- 1. Château d’Hombourg-Budange
Etat juillet 2010
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Cette série d’articles a pour objectif de montrer, en se basant sur des cas précis, que pour l’essentiel, et malgré des attaques récentes du Parlement, la loi française permettrait de protéger notre patrimoine dans des conditions satisfaisantes, si ceux en charge de faire respecter la loi jouaient réellement leur rôle.
Car cet attirail législatif est basé sur un postulat : que les pouvoirs publics soient vertueux. Or, rarement celui-ci a été moins vrai. Nous avons pu donc voir (cas du château d’Ancenis) un édifice classé à côté duquel on prévoit de construire un bâtiment administratif médiocre et totalement en opposition avec son architecture. La protection des abords d’un monument historique est pourtant un point essentiel du code du patrimoine. Autre exemple : les Arènes de Fréjus. Un amphithéâtre romain classé depuis le XIXe siècle, qu’il est interdit de vandaliser… sauf si l’administration en charge de cette protection en donne l’autorisation, ajoutant à celle-ci le financement nécessaire. Troisième cas : le château du Prince Charles (dit aussi La Favorite) à Lunéville. Cet édifice n’est qu’inscrit, une protection de toute évidence insuffisante. Or, l’administration dispose des outils pour le sauver : instance de classement, puis classement d’office et mise en place, s’il le faut, d’une procédure de travaux d’office. L’importance historique et artistique de ce château est avérée. L’esprit de la loi est donc bafoué.
- 2. Château d’Hombourg-Budange
On distingue bien les trous dans la toiture
Etat juillet 2010
Photo : Didier Rykner - Voir l´image dans sa page
Cet article s’intéresse à nouveau à un château lorrain. Comme pour la Favorite à Lunéville, nous avons demandé au Directeur Régional des Affaires Culturel des explications. Celle-ci s’est défaussé, on s’en rappelle, par cette phrase admirable : « Le DRAC ne souhaite pas répondre actuellement. » On ne sait quand le DRAC souhaitera répondre, peut-être après que ce monument sera définitivement ruiné ?
Il s’agit pourtant d’un grand château de la Renaissance : celui d’Hombourg-Budange [1] (ill. 1). Nous avons été informé de ce scandale grâce à la revue des Vieilles Maisons Françaises qui en faisait un entrefilet dans son numéro de mai 2010 [2]. Elle reprenait alors les informations données par un blog très informé sur le patrimoine lorrain, celui d’Anthony Koenig, La Lorraine se dévoile, auquel nous renvoyons nos lecteurs.
Nous nous sommes rendu sur place pour constater ce que montre les photos : en 2010, un château majeur classé monument historique, propriété privée, peut être laissé entièrement à l’abandon, sa toiture percée d’un trou béant (ill. 2) dont l’expérience nous apprend qu’il prélude à une ruine complète et rapide. Nous n’avons pu, malheureusement, entrer dans le monument. On conçoit que le propriétaire, le comte Charles-Louis de Rochechouart de Mortemart [3] ne soit pas pressé de montrer le résultat de son impéritie. Car la possession d’un monument historique classé donne des droits, il impose aussi des devoirs, dont celui de le maintenir dans un état de conservation permettant sa sauvegarde. Si le propriétaire du château n’en a pas les moyens (d’après nos renseignements, celui-ci les a), qu’il revende son bien à quelqu’un qui pourra l’entretenir.
La question est donc, une nouvelle fois : à quoi sert la législation des monuments historiques ? A quoi sert le ministère de la Culture ? Car la loi est très claire : un monument classé doit être sauvegardé puisqu’il « présente un intérêt public ». Et cette notion d’intérêt public existe bien entendu même pour les édifices privés.
La loi [4] prévoit que : « lorsque la conservation d’un immeuble classé au titre des monuments historiques est gravement compromise par l’inexécution de travaux de réparation ou d’entretien, l’autorité administrative peut, après avis de la Commission nationale des monuments historiques, mettre en demeure le propriétaire de faire procéder auxdits travaux, en lui indiquant le délai dans lequel ceux-ci devront être entrepris et la part de dépense qui sera supportée par l’Etat, laquelle ne pourra être inférieure à 50 %. La mise en demeure précisera les modalités de versement de la part de l’Etat. » Si le propriétaire n’exécute pas les travaux nécessaires malgré la mise en demeure, « l’autorité administrative peut soit exécuter d’office les travaux, soit poursuivre l’expropriation de l’immeuble au nom de l’Etat. » L’article L621-15 va même plus loin puisqu’il prévoit que : « Pour assurer l’exécution des travaux urgents de consolidation dans les immeubles classés au titre des monuments historiques ou des travaux de réparation ou d’entretien faute desquels la conservation des immeubles serait compromise, l’autorité administrative, à défaut d’accord avec les propriétaires, peut, s’il est nécessaire, autoriser l’occupation temporaire de ces immeubles ou des immeubles voisins. »
Le ministère de la Culture a donc entre ses mains tous les outils législatifs pour sauver le château d’Hombourg-Budange. On ne sait exactement pourquoi il ne les emploie pas. Est-ce par peur d’avoir à débourser au moins 50% du coût des travaux ? Mais si le classement impose des devoirs au propriétaire, ceux-ci ne sont pas moindres pour l’Etat. Le monument est classé, il ne saurait s’en désintéresser sans faillir à sa mission. D’ailleurs, on nous disait encore récemment que le patrimoine bénéficiait, avec le plan de « relance », d’une importante manne supplémentaire. Celle-ci ne s’applique-t-elle pas à la Lorraine ? Un ministère qui dépense 4 millions d’euros pour vandaliser des arènes romaines ne peut-il trouver l’argent nécessaire pour la sauvegarde d’un château de la Renaissance ? S’il doit pour cela exproprier le châtelain déficient, qu’il le fasse, qu’il restaure le monument et qu’il le revende ensuite. Rien ne s’y oppose.
On se perd décidément en conjecture sur l’inaction du ministère de la Culture. Les journées du patrimoine en septembre prochain vont être à nouveau l’occasion d’un festival d’auto-congratulation. Les Français qui s’y précipitent en nombre chaque année, montrant par ce pèlerinage leur attachement à notre monuments, ont, grâce à une communication bien menée et à l’organisation d’événements festifs sans rapport avec la réalité, l’impression que ceux-ci ne sont pas menacés. Ils le sont, et de bien des manières. Une fois de plus, mais ce geste est souvent utile malgré tout, nous vous invitons à signer la pétition qu’a mise en ligne ces derniers jours Anthony Koenig sur son blog. Seule une mobilisation importante peut en effet sauver encore le château d’Hombourg-Budange.