A propos de médaillons sculptés représentant Monseigneur, Louis de France, dit « le Grand Dauphin » (1661-1711) et autres portraits

A Roland Bossard, remarquable chercheur.

En cet automne 2017 sont apparus sur le marché de l’art parisien, concurremment, deux médaillons en marbre blanc, portraits du fils de Louis XIV, le Grand Dauphin, l’un comme l’autre signés Coyzevox. L’un, présenté par Sotheby’s le 28 novembre 2017 dans la vente Excellence n’a pas trouvé acquéreur, l’autre appartient à la Galerie Kugel de Paris.

Il n’est pas surprenant que le fils du grand roi, destiné à régner après son père, ait été fréquemment portraituré, tant par des peintres (Pierre Mignard, François de Troy, Hyacinthe Rigaud et autres), des miniaturistes, des médailleurs, que par des sculpteurs. Dans ce cas, il s’agira de bustes (ceux de Coyzevox et de Girardon en particulier), de bas reliefs, ou encore de statues équestres.

Les médaillons montrant Monseigneur jeune, représenté entre l’âge de 15 et 21 ans, se sont multipliés. Beaucoup se ressemblent. Certains sont signés. A leur sujet se pose le double problème de leur datation et de leur authenticité. Nous évoquerons les médaillons venus à notre connaissance mais il doit en exister bien d’autres en main privée que nous ignorons. Les dossiers de la documentation de Versailles et du Louvre ont fourni des éléments précieux pour enrichir cette étude.

De tels médaillons figurent dans les inventaires des collections royales et dans les catalogues de vente. Certains d’entre eux peuvent être reconnus parmi ceux que nous allons étudier.

Inventaires :
 Inventaire de 1692-1695. Archives nationales, O11977 B, fol. 130 bis. Corps de garde française à Trianon. Un medaillon représentant M Le Dauphin par M. Coisevox de deux pieds sept pouces de haut sur un pied deux pouces de large Dans une Bordure de Bois doré [soit 0,837 x 0,243 m].
 Inventaire de 1707. Archives nationales, O11976 A, p. 714. Versailles Garde-Meuble. Une médaille en buste de marbre blanc de dix neuf pouces de haut et de quatorze pouces de large, représentant Monseigneur ayant les cheveux naissans, et une cravatte de point au col, avec un bout d’armure sur laquelle paroist un Dauphin gravé [soit 0,513 x 0,378 m].

Catalogues de ventes : Aucun médaillon n’est signalé dans les ventes avant la fin du XIXè siècle.
 1890, 5 juin, vente Comte d’Armaillé. Marbre blanc. 81. Médaillon ovale. Buste de profil à droite de Mgr Louis Daufin de France, signé A. Coyzevox, dans un cadre de marbre rouge surmonté d’un cartouche en bronze. H. 68 cm.
 1902, 22 mars, vente anonyme. Bas relief Marbre. Coysevox. 24. Portraits du Dauphin de France. Deux médaillons ovales en bas reliefs sur marbre ; l’un des deux, celui de gauche, porte la signature A. Coyzevox et autour l’inscription : M.G.R. Louis Daufin de France. Ces médaillons sont encadrés de moulures en marbre rouge veiné antique du Languedoc. Marbre. Haut. 50 cm ; Larg. 35 cm. Avec cadre Haut 72 cm ; Larg. 52 cm.
 1924, 5 décembre, New York, the Anderson Galleries, vente Chapman après décès. Old English Furniture Paintings and Objects of Art from Sion House, Twickenham, England to be sold by order of Miss Anne Chapman. 36. Marble Relief of the dauphin Louis. Signed : « A.C.F. 1683 » — « Antoine Coysevox Fecit 1683 ». An inscription, « Ludovicus Delphinus » identifies the marble as a portrait of the Dauphin. The relic is contained in a carved and gilt frame of the Régence period, decorated with fleurs-de-lys and the interlaced initials « L ». Oval, 16 ½ x 11 ½ inches.
See Illustration.
-1951, 7 mai. Paris, Drouot. Me E. Ader. 72. Médaillon ovale en marbre blanc sculpté représentant de profil à droite en buste Monseigneur Louis de France. XVIIIè s. Encadrement et socle en marbre mouluré et veiné rouge avec ornements en bronze doré. H. totale : 0m86.
 1966, 9 octobre. Paris, Drouot, Tajan. 57. Bas relief en ivoire sculpté , portrait du Grand Dauphin de profil vers la gauche. Epoque Louis XIV. Dans cadre d’époque à nœuds de rubans et feuillages. H. 0,115. 10.000/17.000.

