Rennes : une souscription pour un Jacques de Létin

19/11/19 - Acquisition et souscription - Rennes, Musée du Beaux-Arts - Il faut que la Musique rejoigne la Géométrie. Ces deux tableaux de Jacques de Létin sont vendus par la Galerie Coatalem (ill. 1 et 2). Le Musée des Beaux-Arts de Rennes vient d’acquérir la Géométrie et souhaiterait acheter l’autre allégorie. Il lance une souscription publique, sur le site Helloasso dans l’espoir de réunir 15 000 euros avant le 18 février 2020.


1. Jacques de Létin (1597-1661)
La Musique, vers 1630-1640
Huile sur toile - 116,5 x 80 cm
Paris, Galerie Coatalem
Photo Galerie Coatalem
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2. Jacques de Létin (1597-1661)
La Géométrie, vers 1630-1640
Huile sur toile - 116,5 x 80 cm
Rennes, Musée des Beaux-Arts
Photo Galerie Coatalem
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Natif de Troyes où il mena une grande partie de sa carrière, Jacques de Létin séjourna en Italie entre 1622 et 1625, puis travailla régulièrement à Paris dans les années 1630, ce dont témoignent plusieurs peintures d’églises. À Rome il côtoya Simon Vouet dont l’influence est sensible dans ces deux œuvres peintes à son retour, vers 1630-1640. On ne connaît malheureusement ni leur commanditaire ni leur destination. On sait seulement que le peintre conçut un ensemble décoratif sur le thème des arts libéraux, grâce aux Mémoires sur les Troyens célèbres que rédigea au XVIIIe siècle Pierre-Jean Grosley (1718-1785).
L’auteur décrit en effet des toiles conservées chez M. Carteron qui n’est autre que son arrière-petit-fils : « sept tableaux de l’Estaing […] tous de la même grandeur […] représentent la famille du peintre sous différents emblèmes ». Il détaille ensuite les figures une par une : Il y a la Grammaire, qui tient une clef et tend l’index vers un livre, et la Poésie qui écrit sur une tablette, l’« air rêveur et appliqué ». Il y a aussi l’Astrologie entourée de « vieux livres » ; la tête tournée vers les astres, elle a une lunette dans la main. L’Astronomie déploie ses ailes et lève les yeux au ciel, maintenant un compas ouvert au-dessus d’un globe. La Géométrie est une femme à la « tête nue, la gorge à demi-recouverte, la main droite appuyée sur un globe, et armée d’un compas à demi-ouvert ; elle tient de la main gauche un livre ouvert sur ses genoux, avec un air réfléchi et appliqué  ». Quant a à la Musique, couronnée de lauriers, elle a un papier de musique sur ses genoux et s’accompagne « du siste ». Groley signale également la déesse Diane, avec son arc, son carquois et ses flèches, dont la présence est étonnante parmi ces allégories.

Les arts libéraux sont sept, répartis en un premier groupe de trois, le Trivium qui concerne le « pouvoir de la langue » - grammaire, dialectique, rhétorique - tandis qu’un deuxième groupe de quatre , le Quadrivium, lié au « pouvoir des nombres », réunit l’arithmétique, la musique, la géométrie, l’astronomie.
Cesare Ripa propose une iconographie précise pour chacune de leurs allégories. La Musique doit ainsi être incarnée par « une femme qui regarde fixement un Liure ouvert, qu’elle tient d’une main, & une plume de l’autre, pour corriger sa tablature ; ayant pour cet effet à ses pieds un luth, une viole, & des flûtes, pour en accorder l’harmonie à celle de sa voix ». La Géométrie « a en sa main droite la mesure du pied Romain : en la gauche l’équerre & le compas, sous les pieds le carré géométrique ; & à côté de sa robe le niveau, avec ſson plomb. »
Les peintres bien sûr prenaient certaines libertés avec ces prescriptions ou du moins ne représentaient parfois pas tous les attributs proposés. C’est le cas par exemple de Laurent de La Hyre qui conçut lui aussi une série de toiles sur les arts libéraux pour décorer l’hôtel de Gédéon Tallemant en 1649, dont plusieurs tableaux sont conservés, notamment à Orléans, à la National Gallery de Londres, ou au Metropolitan Museum.

Six des sept peintures de Jacques de Létin sont aujourd’hui localisées : L’Astrologie et L’Astronomie ont été récemment acquises par le Musée des Beaux Arts de Bordeaux (voir la brève du 13/9/11 ) ; l’identification de leur iconographie n’a d’ailleurs pas été immédiatement la bonne. La Grammaire et Diane sont passées en vente le 12 septembre 2002 à Beaulieu-sur-Mer, en même temps que La Géométrie et La Musique qui, elles, devraient rejoindre le Musée de Rennes. Il reste à retrouver la Poésie.
Notons que la souscription lancée par le musée a en réalité pour but d’acquérir deux tableaux. Le deuxième est une peinture non figurative de Liam Everett, artiste américain né en 1973. Les mécènes peuvent ainsi, selon leur sensibilité, participer à l’achat d’une œuvre du XVIIe, soit du XXIe siècle. Ou des deux.

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