Proposition de lecture des chapiteaux de Cluny : 9. Abraham

1a. Chapiteau à trois faces :
Le Sacrifice d’Abraham
Cluny, Musée Ochier
Photos : BSG
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Au terme de sa reconstitution du cycle clunisien Kenneth Conant avait placé un chapiteau représentant le sacrifice d’Abraham. Ainsi disposé, il apportait comme un épilogue à l’ensemble des chapiteaux du chœur, de la même façon que le Péché originel en proposait l’exergue. Cette présentation avait pour elle une logique interne solide, l’image d’Abraham sacrifiant son fils ayant toujours été considérée, dans le Christianisme, comme une préfigure du sacrifice du Christ qui a assuré le salut de l’humanité pécheresse. Joan Evans [1] a souligné la cohérence d’une telle présentation qui, néanmoins, n’a pas été cautionnée par l’ensemble des chercheurs [2]. Les deux chapiteaux rattachés ainsi à la corolle de ceux qui portaient autrefois la conque de l’abside, présentent en effet avec eux de notables différences. Il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, de demi chapiteaux à trois faces, issus d’une pile composite ou d’un support engagé dans un mur. Tous deux portent un décor narratif, extrait d’un épisode de la Genèse, ce qui n’est jamais le cas des grands chapiteaux sur lesquels paraboles ou épisodes bibliques ont été, chaque fois, synthétisés dans une seule image (vierge sage, Naaman le Syrien, drachme perdue et retrouvée).(Voir les articles sur les autres chapiteaux).


1b. Chapiteau à trois faces :
Le Sacrifice d’Abraham
Cluny, Musée Ochier
Photos : BSG
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1c. Chapiteau à trois faces :
Le Sacrifice d’Abraham
Cluny, Musée Ochier
Photos : BSG
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UN TEXTE DE LA GENÈSE

L’épisode choisi pour cet ultime [3] chapiteau est extrait de la Genèse [4] : Dieu après avoir promis un fils à Abraham et fait naître ce fils de Sarah, l’épouse âgée et stérile du patriarche, lui demande de le sacrifier : « Prends ton fils, ton unique, que tu chéris, Isaac, […] tu l’offriras en holocauste [5] ». On connaît la suite : Abraham n’hésite pas. Il emmène son fils à l’endroit désigné par Dieu et, au moment où il va obéir, est arrêté dans son geste par un ange (ill. 1 a,b et c).

2. Chapiteau d’Abraham
L’ange envoyé par Dieu.
Cluny. Musée Ochier
Photo : BSG
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Les images que nous avons sous les yeux illustrent l’instant précis où le geste d’Abraham est interrompu par l’ange. À gauche, Abraham, dont le buste et la tête n’existent plus, tenait dans une main − disparue elle aussi − un grand couteau ou, plus probablement, une épée, tandis que, de l’autre, il empoigne encore la chevelure de l’enfant. Sur la face principale Isaac, dont les poignets sont liés par une corde, est assis sur ce qui ressemble à un autel cubique. Le sculpteur l’a représenté penché en arrière, renversé par la main de son père au-dessus d’une coupe, placée à la fois à sa droite et derrière lui sur l’autel. La lame qui va le tuer barre déjà sa poitrine d’une ligne horizontale bien visible. De la troisième face – à droite – surgit l’ange envoyé par Dieu. C’est la figure la mieux conservée. Ses ailes déployées occupent la plus grande partie du panneau latéral et il semble faire irruption sur la face principale, en équilibre parfait avec Abraham, qui s’avance en face de lui sur l’autre angle. De sa main droite à l’index tendu, l’ange montre, au dessus de la tête d’Isaac, l’agneau, ou le bélier, envoyé par Dieu en victime de substitution. Dans la gauche, il tient ce qui ressemble à un gros livre (ill. 2).

ABRAHAM ET ADAM

Veronika von Büren [6] a montré l’importance accordée à l’œuvre de saint Ambroise dans la bibliothèque de Cluny, à l’époque de la construction de la grande église de saint Hugues, et l’étude des chapiteaux du chœur a mis en évidence son influence sur l’iconographie clunisienne. Ambroise est l’auteur de deux traités concernant, l’un, Abraham [7], l’autre, Isaac [8] et, parmi les autres textes ambrosiens répertoriés dans le catalogue du monastère, il est apparu que le De Paradiso [9] semble avoir joué un rôle essentiel dans les choix iconographiques du décor de l’église. Or, dès les premières pages de l’ouvrage [10], l’évêque de Milan établit une relation directe entre l’arbre de la connaissance du Bien et du mal, qui fut l’objet du péché, et le sacrifice demandé par Dieu à Abraham : comme le fruit de l’arbre semblait beau et bon, quoique sa manducation fût mortelle, le sacrifice demandé par Dieu au patriarche, effroyable en apparence, aurait pu, a contrario, être refusé par un effet de la pitié légitime ressentie envers un fils chéri. Pour Ambroise, le mécanisme, quoique inversé, est identique dans les deux épisodes, et cette exégèse établit un lien particulièrement fort entre les deux chapiteaux rectangulaires, lien que ne pouvaient ignorer les moines si familiers, et comme imprégnés, des ouvrages du Père latin. Cette relation étroite apportée par les textes pourrait à elle seule expliquer, dans ce monastère cultivant avec ferveur la pensée ambrosienne, l’unité optique de cette paire de sculptures différentes des autres, mais fortement caractérisées par leur forme identique et leurs dimensions comparables, sans oublier la « mise en page » qui est la leur, de thèmes identiquement puisés dans la Genèse [11].


3. Chapiteau d’Abraham
Abraham dressé pour immoler son fils
Cluny, Musée Ochier
Photo : BSG
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4. Chapiteau du Péché originel
Adam et Ève courbés et cachés
Cluny, Musée Ochier
Photo : BSG
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La lecture d’Ambroise rappelle que le Péché originel est l’histoire d’une désobéissance tandis que le sacrifice d’Abraham, en sens inverse, est celle de l’obéissance parfaite, vertu monastique par excellence [12]. À ce titre, on ne peut s’étonner du choix de l’épisode. Dans le De Abraham, le Père latin examine avec soin chaque moment de l’histoire du patriarche et commence par s’interroger – avant même la naissance d’Isaac − sur l’ordre divin qui inaugure sa relation avec Dieu. Sa méditation porte sur la précision de l’exigence divine : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai [13] ». Il s’étonne d’un tel développement de la phrase, alors que l’ordre de quitter son pays contient en lui tous les autres arrachements, énumérés pourtant comme à plaisir dans le texte sacré [14]. Et il conclut que, si l’Écriture insiste de la sorte, c’est pour bien faire comprendre que chacun de ces arrachements est nécessaire pour parvenir au détachement. Faut-il souligner que ce sont précisément les mêmes renoncements qui sont exigés du moine qui prononce ses vœux ? Ambroise précise que l’ordre reçu par Abraham lui indique le moyen de séparer en lui ce qui est corruptible de ce qui ne l’est pas [15]. Or c’est précisément le sujet central des chapiteaux du chœur qui, rappelons-le, illustrent ce mécanisme par la diminution, puis par la transformation du décor végétal. C’est probablement aussi, nous l’avons dit, le sens envisageable de la figure de l’Été, si vraiment la jeune fille, comme nous avons tenté de le montrer, taillait autrefois dans sa mandorle les épines périssables de la connaissance sensible [16]. Pour le Père latin, il s’agit de faire sortir de « ses cachettes [17] » cette partie faible que chacun garde en soi, et cette interprétation lui permet justement d’opposer Abraham à Adam [18]. Ainsi la figure clunisienne du patriarche, dressée – ou re-dressée − d’une façon monumentale sur la première face du chapiteau (ill. 3), répond-elle directement, malgré sa mutilation qui en atténue certainement l’effet, à celle d’Adam pécheur, tapi, courbé, replié et « caché » derrière les feuilles stériles du figuier (ill. 4). Par ce contraste, elle offre, une fidèle illustration de la méditation ambrosienne.