Médaillons ovales en marbre présentant le portrait du Grand Dauphin jeune

Plusieurs nous sont connus [1].


1. Attribué à Antoine Coyzevox (1640-1720)
Le Grand Dauphin en armure,
âgé de 15 ans
, 1676
Portrait sculpté en médaillon ovale
en marbre - 50,5 x 28 cm
dans un cadre ovale en bois sculpté
50,5 x 42,5 cm.
Musée national des châteaux
de Versailles et de Trianon
Photo : Musée national des châteaux
de Versailles et de Trianon
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En premier, nous citerons le médaillon de Versailles (MV 9079) [2] (ill. 1) dans lequel Monseigneur paraît très jeune, âgé tout au plus d’une quinzaine d’années si le portrait est fidèle. On pourrait donc le dater de 1676. Le relief et son fond ovale ont été taillés dans un seul bloc de marbre blanc (0,365 x 0,280 m) ; un cadre en bois sculpté et doré entoure le fond (0,505 x 0,425 m). Le Dauphin a les cheveux courts, harmonieusement bouclés, une bouche un peu maussade aux lèvres pulpeuses, un nez qui n’est pas encore busqué. Il porte une armure ornée d’un dauphin et une cravate nouée autour du cou qui se prolonge par un jabot en dentelle. L’armure s’explique par le fait qu’il suivit en 1674 le roi dans la campagne de la reconquête de la Franche Comté et assista au siège de Dôle. Alexandre Maral [3] suggère que Coyzevox pourrait en être l’auteur, ce qui est vraisemblable. Après plusieurs années d’absence, le sculpteur lyonnais s’installe définitivement à Paris en avril 1676 où il lui importe de se faire connaître, non seulement des Bâtiments du roi et de l’Académie royale de Peinture et Sculpture mais aussi de la cour et de la famille royale en tant que portraitiste. Avant de s’attaquer au portrait en buste du roi lui-même, pourquoi ne pas représenter son fils de profil dans un médaillon dont il imagine la composition ?
Or ce médaillon, nous allons le voir, va connaître une fortune certaine, inspirant les auteurs d’autres médaillons où le Dauphin sera représenté avec ou sans buste.


