Après Caravage et Léonard, Courbet

Proposition de reconstitution du tableau
dont L’origine du monde serait un fragment...
Illustration par Matthias Petit pour Paris-Match (7/2/13)
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7/2/13 - Faux scoop - Une nouvelle fois, une « redécouverte » extraordinaire d’une œuvre d’art fait l’événement et se propage comme une traînée de poudre dans la presse qui, décidément, ne retiendra jamais la leçon. Le plus drôle est que les vraies trouvailles, celle d’un sublime Bronzino au Musée des Beaux-Arts de Nice, ou d’un Zurbarán, dans une petite église de Normandie pour ne prendre que deux exemples récents, n’occasionnent presque jamais un tel ramdam.

Cette fois-ci, c’est Courbet qui s’y colle. Comme vous pourrez le lire partout, Paris-Match publie une exclusivité « mondiale », ce qui est un tantinet mesquin : un tableau chiné par un amateur pour 1400 euros représenterait la tête de la femme peinte dans L’Origine du Monde, qui serait une partie d’une grande toile découpée. Nous vous laissons lire les péripéties de cette « enquête » ici, ou . Et nous vous renvoyons à l’article d’André Gunthert sur son blog de L’Atelier des Icônes pour lire le premier et l’un des rares, avec celui de Slate, à se montrer plus que dubitatif.
Le montage ne fonctionne évidemment pas, et André Gunthert l’explique clairement : « Dommage que le mouvement du buste, tourné vers la gauche, ou celui du drapé paraissent incompatibles avec la position de la jeune femme du portrait. Dommage que la pose envisagée par le croquis de Match soit d’une niaiserie difficilement conciliable avec le style de Courbet autant qu’avec le réalisme de “L’Origine”… ».

Oui, tout cela est dommage, comme il est dommage que les conservateurs du Musée d’Orsay, sans doute tétanisés par l’enjeu et qui savent bien qu’il s’agit d’un scoop frelaté, ne veuillent pas le dire franchement sous prétexte qu’ils auraient « un devoir de réserve s’agissant d’œuvres en mains privées [1] ». Cela ne les empêche pas - et c’est heureux - de passer leur temps à publier ou à exposer des œuvres de collections particulières et on se demande ce que serait l’histoire de l’art s’ils appliquaient réellement ce principe.
Et comme il est dommage qu’un expert effectivement (pour une fois) reconnu de l’artiste puisse faire preuve d’une telle légèreté.

On aura beau comparer « l’écartement des poils du pinceau, la longueur des coups de brosse (sic) », tout cela ne fait pas une preuve, il faut d’abord regarder. Cette tête de femme n’a, selon toute vraisemblance, rien à voir avec L’Origine du Monde, ce qui n’empêche pas Paris-Match de lui accorder aujourd’hui (sans conditionnel) une valeur de 40 millions d’euros... « En matière d’art, les théories les plus fumeuses ne sont pas forcément les meilleures » lit-on dans leur article. On allait le dire.

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