Quelques précisions sur la vieille aile de Versailles

Avec des « passionnés » pareils, le château de Versailles n’a pas besoin d’ennemis… Il existe en effet un site internet où ne peuvent accéder que les membres cooptés, appelé « Connaissance de Versailles ». Ce club très fermé comprend certains membres qui applaudissent des deux mains les travaux menés sur le château et les jardins depuis plusieurs années. C’est parfaitement leur droit. En revanche, la manière dont ils rendent compte des articles de La Tribune de l’Art, quand ils ne frisent pas la diffamation (nous avons dû une fois prévenir que nous ne laisserions pas écrire n’importe quoi) remettent souvent en doute nos informations, parfois notre sérieux, ce qui est un peu agaçant.

Nous ne répondons pas en général, compte-tenu de la confidentialité de ce site. Mais les derniers échanges des forums nous incitent tout de même à préciser certaines choses. En effet, non seulement les arguments employés tentent de faire croire que nous avons bâclé notre enquête sur la vieille aile, mais ils pourraient être tentés de les propager. Et puis, nous n’avons pas vraiment pour principe de tendre l’autre joue...

On lit en effet sous la plume d’un certain « Lebrun » (car à une exception près, tous écrivent sous pseudonymes, ce qui est bien pratique pour nous attaquer nommément), « modérateur » du forum, que : « Chaussemiche, l’architecte qui fit rebâtir la vieille aile dans les années 20 à 30 avait supprimé l’ancienne distribution de ce bâtiment sur tous ses niveaux, dont les murs de refends de Mansart au rez-de-chaussée. A la place de la succession de pièces, il substitua un large vaisseau, dans l’esprit des écuries de Le Vau, pourvu d’épis pour y aménager le fameux musée de l’œuvre. […] Sur ces points, l’article de la Tribune de l’art est erroné, le signataire n’a peut-être pas su trouver les bonnes personnes pour l’informer. Pour ma part, il m’a suffit de rencontrer aujourd’hui un ancien conservateur qui officiait ces années-là pour obtenir ces renseignements. Ils sont par ailleurs facilement vérifiables dans un guide bleu de Versailles ante 1979, le plan du rdc de la Vieille aile version Chaussemiche y figure ! Dans les années 1970, le musée de l’oeuvre avait vécu. Le réaménagement de la Vielle aile fut décidé […] les cloisonnements de la Vieille aile furent repris : au premier étage, on refit la distribution telle qu’elle était au XVIIIe […] Au rez-de-chaussée, on refit de neuf les murs de refends selon les plans de Mansart, aménageant un auditorium sur l’emplacement de la salle du conseil privé. »
« Lebrun » se trompe, mais poliment. Nous n’en dirons pas autant d’un surnommé « Roussel », qui ajoute « La vieille aile "regorgeait de traces de l’Histoire", "scandale patrimonial majeur" Merci cher Lebrun, votre mise au point sur les travaux Chaussemiche rendent parfaitement ridicule les propos de monsieur Rykner rapportés ci-dessus. Cet après-midi je ne pleurais pas, en fait maintenant je m’ébaudis !! »


1. Musée de l’œuvre avec les plombs du Labyrinthe
dans la salle des Ambassadeurs de la vieille aile, vers 1930
Voir l´image dans sa page
2. Salle des Ambassadeurs en 2004
On voit exactement le même sol et les
mêmes boiseries qu’en 1930
Photo : La Tribune de l’Art
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Ébaudissons-nous donc en chœur ! Tout d’abord en signalant que lorsque nous écrivons un article sur La Tribune de l’Art nous prenons le soin d’enquêter soigneusement, et d’interroger les personnes que nous mettons en cause. Nous avons donc contacté le château qui a tenu à nous faire répondre par Daniel Sancho. Celui-ci ne nous a jamais dit que les intérieurs de la vieille aile n’étaient qu’une reconstitution, ce qu’il n’aurait pas manqué de faire.
Nous ne sommes pas à l’abri d’une erreur, mais en l’occurrence ce n’est pas le cas. Prétendre que la vieille aile n’a pas été vandalisée sous prétexte qu’elle l’aurait déjà été dans les années 30 et que plus rien n’existait est totalement faux.


3. Musée de l’œuvre avec les plombs du Labyrinthe
dans la Salle du Grand Maître de la vieille aile, vers 1930
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4. Salle du Grand Maître en 2004
On voit exactement le même sol qu’en 1930
Les boiseries ont déjà en grande partie disparu
Photo : La Tribune de l’Art
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L’architecte Chaussemiche avait certes pour intention, afin de permettre d’exposer les globes de Coronelli et six tapisseries de l’Histoire du Roy, de démolir l’intégralité de l’intérieur de la vieille aile, mais aussi d’abattre le mur donnant sur la cour des Princes et de reconstruire une façade prolongeant celle du pavillon Dufour (on sait que les autres projets que ceux de Perrault prévoyaient la même chose, mais en doublant la façade sans la détruire).
Aucun de ces projets ne fut mené à bien. On lit vers 1930 sous la plume d’André Pératé et Gaston Brière [1] : « Convaincu que l’on pouvait sauver un monument si vénérable, j’avais préparé [c’est Gaston Brière qui parle] un plaidoyer en sa faveur démontrant, à l’aide des anciens plans, que sous les menuiseries et les papiers de tenture du temps de Louis-Philippe, les murs de Louis XIV au rez-de-chaussée et au premier étage et dans les entresols, les cloisons de Louis XVI subsistaient presque entièrement ». Et il ajoute, après les travaux menés par l’architecte Armand Guéritte sous la direction de Patrice Bonnet : « Au rez-de-chaussée, deux des grandes salles d’apparat ont repris leurs proportions primitives et les deux autres demeurent telles que les avait modifiées le XVIIIè siècle, l’entresol habité par le comte de Vaudreuil, avec son escalier et sa menue rampe, ayant pu être en grande partie conservé ». Dans cette revue, qui présente donc le « fameux musée de l’œuvre », sont même publiées des photos où l’on voit les plombs du Labyrinthe exposés dans ces salles historiques. La salle des Ambassadeurs conserve le même décor (ill. 1 et 2) que l’on voyait il y a peu (et qui n’avait donc jamais été détruit, pas davantage que les murs de refends, avant les travaux de Perrault) et dans celle du Grand Maître, les boiseries sont même plus complètes qu’elle n’était avant les récentes démolitions (ill. 3 et 4).

Nous maintenons donc, évidemment, ce que nous avons écrit : la vieille aile « regorgeait de traces de l’Histoire », comme d’ailleurs le pavillon Dufour (que le susnommé « Roussel » oublie comme par hasard de citer), tandis que l’entresol était « en grande partie conservé ». Les travaux qui viennent de se terminer ont entièrement détruit ce qui restait et il s’agit effectivement d’un « scandale patrimonial majeur ». On n’a vraiment pas envie de s’ébaudir.

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