Recherche de la Marie Stuart de Fleury Richard

Césarine Darrieux, d’après Fleury Richard
Étude pour Marie Stuart
Crayon
Collection particulière
Photo : D. R.
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Plusieurs décennies après la redécouverte du peintre lyonnais Fleury Richard (1777-1852) (Le Style troubadour, exposition du musée de Brou, Bourg-en-Bresse, 1971), nous n’avons qu’une vue partielle de son œuvre, même si dessins préparatoires, gravures d’interprétation et, surtout, critiques du temps nous fournissent des éléments précieux pour juger de tableaux aujourd’hui disparus. Richard revendiquait moins d’une quarantaine de tableaux ; nombre que Marie-Claude Chaudonneret, dans son catalogue raisonné (La Peinture troubadour, Arthena, 1980), porte à soixante-sept numéros en intégrant notamment les études peintes. Or, plus du tiers des peintures reste à localiser. Certains tableaux majeurs, aux yeux des contemporains et de Richard lui-même, nous sont inconnus, parmi lesquels Sainte Blandine (Salon de 1801), Henri IV et Mademoiselle de la Vallière surprise par Louis XIV (Salon de 1806), Marie Stuart, reine d’Écosse (Salon de 1808), L’Église d’Ainay et Gabrielle d’Estrées (Salon de 1810), Madame de la Vallière (Salon de 1817), et l’original de La Mort du prince de Talmont, envoyé au Salon de 1822. On aimerait connaître, en outre, cette Mort de Constantin, peinte d’une manière large et dans un grand format, que le peintre laissa inachevée au printemps 1801, convaincu qu’il lui fallait, désormais, suivre une toute autre voie que celle de son maître David.
À l’heure où le musée des Beaux-Arts de Lyon et le musée de Brou s’apprêtent à resituer la peinture anecdotique dans le vaste courant de sa réception européenne (L’Invention du passé, titre générique des deux expositions organisées par Stephen Bann, Stéphane Paccoud et Magali Briat-Philippe pour le printemps 2014), il est à désirer que l’on ait une perception la plus complète possible de l’art de Richard qui en fut l’inventeur avec Valentine de Milan (Salon de 1802 ; Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage).
La réapparition récente de l’Atelier du peintre (Salon de 1804 ; coll. part.) et d’une Vue de l’amphithéâtre de Nîmes (vers 1822 ; coll. part.) nous incite à placer nos espoirs dans les nouveaux moyens de communication qui s’offrent aujourd’hui aux historiens de l’art.

Commandé par la comtesse de Mortefontaine (1782-1829), Marie Stuart, reine d’Écosse était connu, jusqu’il y a peu, uniquement à travers les critiques du Salon de 1808. La description qu’en donne Alexandre Humbert Châtelain, dans le Bulletin de Lyon du 31 août de la même année, est assurément la plus complète. Mieux, un dessin d’une élève de Richard que ses aimables possesseurs ont porté à notre connaissance, nous permet, enfin, de nous faire une idée de l’expression pathétique du visage de la reine. Césarine Darrieux (1779-1816), tel est le nom de l’élève, a eu soin d’annoter son croquis par la précision suivante : « Marie Stuar [sic] dessiné de souvenir / du tableau de Richard ». Le dessin de l’élève est, pour ainsi dire, conforme à celui que montrait autrefois un carnet du maître. Marie-Claude Chaudonneret qui a vu et photographié cette feuille avant que celle-ci ne soit arrachée du carnet, l’intitule Étude de veuve (coiffure XVIIe) (cat. n°171). Espérons que ces indices nouveaux favoriseront la redécouverte de Marie Stuart, tableau pour lequel Richard avait une dilection particulière.

Pour toute information sur ce tableau, vous pouvez contacter Patrice Béghain ou Gérard Bruyère.