5. Chapiteau aux mandorles hexagonales
La jeune fille se redresse et se dégage de son linceul
Cluny. Farinier des moines.
Photo : BSG
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Mais l’épisode choisi est celui d’un autre sacrifice, plus exemplaire et plus radical encore, puisque Dieu demande au patriarche de tuer de ses mains son propre fils, né pourtant – comme Jésus Lui-même − de la promesse divine. Ambroise s’attarde à nouveau sur les termes employés, et souligne pour la deuxième fois l’insistance avec laquelle la Bible met en lumière l’affection du père pour ce fils, dont Dieu semble exiger la vie : « Prends ton fils bien aimé, que tu chéris, Isaac [19] ». Le redoublement de « amantissimum » et du verbe « dilexisti » [20] est analysé dans le même sens que l’ordre de quitter sa terre. Pour l’évêque de Milan, la précision insistante − et cruelle en apparence − de l’ordre divin montre que c’est bien d’arrachement et d’obéissance qu’il est question, et aucun moine ne pouvait ne pas se sentir concerné par cette exégèse. On peut envisager que la mise en route d’Abraham, sur laquelle insiste si fortement Ambroise, parce qu’elle correspond à un premier arrachement, trouvait peut-être un écho dans la figure du « voyageur » du deuxième chapiteau − qui illustre « le mouvement vital » [21] − en route lui aussi sous l’impulsion du vent de l’Esprit. Elle en trouvait un autre dans l’image de la jeune fille qui se redresse et qui émerge de son linceul au milieu d’une mandorle hexagonale (ill. 5), et aussi dans celle des feuilles d’acanthes, redressées vers le Christ de l’abside sur le tout premier chapiteau. Nous avons montré que, par leur composition, chacun des chapiteaux du chœur exprime cette dynamique qui est celle du retour à Dieu.

L’ARBRE D’ABRAHAM
6. Chapiteau d’Abraham :
tropisme du feuillage en direction du panneau central.
Cluny. Musée Ochier.
Photo : BSG
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Abraham occupe le panneau gauche du chapiteau. Ou, plus exactement, il surgit de ce panneau, et le sculpteur l’a disposé de telle sorte qu’il est en train de pénétrer dans le panneau central. Comme Adam et Ève pécheurs, il a été placé à l’angle du chapiteau, avec cette différence qu’il appartient, comme l’ange qui lui fait face et de la même façon, presque autant au panneau central qu’au panneau latéral. Adam et Ève, eux, n’ont pas été autorisés à franchir l’angle de séparation qui les isole désormais du Verbe créateur debout sur la face principale. Mais sur un chapiteau comme sur l’autre, la disposition des figures laisse le panneau latéral presque libre, parti pris surprenant, procédé volontairement choisi pour une signification précise. Ici, en effet, une grande partie du panneau de gauche est occupée par un arbre dont le feuillage, majestueusement déployé derrière le patriarche, occupe l’essentiel de la surface rendue ainsi disponible. Il surgit derrière Abraham de la même façon et à la même place que l’insolite pommier de l’univers sensible derrière Adam et Ève. Mais, contrairement à lui, il ne porte aucun fruit (ill. 6). Ce détail volontaire, choisi et raisonné, comme toute l’iconographie clunisienne, demande une explication. Le petit pommier couvert de fruits est une promesse, mais le point de départ de l’humanité expulsée du Paradis est seulement l’herbe encore stérile du premier chapiteau [22], comme est stérile également, le figuier derrière lequel se sont cachés Adam et Ève. Adam pécheur, réduit à la nature sensible, coupé de l’intelligence des choses divines que lui versait le soleil surnaturel qui figure au-dessus de sa tête avant le péché, a été condamné par Dieu à « manger l’herbe des champs [23] ». Et c’est d’abord par le bon usage de cette herbe périssable, qui est, à la fois, sa propre image et celle de la nature sensible, qu’il peut progresser vers Dieu. C’est elle que les moines ont choisi de placer en début du cycle de leurs chapiteaux et les feuilles stériles de l’arbre derrière le patriarche, pourraient indiquer, comme sur le premier chapiteau « corinthien », un point de départ. C’est encore cette herbe qui est admise, quand même et pleinement – toujours stérile d’ailleurs, on peut le remarquer − au sommet de la vie spirituelle, à pénétrer dans le cercle divin du huitième chapiteau. C’est elle que sanctifie le sixième ton qui chante l’harmonie de la création dans toutes ses composantes. Et c’est d’elle enfin qu’Abraham, par sa parfaite rectitude, a su déduire l’existence de Dieu au tout début de l’histoire du salut, « avant même la Révélation faite à Moïse [24] », comme le souligne systématiquement Jean Scot « car les propriétés invisibles de Dieu se laissent voir à l’intelligence par les œuvres qu’Il a créées [25] ». Il semble donc logique de la trouver en première place dans l’ordre de lecture du chapiteau. On peut observer que le tracé très régulier du feuillage en forme de palmes s’accompagne d’un tropisme indiqué fortement en direction d’Abraham et du panneau central. La tension du feuillage de l’arbre en direction du centre du chapiteau utilise ici le même procédé que les acanthes redressées du premier chapiteau en direction du Christ de l’abside, et répond ainsi, très probablement, à la branche « irrationnelle » surgie, au contraire, sur l’arbre du péché, « car il n’existe rien, parmi les natures sensibles et corporelles qui ne symbolise une nature incorporelle et intelligible [26] ». Comme la branche « irrationnelle » s’écarte du tronc qui la porte, les branches de l’arbre d’Abraham tendent inversement, de toute la vigueur de leur sève, vers le sacrifice qui doit s’accomplir. Car, « si une créature […] s’est écartée de son principe […] elle s’applique toujours à retourner vers son principe [27] ».

