Contenu abonnés
À cheval : le portrait équestre dans la France de la Renaissance
Écouen, Musée national de la Renaissance, du 16 octobre au 27 janvier 2025.
« Travailler la cervelle plus que les reins et les jambes [1]. ». Le conseil fut donné pour dresser un cheval, il vaut tout aussi bien pour éduquer un homme. Antoine de Pluvinel, premier écuyer du roi, professeur du jeune Louis XIII et auteur du Manège royal poussa la comparaison plus loin : il en va d’un cheval comme il en va d’un peuple, il convient de lui donner la bride avec tact, de le mener « avec discrétion, sans le mettre en colère [2] ». L’idée fut reprise par son élève, William Cavendish, duc de Newcastle « un roi étant bon cavalier, saura mieux gouverner ses peuples quand il faudra les récompenser ou les châtier, quand il faudra leur tenir la main serrée ou quand il faudra la relâcher, quand il faudra les aider doucement ou en quel temps il sera convenable de les éperonner [3] ». Faut-il aujourd’hui remettre les hommes politiques en selle, c’est là une autre question.
- 1. France, vers 1570-1574
Charles IX à cheval
Marbre - D. 42 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : RMN-GP/S. Maréchalle - Voir l´image dans sa page
Indispensable au quotidien, moyen de locomotion, arme de pointe sur le champ de bataille, le cheval fut aussi à la Renaissance un symbole lié au pouvoir. Le roi de France était chevalier : à partir du règne de Charles VI en 1380, l’adoubement fit partie de la cérémonie du sacre et l’on ajouta aux regalia une paire d’éperons d’or. Puisque le roi savait guider son peuple comme il savait diriger sa monture, il eût été de mauvais goût de le représenter sur un cheval cabré, façon Zorro surgissant hors de la nuit. Car un animal qui se cabre est un animal qui se rebiffe et qui n’est donc pas maîtrisé par son cavalier. Les artistes soucieux de créer malgré tout des portraits dynamiques privilégièrent deux allures : le « passage », qui correspond plus ou moins à un trot, et la « pesade », c’est-à-dire un cheval dressé sur ses deux jambes arrière (ce qui, les non-initiés ne voudront pas le croire, n’a rien à voir avec un cheval cabré).
Le musée d’Écouen décortique ainsi toutes les facettes du portrait équestre à la Renaissance dans une exposition préparée à l’occasion des Jeux Olympiques conjointement avec celles de Versailles « Cheval en majesté » et de Marly « Les Chevaux du roi » (voir l’article). Le catalogue associe l’érudition à la pédagogie, réunissant des essais passionnants et un glossaire équestre en annexe. Il est néanmoins dommage que les œuvres ne soient pas reproduites dans le même ordre que le parcours d’exposition et que toutes ne bénéficient pas d’une notice commentée.
Le sujet est précisément défini par le commissaire Guillaume Fonkenell : les représentations isolées de chevaux ont été écartées du propos, tout comme les saints et les figures mythologiques. Seuls ont été retenus les personnages historiques de la Renaissance. Le visiteur pourrait s’attendre à une galerie de portraits peints, que nenni. Les œuvres réunies sont d’une grande variété, les cavaliers se déclinant sur des…