2. Anonyme
Le Grand Dauphin en pourpoint,
âgé de 16 ans
, 1677
Haut relief dans un médaillon
en marbre ovale - 70 x 57 cm
Musée national des châteaux
de Versailles et de Trianon
Photo : RMN-GP
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3. Anonyme
Le Grand Dauphin en pourpoint, âgé de 16 ans, 1677
Revers du médaillon
Photo : Françoise de la Moureyre
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4. Attribué à François de Troyes (1645-1730)
Le Grand Dauphin en pourpoint, 1679
Huile sur toile
Localisation inconnue
Photo : D.R.
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5. Anonyme
Le Grand Dauphin en pourpoint, vers 1677
Huile sur toile
Vente Christie’s. Localisation inconnue
Photo : D.R.
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Très différent de ceux-ci, il convient de citer un portrait en haut relief du Grand Dauphin présenté à mi-corps, de face (Musée de Versailles MV 6307, LP 272) (ill. 2), d’auteur inconnu. Sur le revers est gravé : Louis Dauphin fils de Louis le Grand aetatis suae 16-1677 [4] (ill. 3) (0,70 x 0,57 m). Monseigneur pointe l’index gauche et serre ses gants dans sa main droite. Le travail de la cravate en dentelle et le décor fleuri du pourpoint sont très soignés. Plusieurs portraits peints ou gravés du Grand Dauphin réalisés à la même époque le montrent également avec une longue chevelure bouclée, ne portant pas d’armure mais un pourpoint richement brodé et une cravate à jabot de dentelle : ce sont, par exemple, la miniature de Jean Petitot (Chantilly, Musée Condé), d’après le portrait gravé par Robert Nanteuil en 1677 ; la gravure de Pierre-Louis Van Schuppen de 1684 d’après un tableau perdu de François de Troy ; un autre portrait attribué à François de Troy dans lequel Monseigneur pointe l’index gauche (ill. 4). Dans une peinture vendue chez Christie’s (ill. 5), Monseigneur porte un vêtement particulièrement opulent avec rubans, dentelles et le pourpoint est décoré de riches motifs floraux ; quant aux cheveux, abondants, ils sont naturels. Ainsi que le rapportent Dangeau et Sourches, Monseigneur avait des cheveux admirables, « d’un fort beau blond », qu’il porta dans toute leur longueur jusqu’en 1686, année où il se les fit couper afin d’être plus à l’aise pour chasser, les remplaçant par une perruque. L’auteur inconnu du médaillon de Versailles MV 6307 s’est certainement inspiré des portraits peints qui avaient cours.


6. Antoine Coyzevox (1640-1720)
Le Grand Dauphin, 1679
Buste en marbre - H. 65 cm
Musée national des châteaux
de Versailles et de Trianon
Photo : Françoise de la Moureyre
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7. Antoine Coyzevox (1640-1720)
Profil droit du buste du Grand Dauphin
Photo : Françoise de la Moureyre
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8. Antoine Coyzevox (1640-1720)
Profil gauche du Grand Dauphin
Photo : Françoise de la Moureyre
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9. Antoine Coyzevox (1640-1720)
Piédouche orné d’un dauphin du buste du Grand Dauphin
Photo : Françoise de la Moureyre
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1679 est l’année où l’on va marier Monseigneur avec la princesse électorale de Bavière, Marie-Anne-Christine von Wittelsbach. Le contrat est signé à Munich le 30 décembre 1679, le mariage par procuration a lieu le 28 janvier 1680, puis en personne à Châlons le 7 mars 1680. Il faut au prétendant un buste de représentation en marbre. Sa réalisation, en pendant à un buste de son père, est confiée à Antoine Coyzevox en 1679 [5] (MV 2044). En dépit des joues rondes, poupines, encore enfantines, c’est un portrait officiel qu’a donné ici Coyzevox, mais qui ne manque pas pour autant de naturel (ill. 6 à 8) : coiffé de longs cheveux dont les mèches bouclées retombent sur ses épaules, Monseigneur porte une cuirasse ornée de fleurs de lis et de dauphins et, par-dessus, le cordon de l’ordre du Saint-Esprit et un manteau. Une cravate avec jabot de dentelle s’étale sur sa poitrine. Un dauphin, qui ressemble à celui du médaillon de Versailles MV 9079, est sculpté en léger relief sur le piédouche (ill. 9).

Six médaillons ovales seront réalisés, montrant le Dauphin sur son profil droit. Les deux premiers ne comportent que la tête et le cou jusqu’à l’amorce du vêtement, les trois autres incluent le buste avec une cravate et une armure. On peut les dater de 1679 et de 1683.


