Sainte Famille (ill. 3) au Salon de 1833 (n° 1798) [22] qu’il exposa aussi à Douai (n° 388) et Arras (n° 263) la même année.
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- 3. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Sainte Famille, 1832
Huile sur toile – 80 x 60 cm
Collection particulière
Photo : AuctionArt Rémy Le Fur & Associés - Voir l´image dans sa page
La vie du Christ retint surtout son attention avec Jésus-Christ guérissant le paralytique dans la piscine de Bethsaïda (ill. 4 et 5) [23], Jésus au jardin des Oliviers [24], Jésus-Christ et les petits enfants (ill. 18) [25] ou encore La décollation de saint Jean, daté de 1849 et exposé au Salon de 1850, sous le n° 2322 (ill. 6 et 7) [26].
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- 4. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Jésus-Christ guérissant le paralytique dans la piscine de Bethsaïda, 1838
Pierre noire, lavis sépia, lavis brun, rehauts de blanc sur papier brun – 42,5 x 29,5 cm
Collection particulière
Photo : galerie Émeric Hahn - Voir l´image dans sa page
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- 5. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Jésus-Christ guérissant le paralytique dans la piscine de Bethsaïda, 1838
Huile sur toile – 41 x 27 cm
Collection particulière
Photo : CourtesyMillon - Voir l´image dans sa page
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- 6. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
La décollation de saint Jean, 1850
Huile sur toile – 32,5 x 24 cm
Collection particulière
Photo : Deloys, groupe Ivoire - Voir l´image dans sa page
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- 7. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
La décollation de saint Jean, 1849
Huile sur toile – 367 x 253 cm
Paris, église Saint-Nicolas-des-Champs, chapelle Saint-Jean-Baptiste
Photo : Ville de Paris, COARC, Emmanuel Michot - Voir l´image dans sa page
Nous sommes sans doute loin de connaître l’ensemble de ses iconographies néotestamentaires, comme en témoigne un curieux Jésus au milieu des docteurs égyptisant (ill. 8) connu par l’estampe [27] ou les mentions, dans le catalogue de la vente après décès, d’une Descente de croix, d’un Jésus et Madeleine ou encore d’un Sommeil de l’Enfant Jésus [28].
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- 8. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Jésus au milieu des docteurs (titre Zimmer), ≤ 1858
Estampe tirée de
Sébastien Norblin de la Gourdaine, Les Sept Sacrements exécutés dans la Chapelle des Catéchismes à l’église St-Jacques-du Haut-Pas et autres compositions par S.-L.-G. Norblin, 1858
Photo : galerie Émeric Hahn - Voir l´image dans sa page
Rare incursion dans l’Ancien Testament, il présenta au Salon de 1849, une Rachel (n° 1548) que le Dictionnaire de Bellier et Auvray localise dans l’église Saint-Nicolas-des-Champs de Paris, mais que nous n’avons pu retrouver [29].
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- 9. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
La Vision de saint Luc, 1836
Huile sur toile – 215 x 150 (à la vue)
Le Havre, cathédrale Notre-Dame
Photo : Service Patrimoines–pôle Inventaire, Direction Culture et Patrimoine, Région Normandie - Voir l´image dans sa page
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- 10. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Saint Paul à Athènes, 1844
Huile sur toile – 320 x 480 cm
Mantes-la-Jolie, collégiale Notre-Dame
Photo : Wikipédia, Pierre Poschadel - Voir l´image dans sa page
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- 11. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Saint Paul convertissant Lydie, ≤ 1861
Huile sur toile – dimensions non connues
Beaucaire, église paroissiale Saint-Paul
Photo : Inventaire général, Région Occitanie, Marc Kérignard - Voir l´image dans sa page
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- 12. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Saint Pierre, 1846
Huile sur toile – dimensions non connues
Savigny-lès-Beaune, église paroissiale Saint-Cassien
Photo : MPP - Voir l´image dans sa page
Il se consacra également à la vie des saints avec une Sainte Cécile exposée à Douai à une date inconnue [30], la Vision de saint Luc (ill. 9) [31], Saint Paul à Athènes (ill. 10) [32], Saint Paul convertissant Lydie (ill. 11) [33], un Saint Pierre daté de 1846 conservé dans l’église Saint-Cassien de Savigny-lès-Beaune (ill. 12) [34], le Martyre de saint Laurent (ill. 13) [35] ainsi que deux cartons représentant Sainte Suzanne en prière est protégée par un ange contre Maximin (sic) son fils et L’Impératrice Sereine vient dans la nuit couvrir d’un voile le corps de sainte Suzanne, mise à mort par l’ordre de Dioclétien [36] qui ont sans doute servi pour le décor de la chapelle éponyme dans l’église Saint-Roch à Paris peinte par Norblin de la Gourdaine en collaboration avec son élève Victor-Casimir Zier en 1857-1858, toujours conservé aujourd’hui [37].
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- 13. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Le martyre de saint Laurent, 1846
Huile sur toile – 280 x 200
Saint-Mamet-la-Salvetat, église paroissiale Saint-Mamet
Photo : Conservation des antiquités et objets d’art du Cantal, Guilaine Pons - Voir l´image dans sa page
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- 14. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Sainte Suzanne en prière est protégée par un ange contre Maximien son fils, version 1, 1857
Sanguine, lavis noir, lavis brun, rehauts de blanc sur papier beige – 35,7 x 21 cm
Esquisse pour la chapelle Sainte-Suzanne de l’église Saint-Roch à Paris, collection particulière
Photo : galerie Émeric Hahn - Voir l´image dans sa page
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- 15. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Sainte Suzanne en prière est protégée par un ange contre Maximien son fils, version 2, 1857
Pierre noire, lavis brun, rehauts de blanc sur papier blanc – 32,3 x 22 cm
Esquisse pour la chapelle Sainte-Suzanne de l’église Saint-Roch à Paris, collection particulière
Photo : galerie Émeric Hahn - Voir l´image dans sa page
Norblin décora également d’autres églises parisiennes : deux chapelles latérales de l’église Saint-Louis-en-l’Île (1845) [38], la chapelle des Catéchismes de l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas (1851-1854) [39], la chapelle des Catéchismes de l’église Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux avec un Jésus donnant à saint Pierre les clefs du paradis (1863-1864) (ill. 16 et 17) [40] et la chapelle de la Pieta de l’église Saint-Gervais-Saint-Protais (1868-1872) [41].
