- Façade Est du château de Pontchartrain (Yvelines), vendu à la découpe
Photo : Alain Janssoone (CC BY-SA 1.0) - Voir l´image dans sa page
Si la période actuelle est incertaine sur le plan politique, on peut tout de même reconnaître qu’une nécessité est reconnue par tous : faire des économies. Antoine Armand, nouveau ministre de l’Économie et des Finances, et Laurent Saint-Martin, nouveau ministre du Budget ne pensent certainement pas autrement.
Il y a pourtant, dans le domaine du patrimoine que certains estiment coûteux (alors qu’il s’agit en réalité d’un investissement dont toutes les études montrent qu’il est rentable à terme) des niches fiscales qui contribuent au vandalisme de monuments historiques.
Nous ne parlerons pas ici de celles consistant à favoriser les travaux d’isolation du bâti ancien, dont certains pensent - à tort - qu’elles sont bénéfiques, mais d’un autre avantage fiscal que personne ou presque, à part ceux qui en font leur gagne pain - ne peut défendre.
Il s’agit de la possibilité pour des promoteurs immobiliers de découper en appartements des monuments, notamment des châteaux, et de faire bénéficier leurs acheteurs de déductions fiscales en prétendant qu’ils les restaurent. Nous avons publié ici un long article de Julien Lacaze, le président de l’association Sites & Monuments, qui démontre cette imposture : coûteux pour le budget de l’État, ce mécanisme entraine un vandalisme scandaleux, à l’opposé de ce qu’il prétend défendre. C’est ainsi - ce n’est qu’un exemple - que le château de Pontchartrain a été démantelé et d’ailleurs également en partie dépouillé de ses œuvres d’art (car évidemment celles-ci ne peuvent rester dans un château découpé en appartements).
Nous avions parlé il y a quelques mois à la ministre de la Culture Rachida Dati de cette question, et elle nous avait dit vouloir regarder cela de près. À l’heure où l’on ne savait pas encore si elle resterait à son poste, et dans le cadre d’un bilan des quelques mois passées au ministère (voir aussi cet article) nous avons voulu savoir auprès de son cabinet si cette question avait pu avancer.
La réponse était oui : le ministère de la Culture s’est rapproché de Bercy afin de voir si cette « niche fiscale » véritablement néfaste pouvait être supprimée, ce qui peut se faire simplement en revenant à la situation d’avant 2017 quand un agrément du ministère de la Culture était nécessaire pour bénéficier de la déduction fiscale. Il arrive en effet (par exemple pour d’anciennes casernes, ou d’anciennes abbayes) que la disposition des lieux permette de créer certains appartements sans abimer le monument. Cela n’empêchait pas certaines catastrophes car on sait que le ministère de la Culture n’est pas une garantie absolue contre les atteintes au patrimoine : en 2005 par exemple, le château de Clermont au Cellier, qui appartenait naguère à Louis de Funès, pourtant inscrit en 1941, avait été découpé ainsi avec l’aval de la DRAC. Mais cela apportait néanmoins un garde-fou supplémentaire.
Fort bien donc. Une mesure néfaste pour le patrimoine qui coûte de l’argent au contribuable : le ministère du Budget ne pouvait qu’y être favorable. Et bien non ! C’est Bercy qui bloque sur ce sujet comme nous l’a confié le ministère de la Culture, pour des raisons qui, à vrai dire, nous échappent. Nous avons interrogé à le service de presse du ministère des Finances qui ne pourra nous donner une réponse que lundi, que nous publierons à la suite de cet article.
Tout cela est totalement incompréhensible et parfaitement insupportable. Espérons que la ministre de la Culture et le nouveau ministre du Budget pourront enfin réussir à débloquer cette situation absurde. La situation financière de la France n’est pas bonne, c’est un euphémisme, comme vient de le rappeler le Premier ministre. Nous lui proposons une mesure qui permettrait de faire quelques économies et qui n’apporte que des avantages, tant pour les finances publiques que pour le patrimoine. Nous ne voyons même pas un seul parti politique qui pourrait s’opposer à cela.