10. Antoine Coyzevox et atelier
Le Grand Dauphin, 1679.
Portrait sculpté en médaillon ovale en marbre
avec cadre en bois et bronze. - H. 86 cm
Photo : Sotheby’s
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11. Antoine Coyzevox et atelier
Le Grand Dauphin
Médaillon seul en marbre - 50 x 45 cm
Photo : Sotheby’s
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12. « A.COYZEVOX »
Signature incisée sur la tranche du cou
du portrait du Grand Dauphin, 1679
Photo : Sotheby’s
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Le médaillon présenté à la vente chez Sotheby’s le 28 décembre 2017 (mais non vendu) provient de la collection du comte d’Armaillé. Il avait été inséré dans les boiseries de la salle d’attente de l’hôtel particulier du comte d’Armaillé à Paris et fut vendu successivement en 1890 (vente du comte d’Armaillé), en 1902 et en 1951 (voir supra). Depuis une trentaine d’années, il était demeuré en France en main privée (ill. 10 et 11). Le marbre blanc est présenté dans un encadrement en marbre rouge du Languedoc à décor de bronzes [6]. Dimensions sans cadre : 0,50 x 0,45 m. H. totale avec encadrement : 0,86 m. Il porte la signature A. COYZEVOX incisée sur la tranche, signature qui semble authentique (ill. 12). En revanche, une inscription courant sur le fond autour de l’ovale : MGR. LOUIS DAUFIN DE FRANCE, a certainement été ajoutée tardivement, la forme des caractères, leur espacement irrégulier et la faute d’orthographe ne pouvant avoir été voulus par Coyzevox. Il y a un grand vide au-dessus du relief. La forme ourlée des paupières et le creusement de l’arcade sourcilière, le nez qui commence à se busquer, les lèvres encore pulpeuses d’une bouche petite, en cul de poule, et le menton rond et fuyant, une boucle de cheveux écrasée dans la joue, autant de traits que l’on remarque aussi dans le buste de Versailles de 1679 (MV 2044, ill. 8). Aussi pensons-nous qu’il lui est contemporain. Mais le sculpteur a opté ici pour un profil en médaille à caractère antiquisant, omettant le buste et la cuirasse tout en reprenant le parti du médaillon de 1676 (MV 9079, ill. 1). La longue chevelure est ainsi remplacée par des cheveux courts, bouclés, et montre un souci décoratif évident dans le traitement des mèches rondes qui s’écrasent sur le fond derrière la nuque. C’est un beau portrait, sensible. Il lui manque un rien de la vivacité et de la fermeté propres aux sculptures de Coyzevox, mais ce rien fait la différence. Nous pensons que c’est dans l’atelier de Coyzevox qu’il a été réalisé, mais d’après son modèle et sous haute sa surveillance puisque le sculpteur l’a signé.


13. Antoine Coyzevox (1640-1715)
Le Grand Dauphin, 1683
Portrait sculpté en médaillon ovale
en marbre - 42,7 x 32,2 cm
Paris, Galerie Kugel
Photo : Françoise de la Moureyre
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14. Antoine Coyzevox (1640-1715)
Le Grand Dauphin, 1683
Portrait sculpté en médaillon ovale en marbre
avec cadre en bois sculpté et doré - 57,7 x 46,1 cm
Paris, Galerie Kugel
Photo : Françoise de la Moureyre
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Un très beau portrait en médaille qui se trouve depuis plusieurs années dans la Galerie Kugel reprend cette même disposition sans le buste (ill. 13, 14). Le cadre en bois doré, décoré d’une frise de fleurs de lys et de doubles L, est d’origine ou du moins très ancienne. Dimensions sans le cadre : 0,427 x 0,322 m ; avec le cadre : 0,577 x 0,461 m. Le vide laissé au-dessus de la tête est beaucoup moins important que dans le médaillon Sotheby’s. Sur les côtés de l’ovale, l’inscription : LUDOVICUS DELPHINUS est gravée en beaux caractères, laissant des restes de fond d’or. Et sous la coupe du cou est incisée la signature et la date : A.C.F. 1683 [7] [pour Antoine Coyzevox Fecit 1683]. Par rapport au médaillon D’Armaillé-Sotheby’s, le modelé des chairs est plus ferme, plus vif, les mèches bouclées des cheveux plus vigoureuses et d’un dessin différent, le nez est un peu plus busqué, la lèvre inférieure plus charnue, le menton moins fuyant. En quatre ans, Monseigneur, devenu père de deux garçons, a manifestement mûri.