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- 16. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Jésus donnant à saint Pierre les clés du paradis, 1863
Pierre noire, encre noire, rehauts de blanc sur calque contrecollé – 24 x 20,5 cm
Esquisse pour la chapelle Sainte-Geneviève de l’église Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux à Paris, collection particulière
Photo : galerie Émeric Hahn - Voir l´image dans sa page
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- 17. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Jésus donnant à saint Pierre les clés du paradis, 1864
Huile sur toile – 275 x 235 cm
Paris, église Notre-Dame-des-Blancs-Manteaux, chapelle Sainte-Geneviève (en cours de restauration)
Photo : Ville de Paris, COARC, Jean-Marc Moser - Voir l´image dans sa page
Pendant toute cette période, il continua, malgré ses activités de décorateur extrêmement prenantes, à dessiner et peindre des sujets religieux, espaçant fortement ses présentations au Salon. On peut ainsi mentionner plusieurs dessins comme La Vierge au pied de la croix (1848), Saint Jean à Pathmos (1855), L’éducation de la Vierge (1856), une série sur la vie de la Vierge (1866) et une Vierge et enfant à la fontaine de 1879 [42]. Plusieurs musées possèdent par ailleurs des dessins de l’artiste, liés souvent à des projets de décoration, comme le musée des Beaux-Arts de Rennes, par exemple [43].
Vers 1856, Sébastien Norblin de la Gourdaine réalisa des décors pour l’hôtel Lambert [44] à Paris, occupé depuis 1843 par le prince Adam Jerzy Czartoryski (1770-1861), homme politique polonais conservateur qui avait été à la tête de l’insurrection contre le tsar de Russie en 1830-1831. Cet hôtel, non loin de la résidence de l’artiste [45], était devenu depuis lors la plaque tournante de l’émigration polonaise, et le lieu où il donnait certainement ses cours de sculpture et de peinture à Isabelle Czartoryska (1830-1899), fille du magnat et future peintre elle-même [46] ; pendant toute sa carrière, Sébastien Norblin de la Gourdaine resta d’ailleurs très proche du milieu polonais parisien [47]. C’est à cette même époque, le 12 juillet 1859, qu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur [48] et qu’il se consacra, pendant les années 1860, à des publications ayant pour sujet les œuvres de Virgile [49]. Il est intéressant de signaler qu’il était également, et ce dès le début des années 1840, un amateur intéressé par la numismatique qui possédait une collection dans ce domaine [50] et qu’il effectua une donation de petits objets antiques à l’école des Beaux-Arts de Paris, qui lui avaient sans doute servi de modèles pour certaines de ses œuvres [51]. Il décède à l’âge avancé de quatre-vingt-huit ans.
S’il fut un peintre parisien résidant dans la capitale, plus particulièrement sur l’Île Saint-Louis, d’abord au 11 quai de Bourbon puis au 31 quai d’Anjou [52], force nous est de constater que, dans l’état actuel de nos recherches, il exposa surtout, entre 1819 et 1847, dans les salons du nord de la France, hormis ses présentations à celui de Paris. En outre, il semble qu’il était resté attaché au sud de la Seine-et-Marne dont son père était originaire [53], où il avait fait ses études au collège de Provins, ce qui pourrait expliquer un don de sa part à la commune de Varennes-sur-Seine, limitrophe de Montereau-Fault-Yonne, et située à quelques kilomètres du berceau familial de Misy-sur-Yonne.
Jésus-Christ et les petits enfants (ill. 18)
1856
Huile sur toile ; bois peint en faux bois (cadre)
H. 76 ; L. 99 (toile) ; La 19 (baguette du cadre)
Sdbg, à la peinture rouge-orangé : norblin 1856 (ill. 19)
Historique :
Nous ne possédons aucun renseignement sur le mode d’arrivée de ce tableau à Varennes-sur-Seine.
Expositions :
Salon de 1857, n° 2007.
Bibliographie :
Léon Tual (com.-priseur), Catalogue de tableaux, esquisses et dessins (...) par suite du dé-cès de monsieur Sébastien Norblin (prix de Rome 1825), cat. vente, Paris, hôtel Drouot, salle n° 9, samedi 14 février 1885, Paris, 1885, p. V et 8, n° 17 (esquisse) ; Palissy, PM77005026
Lieu de conservation :
Varennes-sur-Seine (Seine-et-Marne), église paroissiale Saint-Lambert, bas-côté nord, au-dessus des fonts baptismaux (ill. 20).
Classé Monument historique le 18 juillet 2022
Propriété de la commune, dans l’état actuel de nos connaissances.
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- 18. Sébastien-Louis-Wilhelm Norblin de la Gourdaine dit « Sobeck » (1796–1884)
Jésus-Christ et les petits enfants, 1856
Huile sur toile – 76 x 99 cm
Varennes-sur-Seine, église paroissiale Saint-Lambert, bas-côté nord
Photo : Département de Seine-et-Marne, Yvan Bourhis - Voir l´image dans sa page
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- 19. Détail de la signature
- Voir l´image dans sa page
Ce tableau, exposé au Salon de 1857, tire son iconographie des trois évangiles synoptiques :
Matthieu 19:13-15 : « 13 Alors des gens lui amenèrent des petits enfants afin qu’il pose les mains sur eux et prie pour eux. Mais les disciples leur firent des reproches. 14 Jésus dit : "Laissez les petits enfants, ne les empêchez pas de venir à moi, car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent." 15 Il posa les mains sur eux et partit de là. »
Luc 18 : 15-17 : « 15 Des gens amenèrent à Jésus même des bébés pour qu’il pose les mains sur eux. En voyant cela, les disciples leur firent des reproches. 16 Mais Jésus fit approcher les enfants et dit : "Laissez les enfants venir à moi ! Ne les en empêchez pas, car le Royaume de Dieu appartient à ceux qui sont comme eux. 17 Je vous le déclare, c’est la vérité : celui qui ne reçoit pas le Royaume de Dieu comme un enfant ne pourra jamais y entrer". »
Marc 10 : 13-16 : « 13 Des gens lui amenaient des petits enfants afin qu’il les touche, mais les disciples leur firent des reproches. 14 Voyant cela, Jésus fut indigné et leur dit : "Laissez les petits enfants venir à moi et ne les en empêchez pas, car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent. 15 Je vous le dis en vérité : celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu comme un petit enfant n’y entrera pas." 16 Puis il les prit dans ses bras et les bénit en posant les mains sur eux. ».