Description du tableau par Châtelain :

A.H.C.******** [Alexandre Humbert Châtelain], "Marie Stuard communiant dans sa prison, tableau de M. Richard", Bulletin de Lyon, n° 70, 31 août 1808, sous la rubrique Beaux-Arts, p. 278-279 :

« Je venais d’achever la description des deux charmans [sic] tableaux de M. Richard, et j’allais la livrer à l’impression, quand j’ai appris que celui de St. Louis avait déjà été le sujet d’un article fort bien fait. L’auteur de cet article n’ayant rien dit du tableau de Marie Stuard, je vais publier ce que j’avais écrit sur cet admirable ouvrage.
Tout le monde connaît l’infortunée reine d’Écosse, aussi célèbre par sa beauté et les graces [sic] de son esprit, que par ses malheurs. Quel est le cœur sensible qui ne se sente pas ému douloureusement au seul nom de
Marie Stuard ?
M. Richard l’a représentée se donnant la communion avant d’aller au supplice.
"Après elle se retira en son oratoire dit Brantome, ayant dit derechef adieu à ses femmes en les baisant, et leur dit tout plein de particularitez pour les dire au roi, à la reyne et à ses parens ; non chose qui tendist à la vengeance, mais au contraire plustost : et fit là ses pasques par le moyen d’une hostie consacrée que le bon Pape Pie V lui avait envoyée, pour s’en servir à la nécessité, et qu’elle avait toujours fort curieusement et saintement gardée et conservée."
Est il rien de plus dramatique, rien qui offre un pathétique aussi capable d’émouvoir profondément, que cette femme, autrefois reine de deux royaumes, brillante par les charmes du corps et de l’esprit, maintenant abandonnée de tout l’univers, et se préparant à recevoir une mort cruelle !
M. Richard mérite les plus grands éloges pour le choix d’un pareil sujet, et pour la manière supérieure dont il l’a traité. On ne peut considérer son tableau sans attendrissement ; et quoique placée à côte du
St. Louis, bien plus brillant de couleur et de lumière, Marie attire puissamment les regards, et a disputé plus d’un cœur à l’intéressante Marguerite [l’un des personnages du tableau de la La Déférence de saint Louis].
Au milieu d’un appartement d’une architecture gothique, tout-à-la-fois élégante et sévère, Marie Stuard est à genoux devant un autel dont un crucifix fait le seul ornement : elle est vêtue d’une robe de velours noir qui laisse appercevoir [sic] l’élégance de sa taille ; son visage plein de l’expression la plus touchante de confiance et d’amour, contemple le Christ ; elle élève l’hostie, gage divin d’espérances qui ne seront plus déçues...... La lumière qui éclaire la scène entre par une fenêtre à vitraux coloriés, placée vis-à-vis la princesse, et se répand dans la prison dont elle environne tous les objets d’une teinte sentimentale.
On ne peut rien voir de plus parfait que l’exécution des accessoires de cette charmante composition. Quelle vérité dans la couleur de ces piliers, de ces murs antiques ! Je m’en approche pour considérer le mécanisme de leur construction, et me voilà de nouveau attendri par des vers que j’y trouve écrits, et qui furent faits autrefois par la reine, quand elle quitta la France pour retourner en Écosse :
"Adieu, plaisant pays de France ! etc."
Voyez ces pendentifs, avec quel art ils tombent de cette voûte ! et cette nappe qui couvre l’autel, ce rouleau de parchemin sur lequel on lit le commencement du beau Pseaume [sic] que répéta si souvent l’infortunée : In te, Domine, speravi, non confundar in aeternum. Comme tout cela est peint ! Quelle franchise, quelle fraîcheur dans le faire ; quel goût et quel jugement dans la disposition de tous ces objets ! Et cependant telle est l’impression que produit l’aspect de Marie Stuard, que ce n’est que long-temps [sic] après avoir admiré la beauté de son expression et de son attitude, que l’on s apperçoit [sic] de ce qui l’environne.
Ce tableau, comme presque tous ceux de notre célèbre compatriote, est maintenant perdu pour la ville de Lyon. Je regrette infiniment que ma faible description n’en donne qu’une idée bien imparfaite à ceux qui ne l’ont pas vu.
 »
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