15. Antoine Coyzevox (1640-1720)
Le Grand Dauphin, 1683
Buste en marbre - H. 65 cm
Palais d’Aranjuez
Photo : Palais d’Aranjuez
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En cette même année 1683, deux bustes en marbre faisant pendant sont commandés à Coyzevox, celui de la reine Marie-Thérèse qui vient de mourir et celui de son fils le Grand Dauphin. Coyzevox les signe et les date. Ils se trouvaient en 1695 dans la grande Galerie du château de Meudon que venait d’occuper Monseigneur, puis ils furent transportés au palais d’Aranjuez qu’ils n’ont pas quitté (ill. 15). Coyzevox n’a pas considérablement modifié ici le portrait de 1679 (ill. 6) : il s’est contenté d’allonger et d’affiner le visage qui parait moins poupin et de hausser les boucles de cheveux.


16. Nicolas Coustou (1658-1733)
Le Grand Dauphin en armure, 1683
Portrait sculpté en médaillon ovale
en marbre - 60 x 47 cm
Paris, musée du Louvre
Photo : Françoise de la Moureyre
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17. Détail de l’armure du Grand Dauphin
avec fleur de lys et dauphin
Photo : Françoise de la Moureyre
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18. Signature N.C. incisée sous la coupe
de l’épaule du Grand Dauphin en armure
Photo auteur : Françoise de la Moureyre
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La série des portraits en médaille connaît parallèlement un regain de ferveur avec trois nouvelles œuvres, trois médaillons qui démarquent le premier médaillon de Versailles de 1676 (MV 9079, ill. 1) : Monseigneur y est encore présenté sur son profil droit et en buste, ses cheveux sont courts et bouclés et il porte la même cravate et la même cuirasse ornée d’un dauphin et d’une fleur de lys. Cependant le fils du roi n’est plus l’enfant de 1676, mais l’homme jeune de 1683. Les traits du visage sont toutefois assez différents de ceux du portrait Kugel.
Le premier de ces médaillons est au Louvre (RF 3948. 0,60 x 0,47 m) (ill. 16, 17) et pourrait correspondre à celui que décrit l’Inventaire de 1707 [8]. Sous la coupe de l’épaule sont gravées les initiales N.C. (ill. 18), d’une graphie conforme à celle des signatures ultérieures de Nicolas Coustou [9]. Neveu de Coyzevox, Coustou reçu sa formation dans l’atelier parisien de son oncle où il aura pu connaître les trois médaillons — de Versailles MV 9079, d’Armaillé-Sotheby’s et de la galerie Kugel —, et produire ce portrait avant de partir pour Rome en 1683. C’est une œuvre de belle qualité, d’une expression très vivante ; le visage est fermement modelé. Magistralement sont traités les cheveux où s’allient finesse et vigueur avec un creusement marqué du trépan.


19. Anonyme
Le Grand Dauphin en armure
Portrait sculpté en marbre blanc
appliqué à un médaillon
ovale en marbre gris veiné Sainte-Anne
56 x 46 cm
Paris, Galerie Ratton-Ladrière
Photo : Galerie Ratton-Ladrière
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20. Anonyme
Le Grand Dauphin en armure
Portrait sculpté en marbre blanc appliqué
à un médaillon ovale en marbre gris veiné
Durham, Bowes Museum, Barnard Castle
Photo : D.R.
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Deux sculpteurs de moindre talent ont recopié ce médaillon dans des reliefs en marbre blanc appliqués à un fond ovale en marbre gris veiné. L’un se trouvait en 1991 dans la Galerie Ratton-Ladrière qui le détient encore aujourd’hui (0,53 x 0,46 m) (ill. 19) [10]. Le second, conservé au Bowes Museum, Barnard Castle (Accession Number S. 90) (ill. 20), de qualité inférieure, est appliqué à un fond en marbre d’un autre gris veiné ; le Dauphin y offre une expression curieusement goguenarde et son menton est encore plus fuyant.


