À Paris, la fontaine Debussy en danger

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22/4/25 - Patrimoine - Paris, Fontaine Debussy - Dans notre enquête sur les fontaines parisiennes en 2017, nous écrivions à propos de celle rendant hommage à Claude Debussy installée dans le square du même nom dans le XVIe arrondissement qu’elle n’était « ni inscrite, ni classée, ce qui est anormal ».
Huit ans plus tard, elle n’est toujours pas protégée, elle n’est toujours pas mise en eau, et elle se dégrade de manière très inquiétante. Il y a plus d’un an, l’association Paris Art déco Society dont l’objectif est de mieux faire connaître l’Art déco parisien, de le promouvoir et de veiller à sa protection s’était inquiété de cet état de fait. Sculpté par les frères Jan et Joël Martel, avec une architecture de Jean Bukhalter, ce monument est pourtant une œuvre majeure des années 30, inauguré en 1932 et l’un des chefs-d’œuvres de ces deux sculpteurs.


1. Jean Bukhalter (1895-1982)
Jean et Joël Martel (1896-1966)
Fontaine Debussy
Square Claude Debussy, Paris XVIe
Photo : Didier Rykner
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2. Jean Bukhalter (1895-1982)
Jean et Joël Martel (1896-1966)
Fontaine Debussy (face arrière)
Square Claude Debussy, Paris XVIe
Photo : Didier Rykner
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Si la DRAC Île-de-France a été informée par notre article, elle n’en avait tiré aucune conclusion. Dans sa réponse à l’association, elle écrivait le 20 février 2024 qu’elle portait un intérêt à cet ouvrage d’art et qu’elle consultait la Ville de Paris. Et qu’a-t-elle fait depuis ? Rien, bien entendu. Que serait-ce si elle ne lui avait pas porté d’intérêt ?
Nous avons eu déjà l’occasion d’apprécier l’efficacité de la DRAC Île-de-France pour protéger un monument qui en vaut la peine, le décor Art nouveau du restaurant Le Cyrano, non loin de la place de Clichy (voir l’article). Lorsque nous avions demandé il y a trois ans son inscription à la DRAC par courrier accusé-réception, le directeur lui-même, Laurent Roturier, nous avait répondu qu’il attendait « [n]otre courrier pour instruire cette demande », pour finalement nous répondre que la DRAC procédait par « campagnes » de protection, et qu’il fallait que nous fassions nous-même un inventaire des décors que nous souhaitions voir protéger. Faute de temps, nous n’avions pas pu le faire. Que croyez-vous qu’ait fait la DRAC, dont c’est la mission ? Protéger au moins le Cyrano ? Aller au-delà et faire elle-même un inventaire (c’est un peu son rôle) des décors similaires à protéger dans d’autres restaurants (il y en a plein de non protégés dans Paris, ainsi que des boutiques) ? La DRAC n’a rien fait, comme c’était à prévoir.


3. Jean Bukhalter (1895-1982)
Jean et Joël Martel (1896-1966)
Fontaine Debussy, avec le bassin vide
Square Claude Debussy, Paris XVIe
Photo : Didier Rykner
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Comment s’étonner alors de son inaction pour cette fontaine, alors que l’association Paris Art déco Society a monté un dossier pour rappeler son importance et les dégâts qu’elle a déjà subi ? Le bassin est vide (depuis longtemps comme nous l’avons vu), alors que le monument est conçu avec ce bassin et son eau qui font partie de la composition. Les reliefs mais aussi les sculptures en ronde-bosse sont abimées et des désordres affectent l’architecture. Ce monument est en péril et il est urgent de le restaurer. Pourtant, si la mairie a promis à l’association de le remettre en eau et planter un environnement floral disparu lui aussi depuis longtemps, rien n’est prévu pour sa restauration, si ce n’est une inscription au « budget participatif », comme si une telle opération était facultative. Deux fois déjà elle était proposée au budget participatif, sans aucun résultat.


4. Square Claude Debussy, Paris XVIe :
la perspective sur la fontaine est complètement bouchée
Photo : Didier Rykner
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Ajoutons qu’entre 2005 et 2008 [1], la Ville de Paris a installé dans le square des attractions pour les enfants particulièrement massives, qui ruine toute la perspective vers la fontaine. Jamais un tel aménagement, qui pourraient certainement être installé ailleurs dans le quartier, n’aurait pu être autorisé si la fontaine avait été protégée au titre des monuments historiques.
Son inscription (qui ne nécessite pas l’accord du propriétaire, la Ville de Paris) voire son classement qu’elle mérite évidemment (si la Ville l’accepte ou d’office en raison de son état de péril si elle ne l’accepte pas), faciliterait un tel projet. Encore faudrait-il que la DRAC fasse quelque chose. Contactée, celle-ci est comme d’habitude aux abonnés absents.

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