Pour ajouter une pierre « documentée » à la question pourtant si évidente de l’évolution du goût et de la perpétuelle réévaluation des œuvres (non seulement en fonction des connaissances, mais aussi de l’histoire des mentalités et du regard), je propose à chacun une saine lecture. Les historiens de l’art connaissent tous ce « merveilleux » livre de Gustave Coquiot : Des Gloires déboulonnées (Paris, 1924). Eminent critique d’art, Coquiot fut un collectionneur reconnu, admirateur de Seurat et Van Gogh, l’un des secrétaires d’Auguste Rodin et l’on possède son portrait par Pablo Picasso. Bref, un homme au-dessus de tout soupçon... Lorsqu’on lit les Gloires déboulonnées, on imagine sans mal ce qu’un conservateur de musée ou un Ministre des Beaux-Arts aurait pu décider de céder en 1924 si cet avis hautement qualifié l’avait convaincu. La table des matières est éloquente. Si l’on n’est guère surpris d’y trouver quelques grands artistes académiques (Bonnat, Carolus-Duran, Meissonnier) ainsi que Félix Ziem et Raffaëlli, on appréciera sans doute d’y voir aussi figurer les noms de... Eugène Carrière, Gustave Moreau, Jean-Jacques Henner... Poursuivons... Félicien Rops (eh oui !), mais gardons le « meilleur » pour la fin : Edgar Degas. Certes, l’argumentation de Coquiot ne fait pas dans la subtilité : Rops ? « de la pornographie sans esprit » et « ce belge est resté belge ». Moreau ? « Le fournisseur patenté des juives millionnaires ». Carrière ? « Peintre de second ordre ». Degas ? « peintre pompier et « moderniste » ». L’exemple parle pour lui-même car toute époque possède ses Gustave Coquiot (nous en connaissons un certain nombre). Voilà qui devrait inciter nos édiles à ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui un « principe de précaution » !
Voir aussi : Inaliénabilité, quelques faits (15/1/08)