L’ANGE
7 . Chapiteau d’Abraham.
Face latérale de droite : l’ange sauveur
Cluny, Musée Ochier,
Photo : BSG
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Le côté opposé à celui sur lequel figure Abraham est occupé par un grand ange à la tête nimbée et aux ailes asymétriques, déployées dans une large envolée dynamique (ill. 7). Son corps, jeté en diagonale au travers du panneau, surgit sur la face principale à laquelle, comme Abraham lui-même sur l’autre angle, il appartient pour moitié, par son buste, sa tête, son bras et son pied droits. La disposition des deux personnages évoque celle des figures placées dans les angles sur les chapiteaux végétaux du chœur [28]. Pour l’équilibre de l’image, l’ange envoyé par Dieu répond de façon adéquate à la monumentalité du patriarche. Mais le programme iconographique de Cluny laisse peu de place aux considérations purement formelles [29], et l’ange a ici une autre fonction. Il apparaît en effet qu’à sa fonction salvatrice s’ajoute, étrangement, celle de porter un gros livre [30] (ill. 8). Ce livre, comme le second pommier du Péché originel, n’appartient pas au texte sacré. Comme lui, c’est un ajout volontaire, pour une signification précise. Comme le livre que porte le Printemps, il ne peut guère s’agir que de l’Écriture sainte, qu’Abraham, pourtant, n’a pu connaître, puisqu’il est venu avant Moïse. Rappelons que pour Jean Scot, pour Ambroise et pour les exégètes, Abraham, parce qu’il est venu avant la Révélation faite à Moïse consignée dans l’Écriture, représente l’exemple même de la bonne et droite utilisation de la Nature − l’arbre stérile qu’il a « dépassé » − qui, en dépit du péché originel, permet encore à l’homme de retourner à Dieu. C’est ce qu’explique l’Érigène lorsqu’il écrit que « quelques hommes, affranchis de toutes les pensées terrestres et purifiés par la pratique des vertus et de la connaissance, ont réussi à connaître Dieu en le découvrant dans les créatures sensibles, comme ce fut le cas pour le patriarche Abraham, qui parvint à connaître Dieu grâce à la révolution circulaire des astres, en prenant pour guide la loi naturelle. [31] »

8. Chapiteau d’Abraham
Face latérale de droite : le gros livre de l’ange sauveur
Cluny, Musée Ochier,
Photo : BSG
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Dans ces conditions, le Livre porté par l’ange pourrait représenter l’autre voie du salut, celle offerte plus tard aux hommes pécheurs par la miséricorde divine, l’Écriture sainte, la Révélation faite à Moïse que, par sa sainteté, Abraham a su anticiper. Cette entorse à la chronologie biblique, cet anachronisme volontaire et médité, renvoie à l’exégèse d’Ambroise, comme au texte de Jean Scot et à son insistance répétée sur cette particularité du patriarche, dont la sainteté est, à la fois, exceptionnelle et offerte à tout homme dans la droiture de sa prière. Elle relève aussi de la même symbolique que celle des deux vêtements du Christ du troisième ton [32]. Car Nature et Écriture sont ce qui voile la divinité, ce qui « l’habille » et, en même temps, ce qui la révèle. Proposées aux hommes comme les deux voies du salut, leur nécessaire concours, sur lequel insiste fortement saint Ambroise, est représenté par la position respective des personnages tendus l’un vers l’autre.
La comparaison entre les deux panneaux latéraux apporte de nouvelles précisions. À gauche, l’arbre stérile « dépassé » par Abraham, surgit de terre et toute sa ramure « s’élève » en se projetant en direction du panneau central, selon un procédé utilisé aussi pour les acanthes étirées et tendues vers la Christ du premier des grands chapiteaux. À droite, les ailes de l’ange occupent, de la même façon, l’espace laissé libre par l’intrusion du messager céleste sur le panneau central. Attachées très haut sur les omoplates, elles se déploient depuis la limite supérieure du chapiteau et ce motif aérien remplit, comme l’arbre d’Abraham, mais d’une façon encore plus insolite que lui, une bonne moitié de l’espace du panneau. La confrontation des deux motifs est éloquente : au motif végétal sorti de terre et tendu vers le haut et vers le panneau central, s’oppose sur la face opposée, un motif aérien inverse, qui emplit toute la largeur de l’image dans sa partie haute et s’amenuise jusqu’à disparaître au tiers de la hauteur du panneau, sans toucher le sol sur lequel pourtant, l’ange a posé des pieds d’une remarquable robustesse. La juxtaposition des deux images apporte ainsi une nouvelle variation sur la complémentarité du désir de l’homme tendu vers Dieu [33] et de la grâce divine descendue ou descendante, complémentarité illustrée magnifiquement au Paradis par le double motif des arbres (enfin porteurs de fruits) et de l’eau qui ruisselle à leurs pieds et baigne leurs racines.

L’AGNEAU
9. Chapiteau d’Abraham
Le bélier envoyé par Dieu
Cluny. Musée Ochier.
Photo : BSG
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Sur la face principale, au-dessus de la tête d’Isaac, l’agneau ou le bélier, dont on aperçoit encore les deux pattes postérieures et l’arrière train, surgit du ciel dans une sorte de nuée épiphanique [34], figurée par une répétition de quatre lignes horizontales, parallèles et en relief, qui terminent la composition à sa limite supérieure (ill. 9). Au lieu d’apparaître à côté de l’ange qui vient interrompre le geste du patriarche [35], il descend véritablement du ciel. Cette place, que l’on pourrait qualifier de « zénithale », au-dessus de la tête d’Isaac, rappelle celle de l’agneau de Berzé-la-Ville, peint au sommet de l’arc de communication entre le choeur et la nef de la petite chapelle, au dessus du Christ assis en majesté dans l’axe de l’abside. Dans un cas comme dans l’autre, c’est la fonction médiatrice entre ciel et terre [36], qui est ainsi exprimée. Il semble que cette position axiale, céleste, de l’agneau du sacrifice [37] sorte à nouveau tout droit de la méditation ambrosienne. Car si la Bible précise qu’Abraham « leva les yeux », lorsqu’il vit l’animal, Ambroise commente à son propos le mot « suspensus » et en fait la preuve qu’il ne s’agit pas d’une créature terrestre [38]. L’agneau, image du Christ sacrifié pour les pécheurs est, ici comme dans la Bible, annonce prophétique de sa venue, et donne tout son sens à l’épisode. Pour saint Ambroise « Isaac […] Christi passuri est typus [39] ». Au Verbe créateur du « Péché originel », qui occupe le centre du panneau central sur le chapiteau qui en illustre le mécanisme, répond Isaac, image du Christ sauveur de la Passion [40]. C’est cette double image que juxtapose implicitement le troisième ton, musicien jouant d’un instrument à six cordes issues d’un unique point – cordes dont la troisième et la sixième vibrent désormais ensemble − présenté sur son titulus comme une figure de la Résurrection. De façon identique, le grand Christ de l’abside récapitulait autrefois en Lui le Créateur et le Sauveur, l’Α et l’Ω, la Genèse et l’Apocalypse, le Principe et la Fin.