21. Anonyme
Louis XIV et le Grand Dauphin
Deux médaillons ovales en marbre - 48 x 39 cm
Localisation inconnue
Photo : Vente Christie’s Paris, 27 juin 2007, n° 149
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Nous citerons deux autres médaillons ovales en marbre, assez médiocres et plus tardifs , portraits de Louis XIV et du Dauphin dans des cadres de bois sculpté, passés en vente publique chez Drouot puis chez Christie’s (ill. 21) [11]. Leur auteur inconnu a montré Monseigneur sur son profil gauche et en buste, portant la cravate de dentelle et l’armure ornée d’un dauphin grossièrement sculpté ; il l’a coiffé de ses cheveux naturels mais plus longs que sur les médaillons précédents.

La mise à l’écart du gouvernement du Grand Dauphin, voulue par son père, entraîne une diminution dans la production de ses portraits. Monseigneur accompagne encore le roi en 1681 et en 1684 dans ses campagnes en Alsace et en Flandre mais le roi ne l’autorise pas à y jouer de rôle important. Grand amateur de chasse, Monseigneur coupe en 1686 son abondante chevelure qui l’encombre, la remplaçant comme nous l’avons dit par une perruque à la mode.

Portraits de l’âge mûr

De 1688 à 1694, le roi accepte enfin de nommer Monseigneur généralissime de ses armées en Allemagne et en Flandre où il va s’illustrer brillamment, tant par son courage que par son humanité envers ses hommes, au cours des sièges de Phillippsbourg, de Mannheim, d’Heidelberg et dans la conquête du Palatinat.


22. François Girardon (1628-1715)
Le Grand Dauphin, vers 1692
Buste en bronze - H. 43,2 cm
Collection particulière
Photo : Cyril Humphris
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Dans ces mêmes années, François Girardon modèle un très beau buste de Monseigneur coulé en bronze. Plusieurs exemplaires en sont connus, le plus beau étant en main privée (ill. 22) [12]. Il l’exposera dans sa fameuse Galerie, symétriquement au buste en bronze de Louis XIV.


23. Anonyme
Louis XIV et le Grand Dauphin
Bustes en plâtre patiné - H. 96 et 91 cm
Photo : Vente Drouot, 4 décembre 1998
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24. Anonyme
Le Grand Dauphin ( ?)
Buste en marbre
Château de Chambord
Photo : D.R.
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25. Anonyme
Le Grand Dauphin (?)
Buste en marbre
H.0,81 cm avec piédouche
Galerie Linossier
Photo : Galerie Linossier
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Des bustes du Grand Dauphin, il y en eut d’autres, comme cette paire en plâtre patiné associant le roi et son fils, vendus chez Drouot en 1998 (ill. 23) [13], ou encore le buste en marbre du château de Chambord (ill. 24), et aussi celui de l’ancienne collection du baron François Empain, aujourd’hui dans la Galerie Linossier (H. 0,81 m avec piédouche) (ill. 25), l’un comme l’autre assez peu ressemblant et montrant un Monseigneur plus âgé, s’il s’agit réellement de lui.


26. D’après un modèle de 1691
de Martin Desjardins (1637-1694)
Le Grand Dauphin monté
sur un cheval passant
, vers 1698
Statuette en bronze – 44,9 (sans le socle) x 48 cm
Washington D.C., National Gallery of Art,
Andrew Mellon Fund
Photo : D.R.
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27. D’après François Girardon (1628-1715)
Le Grand Dauphin monté sur un cheval passant,
début XVIIIè siècle
Statuette en bronze - H. 105 cm
Madrid, Musée du Prado
Photo : Musée du Prado
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Martin Desjardins (1637-1694), avant son décès, fournit le modèle d’une statue équestre du Grand Dauphin tandis qu’il travaillait au Louis XIV équestre de la Place Bellecour à Lyon (1688-1691). Une statuette d’après ce modèle fut fondue en bronze vers 1698 et se trouve à la National Gallery of Art de Washington (1971.5.1) (ill. 26).
Une autre effigie équestre du Grand Dauphin, conservée à Madrid au musée du Prado (inv. E 270. H. 0,105 m) (ill. 27), reprend exactement la composition de la statue équestre du Louis XIV de Girardon pour la Place Vendôme. Seul le visage du cavalier a été changé [14].