Norblin est extrêmement respectueux du texte biblique, accompagnant, dans le catalogue du Salon, le titre de son tableau d’un extrait de l’évangile de saint Marc : « 15. Je vous le dis, en vérité, quiconque ne recevra point le royaume de Dieu comme un enfant n’y entrera point (Évangile selon saint Marc, ch. X) ». Il bâtit sa composition sur les deux groupes opposés, tant physiquement qu’intellectuellement, des disciples disposés sur et autour d’une estrade en un groupe compact à droite, et celui des femmes et des enfants à gauche. Jésus, au centre de la scène, forme un lien tout autant physique qu’idéologique entre ces groupes ; il est accoudé presque nonchalamment, enseignant aux apôtres de sa main gauche à l’index tendu et bénissant les enfants de la dextre. Une bande médiane inclut les mères et leur progéniture, le maître et deux des disciples devant le praticable, ces derniers étant disposés sur une diagonale montante gauche droite qui part de saint Pierre (?) assis par terre, se poursuit par saint Jean (?) et s’achève avec l’apôtre portant un manteau bleu debout sur l’estrade devant trois de ses compagnons. Cette disposition n’est pas sans rappeler l’organisation de certains groupes de personnages de L’École d’Athènes de Raphaël ou de L’Apothéose d’Homère d’Ingres auquel la façade de temple antique visible en arrière-plan du tableau de Norblin semble rendre hommage. Sans être certain que Norblin de la Gourdaine ait connu cette œuvre, il convient également de rapprocher son tableau du Christ et les enfants de Sébastien Bourdon (1616-1671) conservé au musée du Louvre [54] et qui présente une répartition des groupes assez semblable, ainsi qu’un arrière-plan architectural tout aussi éclectique, dans une composition beaucoup plus dense.
Ce décor qui mélange Antiquité, portique palladien et maisons italiennes contemporaines de l’artiste est dominé à senestre par une haute tour carrée, plutôt médiévale, dont la masse verticale forme contrepoids au groupe resserré et quelque peu hiératique des apôtres. La petite foule formée par les quatre femmes et leurs enfants, plus désordonnée, semble très circonspecte, une des mères debout regardant avec crainte, désapprobation et peut-être un peu de défi, les compagnons de Jésus. Leur façon de tenir leurs enfants rappelle également l’intimité souvent représentée de Marie et de son fils, tout à la fois symbole de pureté et d’innocence. La gamme colorée, tout à fait ingresque dans l’opposition des couleurs très vives des manteaux des disciples et beaucoup plus pastel et douce pour les familles, exprime la dureté protectrice des apôtres pour le Fils, face à l’Innocence donnant accès au royaume du Père. De même, le manteau bleu de Jésus, répondant à celui de l’apôtre juché sur l’estrade, le lie au groupe des disciples, alors que le rose éteint de sa robe répond à celles des mères de famille. Enfin, le blanc de la robe de la femme agenouillée à gauche et celui du manteau de Jean encadrent et font ressortir la figure centrale de Jésus.
Cette iconographie a fait l’objet de nombreuses œuvres peintes et graphiques, rarement de sculptures, où les enfants et leurs mères sont plus ou moins proches de Jésus et ce dernier plus ou moins impliqué dans le groupe des apôtres, presque toujours réprobateurs, leur tournant souvent le dos même s’il fait de la main un geste d’enseignement, voire un mouvement d’arrêt à leur adresse [55]. La bénédiction des enfants se fait soit d’une seule main, comme chez Norblin, soit des deux mains [56]. Rares sont les peintures excluant totalement les apôtres déjà (con)vaincus, où les rejetant à l’arrière-plan, comme dans le tableau de Johann-Friedrich Overbeck (1789-1869) [57] ou celui plus tardif d’Émile-Charles-Hippolyte Lecomte-Vernet (1821-1874) [58], mais c’est un schéma que l’on trouvera très souvent sur les images pieuses de la fin du XIXe siècle et au XXe siècle, sans doute en raison du format contraint de celles-ci, ainsi que sur les Catéchismes destinés aux enfants [59]. L’originalité du tableau de Norblin réside dans la focalisation de la composition sur la remontrance visiblement expliquée de Jésus aux apôtres, celui portant une toge bleue semblant l’interlocuteur principal devenu pensif devant les propos fermes de son maître alors que Jean semble se défendre d’avoir voulu l’offenser ; le geste de bénédiction de Jésus apparaît alors presque secondaire par rapport à la parole dispensée aux disciples et le fait, assez rare, qu’il soit assis renforce l’impression d’une lectio. La scène évoque une discussion calme mais ferme, sans l’impression d’autorité explicite que l’on trouve par exemple dans le Jésus et les petits enfants [60] du baron François Gérard (1770-1837), conservé dans la chapelle Saint-Pierre de l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas à Paris ou dans le Jésus-Christ et les petits enfants d’Hippolyte Flandrin (1809-1864), daté de 1836-1838 [61], où Jésus debout tourne ostensiblement le dos aux apôtres réprobateurs ; ces deux tableaux mettent strictement en scène l’indignation du Christ précisément mentionnée par le seul saint Marc [62]. Chez Norblin de la Gourdaine, bien que le texte accompagnant le titre de son tableau dans le catalogue du Salon soit tiré du même évangile, il fait au contraire preuve de pédagogie et enseigne, ce qui explique qu’il ne soit pas pressé, comme souvent, par le groupe des disciples ou celui des mères et de leurs enfants : le temps de l’action, l’enlacement des enfants, est ici à venir. Le seul autre tableau qui nous semble représenter le Christ cherchant plus à enseigner qu’à imposer, est celui récemment retrouvé de Louis Hersent (1777-1860) [63] où Jésus semble même un peu dépassé par les actions assez virulentes de ses disciples, demandant visiblement à Pierre de les faire cesser ; il est vrai que l’afflux des mères et de leur progéniture est assez impressionnant et semble se poursuivre hors champ.
Le cadre repeint en faux bois était anciennement doré et est sans doute celui d’origine.
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- 20. Emplacement du tableau en 2022
dans la chapelle des fonts baptismaux
Photo : Département de Seine-et-Marne, Yvan Bourhis - Voir l´image dans sa page
L’ensemble toile et cadre est dans un état médiocre, mais sans perte de matière picturale. On peut noter un gondolement léger de la toile dans le tiers inférieur, qui perturbe un peu la lecture de l’œuvre. Le vernis est jauni et encrassé et un nettoyage et une régénération dudit vernis apporteraient déjà une meilleure lecture de l’ensemble. Même si la présentation du tableau, au centre d’un retable de qualité médiocre, n’est pas parfaite, elle est peut-être d’origine, excepté la croix en bois blanc qui semble postérieure. Une investigation à l’aide de sondages en recherche de polychromie serait possible, même si la peinture faux-bois, caractéristique du XIXe siècle, est peut-être originale et que le présent retable date sans doute de la fin de ce dernier siècle, voire du début du suivant.