10. Chapiteau dAbraham
Double geste d’Abraham et de l’ange
Cluny. Musée Ochier
Photo : BSG
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11. Raphaël (1483-1520)
L’École d’Athènes (détail), 1508-1512
Chambre de la Signature
Rome. Musée de Vatican
Photo : Musée du Vatican
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La nuée sur laquelle se détache l’image clunisienne n’est autre que celle sur laquelle « le Fils de l’Homme viendra [41] » à la fin des temps, prélude de l’Apocalypse [42], lorsque seront célébrés le triomphe de l’Agneau immolé et l’avènement de la Jérusalem céleste dont les chapiteaux du chœur construisent les remparts ou les demeures.
Ainsi, si le chapiteau montre bien que Nature et Écriture sont les moyens laissés par Dieu à l’humanité pécheresse, il affirme, aussi et en même temps, que la Bonté divine se manifeste par la Grâce, accordée gratuitement à l’homme tendu vers la Divinité. Une dernière fois dans le cycle clunisien, nature et grâce, effort de l’homme et don de Dieu, concourent au salut de l’humanité et de chaque homme en particulier. Au sacrifice consenti sur la gauche, répond à droite la manifestation de l’amour divin qui envoie l’ange, dans un équilibre qui est symétrie enveloppante. La main d’Abraham s’abaisse sur son fils, dont il empoigne la chevelure, tandis que celle de l’ange s’élève vers l’agneau de Dieu (ill. 10). Le procédé est celui-là même qu’utilise Raphaël au début du XVIe siècle, lorsqu’il peint L’École d’Athènes [43] pour Jules II (ill. 11). L’opposition, si souvent commentée et célébrée, de la main d’Aristote, ouverte vers le sol, et du doigt de Platon, tendu vers le ciel des idées, a son archétype ignoré dans les chapiteaux de Cluny. Ajoutons que parmi les échos multiples qui surgissent de chaque image, le doigt levé de l’ange, qui désigne l’agneau rédempteur, répond aussi au doigt accusateur du Verbe de Dieu dans le jardin d’Eden. À la faute répond le pardon. Cette correspondance interne entre les deux figures du Verbe créateur et de l’ange est peut-être soulignée par le nimbe dont les a dotées le sculpteur et qu’on ne retrouve sur aucune autre, y compris sur celle du Christ musicien du troisième ton. En effet, autant le nimbe crucifère a un sens précis au centre du chapiteau du Péché originel, autant celui de l’ange semble superflu au sommet des grandes ailes de l’envoyé céleste, et on peut s’en étonner.

Malheureusement, l’état du chapiteau et la presque disparition de l’agneau clunisien, nous privent, une nouvelle fois, de la plénitude de la compréhension. Au-dessus de la main d’Abraham empoignant les cheveux de son fils, un relief a disparu, porteur d’un détail dont il est difficile d’envisager la nature, et qui ajoutait sans doute, en face du doigt pointé de l’ange, une précision dont il faut désormais se passer. De la même façon, la disparition de l’avant corps du bélier céleste empêche tout rapprochement avec les digressions d’Ambroise sur les « cornes » de l’animal [44], qui pourraient avoir fourni un détail susceptible de creuser l’image en profondeur, selon le mille-feuilles de significations et d’échos de la pensée érigénienne, dont ce décor est imprégné.

ISAAC
12. Chapiteau d’Abraham
Isaac, l’épée et le calice.
Cluny. Musée Ochier.
Photo : BSG
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La figure d’Isaac n’est pas tout à fait, comme c’est souvent le cas dans l’art roman, celle d’un adulte à peine en réduction. La tête ronde et le regard de face des yeux largement ouverts confèrent à son image une jeunesse – pour ne pas dire une part d’enfance ou d’innocence – pleine de saveur. À la fois sujet et objet de l’épisode, il occupe le panneau central (ill. 12). Le sculpteur, fidèle au texte sacré et au commentaire d’Ambroise [45], l’a représenté mains liées, assis sur un cube que l’on peut interpréter comme un autel [46]. Le détail de ses pieds, qui ne touchent pas terre, souligne sa nature encore adolescente. Il le désigne aussi comme la victime « posée » sur l’autel du sacrifice, et offerte au glaive paternel. La coupe placée à côté de lui, en forme de calice, supprime toute incertitude quant à la nature du bloc cubique sur lequel il se trouve. L’inclinaison de sa silhouette, entrainée vers l’arrière par la main de son père, ramène sa tête juste au dessus. La relation verticale qui s’établit entre les deux est suggestive du sang que va répandre le glaive dont la lame menace son buste. L’image, nous l’avons dit, est clairement et fortement eucharistique, et sort à nouveau du texte de saint Ambroise, qui se livre à une comparaison terme à terme entre Isaac et le Christ [47] : « Car Isaac est l’image du Christ souffrant [48] ».

C’est alors que se libèrent les échos qui relient ce chapiteau à ceux du chœur. Les personnages des premiers chapiteaux, placés aux angles, opèrent en eux et personnifient la médiation entre les deux faces opposées auxquelles ils appartiennent. Ils réalisent l’unité retrouvée des antagonismes divers que le péché a introduit dans le monde et dans l’humanité [49] et qui en ont fait disparaître l’harmonie. La femme aux cymbales [50] du deuxième ton fait surgir cette unité du choc des deux disques séparés de son instrument, tandis que la vierge sage [51], par un mimétisme surnaturel, reproduit en elle l’image royale redécouverte sur le miroir ou sur la drachme par la jeune fille voisine. Mais Abraham propose le modèle indépassable, celui que seul le Messie peut transcender. Car son sacrifice est un sacrifice double : il est à la fois le sien et celui de son fils, dont la douleur, personnelle, différente et individuellement ressentie, se conjugue en un seul acte avec celle ressentie par son père. Comme les sons différents s’unissent pour une seule mélodie, la souffrance du père et celle du fils participent d’une même offrande et, à ce titre, Abraham, dans un seul acte de médiation pure, préfigure encore l’harmonie finale de l’unification des créatures en Dieu, « quand les existants commenceront à se hâter vers cette fin, à savoir que tous ne fassent qu’un, comme le Père est un avec le Fils, on doit comprendre en conséquence que là où tous ne font qu’un, ne régnera pas la moindre diversité [52]. » Cette unification définitive est réalisée dans le sacrifice du Christ, Messie né, comme Isaac, de la Promesse, comme lui de la descendance d’Abraham, et dans les veines de qui doit couler le sang de ce fils que le patriarche s’apprête à répandre [53]. Ainsi, Abraham, Isaac et l’ange sont déjà hors du temps, dans le cercle final, et cette exégèse pourrait, à elle seule, justifier la place du chapiteau en conclusion du cycle général. Elle le relie en tous cas très étroitement au cycle du chœur.

LES FILS D’ABRAHAM
13. Les étoiles du ciel. Christ de l’abside
de la chapelle des moines.
Berzé-le Ville.
Photo : Académie de Mâcon
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Et si l’on suit la méditation ambrosienne, Abraham représente enfin, comme les fleurs du Printemps mélangées en un unique parfum [54], l’Église dans sa fécondité [55]. Sur ce point encore, les moines de Cluny, engagés dans une réforme de la Chrétienté et entraînés dans une dynamique de multiplication des monastères, ne pouvaient rester insensibles à l’exemple offert par le patriarche. « Car si nous sommes les fils d’Abraham, nous ferions les œuvres d’Abraham pour que nos œuvres brillent dans le cœur de Dieu et illuminent le cœur des hommes [56] », écrit Ambroise. Le texte apporte alors une précision qui intéresse directement le monastère et le monachisme tout entier, car il en vient à appeler les pères de famille à suivre l’exemple du patriarche, non en immolant leurs fils, mais en les offrant, comme lui : car « nombreux sont les pères qui offrent leurs fils et ne craignent pas d’être séparés d’eux dans ce siècle. Chaque jour, des pères offrent leurs fils pour qu’ils meurent dans le Christ et qu’ils soient ensevelis dans le Seigneur [57] ». La vocation religieuse est précisément cette mort dans le Christ aux choses du monde. C’est donc un prosélytisme implicite que les lecteurs de saint Ambroise, pères ou fils, moines, abbés ou laïcs, retrouvaient dans ce chapiteau, comme c’est la descendance d’Abraham, plus nombreuse que les étoiles du ciel, que Cluny pouvait envisager au terme de son propre voyage.

