Une église classée repeinte en rouge et mauve à Puteaux

23/1/15 - Patrimoine - Puteaux, église Notre-Dame-de-Pitié - L’église Notre-Dame de Pitié, à Puteaux, date du XVIe siècle. Malgré son architecture simple avec une nef unique, elle est classée monument historique depuis 1975 (ill. 1). Il y a quelques années, elle avait déjà dû subir les goûts de la mairie qui l’avait entourée d’une grille pour laquelle on s’étonne que l’architecte des bâtiments de France ait donné son accord (ill. 2). Le même modèle semble d’ailleurs se retrouver en beaucoup d’endroits de la ville puisque dans ce même quartier nous l’avons vu rue Collin (ill. 3) et square du Puits (ill. 4). On ne sait quelle entreprise les a forgées, mais ces grilles sont à Jean Lamour ce que « Mon curé chez les nudistes » est à « Citizen Kane ». Passons.


1. Église Notre-Dame-de-Pitié
Puteaux
Photo : Didier Rykner
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2. Grille entourant l’église Notre-Dame-de-Pitié
Photo : Didier Rykner
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Mais la municipalité UMP, à la tête de laquelle se trouve Joëlle Ceccaldi—Raynaud, vient de faire subir d’autres outrages à cette malheureuse église, comme l’a révélé le journal gratuit 20 minutes, relayant une information publiée sur Puteaux en mouvement le site internet de l’UDI locale.
La mairie – que nous avons interrogée mais qui a refusé de nous répondre – a en effet fait repeindre une partie de l’intérieur en mauve et en rouge, allant jusqu’à recouvrir trois statues en bois et en pierre de peinture beige.


3. Même modèle de grille entourant un jardin rue Collin à Puteaux
Photo : Didier Rykner
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4. Même modèle de grille (un peu moins dorée)
entourant le square du Puits à Puteaux
Photo : Didier Rykner
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On pourra juger du résultat, tout à fait consternant dans un monument historique, sur les photos que nous avons pu y prendre. Le chœur est désormais rouge vif (ill. 5) laissant ça et là apparaître la pierre dans une volonté qu’on suppose artistique (ill. 6), et le mur au revers de la façade, au dessus de l’orgue et à gauche de la tribune a été repeint en mauve (ill. 7).


5. Chœur de l’église Notre-Dame-de-Pitié à Puteaux
État actuel
Photo : Didier Rykner
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6. Chœur de l’église Notre-Dame-de-Pitié à Puteaux
État actuel (détail)
Photo : Didier Rykner
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7. Revers de la façade de l’église Notre-Dame-de-Pitié
à Puteaux (état actuel)
Photo : Didier Rykner
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20 minutes et le journal La Croix, qui y a consacré également un article hier, expliquent que ces travaux ne sont pas légaux car la mairie aurait dû prévenir le curé. Mais cette remarque est bien en deçà de la réalité. Si l’article de la loi de 1905, cité par La Croix, dit que la commune peut « engager les dépenses nécessaires pour l’entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi », le code du patrimoine spécifie clairement qu’un immeuble classé ne peut « être l’objet d’un travail de restauration, de réparation ou de modification quelconque, si l’autorité compétente n’y a donné son consentement. L’autorité compétente est le préfet de région, à moins que le ministre chargé de la culture n’ait décidé d’évoquer le dossier ». L’accord du prêtre est peut-être nécessaire, il n’est en aucune façon suffisant. On imagine ce que deviendraient nos monuments historiques si n’importe quel élu ou n’importe quel curé pouvait « restaurer » à sa guise des monuments ou des objets protégés.
Or, nous avons contacté la DRAC Île-de-France, qui nous a confirmé ne jamais avoir autorisé de tels travaux.

Quelle différence entre ces travaux de peinture et des graffitis qu’auraient pu y faire des tagueurs ? Non seulement la peinture rouge et mauve ne correspond en aucune façon à une quelconque restauration, non seulement elle dénature profondément le bâtiment, mais elle abîme bien évidemment la pierre qu’il va falloir remettre en état.
Le code pénal est formel (article 322-3-1) : « la destruction, la dégradation ou la détérioration est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende lorsqu’elle porte sur un immeuble ou objet mobilier classé ou inscrit en application des dispositions du code du patrimoine ».

Nous avons interrogé la DRAC sur les suites qu’elle comptait donner à cette affaire, notamment judiciaires. Celle-ci nous a répondu : « une équipe va se rendre sur place pour constater la matérialité des faits. C’est le point de départ pour engager toute procédure (notamment pénale) en lui donnant de solides bases juridiques. A ce stade, nous ne pouvons donc pas écarter une présomption d’acte délictueux (mais la qualification comme telle relèverait évidemment du juge). »

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