Louis-Félix Leullier (Paris, 14 novembre 1811 - Paris, 23 février 1882)
Nous ne connaissons rien des premières années de formation de Leullier. Élève du baron Jean-Antoine Gros (1771-1835), il présenta sans succès le prix de Rome en 1832, 1834 et 1835 ainsi que le concours des esquisses peintes en 1834 [64]. De 1835 à 1839, d’après certaines nécrologies, il aurait séjourné en Italie, à Rome, Florence et Venise, en compagnie du peintre Simon Guérin (1812- ?) [65]. Il exposa dès 1838 dans les salons du nord de la France, à Arras (1838), Cambrai (1838), Valenciennes (1838) et Boulogne-sur-Mer (1841 et 1843) [66], ainsi qu’à Amiens de 1839 à 1841 [67]. Il participa également à des expositions en Normandie, à Lisieux (1841) [68] ou encore à Rouen où il obtint une médaille d’argent dès sa première présentation pour son Départ pour la croisade [69], après avoir reçu une médaille d’argent de deuxième classe dans la section « tableaux d’histoire » à Arras en 1838. Il exposa assez régulièrement au Salon des artistes français à Paris en 1838 [70], 1839, 1841, 1842, 1843, 1846, 1847, 1849, 1850, 1852, 1855, 1869 et 1870, obtenant une troisième médaille dès sa deuxième présentation en 1839 et une deuxième en 1841. Toutes les premières toiles qu’exposa Leullier représentaient des animaux et des chasses exotiques (lions, tigres, etc.), veine qu’il continua d’exploiter tout au long de sa carrière, sans que l’on sache comment cette passion lui était venue [71], mais sans doute pas lors de son séjour italien qui lui inspira plutôt des scènes historiques tirées de l’histoire romaine et italienne.
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- 21. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Les chrétiens livrés aux bêtes dans le Colisée de Rome sous l’empereur Domitien l’an 90 de Jésus-Christ, 1840
Huile sur toile – 178,4 x 260,4 cm
États-Unis, Dakota du Sud, Greenville, Bob Jones University, Museum & Gallery
Photo : Museum & Gallery at Bob Jones University, Greenville, SC - Voir l´image dans sa page
Il représenta également des scènes inspirées de l’histoire chrétienne comme Départ pour la croisade [72], Les chrétiens livrés aux bêtes dans le Colisée de Rome sous l’empereur Domitien l’an 90 de Jésus-Christ (ill. 21) [73], Martyrs à Rome (Salon de 1839, n° 1379), et romaine avec Incendie de Rome par les Vandales en 450 (Salon de 1843, n° 811). Beaucoup de ces scènes furent l’occasion pour le peintre de représenter des animaux exotiques, une de ses principales sources d’inspiration, comme pour Lion de l’Atlas [74], Lions de Barbarie [75], Chasse aux lions (Salon de 1843, n° 810), Chasse aux caïmans sur les rives du Mississipi (Salon de 1847, n° 1098), Chasse aux tigres dans les jongles [sic] aux Indes [76] ou une Scène dans le Maroc (ill. 22) [77].
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- 22. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Scène dans le Maroc, ≤ 1847
Huile sur toile – 65,5 x 81,7 cm
Marseille, musée des beaux-arts, inv. BA 182
Photo : Ville de Marseille, musée des beaux-arts - Voir l´image dans sa page
Il réalisa également des paysages exposés au Salon de 1846 : Promenade dans la prairie (n° 1205) et Promenade sur les lagunes (n° 1206). Il s’intéressa aussi à l’illustration de grands classiques comme l’Orlando furioso de l’Arioste avec Le magicien Atlant (Salon de 1842, n° 1270) ou à la vie des grands auteurs avec Camoëns, auteur de la Lusiade, meurt de misère à Lisbonne (Salon de 1838, n° 668) [78] et Le Dante proscrit, au moment de quitter le territoire de sa patrie, fait un éternel adieu à Florence qu’il aperçoit encore [79]. Il réalisa également un dessin, copie du Songe d’Ossian, d’après Girodet [80]. Nous ignorons par ailleurs le thème exact de L’homme entre le vice et la vertu (Salon de 1850, n° 2017) qui pouvait avoir une connotation religieuse. Enfin, il représenta des évènements plus « contemporains » comme La course de chevaux libres à Rome. Cette course a lieu pendant les jours de carnaval ; le départ se fait de la place du Peuple une heure avant la nuit [81], Héroïsme de l’équipage du vaisseau Le Vengeur, 4 juin 1794, [82] ou Les inondés de la Loire [83]. Enfin, il ne réalisa guère de portraits, si ce n’est, en 1836, celui du baron Gros qu’il détruisit [84] et le pastel présenté au Salon de 1852 (n° 840) sous le simple titre de Portrait [85].
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- 23. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Daniel dans la fosse aux lions, 1842
Huile sur toile – 81,5 x 114 cm
Collection Fabienne et Thierry Zimmer
Photo : Thierry Zimmer - Voir l´image dans sa page
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- 24. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Entrée de Notre Seigneur Jésus-Christ dans Jérusalem, ≤ 1859
Huile sur toile – 62 x 87,5 cm
Arras, musée des beaux-arts, inv. 945.95
Photo : Ville d’Arras, musée des beaux-arts - Voir l´image dans sa page
Très tôt, cet artiste a réalisé de nombreuses œuvres religieuses, parfois tirées de l’Ancien Testament comme Daniel dans la fosse aux lions (ill. 23) [86], mais surtout du Nouveau Testament comme Le Christ au tombeau [87], Entrée de Notre Seigneur Jésus-Christ dans Jérusalem (ill. 24) [88], Notre Seigneur Jésus-Christ présenté au peuple [89] (ill. 25), Le Christ mort sur la croix [90] (ill. 34).
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- 25. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Notre Seigneur Jésus-Christ présenté au peuple, ≤ 1859
BnF, Département des estampes et de la photographie, cote DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix). - Voir l´image dans sa page
Il décora également, entre 1842 et 1848, la chapelle Saint-Fiacre de l’église Saint-Médard à Paris, cet ensemble ayant disparu dès le début du XXe siècle.