Dans la chapelle des moines de Berzé-la-Ville, le grand Christ de l’abside apparaît dans une mandorle un peu particulière (ill. 13). Chaque compartiment du fond céleste sur lequel surgit la figure en majesté est marqué d’arrachements répartis selon les huit premiers chiffres – huit sous la main droite, six au-dessus, cinq de l’autre côté, etc. On peut, certes, attribuer cette disposition au hasard ou à un parti pris décoratif, mais on peut aussi légitimement y lire comme un écho de l’octuple ascension qui orne le chœur de la grande église. Si, les marques piquées sur cette image céleste correspondaient à un décor d’étoiles – hypothèse d’une audace peut-être irrecevable − on pourrait y lire l’accomplissement surnaturel de la promesse divine faite à Abraham, dont les moines de Cluny pouvaient légitimement se considérer comme les héritiers. Il est sans doute un peu hâtif de conclure à l’unité des deux décors de la chapelle et du chœur de la grande église, mais il est difficile d’en ignorer les correspondances.

LA PLACE DES CHAPITEAUX RECTANGULAIRES

L’examen comparé des deux chapiteaux rectangulaires du Péché originel et d’Abraham montre donc que leurs deux compositions se répondent, image par image. Selon le déroulement logique des scènes, Abraham occupe la même place qu’Adam et Ève avant le péché. Mais cette place est inversée, selon un effet de miroir, qui lui fait occuper, au contraire, le petit panneau de gauche sur lequel sont rejetés les deux pécheurs après leur faute. Isaac, présenté avec insistance comme une figure à la fois christique (l’agneau) et eucharistique (sur un autel, à côté d’un calice qui va recueillir son sang) se trouve sur la face principale, comme l’est le Verbe créateur porteur du nimbe crucifère annonciateur dans le Jardin d’Eden. Enfin, le troisième côté oppose à la honte des pécheurs cachés derrière le figuier après la faute, l’irruption angélique qui vient interrompre le mécanisme de la mort enclenché par le péché. D’un chapiteau à l’autre, les images se répondent avec une cohérence rigoureuse (ill. 14 et 15).


14. Chapiteau du Péché originel
Une divergence fortement soulignée : la fracture de la Création.
Cluny, Musée Ochier
Photo : BSG
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15. Convergence harmonique du chapiteau d’Abraham.
Cluny, Musée Ochier
Photo BSG
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La lecture de l’histoire d’Abraham se développe de gauche à droite, à l’inverse des épisodes du péché, mais en conformité avec la numérotation des musiciens sur les chapiteaux de la musique, et avec ce qui semble avoir été la progression des grands chapiteaux autour du chœur. Que ces deux chapiteaux « ajoutés » aient été, ou non, reliés topographiquement dans l’église comme ils le sont par leur signification, cette inversion du sens de lecture illustre implicitement, par ce moyen très simple, la théorie de la « chute » et celle du « retour », qui sous-tend le programme des chapiteaux de l’abside. Elle apporte un élément non négligeable à la double hypothèse d’une relation topographique de ces deux chapiteaux avec ceux du chœur de l’église, et d’une corrélation entre eux. Mais ce n’est pas tout car, à cette opposition du sens de lecture s’en ajoute une autre qui tient à l’organisation des éléments qui les composent. En effet, sur le chapiteau du Péché, le Verbe créateur se dresse au centre d’une divergence fortement illustrée par deux volutes qui semblent jaillir de Lui au niveau de son buste (ill. 14). Cette divergence, a priori purement décorative, n’est pas gratuite. Au contraire, elle est expressive de la fracture créée par le péché et de la rupture de l’unité originelle. Les deux volutes, qui s’écartent du Verbe de Dieu, comme les branches d’un tronc dont elles seraient issues, abritent, l’une le serpent, et l’autre les coupables tapis dans le figuier. La mise en page est précise car, sur les faces latérales, ces volutes laissent à l’extérieur Adam, encore innocent, sur le premier côté (ill. 16), et le petit pommier couvert de fruits de la miséricorde divine, sur le côté opposé (ill. 17). Le tracé des volutes a été déterminé avec soin : celle de droite englobe Ève, mère du péché, avec le pommier dont la branche «  irrationnelle » porte le serpent, illustrant par cette césure les jugements implacables de saint Ambroise [58] et de Jean Scot, pour qui la première femme ne doit son existence qu’au péché qu’elle allait commettre. Sur la face opposée, le second pommier de la bonne création originelle affiche son innocence en restant à l’extérieur de la volute peccamineuse, comme l’Adam originel lui-même, désormais dépositaire de « l’homme à l’image  » incorruptible, et temporairement perdu ou masqué par le péché.


16. Chapiteau du Péché originel
La volute sépare Adam et Ève, en épargnant Adam
Cluny. Musée Ochier
Photo : BSG
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17. Chapiteau du Péché originel.
La volute n’englobe pas le pommier.
Cluny. Musée Ochier
Photo : BSG
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Le chapiteau d’Abraham est, en sens inverse, organisé sur la convergence des deux personnages latéraux que sont Abraham et l’ange, tendus l’un vers l’autre, et tous deux vers l’autel sur lequel le sacrifice est imminent Le sculpteur les a représentés en train de surgir des panneaux latéraux et de pénétrer dans l’espace du panneau principal, sur lequel ils ont déjà posé un pied. Leurs deux mains se rejoignent presque, au-dessus de la tête d’Isaac (ill. 18).

