Contenu abonnés
Albert Maignan, un virtuose à la Belle Époque
Amiens, Musée de Picardie, du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026.
Quel est le sort le plus enviable pour un artiste ? Celui qui connut la gloire de son vivant, avant de sombrer dans l’oubli, ou celui qui resta inconnu toute sa vie, mais passa à la postérité après sa mort ? Albert Maignan eut la satisfaction d’être recherché, admiré, décoré, considéré enfin comme l’un des plus brillants créateurs de la Belle Epoque. Puis ce fut le trou noir. Qui donc aujourd’hui peut citer l’une de ses œuvres ? Les Parisiens les ont sous les yeux, pourtant, ou plutôt au-dessus de leur tête ; il leur suffit d’observer le plafond du Train Bleu à la Gare de Lyon, ou le foyer de l’Opéra-Comique, de pénétrer aussi dans les églises, Saint-Philippe-du-Roule, Saint-Nicolas-des-Champs, Notre-Dame-de-Consolation...
-
- 1. Albert Maignan (1845-1908)
Hommage à Clovis II, vers 1883
Huile sur toile - 109 x 140 cm
Rouen, Musée des Beaux-Arts
Photo : MBA Rouen - Voir l´image dans sa page
Maignan s’attaqua à toutes les échelles, à tous les supports, il illustra des livres, conçut de grands décors, profanes et religieux, il créa des peintures de chevalet, des vitraux, des tapisseries, pour de prestigieux commanditaires publics et privés. Certains aspects de sa production ont été montrés ces dernières années, la Fondation Taylor a évoqué son œuvre de décorateur en 2016 (voir l’article), et le Musée des Beaux-Arts d’Orléans a étudié en 2017 son projet - non retenu - pour les vitraux de la cathédrale (voir l’article).
Le Musée de Picardie entreprend aujourd’hui de déployer la richesse de son art, l’éventail de ses talents, et de rendre à l’artiste son lustre d’antan, à travers une exposition pleine de rebondissements qui fait mentir l’étiquette de peintre pompier qu’on lui colle parfois. Car l’œuvre d’Albert Maignan est d’une diversité surprenante : il essaya tous les genres, de la nature morte à la peinture d’histoire, explora tous les styles, du naturalisme à la peinture élégiaque aux accents symbolistes, parfois tenté par l’impressionnisme, parfois attiré par le réalisme social, amateur, souvent, de gracieuses envolées à la Tiepolo... Le parcours nous entraîne du petit roi Clovis II, un peu perdu sur son trône imposant, cerné par des courtisans flagorneurs, jusqu’aux ouvriers harassés et crasseux au sortir de la mine, dans une brume lumineuse (ill. 1 et 2). Il nous dévoile le pouvoir des fleurs et l’emprise de l’alcool, la beauté vénéneuse d’une méduse filandreuse, le talent d’Arachné la tisseuse, transformée en araignée. On passe aussi du lac du Brenner disparu sous la neige, aux objets médiévaux sortis de la terre. Maignan en effet, participa à des fouilles archéologiques dans les alentours de Saint-Prix où il avait une villa. Toute sa vie, il étudia et accumula des objets médiévaux, qu’il reprenait dans ses peintures d’histoire pour mieux les rendre vraisemblables. Il donna sa collection archéologique ainsi que son fonds d’atelier au musée d’Amiens. Pourquoi pas au Mans, sa ville natale ? Sans doute parce qu’il…