De sa vie personnelle, nous ne connaissons que quelques bribes. Nous savons, par exemple, qu’il fit partie, en 1844, des fondateurs de la Confiance, Compagnie d’assurances à primes contre l’incendie [91], et qu’il épousa, à une date inconnue, Laure Soisson (1820-1865), veuve Maletra, comme en témoigne l’épitaphe de la tombe familiale du cimetière du Père Lachaise à Paris (consulté le 25 avril 2023) [92] : c’est à peu près tout. Sa production connue semble significativement réduire après 1850. Avait-il été touché par le choléra, comme une nécrologie de 1882 semble l’indiquer [93], ce qui aurait pu lui laisser des séquelles invalidantes et expliquerait ainsi cette diminution d’activité ? Force nous est en tout cas de constater que nous ignorons totalement s’il continua à peindre entre 1870, date de sa dernière présentation au Salon, et 1882, année de son décès. Le volume contenant cent vingt-cinq photographies de ses tableaux, conservé au Département des estampes et de la photographie de la Bibliothèque nationale de France, ne précise pas la date des œuvres [94]. Une des dernières traces d’activité que nous possédions est la mention de son nom dans une liste de remerciements accompagnant l’ouvrage de Justin Tripier Le Franc sur le baron Gros, publié en 1880 [95].
Prédication de saint Fiacre (ill. 26)
≤ 1842
Huile sur toile ; bois stuqué et doré (cadre)
H. 75 ; L. 65 (toile)
Ssnd
Historique :
Ce tableau aurait été donné à la ville de Gretz-Armainvilliers par la famille de l’artiste.
Bibliographie :
Antoine Jourdain, Un petit village briard, Gretz-Armainvilliers, Société historique de Villiers-sur-Marne et de la Brie française, Villiers-sur-Marne, 1986, p. 72-73 ; Jean-Luc Flohic (dir.), Le patrimoine des communes de la Seine-et-Marne, 2, coll. Le patrimoine des communes de France, FLOHIC éditions, 2001, p. 1440.
Lieu de conservation :
Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne), église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, nef, mur nord.
Inscrit Monument historique le 03/09/1987
Propriété de la commune, dans l’état actuel de nos connaissances.
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- 26. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Prédication de saint Fiacre, vers 1842
Huile sur toile – 75 x 65 cm
Gretz-Armainvilliers, église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, mur nord de la nef
Photo : Département de Seine-et-Marne, Yvan Bourhis - Voir l´image dans sa page
Œuvres en rapport :
Louis-Félix Leullier (Paris, 14 novembre 1811 - Paris, 23 février 1882)
Prédication de saint Fiacre (ill. 27)
≤ 1842 [96]
Dessin sur papier au fusain relevé de gouache
H. 42, L. 32,5
Ssnd
Historique :
Ce dessin proviendrait de la collection d’un descendant de l’artiste, d’après le catalogue Daguerre ; contrairement à ce qui est précisé sur le site de cette maison de ventes aux enchères, il ne s’agit pas de l’esquisse préparatoire au tableau de Gretz-Armainvilliers, mais plus vraisemblablement de celle du décor de l’église Saint-Médard de Paris.
Bibliographie :
Daguerre Paris, Dessins et Tableaux anciens, Archéologie, Céramique, Argenterie, Mobilier et Objets d’art, Tapis et Tapisserie, Drouot Richelieu salle 5, 13/05/2015, n° 58, catalogue Daguerre, (consulté le 25 avril 2023).
Lieu de conservation :
Collection privée
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- 27. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Prédication de saint Fiacre, vers 1842
Fusain et gouache sur papier – 42 x 32,5 cm
Collection particulière
Photo : Desbenoit-Fierfor - Voir l´image dans sa page
Anonyme
Prédication de saint Fiacre (ill. 28)
Entre 1842 et 1880 (?) [97]
Photographie d’un dessin
Inscriptions :
Sous la photographie, en bas à gauche, au tampon à marquer en creux : F. LEULLIER PX
Historique :
Cette photographie fait partie d’un album comportant cent vingt-cinq clichés des tableaux de Leullier, sans doute réalisé vers 1880.
Lieu de conservation :
Bibliothèque nationale de France, Département des estampes et de la photographie, inv. DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
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- 28. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Prédication de saint Fiacre, entre 1842 et 1880 (?)
Photographie d’un dessin
BnF, Département des estampes et de la photographie, cote DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
Photo : Thierry Zimmer - Voir l´image dans sa page
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- 29. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Prédication de saint Fiacre, entre 1849 et 1877
Photographie
BnF, Département des estampes et de la photographie, cote DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
Photo : Thierry Zimmer - Voir l´image dans sa page
Anonyme
Prédication de saint Fiacre (ill. 29)
Entre 1849 et 1877 (?) [98]
Photographie
Inscriptions :
Sous la photographie, en bas à gauche, au tampon à marquer en creux : F. LEULLIER PX
Historique :
Cette photographie a été faite in situ, dans la chapelle Saint-Fiacre de l’église Saint-Médard de Paris ; elle fait partie d’un album comportant cent vingt-cinq clichés des tableaux de Leullier, sans doute réalisé vers 1880.
Lieu de conservation :
Bibliothèque nationale de France, Département des estampes et de la photographie, inv. DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
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- 30. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Saint Fiacre distribuant des aumônes, entre 1849 et 1880 (?)
Photographie d’un dessin
BnF, Département des estampes et de la photographie, cote DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
Photo : Thierry Zimmer - Voir l´image dans sa page
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- 31. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Saint Fiacre distribuant des aumônes, entre 1849 et 1877
Photographie
BnF, Département des estampes et de la photographie, cote DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
Photo : Thierry Zimmer - Voir l´image dans sa page
Les descriptions contemporaines des peintures murales à l’encaustique de l’église Saint-Médard de Paris [99], qui étaient déjà en très mauvais état en 1877, ne laissent aucun doute sur le fait que le tableau conservé en Seine-et-Marne est bien une esquisse, voire l’idée initiale de la première des quatre scènes composant ce décor qui se trouvait côté est au-dessus de l’autel. Leullier l’avait commencée en 1842 et achevée en 1844, pour la somme de trois mille sept cent trente-neuf francs, alors que les trois autres iconographies ne furent terminées qu’en 1848 [100]. Dès 1877, ces peintures se dégradent et il est fait appel à l’artiste lui-même pour envisager une restauration. Devant la somme nécessaire, la Commission des beaux-arts renâcle et affirme qu’il n’y a pas urgence et ce décor disparaît finalement dès le début du XXe siècle, faute de restauration. Heureusement, une récente découverte est venue un peu réparer cet oubli (outrage ?), grâce au repérage de deux photographies des scènes est et ouest prises in situ avant la dégradation (ill. 29 et 31), et d’un dessin qui semble bien représenter La Charité et L’Humilité qui se trouvaient de part et d’autre de la baie (ill. 32) [101].
