Anne Hidalgo, la Señora des Anneaux

9 9 commentaires Toutes les versions de cet article : English , français
La tour Eiffel avec les anneaux olympiques
Photo : Ibex73 (CC BY-SA 4.0)
Voir l´image dans sa page

C’est épuisant. Il se passe peu de mois, voire peu de semaines où Anne Hidalgo ne prend pas une décision nuisible au patrimoine et à Paris. Sans d’ailleurs aucune opposition réelle de l’État et du ministère de la Culture. Dans bien des cas - il suffit de songer à Notre-Dame de Paris - ce sont même eux qui sont à l’origine des menaces.

Nul ne peut désormais l’ignorer : c’est une nouvelle fois la tour Eiffel qui est menacée par l’édile. Non contente de négliger son entretien (voir les articles) ou d’avoir soutenu et participé à la construction du mur de la honte (voir l’article), insatisfaite de n’avoir pu encore ruiner davantage ses abords par la construction de bagageries (voir l’article), estimant insuffisant de ravager régulièrement le Champ-de-Mars par l’organisation d’événements incessants (voir les articles), c’est désormais à l’aspect même du monument qu’elle s’attaque, en déclarant vouloir pérenniser les anneaux des Jeux Olympiques dont l’installation avait été autorisée de manière évidemment temporaire et qui devaient être enlevés une fois les jeux paralympiques terminés.

Contrairement à ce que nous pensions, les Jeux Olympiques ont donc, selon l’avis de ceux qui étaient à Paris à cette période, été une réussite. Hidalgo veut donc s’approprier ce succès. Mais ce qu’ont apprécié les touristes et les quelques Parisiens restés pendant l’événement, c’est exactement le contraire du traitement que la municipalité fait subir depuis des années à la capitale. Exceptionnellement propre (au moins près des sites olympiques), sécurisée par des milliers de policiers, avec des transports enfin à la hauteur, la ville était l’inverse de l’enfer que vivent quotidiennement ses habitants. Ce qu’ont apprécié les visiteurs étrangers, c’est l’image éternelle de Paris, celle que l’on voit dans les séries et les films américains, le Paris d’Amélie Poulain et celui d’Haussmann. Pas celui d’Hidalgo. Quant à l’organisation, sa réussite ne doit évidemment rien aux bras cassés de l’hôtel de ville incapables de mener à bien le moindre chantier, mais à la préfecture de Police et au Comité olympique.

Hidalgo souhaitant faire croire être à l’origine du succès improbable mais réel de ces jeux, il n’est guère étonnant qu’elle veuille en pérenniser le symbole le plus visible : les anneaux olympiques. Et elle affirme sans l’ombre d’une hésitation que le CIO étant d’accord, elle serait la seule décisionnaire. Madame 2,1 % (score réalisé par la maire à l’élection présidentielle dans sa propre ville) s’imagine disposer d’un pouvoir absolu.
Or c’est faux, évidemment. Même non classée, la tour Eiffel est un monument historique inscrit, qui plus est faisant partie d’un site classé au patrimoine mondial. Si cette dernière qualité ne lui donne aucune protection légale, l’inscription lui en confère au moins une. Il est ainsi précisé au Code du patrimoine, article L621-27 que des travaux soumis à permis de construire « la décision accordant le permis […] ne peut intervenir sans l’accord de l’autorité administrative chargée des monuments historiques ». Or, la tour Eiffel étant inscrite, tous les travaux modifiant l’aspect extérieur nécessitent un permis de construire que le préfet, donc l’État et le ministère de la Culture, peut refuser. Ce dernier, pour peu qu’il le veuille, peut parfaitement empêcher la mairie de mener son projet à bien.

Mais le ministère, et en l’occurrence la ministre Rachida Dati, certes démissionnaire, mais dont la mission de défense du patrimoine relève des affaires courantes, le veut-elle ? On peut s’interroger lorsqu’on lit le tweet qu’elle a publié à ce sujet. Après avoir rappelé que la tour Eiffel est un « monument protégé », et en précisant que l’accrochage des anneaux avait été accordé « exceptionnellement », plutôt que d’affirmer comme elle le peut - et comme elle le devrait - qu’il est hors de question de modifier l’aspect de la tour Eiffel, elle se contente de demander que : « toutes les procédures et consultations visant à la protection du patrimoine soient respectées ». Détruisons le patrimoine, mais dans les règles ! Cela une fois de plus n’est pas sérieux.

Quel que soit son avis, quelles que soient les procédures et les consultations, l’installation pérenne de ces anneaux olympiques serait de toute façon illégale. Car ils constituent une marque privée, déposée et que personne ne peut utiliser sans l’autorisation du CIO. Celui-ci a donné son accord ? Peu importe. Ce sigle est clairement une publicité selon l’article L581-3 du Code de l’environnement. Et le code du patrimoine interdit formellement la publicité sur les monuments historiques - sauf temporairement en cas de travaux et si les revenus sont affectés à ces travaux. Si cette interdiction avait été en partie levée par la loi olympique (voir l’article), cette exception se terminera avec les Jeux Paralympiques. Il sera donc impossible de maintenir le logo des Jeux Olympiques sur la tour Eiffel.

D’autant, et c’est peut-être le plus absurde, qu’il n’est pas question de garder celui actuellement en place, qui est trop lourd, mais de le refaire - évidemment aux frais des Parisiens - pour installer de nouveaux anneaux qui n’auront plus aucun rapport avec les Jeux Olympiques 2024, mais tout avec la prétention d’Anne Hidalgo de faire disparaître Paris encore un peu plus.

Signalons qu’une pétition a été lancée - une de plus - pour s’opposer à ce projet. Nous encourageons évidemment tous nos lecteurs à la signer.
Nous avions finalement relayé une autre pétition, mieux argumentée et dont l’auteur n’était pas anonyme, mais Baptiste Gianeselli. Mais celui-ci l’a sans doute lancée trop tard et elle n’a pas démarré. Ne souhaitant pas parasiter la pétition qui fonctionne, il a sagement préféré la retirer (addendum : 3 septembre 2024).

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.