18. Chapiteau d’Abraham
Convergence autour d’Isaac.
Cluny. Musée Ochier
Photo : BSG
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Il apparaît donc que ces deux chapiteaux à trois faces sont liés étroitement l’un à l’autre par leurs thèmes et par leurs structures. Le rapport étroit qui existe de surcroit entre leur signification et la progression mystique qui unit, entre eux, ceux de « l’octuple ascension » du chœur, les rattache par chaque détail au programme iconographique qui a été mis en évidence, ce qui ne préjuge pas, pour autant, de leur place à l’intérieur de l’église.
Néanmoins, peut-on rappeler que la corolle des huit chapiteaux était fermée, à ses deux extrémités, par deux piles composites, qui articulaient l’abside proprement dite, avec la travée du petit transept ? Il n’y aurait rien de particulièrement audacieux à envisager que ces deux piles pourraient avoir été ornées de deux chapiteaux en rapport avec le thème général développé sur les supports de l’abside.
L’enseignement de Jean Scot apporte ici une précision que l’on pourrait presque lire comme une indication topographique, si elle n’introduisait pas aussi une forme de mobilité oscillante, dans une image générale que nous désirerions fixe [59]. Abraham, explique l’Érigène, partit selon l’ordre divin, « et vint habiter entre Cadès et Assur, c’est-à-dire, Abraham demeura dans un état intermédiaire entre la sainteté et la béatitude, entre lesquelles se situe la félicité dont jouissent tous les saints, dans le repos éternel [60] ». Sainteté, béatitude et félicité dont jouissent tous les saints nous semblent aujourd’hui presque équivalents, ce qui, de toute évidence, n’était pas le cas pour Jean Scot. La félicité qu’il attribue à Abraham est celle qu’il découvre lorsqu’il quitte son pays. C’est aussi celle à laquelle peuvent aspirer les moines lorsqu’ils quittent le monde pour le monastère. Pour eux, comme pour l’Érigène, c’est le premier niveau de l’ascension – la mise en route du voyageur sur le second chapiteau − qui culmine ensuite pour Abraham avec le consentement au sacrifice de son fils. Ce sacrifice, par le mimétisme qu’il réalise surnaturellement entre Abraham et Dieu Lui-même, selon le même mécanisme que celui qui transforme la vierge sage en image royale, le projette directement dans le cercle final, dont la béatitude est l’accomplissement parfait, béatitude qui est précisément le sens du dernier ton, exposé sans ambigüité sur le titulus qui l’accompagne [61]. Et l’Érigène rappelle que le nom d’Assur, (première étape de la sainteté d’Abraham après son départ) signifie « entre deux fleuves  » et, plus précisément, « entre les fleuves du Tigre et de l’Euphrate  », fleuves du Paradis représentés, à Cluny, sur l’avant dernier chapiteau. Il apprend à son lecteur que ce pays, placé entre les fleuves du Paradis, n’est pas autre chose que « la terre promise », ou « la terre des vivants  », ce que les moines n’ignoraient pas, puisque c’est un thème fondamental de l’iconographie du chœur. Il est difficile de ne pas envisager, au regard de ces textes très sollicités par les constructeurs de la grande église, que le chapiteau d’Abraham pouvait se trouver proche du Paradis et en relation avec lui. Car, explique encore Jean Scot, « c’est cette même terre [la terre de la Promesse, c’est-à dire le Paradis] qui s’avère montrée symboliquement sous la figure du patriarche Abraham [parce qu’elle est la figure symbolique de l’homme originel « à l’Image » de Dieu], et qui sera donnée en possession éternelle. [62] » Pourtant, il ne s’agit là que d’une première étape, que l’obéissance d’Abraham lui fait franchir et dépasser avec le consentement au sacrifice de son fils, qui le projette véritablement dans le cercle final de la déification des parfaits au huitième chapiteau. Si l’on accepte cette analyse, la figure d’Abraham, placée à la jonction du petit transept, au terme de la gradation savante qui hisse, en huit étapes, l’humanité d’un chapiteau à l’autre, offrirait alors un raccourci direct et comme rétrospectif [63], en direction d’Adam pécheur, condamné, sur la pile opposée, à « manger la terre de son cœur » au point de départ du voyage.


19. Chapiteau du Péché originel et chapiteau d’Abraham.
Cluny. Musée Ochier
Photo : BSG
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20. Chapiteau d’Abraham. Chapiteau du Péché originel.
Cluny. Musée Ochier
Photo BSG
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Une particularité mérite peut-être d’être consignée : il est en effet surprenant de découvrir, en manipulant les photos, qu’on ne peut pas placer indifféremment ces deux chapiteaux l’un par rapport à l’autre. La réaction naturelle de présentation consisterait à faire coïncider l’ordre chronologique des épisodes représentés, avec le sens de la lecture, c’est-à-dire à placer le Péché originel à gauche et Abraham à droite (ill. 19). C’est ce qu’exigeraient les liens internes que nous venons de mettre en évidence. Or, si on adopte cette disposition en restant face à l’hémicycle des colonnes [64], elle révèle une incompatibilité des figures, qui se tournent le dos et se repoussent entre elles, même s’il est vrai que, placées de part et d’autre de l’abside, séparées les unes des autres par toute sa largeur, ce pouvait n’être pas véritablement perceptible. Cependant, la mobilité des clichés montre qu’au contraire, l’ordre inverse renoue l’harmonie en libérant les échos qui les relient, qu’ils aient été volontaires et consciemment ménagés, comme nous avons tenté de le montrer, ou bien qu’on les considère comme fortuits, selon qu’on envisage ou qu’on refuse l’existence d’un lien entre eux : le personnage du Verbe Créateur au centre du Paradis et celui d’Isaac ligoté sur son autel sont alors tournés l’un vers l’autre, comme le sont aussi les figures de l’ange et d’Abraham de part et d’autre de l’autel du sacrifice, elles-mêmes corrélées avec celles de l’autre chapiteau (ill. 20). Il en résulte que, dans l’hypothèse où ces chapiteaux auraient bien été intégrés dans le cycle du chœur, on ne peut guère les envisager ailleurs que sur les piles composites qui limitaient l’abside, ouvrant et fermant par conséquent les étapes du retour échelonnées sur le demi cercle. Si leur place est bien celle envisagée par Kenneth Conant, ils n’étaient sans doute pas visibles de la nef et leur lecture exigeait de se placer à l’intérieur même de l’abside [65] : la chute de l’homme, installée côté Nord [66], développait son mouvement à contre courant vers la gauche, en laissant en point de départ de tout le mouvement du « retour », Adam et Ève exclus du Paradis, mais doublement tournés, en sens inverse vers le Verbe de la face principale et vers le grand Christ de l’abside. La corolle du chœur déroulait alors le chemin du salut en tournant vers la droite et s’achevait par la figure d’Abraham qui prolongeait et fermait le mouvement en retour, côté Sud. Ainsi le sens de lecture indiquait très clairement la rupture introduite par le péché envisagé comme un « mouvement irrationnel » dans l’harmonie de la Création divine, la « conversion » des pécheurs tournés vers le paradis perdu et leur retour progressif dans ce même paradis.


21. Vézelay. Église Sainte-Marie-Madeleine.
Bas-côté nord.
Chapiteau du Péché originel
Photo BSG
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22.Vézelay. Église Sainte-Marie-Madeleine.
Bas-côté sud
Chapiteau d’Abraham
Photo BSG
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Il resterait alors à prendre en compte un dernier élément mentionné depuis les débuts de la recherche. Il s’agit du décor du déambulatoire, dont les dessins de Fabien van Risamburgh [67] et les découvertes sur le site indiquent qu’il était sans doute consacré à une psychomachie. Il semblerait donc, s’il en était ainsi, qu’autour du trajet final, céleste et rédempteur que déroulaient les chapiteaux à 9 mètres de hauteur, le moine ou le visiteur était invité, à un niveau plus bas, plus terrestre et plus immédiatement accessible, à participer à un combat moral qui, comme le trajet mystique de l’abside se développait en arc de cercle, selon un mouvement enveloppant, et fonctionnait comme un itinéraire préalable. Car « toutes ces propriétés différentes sont hiérarchiquement ordonnées et contenues dans cette maison unique et infiniment vaste [68] ». Si tel était bien l’ensemble du décor intérieur du chevet de l’église, on peut alors envisager aussi que les deux chapiteaux du Péché et d’Abraham aient pu avoir été placés aux deux extrémités du déambulatoire, ce qui revient plus ou moins au même pour une signification identique (ill. 21 et 22) [69].

