Abords de Notre-Dame : nous avons été trop indulgents

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Pensez à signer la pétition, si vous ne l’avez pas déjà fait.

Nous essayons, contrairement à ce que peuvent croire certains, de trouver des points positifs aux projets de la mairie. C’est ainsi que pour l’aménagement des abords de Notre-Dame, nous avions dans un premier temps écrit (voir l’article) que si celui du square Jean XXIII était inacceptable, le traitement du parvis et celui du sud de la cathédrale, entre celle-ci et la Seine, étaient corrects et plutôt une amélioration par rapport à l’existant. C’était sans compter sans la communication en permanence trompeuse de la mairie, à laquelle même nous nous sommes laissés prendre.

Sur le parvis, si dans l’ensemble le parti retenu : davantage d’arbres sur les bords et une place largement libre en son centre nous paraît aller dans le bon sens, si nous avions néanmoins souligné l’absurdité de la « lame d’eau » qui est censée rafraîchir la place régulièrement, nous n’avions pas vu que des pelouses ouvertes au public y seraient également installées ni qu’ils prévoyaient d’organiser à cet endroit des événements toute l’année (ces deux points sont soulignés dans notre dernier article).

Mais le côté sud de la cathédrale, dont nous avions dit qu’il était plutôt réussi, est lui aussi, en réalité, une catastrophe. Notre erreur s’explique par notre méconnaissance de ces lieux avant l’incendie. Si nous entrions parfois dans le square Jean XXIII, nous ne poussions jamais jusqu’au bord de l’eau, et nous n’avions pas compris qu’ils faisaient en réalité partie intégrante de ce jardin. Lorsque nous écrivions : « l’aménagement le long de la Seine est sobre et ouvrira un parcours qui était possible, mais rarement emprunté par les visiteurs », c’était idiot et cela montrait notre méconnaissance des lieux. Nous pensions sincèrement, ce qui est une erreur que nous reconnaissons, qu’il n’y avait pas grand-chose à cet endroit.


1. Le jardin entre le côté sud de la cathédrale et la Seine (en réalité une extension du square Jean XXIII). On peut voir les pelouses protégées par des clotûres, les fleurs, les bancs Davioud...
Photo : Google Streets (avant l’incendie)
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2. Le jardin entre le côté sud de la cathédrale et la Seine (en réalité une extension du square Jean XXIII) vu d’à peu près le même point de vue que l’illustration 1, d’après la vidéo du projet.
A pelouse plus grande, sans protection, plus aucune fleurs, ni de bancs Davioud.
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C’était faux comme une simple consultation de Google Streets aurait pu nous le montrer. Et, en réalité, le traitement que va subir cette partie du jardin est tout aussi catastrophique que celui réservé au reste du jardin, peut-être encore davantage.
Les pelouses, qui étaient protégées par des petites clôtures, s’agrandissent pour devenir de grandes étendues d’herbe accessibles à tous et en permanence, ce qui, répétons-le, est la certitude qu’elles seront très rapidement dégradées. Les parterres de fleurs que l’on y voyait n’existeront plus. Décidément, cette mairie déteste les fleurs. Et les bancs Davioud, dont les documents de présentation du projet nous affirment pourtant qu’ils seront conservés, disparaissent au moins en partie. Le plus simple est de comparer une de ces vues Google Streets (ill. 1) avec le projet de la mairie, à peu près sous le même angle, tiré de la vidéo de présentation du projet [1] (ill. 2).


3. The building to the south of the chevet and to the east of the sacristy from a visual of the document for the CNPA
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4. La construction au sud du chevet et à l’est de la sacristie d’après un plan du document pour la CNPA
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Nous avions par ailleurs écrit qu’« aucune construction extérieure, aucun "geste architectural" ne vient menacer le monument ». Là encore, nous avons fait erreur. Nous n’avions en effet pas repéré, la construction au sud du chevet, sur un endroit auparavant planté d’herbe, d’un bâtiment à auvent soigneusement dissimulé sur la plupart des visuels. On est là à côté de la sacristie de VIollet-le-Duc, à quelques mètres seulement de la cathédrale (ill. 3 et 4). D’après le document présenté à la CNPA (voir cet article), il s’agirait d’un « local pour les jardiniers » (p. 64), de « locaux de gestion des squares » (p. 27) ou encore d’une « aire de gestion des squares » (p. 29). Un local pour jardinier ? Mais qu’auront-ils à jardiner là où il n’y aura que des pelouses râpées ? Un local de « gestion des squares » ? Mais qu’auront-ils à gérer exactement ?


5. Image capture from the video presentation of the project. The "gardener’s room" that would be in the location of the purple oval is carefully removed or hidden by trees
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6. Photo du modèle présenté au Pavillon de l’Arsenal aimablement transmise par @JCQDSE
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À quoi ressemblera ce local moderne construit à proximité de la cathédrale Notre-Dame, classée monument historique, dans un site patrimoine mondial de l’Unesco ? Curieusement, tous les visuels du document destiné à la CNPA le cachent pudiquement derrière les feuillages des arbres. Même la vidéo de présentation du projet par la mairie de Paris le fait disparaître (ill. 5), et Emmanuel Grégoire, manifestement paniqué devant le succès foudroyant de la pétition, s’est fendu d’un tweet mensonger où il prétend qu’il n’y aura pas de construction de bâtiment en surface. Grâce à JDSE (@JCQDSE sur Twitter), nous avons pu nous procurer une photo de cet édifice (ill. 6) tel qu’il apparaît sur la maquette présentée au pavillon de l’Arsenal (que nous n’avions pas assez bien regardée) : il s’agit d’un cube, avec un auvent. Qui rappelle une esthétique que nous ne connaissons que trop à Paris, comme celle du restaurant de la place de la République (ill. 7). Veut-on vraiment de cela au chevet de Notre-Dame ?


7. Restaurant de la Place de la République à l’époque de son inauguration en juin 2013
Photo : Clem (CC BY-SA 2.0)
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Bref, une fois de plus, dès que l’on creuse un peu un projet de la mairie, on constate que celle-ci raconte n’importe quoi, que rien ne tient, et que même avec beaucoup de bonne volonté il est impossible ou presque de souligner un seul point positif. Nous nous étions trompés : le projet est en réalité en grande partie inacceptable.

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