Roland-Garros : des nouvelles du front

1. Jardin des Serres d’Auteuil
Photo : Didier Rykner
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10/3/15 - Patrimoine - Serres d’Auteuil - Ces dernières semaines, les événements se sont accélérés. Ce fut d’abord la position courageuse prise par la ministre de l’Écologie Ségolène Royal (voir notre article). Celle-ci ne faisait finalement que refléter ce que le président de la République affirmait fin novembre : « Tout doit être fait pour que sur chaque grand projet, tous les points de vue soient considérés, que toutes les alternatives soient posées, que tous les enjeux soient pris en compte et que l’intérêt général puisse être dégagé ».
C’est pour cette raison que la ministre avait souhaité soumettre le projet de la FFT, mais aussi le contre-projet des associations, à l’avis de la Commission supérieure des sites qui devait se tenir aujourd’hui 10 mars.

Entre temps, faisant fi de cette volonté de concertation et s’opposant frontalement à sa ministre de l’Écologie, le premier ministre Manuel Valls avait déclaré : « l’État donnera [...] son accord à l’ensemble des procédures relevant de sa compétence dans les prochaines semaines, afin de permettre rapidement un début des travaux ».
La commission avait été convoquée ce matin par la ministre. Mais les représentants de la Fédération Française de Tennis, et ceux de la Mairie de Paris, qui devaient lui présenter leur projet, ne sont tout simplement pas venus ! Gilbert Ysern, le directeur général de la FFT, dans une interview donnée à L’Équipe et datée du 10 mars [1] prétend que : « aux dernières nouvelles l’ordre du jour ne portera que sur l’étude du rapport complémentaire sur la possibilité de couvrir l’autoroute A13 ». On se demande de qui il tient ces « dernières nouvelles », alors que le premier point de l’ordre du jour de la convocation envoyée aux membres de la commission, datée du 20 février 2015, prévoit bien que « le dossier du projet de restructuration et d’extension du stade Roland-Garros [...] sera présenté par la Fédération française de tennis ». Il affirme même que la FFT n’a pas été invitée !
Son absence et celle de la Mairie de Paris ont scandalisé beaucoup des membres de la commission, mais pas tous. Le député UMP Michel Herbillon - qui soutient le projet - a lu un mail dont il affirmait qu’il venait du ministère des Sports et qu’il s’adressait à la FFT, lui demandant de ne pas venir à cette commission !
Alors que la FFT ne cesse de crier partout qu’elle doit désormais aller vite, comment interpréter cette absence d’une instance qui fait partie du processus normal de décision ? La prochaine réunion de la Commission supérieure des sites aura lieu le 2 avril. Le projet de Roland-Garros sera à nouveau à l’ordre du jour...

2. Bâtiments en meulière (inscrits monuments historiques)
Serres d’Auteuil
Photo : Didier Rykner
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Dans l’interview de L’Équipe, Gilbert Ysern affirme qu’il ne veut « pas croire que les travaux ne commenceront pas à la fin de l’été ». Il risque d’être très déçu.
On rappellera en effet un ou deux points qui fournissent aux associations des arguments très importants qu’ils pourront faire valoir, s’il le faut, devant les tribunaux.
Le président de la FFT affirme dans son interview avoir déjà eu l’avis favorable de la commission supérieure des sites. C’est exact : le 15 décembre 2011, celle-ci s’était déclarée « favorable au plan guide » de modernisation du stade de Roland Garros. Il ne s’agissait alors que de valider les principes, et en aucun cas le projet définitif (c’est pour cette raison qu’il doit désormais repasser devant cette commission). Mais celle-ci, en décembre 2011, avait apporté certaines réserves qui furent actées par le ministère de l’Écologie dans un document daté du 20 mars 2012. Ces réserves engagent le gouvernement, au nom de la continuité de l’État français. Elles sont très claires et prévoient notamment [2] « le maintien des deux bâtiments en meulière du Fleuriste et de l’Orangerie hors du périmètre des concessions ». Or, la FFT, qui selon Gilbert Ysern « respect[e] les règles [3] », s’est bien entendu assise joyeusement et en toute impunité sur cette réserve, puisque les bâtiments en meulière (ill. 2), par ailleurs indispensables pour le travail des jardiniers, ont été intégrés dans l’extension de Roland-Garros ! Le document du ministère précise pourtant que « ces réserves devront impérativement être prises en compte dans la poursuite de l’étude du projet ».

Les associations, qui ont depuis presque trois ans proposé un contre-projet que la FFT et la Ville de Paris s’obstinent à ignorer alors que les experts du ministère de l’Écologie l’ont déclaré parfaitement faisable, sont évidemment toujours aussi motivées.
Le parti des Verts à Paris n’est pas moins combatif : il demandera à nouveau au Conseil de Paris de se prononcer sur le projet, le 18 mars, et rien ne dit que cette fois le résultat lui sera favorable, la majorité n’étant plus sûrement acquise.
On terminera ce point de la situation en signalant aux lecteurs de La Tribune de l’Art dont beaucoup, on l’espère, sont des défenseurs des Serres d’Auteuil [4], qu’une manifestation est organisée le samedi 21 mars à 15 h, sur le site menacé. Nous y serons, bien sûr, et nous en rendrons compte ici même.

Didier Rykner

P.-S.

Le Canard Enchaîné daté du 11 mars 2015, qui était déjà sorti des presses à l’heure où nous avons publié cet article, mais que nous n’avions pas lu, confirme nos informations : c’est même le premier ministre qui a « proposé à la FFT de ne pas aller défendre son projet devant la Commission des sites » pour empêcher le vote. C’est beau, la démocratie selon Manuel Valls.

Notes

[1Les propos de Gilbert Ysern dans cette interview, intitulée : « Gilbert Ysern : « Halte aux mensonges !" » (il faut oser), sont tout simplement ahurissants. Il y affirme notamment que la FFT « a longtemps fait profil bas » et qu’ils sont des « embellisseurs de jardins publics » !

[2Ce n’est pas le seul point litigieux, mais c’est le plus évident.

[3Il le dit haut et fort dans l’interview de L’Équipe.

[4Et des signataires de la pétition qui réunit aujourd’hui plus de 61 000 personnes, ce qui ne semble pas émouvoir beaucoup Gilbert Ysern ou Anne Hidalgo.

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