Dominique Bonnet Saint-Georges

Notes

[1Joan Evans, Cluniac art of the romanesque period, Cambridge university press, 1950, réédit. 2013, p. 110-111.

[2Les deux chapiteaux ont été déplacés et sont aujourd’hui présentés séparément dans les bâtiments du musée Ochier.

[3L’adjectif peut paraître préconçu, mais il est en accord avec l’ancienne présentation de K. J. Conant et avec le déroulement de cette étude.

[4Gn. 22.

[5Gn. 22, 2.

[6V. von Büren, « Le catalogue de la bibliothèque de Cluny du XIe siècle reconstitué », Scriptorium vol. 46, n°2, 1992, p. 256-267. « Ambroise de Milan dans la bibliothèque de Cluny », Scriptorium vol. 47, n°2, 1993, p. 127-165.

[7Sancti Ambrosii Opera, CESL 32, 1, K. Schenkl édit, Prague 1897, De Abraham, p. 499-638. Le De Abraham figurait en triple exemplaire dans la bibliothèque du monastère, complété par le De Isaac vel anima.

[8Sancti Ambrosii Opera, CESL 32, 1, K. Schenkl édit, Prague 1897, De Isaac vel anima, p. 639-700.

[9Sancti Ambrosii Opera, CESL 32, 1, K. Shenkl édit, Prague 1897, De Paradiso, p. 262-336.

[10Sancti Ambrosii Opera, CESL 32, 1, K. Schenkl édit, Prague 1897, De Paradiso, II, 9, p. 270.

[11À Vézelay, les chapiteaux du Péché originel et d’Abraham sont très différents. Mais le texte inspirateur n’est pas le même puisqu’il s’agit pour le premier de la Genèse et, pour le second, de l’Évangile de S. Luc (Lazare dans le sein d’Abraham, Lc. 16, 19-31). Les deux épisodes ne sont pas sur le même plan et l’histoire du pauvre Lazare est une parabole. C’est pourquoi la différence de traitement n’étonne pas. Le Péché occupe, comme à Cluny, un chapiteau complet ou, plus précisément (comme à Cluny aussi), un demi chapiteau surmontant une colonne engagée dans une pile. Abraham et Lazare sont relégués sur une face latérale d’un des chapiteaux du bas-côté sud.

[12Règle de saint Benoît, chapitre 5 : « Le premier degré d’humilité est l’obéissance sans délai  ». Tout ce chapitre est une exaltation de la vertu d’obéissance immédiate, sans murmure, dans l’oubli total de soi-même : « Dès que le supérieur a commandé quelque chose, ils [les moines] ne peuvent souffrir d’en différer l’exécution […] C’est d’eux que le Seigneur a dit : dès que son oreille m’a entendu, il m’a obéi (Ps. 17, 45). »

[13Gn. 12, 1. De Abraham, 2, 3, 282 D, op. cit. p. 503-504.

[14« Satis fuerat dixisse de terra sua », ibid. p. 503.

[15De Abraham, 2, 4, 283 CD, op. cit. p. 504.

[16Voir supra, chapiteau du Printemps. À moins qu’elle n’ait été occupée à les brûler dans un feu disparu.

[17« Et cuniculis latibulisque egredi. » De Abraham, 2, 3-4, 283 D, op. cit. p. 504.

[18« Justus dicit opera sua regi ; peccator seipsum occulta sicut Adam se occultare cupiebat, sed latere non poterat », De Abraham, 2, 4, 283 E, op. cit. p. 504-505.

[19Gn., 22, 2. De Abraham, 1, 67, 304 D, op. cit. p. 546.

[20« Non satis putavit dixisse filium, adjungit amantissimum quem dilexisti Isaac. » De Abraham, 1, 67, 304 E, op. cit. p. 546.

[21Voir supra.

[22« Car elle [la terre] n’était pas encore cultivée […] et les arbres qui pourraient porter des fruits n’en étaient pas encore à élever la cime de leurs mérites. Il n’était pas encore venu celui qui devait dire : « Je suis comme un olivier fertile dans la maison du Seigneur. La vigne céleste n’assurait pas encore le fruit de ses sarments.  » Ambroise, Traité sur l’Évangile de S. Luc, II, 67, SC 45 bis, op. cit. p. 102.

[23Gn 3, 18.

[24« Car seuls, quelques hommes affranchis de toutes les pensées terrestres et purifiés par la pratique des vertus et de la connaissance, ont réussi à connaître Dieu en Le découvrant à travers les créatures sensibles, comme ce fut le cas pour le patriarche Abraham, qui parvint à connaître Dieu grâce à la révolution circulaire des astres, en prenant pour guide la loi naturelle. » Pph. III, 689 D, vol. 2, p. 185-186. Quelques chapitres plus loin, Jean Scot reprend l’exemple en utilisant les mêmes termes mais en précisant : « et non point grâce à la lettre de l’Écriture sainte qui n’avait pas encore été rédigée. » Pph. III, 724 A, vol. 2, p. 240.

[25Jean Scot cite saint Paul, Rm 1, 20. Pph. V, 864 C, vol. 4, p. 16.

[26Pph. V, 864 C, vol. 4, p. 18.

[27Pph. V, 864 C, vol. 4, p. 21. C’est la théorie de Maxime le Confesseur, sur les citations de qui Jean Scot assied sa démonstration : « tout ce qui existe et se meut par sa cause a été engendré comme polarisé vers une fin ». Maxime, Ambigua XIX, PG 91, 1157 C. Pph. V, 879 C, vol. 4, p. 25.

[28Voir supra, Des personnages dans les angles. On peut observer que, contrairement au chapiteau du Péché, dont les angles sont soulignés par des arbres formant une séparation entre les faces, le chapiteau d’Abraham tourne sans heurt d’une face à la suivante selon un mouvement continu.

[29On peut envisager sans un trop grand risque d’erreur que la place qui lui est dévolue l’a été par rapport à celles qu’occupent les figures sur le chapiteau du Péché originel. Mais on peut néanmoins observer qu’elle correspond aussi, et de surcroît, à une méditation d’Ambroise sur l’apparition à Zacharie lors de l’annonce de la naissance de Jean Baptiste (annonce qui a lieu dans le temple). « Or il [l’ange] apparut à droite de l’autel de l’encens parce qu’il apportait la marque de la divine miséricorde.  » Traité sur l’Évangile de S. Luc, I, 28, op. cit p. 61. Pour les moines lecteurs assidus du traité ambrosien, l’image s’enrichissait ainsi d’une signification supplémentaire, puisque c’est effectivement à la droite de l’autel qui préfigure le sacrifice du Christ que surgit l’envoyé divin porteur de « la divine miséricorde ».