Outre ces documents, une esquisse, peut-être un modello, est passée en vente en 2015 (ill. 27) [102] ; c’est la présence du monogramme « SF » aux lettres entrelacées dans les écoinçons, au lieu des croix pattées du tableau, qui nous conforte dans cette hypothèse, nombre de chapelles dans les églises présentant cette marque distinctive de leur dédicace. Enfin, la photographie d’un dessin également monogrammé aux angles, peut-être un fusain ou une pierre noire, a été également retrouvée dans l’Album Leullier (ill. 28) [103].
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- 32. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
La Charité (à gauche), L’Humilité (à droite), ≤ 1849
Photographie d’un dessin au trait
BnF, Département des estampes et de la photographie, cote DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
Photo : Thierry Zimmer - Voir l´image dans sa page
Ces œuvres correspondent en tous points à la description contemporaine des peintures de l’église Saint-Médard, telle qu’Antoine Fillioux nous l’a livrée en 1844 : « (...) M. Leullier a trouvé une composition pleine de fraîcheur et naïvement expressive. Au coucher du soleil, les paisibles habitants des villages voisins, laboureurs, vieillards, femmes et enfants, sont venus entendre les pieuses exhortations de saint Fiacre qui, joignant le précepte à l’exemple, a consacré sa journée au travail et la termine par la prière. Le saint occupe le centre de la composition, les auditeurs sont divisés en trois groupes qui se détachent sur un fonds (sic) de paysage d’un style austère et sur un ciel où se dégradent les douces nuances du soleil couchant lumineux ; les figures sont en harmonie avec le site agreste où se passe la scène, et avec l’effet de grande lumière que s’est proposé de rendre le peintre, seulement elles laissent trop de place au paysage et sont, quoique légèrement exécutées, de dimension un peu petite. Le groupe de gauche où figurent de tendres époux et des mères de famille, particulièrement celui du fond où apparaissent, noyés dans la lumière, un vieillard et ses enfants sont disposés avec goût toutefois, les premiers plans largement accusés ne sont pas d’un dessin assez ferme et assez pur, les ajustements manquent de grâce. Certes, il ne s’agissait pas de trouver un choix de nature par trop exceptionnelle, comme celle qu’ont employée Léopold Robert ou Schnetz ; mais il fallait au moins rendre avec plus de soin quelques draperies, dessiner plus vigoureusement quelques parties de nu qui se trouvent rapprochées du regard. La tête du solitaire est belle, d’une animation très louable, mais la main droite de saint Fiacre, dont le geste suit la parole, n’est pas d’une correction satisfaisante. — En revanche, l’œil se repose avec délice sur les fleurs et les fruits placés sur l’herbe à la gauche du pieux solitaire. Le côté saillant de l’œuvre, c’est la richesse de la couleur, la belle harmonie de l’ensemble. M. Leullier est avant tout coloriste ; après cela, son plus grand mérite à mes yeux c’est qu’il peut subordonner ses qualités de coloriste aux exigences des divers sujets qu’il traite. Sombre et chaud dans ses Chrétiens livrés aux bêtes, puissant et plein d’une éclatante vivacité dans le Naufrage du Vengeur, il sait faire parler avec audace toutes les gammes de la couleur. Dans la Prédication de saint Fiacre, M. Leullier a mis en jeu des tons suaves et cette douce lumière orange qui estompe et baigne le paysage par les beaux soirs d’été. Cette peinture est exécutée à l’encaustique, selon les procédés de M. Vivet. L’ornement qui encadre la composition est bien entendu pour l’effet et on a pris soin d’éteindre, comme il convenait, par des vitres dépolies, la lumière oblique venant de la fenêtre du fond. Il est bon qu’on proclame encore la division du travail d’art dans tous les cas où elle est possible, mais il faut éviter le gaspillage, le morcellement d’où naîtrait le désaccord. Nous espérons donc qu’après la nouvelle garantie de conscience et de talent que vient de donner M. Leullier, on lui livrera bientôt l’autre muraille latérale de la chapelle saint Fiacre, qui, de la sorte, sera complétement décorée dans un bon goût architectonique » [104]. Ces peintures furent en effet très appréciées par les critiques de l’époque, comme celui du Bulletin de l’alliance des arts : « On vient de découvrir à Saint-Médard, rue Mouffetard, la chapelle Saint-Fiacre, peinte à l’encaustique par M. Félix Leullier, l’auteur des Chrétiens livrés aux bêtes. Saint Fiacre y est représenté enseignant aux jardiniers la religion et la culture. M. Leullier a fait voir qu’il comprenait aussi bien la peinture calme et religieuse que la peinture vigoureuse et dramatique » [105]. C’est encore cette première scène réalisée qui retint l’attention de Henry Trianon en 1847 : « Voyez la fresque de M. Leullier, dans la chapelle de Saint-Fiacre, à l’église Saint-Médard. Ce n’est certes ni par l’élévation du style, ni par la profondeur de l’expression, ni même par le savant emploi de la couleur et du dessin qu’elle se recommande ; mais l’artiste a si franchement abordé son sujet, il a si bien mis de côté ou plutôt dissimulé si adroitement la coquetterie habituelle de son pinceau, il a fait preuve, en cette occasion, de tant de bonhomie et de candeur, qu’il a rencontré l’effet après lequel bien d’autres auraient peut-être inutilement couru. Quelque chose de pieux et de champêtre en même temps se dégage de cette aimable composition et vient remuer doucement le cœur. Le saint pourrait avoir une attitude plus imposante, mais il ne saurait, à coup sûr, en avoir une qui parlât mieux à son humble auditoire. Les jardiniers qui l’entourent pourraient être groupés avec plus d’art et accentués plus énergiquement ; mais ce ne serait pas sans peine qu’ils offriraient un ensemble plus naturel et plus agréable aux yeux. Enfin, un peu plus d’austérité dans les lignes, dans le coloris et la lumière, ne messiérait pas ; mais alors il faudrait dire adieu à l’expression naïve et délicate qui, de ce tableau, fait pour ainsi dire une églogue évangélique, et peut-être n’aurait-on pas le courage de se résigner à ce sacrifice. Il est pourtant deux reproches assez graves que M. Leullier chercherait vainement à repousser : la partie gauche de sa fresque est trop vide, et la jeune femme, agenouillée près de la ligne de terre, n’a pas de jambes » [106]. La première de ces deux critiques est difficilement compréhensible, à moins que Trianon n’ait inversé gauche et droite.