28. Anonyme
Le Grand Dauphin, fin XVIIe siècle
Médaillon en marbre - H. 64,8 cm
Waddesdon Manor, National Trust
Photo : D.R.
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De nouveaux médaillons montrant le profil du Grand Dauphin vont aussi être créés en cette dernière décennie du XVIIè siècle. Ainsi, ce grand médaillon en marbre de Waddesdon Manor, National Trust, dans un cadre de bois sculpté et doré (H. 0,648 m), le montrant en perruque et cuirasse ; son auteur inconnu lui a conféré des traits et une majesté toute louis-quatorziennes (ill. 28) [15].


29. Hyacinthe Rigaud (1659-1743)
Le Grand Dauphin devant le siège de Philipsbourg
Huile sur toile
Château de Versailles, Salon de l’Abondance
Photo : D.R.
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En 1697, Hyacinthe Rigaud peignit le splendide tableau qui le rendit célèbre, Le Grand Dauphin devant le siège de Philippsbourg (Versailles, Salon de l’Abondance) (ill. 29).

Faisant écho à ce portrait furent produites deux plaques en bronze du profil du Grand Dauphin, en perruque bien sûr.


30. Attribué ici à Jean-Baptiste Poultier (1653-1719)
Le Grand Dauphin, fin XVIIe siècle
Plaque en bronze - H. 39,5 cm
Collection Michael Hall
Photo : Michael Hall
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31. Attribué à Jean-Baptiste Poultier (1653-1719)
Le Grand Dauphin, fin XVIIe siècle
Plaque en bronze doré - 40 x 30 cm
Galerie Steinitz
Photo : Galerie Steinitz
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La première (H. 0,395 m) fut présentée par son propriétaire, Michael Hall, à New York chez Knoedler dans l’exposition The French Bronze, sous le numéro 50, avec l’attribution: « by or after Antoine Coysevox, circa 1710 » (ill. 30). Son auteur nous semble plutôt être Jean-Baptiste Poultier (1653-1719).
Ce beau modèle est repris avec plus de magnificence dans la splendide plaque en bronze doré de la Galerie Steinitz où nous l’avons étudiée et lui avons proposé une attribution quasi certaine à Poultier (ill. 31) [16].


32. Attribué à Lambert Sigisbert Adam (1700-1759)
Louis XIV et le Grand Dauphin, début XVIIe siècle
Deux bustes en terre cuite - H. 40 cm
Vente Espace Cardin, 17 juin 2008
Photo : D.R.
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33. Le Grand Dauphin, début XVIIIe siècle
Buste en bronze
Collection privée
Photo : Giraudon LA 32630
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Il y aura aussi une paire de bustes en terre cuite « petite nature » (H. 0,40 m), Louis XIV et le Grand Dauphin, vendus le 17 juin 2008 avec une attribution à Lambert Sigisbert Adam (ill. 32) [17]. Une version en bronze du Dauphin, en main privée, est connue par la photo Giraudon LA 32630 (ill. 33) ; ici, l’esprit classique XVIIè siècle fait place à une figuration très différente où le personnage, coiffé d’une extravagante perruque, ne ressemble guère à son modèle.

Nous terminerons ici notre enquête, certainement incomplète [18]. Monseigneur va mourir prématurément à Meudon, le 14 avril 1711, à l’âge de 49 ans. La production de ses portraits va tarir.

Françoise de la Moureyre

Footnotes

[1Quelques-uns ont été recensés et étudiés par Geneviève Bresc-Bautier, Les Chasseurs de Marly et les œuvres de Nicolas Coustou au musée du Louvre, Louvre éditions/Somogy, 2015, p. 88-89 et cat. n°16 p. 133.

[2Offert en 2006 au musée de Versailles par Jean-René Bory président de l’association des Amis suisses de Versailles.