[30Le terme de « volume », par l’ambiguïté de sa signification, serait plus approprié car, s’il n’y a pas de doute sur la nature du livre que porte le « Printemps », dont les pages ont été indiquées par le sculpteur sur la tranche inférieure, celui de l’ange se résume à un parallélépipède rectangle et pourrait tout aussi bien être représentatif d’une pierre taillée.

[31Pph. III, 689 D, vol. 2, p. 185.

[32Voir supra, chapiteau des quatre premiers tons.

[33« Le bienfait divin se conquiert par les désirs.  » Ambroise, Traité sur l’Évangile de S. Luc, IV 49, SC 45 bis, op. cit. p. 170.

[34On pourrait penser à un arc en ciel qui renverrait opportunément à l’histoire de Noé, si la courbe n’était pas ascendante des deux côtés. La position de l’agneau sur le chapiteau illustre la théorie de la médiation selon Jean Scot : « Personne ne peut s’élever vers le Christ sans le Christ. Car personne, comme le Christ le déclare ˮ n’est monté au ciel, si ce n’est Celui qui est descendu du ciel ˮ. Le Christ ne quitte pas le ciel, Il descend dans les intellects sanctifiés des hommes qui s’élèvent avec Lui et vers Lui. » Pph V, 999 B, vol. 4 p. 198-199.

[35Ou au pied d’Abraham comme c’est le cas sur un chapiteau de San Pere de Roda conservé au musée de Cluny à Paris. F. Salet, « Chapiteaux catalans conservés au musée de Cluny », Congrès archéologique de France n°117, Catalogne 1959, p. 225-228.

[36Verticalement sur le chapiteau, et latéralement à Berzé-la-Ville, entre l’univers sacré du petit chœur et l’espace de la nef ouvert aux fidèles.

[37À San Pere de Roda, c’est l’ange intercesseur qui occupe cette position.

[38«  Qua ratione suspensum ? Ut adverteres hostiam illam non esse terrenam. » De Abraham I, 8, 77, 307 C, op. cit. p. 552.

[39De Abraham I, 8, 70, op. cit. p. 549.

[40Qu’annonce précisément le nimbe crucifère qui entoure le visage divin sur le chapiteau du Péché originel.

[41Pph. V, 1000 B, vol. 4, p. 200.

[42Apoc. 1, 7. Dn 7, 13.

[43Raphaël, L’École d’Athènes, Rome, Musée du Vatican, Chambre de la signature, 1508-1512. Platon tend son doigt vers le ciel des idées, tandis que la main d’Aristote, largement ouverte paraît vouloir s’emparer de la terre.

[44De Abraham, 8, 77, op. cit. p. 552.

[45Gn 22, 9. De Abraham, I, 8, 75, op. cit. p.551.

[46Sur le chapiteau de San Pere de Roda, Isaac, dont les mains sont liées dans le dos, est assis frontalement sur un cube qui ne diffère de celui de Cluny que par ses proportions.

[47De Abraham, I, 8, 67, op. cit. p. 549 « Ligna Isaac sibi vexit, Christus sibi patibulum portavit crucis. Abraham comitatur filium, Pater Christum. Nec Isaac solus nec Iesus solus. » Ibid. I, 8, 72, 306 B, p. 349-350.

[48De Abraham, I, 8, 71, 305 F, op. cit. p. 549.

[49« Car aucune beauté n’existe, sinon par la réunion de propriétés semblables et de propriétés dissemblables, de propriétés contraires et de qualités opposées.  » Pph V, 982 D, vol. 4 p.177.

[50Voir supra, chapiteau des quatre premiers tons.

[51Voir supra, chapiteau aux mandorles hexagonales.

[52Pph. V, 930 B, vol. 4, p. 107. Dès le Livre I, Jean Scot s’empare du couple formé par Abraham et Isaac pour illustrer l’unité divine de la Trinité : « Nous pouvons constater qu’à la fois, Abraham et Isaac, à savoir le père et le fils, désignent une nature unique. » Pph I, 457 B, vol.1, p. 89. La double figure du patriarche et de son fils devient ainsi une projection terrestre des relations entre le Père céleste et le Fils, « car, de même que la volonté commune du Père et du Fils constitue une seule et même volonté, de même, leur opération commune constitue une seule et même opération. » Pph. III, 635 C, vol. 2, p. 93.

[53La généalogie de Mathieu s’intitule « Généalogie de Jésus, fils de David, fils d’Abraham  » et commence par « Abraham engendra Isaac  » (Mt. 1, 1). Celle de Luc qui remonte à Adam, passe par Noé avant de mentionner Abraham, Isaac et Jacob (Lc. 3, 34). Ambroise, dans son Traité sur l’Évangile de S. Luc consacre tout le Livre III aux généalogies évangéliques, op. cit. III, 1-50, SC 45 bis, p. 119-149.

[54Voir supra le chapiteau du Printemps.

[55« Secundum personam autem Abrahae evidens mysterium ecclesiae, quae totum orbem fidei hereditate possedit, bene pater electus soni dicitur, pater fidei, pater piae confessionis. », De Abraham, II, 10, 77, 347 D, op. cit. p. 629-630.

[56« Si enim filii Abrahae sumus, opera Abrahae faciamus, ut luceant opera nostra coram deo et coram hominibus. », De Abraham, I, 2, 4, 283 E, op. cit. p. 504.

[57De Abraham, I, 8, 74, 306 E, op. cit. p. 550-551. L’utilisation du verbe « consepeliantur » exprime une destinée commune qui convenait parfaitement à une transposition cénobitique, même si le texte d’Ambroise fait état d’une mort au monde et d’un ensevelissement dans le Christ qui peut correspondre à toute vocation religieuse.

[58Il y a, chez saint Ambroise, comme une horreur de la femme, « sexus inferior  ». De Paradiso, op. cit. XI, 50, p. 307 ; XII, 56, p. 316 ; XIII, 62, p. 322 ; XIV, 70, p. 328. La liste est loin d’être exhaustive.

[59Cette mobilité qui rebute l’esprit rationnel auquel nous sommes habitués, doit être considérée plutôt comme une richesse de la pensée contemplative. C’est au moins ce dont témoignent les textes inspirateurs de ces sculptures.

[60Pph. IV, 858 C, vol. 3, p. 229.

[61« OCTAVVS OMNES SANCTOS ESSE BEATOS ». Remarquons que ce titulus prend justement le soin de préciser l’identité désormais acquise entre sainteté et béatitude.

[62Pph. V, 892 B, vol. 4, p. 55.

[63Rétrospection causale et non temporelle, évidemment.

[64Dans cette hypothèse, les chapiteaux seraient placés face à la nef, du côté du petit transept, mais leur différence de hauteur par rapport à celle des chapiteaux du chœur semble éliminer cette position.

[65Rappelons que les grands chapiteaux n’ont pas été sculptés pour être vus.

[66À droite du spectateur tourné vers l’ouest et vers la nef.

[67Exécutés les 17 et 18 octobre 1814.

[68Pph V 984 B, vol. 4, p.179.

[69C’est bien à la jonction du chœur que se trouve, à Vézelay, le chapiteau consacré au Péché originel, au sommet d’une pile du bas-côté nord.

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