En 1849, lors de l’inauguration officielle et du changement de dédicace de la chapelle désormais consacrée à saint Fiacre, « Les jardiniers du Jardin des Plantes et ceux du quartier Saint-Marceau célébrèrent cette cérémonie par une fête superbe » [107].
La composition du tableau de Gretz-Armainvilliers est insérée, comme c’était le cas à l’église Saint-Médard, dans le décor architecturé d’un arc en ogive, ici peint d’un motif de guirlande de fleurs à quatre pétales, alors que sur le site il semble avoir été remplacé par un ruban tournant (ill. 29). Les écoinçons sont ornés chacun d’une croix pattée rouge sur un motif blanc (esquisse d’un monogramme ?) inscrite dans un cercle à épaisse circonférence noire, placé au centre d’un triangle sombre à motifs floraux (?), liséré d’une fine bande blanche ; leur fond brun marbré semble vouloir imiter la pierre. Saint Fiacre est au milieu du tableau ou, plus exactement, c’est son bras droit dressé en geste de prédication qui occupe le centre exact de la composition et semble dessiner une ligne verticale médiane qui aboutirait à la clé de l’arc. De la main gauche, le saint en robe de bure serrée à la taille, barbu et auréolé, s’appuie sur une bêche, un de ses attributs habituels : son costume évoque plus l’habit franciscain que celui des cisterciens qui lui était habituel [108]. Il prêche devant une foule attentive de paysans, celles et ceux placés à gauche de la composition étant debout en un groupe resserré devant lequel, au premier plan, se trouve une femme agenouillée (la « femme sans jambes » d’Henry Trianon), maintenant du bras droit son enfant blond, debout dans une robe écrue. Le côté droit n’est occupé que par un couple debout, la femme devant et l’homme derrière dans la pénombre, dont la tête curieuse semble simplement esquissée ou maladroitement restaurée. Devant eux, aux pieds du saint, sont déposés des fruits et des fleurs ressortant sur le beige du tertre sur lequel est juché Fiacre vers lequel tous les regards attentifs sont tournés. Au second plan, sur la même ligne que le saint, des arbres semblant contraints physiquement par la forme de l’arc se dressent à gauche, alors qu’à droite, c’est un rocher surplombé de végétation qui ferme la composition. Le groupe de l’arrière-plan est constitué d’une charrette tirée par un attelage de deux bœufs reliés par un joug maintenu par un timon, munie de ce qui paraît être un dais replié à l’arrière. À l’intérieur, une femme debout, portant un long voile sur ses cheveux, tient son enfant sur son bras gauche, alors qu’un homme barbu est nonchalamment assis devant elle, un long bâton dans les mains ; ce groupe est sans doute une évocation rurale de la sainte Famille. La scène se déroule à l’instant où le soleil commence à se coucher, alors que le travail est terminé, le ciel bleu se teintant de jaune à l’horizon ; l’éclairage provient d’un point situé à l’extérieur du cadre, légèrement vers la gauche.
Comme l’ont souligné toutes les critiques contemporaines concernant le décor de l’église Saint-Médard, et qui transparaît également dans l’huile sur toile, c’est l’ambiance lumineuse de cette peinture qui retient l’attention, dominée par le bleu du ciel en partie haute, les tonalités lumineuses de beige et de brun de la scène où ressortent, légèrement éteints, le rouge de la tenue de l’homme à gauche au premier plan, le gris de la robe de la femme agenouillée à ses pieds et le bleu de celle du premier plan à droite. L’arrière-plan est noyé dans une luminosité gris-bleu que rehausse le vert de la végétation. Les empâtements de la couche picturale sont essentiellement réservés aux reflets lumineux blancs des vêtements et des fleurs jonchant le sol alors que l’artiste utilise la demi-pâte sur la plupart de la couche picturale assez épaisse, ne laissant jamais transparaître la trame de la toile : seules quelques craquelures d’âge sont visibles. Il est certain que le rendu dans la chapelle devait être différent, tant par l’éclairage intérieur de l’édifice même si l’« on a pris soin d’éteindre, comme il convenait, par des vitres dépolies, la lumière oblique venant de la fenêtre du fond », comme le précise Antoine Fillioux, que par la technique à l’encaustique employée, conférant un aspect plus mat.
Les dessins préparatoires et la photographie du décor original récemment retrouvés, montrent plusieurs différences légères. Si l’on considère que le dessin au fusain (ill. 27) est une première esquisse non encore aboutie, la différence avec le tableau de Gretz-Armainvilliers réside essentiellement, outre l’absence de couleur, dans le côté beaucoup plus simplifié du dessin et l’effacement prononcé des second et arrière plans. On peut aussi noter le côté plus fourni de la végétation surmontant le rocher à droite et le fait que l’auréole du saint soit ici pleine. Le second dessin (ill. 28) se rapproche beaucoup du précédent et semble constituer une deuxième phase du processus créatif, plus détaillée. Ces constatations montrent que ces deux œuvres ne sont pas directement liées au tableau de Gretz-Armainvilliers qui semble constituer un troisième temps de la réflexion du peintre et appartenir lui aussi au processus de création, postérieur aux précédents dessins, mais également inabouti comme en témoigne le côté schématique de certains visages et accessoires. Il est néanmoins le plus proche du décor définitif (ill. 29) avec une auréole simplement tracée, seules les branches des arbres de gauche étant légèrement différentes. Concernant le contexte architectural, si nous avons vu que le décor de l’arc est différent, il nous est impossible de savoir celui qui fut finalement retenu pour les écoinçons : les croix pattées du tableau ou le monogramme SF des dessins ? Nous pencherions volontiers pour cette dernière hypothèse. Un nettoyage de la couche picturale permettrait d’ailleurs de repérer d’éventuels repentirs ou restaurations et de voir, par exemple, s’il existait un quelconque décor différent sous les croix pattées du tableau de Gretz-Armainvilliers.
Le cadre de ce dernier, en bois stuqué et doré, orné d’un motif fréquent de chutes de lauriers enrubannées, est sans aucun doute celui d’origine.
