A propos des deux tableaux retrouvés dans l’église de Loches

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26/1/06 - Patrimoine - Loches, église Saint-Antoine - L’affaire fait grand bruit dans la presse : le journal de vingt heures sur TF1 (mardi 24 janvier), le journal de la Culture d’Arte (mercredi 25 janvier), Le Monde même (de ce jour), ont parlé de la découverte de deux tableaux de Caravage dans une église de Loches.

1. D’après Michelangelo Merisi,
dit le Caravage (1571-1610)
L’Incrédulité de saint Thomas
Huile sur toile
Loches, église Saint-Antoine
Photo : Mairie de Loches
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2. Michelangelo Merisi
dit le Caravage (1571-1610)
L’Incrédulité de saint Thomas, 1601-1602
Huile sur toile - 107 x 146 cm
Potsdam, château de Sans-Souci
Photo : D.R.
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Nous avons discuté longuement à ce propos, par téléphone, avec Monsieur Pascal Dubrisay, maire-adjoint délégué aux Affaires Culturelles de la ville. Celui-ci est passionné par ces œuvres et plus généralement par le patrimoine de sa ville, ce qui est très réjouissant (et trop rare) chez un élu. Nous avons reçu les photos des deux tableaux (ill. 1 et 3) et nous ne parlerons qu’à partir de celles-ci car nous ne les connaissons pas autrement. Sur cette base, il semble difficile de croire à cette attribution. Il est plus probable qu’il s’agisse de copies anciennes, d’assez bonne qualité, du tableau de Potsdam pour L’Incredulité de saint Thomas (ill. 2) et de celui de la National Gallery de Londres pour Le souper à Emmaüs (ill. 4).

3. D’après Michelangelo Merisi,
dit le Caravage (1571-1610)
Le souper à Emmaüs
Huile sur toile
Loches, église Saint-Antoine
Photo : Mairie de Loches
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4. Michelangelo Merisi,
dit le Caravage (1571-1610)
Le souper à Emmaüs, 1601
Huile sur toile - 141 x 196 cm
Londres, National Gallery
Photo : D.R.
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Comparons, en effet, ces toiles avec les originaux.
Les draperies ont des plis assez secs, mécaniques. Pour l’Incrédulité de saint Thomas, ceci est particulièrement visible dans la partie basse du vêtement du Christ, sous son bras droit. Dans cette même œuvre, la main gauche de Thomas est mal peinte et anatomiquement incohérente. De même, la position de la tête du Christ se rattache difficilement au buste, contrairement à celle du tableau de Potsdam.

Les Pélerins d’Emmaüs présentent tout autant d’incohérences. Les ombres sont mal comprises, et donc mal copiées : par exemple, celle du bol de droite, sur la table, subtile dans l’exemplaire de Londres, s’avère parfaitement impossible dans l’exemplaire de Loches. Le serviteur à gauche est d’assez mauvaise qualité. Enfin, un détail est vraiment révélateur : le copiste semble ne pas avoir bien compris la structure de ce qui paraît être une serviette, sur les genoux de l’apôtre de droite. La comparaison (ill. 5 et 6) montre que celle de Loches n’a pas de cohérence et que le peintre ne sait comment la représenter.


5. d’après Caravage
Le souper à Emmaüs,
détail
Loches, église Saint-Antoine
Photo : Mairie de Loches
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6. Caravage
Le souper à Emmaüs,
détail
Londres, National Gallery
Photo : D.R.
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Notons cependant qu’il existe des menus différences entre les compositions et que, selon le communiqué de la mairie, il y a un repentir au niveau de l’inclination de la tête du serviteur dans les Pélerins d’Emmaüs. Bien que les compositions soient presque identiques, la tête du Christ dans ce tableau est très différente de celle de la National Gallery. Plus troublant : les armes peintes sur le tableau sont celles de Philippe de Béthunes, dont un inventaire effectué de son vivant, et portant sa signature, signale l’existence dans sa collection à Rome, en 1608, de deux toiles originales de Caravage.

Ces éléments ne semblent cependant pas suffisants pour s’opposer à l’examen stylistique. La notion d’original et de copie au XVIIe siècle n’est pas la même qu’aujourd’hui, et des copies répertoriées comme originales dans des archives ne sont pas rares.

L’attribution à Caravage de ces deux tableaux devrait être supportée par un article scientifique, faisant état de l’opinion des différents experts, ce qui n’est pas le cas. Notons que Pierre Rosenberg a indiqué à l’AFP qu’il considérait ces tableaux comme des copies anciennes et que Pierre Curie, conservateur à l’Inventaire, fin connaisseur de la peinture italienne du XVIIe siècle et des tableaux conservés dans les églises de France, nous a dit qu’il pensait également (sur photos) qu’il s’agissait de copies du XVIIe siècle, probablement exécutées à Rome au début du siècle. Ce dernier point semble acquis, d’après l’analyse en laboratoire effectuée à la demande de la mairie de Loches. L’avis de José Frèches, éminent connaisseur de l’art chinois, qui affirme la paternité de Caravage, semble moins recevable que celui de ces deux spécialistes.

Rien ne serait plus remarquable que l’apparition de deux nouveaux Caravage dans une église française. Il semble, hélas, que ce ne soit pas le cas. Ces toiles ne sont cependant pas dénuées d’intérêt, car leur provenance prouve qu’il s’agit au moins de copies très anciennes, exécutées peu après les originaux, à Rome.

Courrier envoyé par M. Descamps, député-maire de Loches (13/2/06)

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