[3La Revue des Musées de France. Revue du Louvre, 2-2007, p. 82.

[4Acheté par Louis Philippe en 1845 et conservé d’abord au Louvre, puis au musée de Versailles.

[5On ne sait où il fut d’abord placé. En 1707, il était dans le magasin de Versailles et y resta longtemps. Il est aujourd’hui présenté dans les salles historiques du château.

[6L’encadrement en marbre rouge semble d’origine. Le décor en bronze et le piédouche sont postérieurs.

[7Au dos du médaillon se lit sur une ancienne étiquette : « 30. Ru 10 / Antoine-Charles Coysevox / Lyons 1640 – Paris 1720/ ‘ The Grand Dauphin, son of Louis XIV ‘ / Relief in white marble. Oval. Signed A.C.F. 1683 / Antique gold carved frame in which appears a double / ‘L’ with the Bourbon lilies / Coll : Prof. A.L. Mayer, Munich / The Bachstitz Coll. I pl. 94 / Certified by prof. A.L. Mayer ». Ce médaillon provient donc de la collection Frederic Chapman, Sion House, Londres. Vendu après son décès, The Anderson Galleries, New York, 45 déc. 1924, lot 36, ill. Coll. Kurt W. Bachstitz, La Haye. Coll. A.L. Mayer, Munich.

[8Geneviève Bresc-Beautier, citée supra.

[9Mais Coustou signera plus tard ses œuvres de tout son nom : N. Coustou, ou Nicolaus Coustou.

[10Reproduit dans le Burlington Magazine de juin 2001.

[11H. totale : 0,48 ; L. 0,39. Vente Drouot du 2 juin 2006, n° 100, 34.000 Euros. Vente Christie’s Paris, de la collection de Maître et Madame Michard-Pellissier le 27 juin 2007.

[12F. de La Moureyre, Girardon collectionneur, dans A. Maral, François Girardon (1628-1715). Le Sculpteur de Louis XIV, Arthena 2015, p. 447.

[13« Paire de bustes en plâtre patiné figurant Louis XIV et le Grand dauphin, XVIIIè s. H. 96 et 91 cm. », passés en vente publique le 4 décembre 1998 à Paris, Drouot-Richelieu, dans l’étude Libert –Castor (représentés dans la Gazette de l’Hôtel Drouot).

[14Rosario Coppel Aréizaga, Museo del Prado. Catálogo de la escultura de época moderna. Siglos XVI-XVIII, Madrid, 1998. La statuette provient de la collection de Philippe V et était inventoriée en 1746 à La Granja de San Ildefonso.

[15Cf. Hodgkinson, Waddesdon Sculpture, Catalogue n° 8.

[16Françoise de La Moureyre, Sur un modèle attribué à Jean-Baptiste Poultier (1653-1719). Monseigneur, Louis de France, dit le Grand Dauphin (1661-1711), Catalogue Galerie Steinitz 2015, p. 99-117.

[17Attribution (fondée ou non ?) de ces bustes passés en vente publique à l’Espace Cardin le 17 juin 2008 et vendus 21.066 euros par l’étude Rémy Le Fur.

[18On ne saura sans doute jamais à quoi ressemblait le portrait en marbre blanc du Dauphin cité dans l’Inventaire après décès dressé le 7 janvier 1689 du sculpteur Jean Légeret (1628-1688), Minutier central, Et. LXV, 124, où il faisait pendant à un portrait de Louis XIV. Par ailleurs, le sculpteur Claude Dubut (1657-1742) était l’auteur de deux médaillons de Louis XIV et du Grand Dauphin, conservés dans la collection Jans Simon de Berlin, signalés par Peter Volk, « Drei Porträtmedaillon Charles Claude Dubut », dans Wallraf Richardtz Jahrbuch, t. 29, 1966, p. 279-282. Nous n’avons pas non plus retrouvé le médaillon ovale en marbre du Grand Dauphin qui se trouvait dans la collection Ferdinand de Rothschild, 0,648 x 0,552.

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