Outre son intérêt pictural intrinsèque, cette huile sur toile et les photographies des dessins et du décor proprement dit sont donc aujourd’hui les seuls témoins d’une peinture murale du XIXe siècle disparue par faute d’entretien dès le début du XXe siècle. Il ornait une chapelle d’une église parisienne, dédiée à un saint peu honoré dans la capitale, patron des jardiniers, située non loin du Jardin des Plantes [109].
Le peintre ou sa famille aurait fait don de ce tableau à l’église Saint-Jean-Baptiste de Gretz-Armainvilliers en Seine-et-Marne où il trouve tout naturellement sa place. En effet, originaire d’Irlande, saint Fiacre avait obtenu de saint Faron, évêque de Meaux, l’autorisation de transformer son ermitage en monastère dont les vestiges sont situés dans la ville portant aujourd’hui son nom et qui conserve son tombeau [110]. Nous ne sommes pas parvenus à savoir si Leullier et sa famille avaient une relation particulière avec ce territoire.
Le Christ mort sur la croix (ill. 33)
1870
Huile sur toile ; bois stuqué et doré (cadre)
H. 250 ; L. 175 (toile)
Sbg : Leullier
Historique :
Ce tableau aurait été donné à la ville de Gretz-Armainvilliers par la famille de l’artiste.
Expositions :
Salon de 1870, n° 1755
Bibliographie :
Antoine Jourdain, Un petit village briard, Gretz-Armainvilliers, Société historique de Villiers-sur-Marne et de la Brie française, Villiers-sur-Marne, 1986, p. 72-73 ; Jean-Luc Flohic (dir.), Le patrimoine des communes de la Seine-et-Marne, 2, coll. Le patrimoine des communes de France, FLOHIC éditions, 2001, p. 1440 ; Amis et passionnés du Père-Lachaise (consulté le 25 avril 2023).
Lieu de conservation :
Gretz-Armainvilliers (Seine-et-Marne), église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, nef, mur nord.
Inscrit Monument historique le 03/09/1987
Propriété de la commune, dans l’état actuel de nos connaissances.
Œuvres en rapport :
Anonyme
Le Christ mort sur la croix (ill. 34)
Entre 1870 et 1880 (?) [111]
Photographie d’un dessin
Inscriptions :
Sous la photographie, en bas à gauche, au tampon à marquer en creux : F. LEULLIER PX
Historique :
Cette photographie fait partie d’un album comportant cent vingt-cinq clichés des tableaux de Leullier, sans doute réalisé vers 1880.
Lieu de conservation :
Bibliothèque nationale de France, Département des estampes et de la photographie, inv. DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
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- 33. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Le Christ mort sur la croix, ≤ 1870
Huile sur toile – 250 x 175 cm
Gretz-Armainvilliers, église paroissiale Saint-Jean-Baptiste, mur nord de la nef
Photo : Département de Seine-et-Marne, Yvan Bourhis - Voir l´image dans sa page
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- 34. Louis-Félix Leullier (1811–1882)
Le Christ mort sur la croix, ≤ 1870
Photographie d’un dessin
BnF, Département des estampes et de la photographie, cote DC-539-FOL (Leullier Louis-Félix).
Photo : Thierry Zimmer - Voir l´image dans sa page
Le Christ mort, légèrement de trois-quarts, occupe la position centrale de l’œuvre, les bras en extension, mains et pieds cloués, ces derniers reposant sur un suppedaneum. Son flanc gauche, ce qui est très inhabituel, semble porter la blessure sanguinolente due au coup de lance donné par le soldat romain Longin, à moins qu’il ne s’agisse d’une salissure ou d’un ajout ultérieur, ce qui est difficile à déterminer dans l’état actuel d’encrassement de la toile, le dessin récemment retrouvé (ill. 34) ne nous permettant pas de trancher sur ce point. Le périzonium qui lui ceint les reins possède un très long pan qui descend jusqu’au sol du Golgotha sur lequel la croix est plantée très bas, ce qui, avec l’affaissement du corps du supplicié, accentue l’impression d’un poids pesant sur la terre, presque d’un enfoncement. Ce sentiment est un peu moindre sur le dessin où le corps apparaît un peu plus décharné ou « athlétique ». Un nimbe rayonnant auréole le buste du Christ, rendant difficilement lisible le titulus dont seul le RI du INRI reste clairement visible. Au pied de la croix, Marie-Madeleine est allongée sur le ventre, les mains jointes au-dessus de sa tête. Elle est vêtue d’une ample chemise blanche sur laquelle ses longs cheveux blonds sont en partie étalés, le reste de sa chevelure reposant sur le sol, et d’une robe de couleur jaune. Derrière elle, à gauche, se trouve la figure prostrée d’une femme à la tête couverte d’un voile, sans doute la mère du Christ, Marie. Contrairement à de nombreuses représentations du même type, ce n’est pas Jérusalem qui forme l’arrière-plan de la scène, mais un paysage de collines au-dessus duquel le ciel rougeoie. Rappelons que le supplice se produisit dans la matinée et en tout début d’après-midi.
L’éclairage de la scène est très subtilement issu du nimbe de couleur jaune rayonnant qui illumine le thorax livide du Christ, laissant dans l’ombre le reste du corps en retrait sauf un reflet diffus sur la cuisse gauche légèrement avancée, et éclaire en plein le buste de Madeleine. Par ce jeu de lumière, Leullier, comme beaucoup de ses contemporains, pointe les deux personnages principaux de cette crucifixion à l’instant où le Fils de l’Homme devient le Fils de Dieu passant de la mort terrestre à la vie éternelle en un éclair symbolisé par le nimbe irradiant ; néanmoins, l’impression de solitude et d’extinction de la lumière, de la vie, de l’espoir, est ici très forte, malgré cette lueur. Dans un contexte tendu en Europe qui conduira à la guerre franco-prussienne, le pessimisme et la noirceur de certaines toiles du Salon de 1870 qui s’ouvrit le 1er mai, soit deux mois et demi avant la déclaration de guerre, sont patents et mériteraient d’être étudiés [112].
La toile est extrêmement sale et il est difficile de commenter plus avant la gamme colorée employée par l’artiste. Néanmoins, si aucun désordre majeur n’est repérable, excepté un réseau de craquelures dû sans doute à la mise en œuvre, il est certain que des restaurations assez maladroites, dont on ignore la date, ont été effectuées sur le tableau en plusieurs endroits. Le cadre en bois stuqué et doré, à moulure simple, est vraisemblablement celui d’origine.