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Caillebotte. Peindre les hommes
Paris, Musée d’Orsay, du 8 octobre 2024 au 19 janvier 2025.
Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, du 25 février au 25 mai 2025.
Chicago, The Art Institute, du 29 juin au 5 octobre 2025.
Il ne faut jamais sous-estimer les effets d’opportunité : si le Musée d’Orsay s’est voué à célébrer Gustave Caillebotte, ce n’est pas (seulement) pour le 130e anniversaire de sa disparition ni pour les trente ans de la rétrospective de 1994 qui cristallisa enfin le nouvel intérêt porté sur celui dans lequel on ne vit trop longtemps en France qu’« un artiste de talent, bien qu’artiste amateur ». Hélas né fortuné, son rôle de mécène de ses amis peintres éclipsa durablement son art qu’on ne cesse de redécouvrir malgré la spectaculaire floraison d’expositions des quinze dernières années : citons ainsi les coup de projecteur donné au Musée Jacquemart-André de Paris (voir l’article) puis à la Propriété Caillebotte de Yerres, où résida la famille (voir l’article) vite suivie par le Musée des Impressionnismes de Giverny (voir l’article) et plus récemment encore à la Fondation Gianadda de Martigny (voir l’article). On imagine donc assez mal - sauf à ne jamais sortir du Musée d’Orsay, dont c’est bien la première exposition dédiée à l’artiste - comment certains commentateurs peuvent y voir un évènement frappant.
- 1. Vue de l’exposition « Caillebotte. Peindre les hommes » au Musée d’Orsay
Photo : Allison Bellido - Voir l´image dans sa page
Comment, cependant, ne pas ressortir impressionné de ce parcours de luxe émaillé de tous les chefs-d’œuvre de Caillebotte, prêtés par les institutions américaines (ill. 1) comme les collections suisses parfois déguisées en musées [1] ou les héritiers de l’artiste qui détiennent encore une part essentielle de son « stock » ? Sa progression, simplement mais solidement conçue, se révèle tout bonnement éblouissante pour les visiteurs qui ont la chance de l’admirer en dépit des foules qui s’y pressent [2]. Il faut pourtant avouer qu’on a rarement vu ici un plus spectaculaire décalage entre la somptuosité de l’accrochage et la pauvreté du discours qui l’accompagne, même si la majorité des visiteurs admire les œuvres sans prendre le temps de lire les cartels. Les textes proposés dans les salles peuvent pourtant vite susciter la perplexité voire l’hilarité mais ceux des essais du catalogue sont hélas encore plus savoureux.
- 2. Gustave Caillebotte (1848-1894)
La Partie de cartes, vers 1876
Pastel sur papier - 45 x 58 cm
Collection particulière
Photo : Alexandre Lafore - Voir l´image dans sa page
- 3. Gustave Caillebotte (1848-1894)
Partie de bézigue, vers 1881
Huile sur toile - 125,3 x 165,6 cm
Louvre Abu Dhabi
Photo : APF - Voir l´image dans sa page
Le visiteur naturellement avide d’en savoir davantage sur les joyaux qu’il contemple en sera pour ses frais, aucune notice d’œuvre ne venant l’éclairer - triste habitude à Orsay, comme le démontre également le catalogue de l’actuelle exposition Harriet Backer (voir l’article) - alors que la préface confirme d’emblée que les deux récentes acquisitions du Getty Museum (voir la brève du 19/10/21) comme du Musée d’Orsay (voir la