Quand le maire d’Auxerre fait son marché au Musée des Beaux-Arts

Abbaye Saint-Germain
Musée d’Art et d’Histoire
Auxerre
Photo : Didier Rykner
Voir l´image dans sa page

24/06/10 - Auxerre, Musée d’Art et d’Histoire - Nous publions aujourd’hui, dans la rubrique Débats, un texte de Baptiste-Marrey dénonçant la gestion du musée par la municipalité d’Auxerre, situation dont nous avions déjà parlé dans un article paru en novembre 2009. La manière dont cet établissement est considéré par la mairie peut être également éclairée par une histoire édifiante qui remonte au 24 novembre de l’année dernière.

Si, comme on l’a vu, un très grand nombre de tableaux demeurent en réserves, ceux-ci ne sont pas perdus pour tout le monde. Contrairement à ce qui est la règle (et la loi) pour les musées nationaux (voir notre article), un musée municipal peut déposer des œuvres dans des bâtiments municipaux. C’est absolument regrettable, mais c’est ainsi. Le maire d’Auxerre a donc le droit de demander au musée de faire déposer dans son bureau des tableaux appartenant à cet établissement.
Les modalités de ces dépôts sont en revanche tout à fait anormales. Lorsque Guy Férez a fait part de sa volonté, le musée a répondu qu’il pouvait venir choisir les œuvres. Mais l’élu a alors exigé que le personnel en amène cinq à la mairie afin qu’il puisse décider lesquelles garder. Celles-ci ont donc été portées jusqu’à l’hôtel de ville où le maire a pu faire sa sélection. Il en a finalement retenu quatre [1], la cinquième retournant au musée dans les mêmes conditions, forcément mauvaises puisqu’aucun transporteur spécialisé n’avait été convoqué pour les déplacer sur une distance de quelques centaines de mètres.
Contactée, la mairie a confirmé cette histoire en précisant : « le transport des tableaux a été effectué par trois personnes du musée formées pour cela dans les conditions de transport normales et habituelles, sous plastique-bulle et sous la supervision de la conservatrice adjointe. » On admirera qu’un musée qui n’a même plus de conservateur du patrimoine [2] (ce qui est contraire à la loi) dispose d’au moins trois personnes formées au transport des œuvres d’art. Il reste que déplacer inutilement des tableaux, ce qui présente toujours un risque alors qu’il aurait au moins pu venir les choisir sur place, et confisquer quatre tableaux à un musée qu’on laisse par ailleurs sans moyens suffisants pour exposer ses collections et les présenter au public est peut-être légal mais moralement très discutable.

Voilà un effet direct d’une décentralisation mal menée qui aboutit à la création de véritables petits fiefs où certains élus locaux se croient tout permis. Les collections publiques peuvent ainsi être instrumentalisées à leur profit sans que les conservateurs aient les moyens de s’y opposer. Que fait - ou que peut faire - l’Inspection des Patrimoines (ancienne Inspection des musées) devant de telles pratiques ?

Vos commentaires

Afin de pouvoir débattre des article et lire les contributions des autres abonnés, vous devez vous abonner à La Tribune de l’Art. Les avantages et les conditions de cet abonnement, qui vous permettra par ailleurs de soutenir La Tribune de l’Art, sont décrits sur la page d’abonnement.

Si vous êtes déjà abonné, connectez-vous.