Premiers conflits d’intérêt pour le Louvre Abou Dhabi

Théodore Géricault (1791-1824)
Portrait d’Alfred et Elisabeth Dedreux, vers 1818
Huile sur toile - 99,2 x 79,4 cm
Collection particulière
Photo : Christie’s Paris
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3/4/09 – Musée– Louvre Abou Dhabi – France-Muséums vient à peine de commencer à acquérir des œuvres pour le musée d’Abou Dhabi que surgissent déjà des conflits d’intérêt avec les musées français, finalement réglés au détriment de ces derniers. Il n’aura donc pas fallu longtemps pour que nos prédictions les plus sombres deviennent réalité.

Abou Dhabi s’est vu adjuger un des trois tableaux de Piet Mondrian de la vente Bergé. Or, un Mondrian de cette date (autour de 1920) manque à Beaubourg et beaucoup pensaient que le Musée National d’Art Moderne tenterait d’en préempter un. Retirer du marché une de ces toiles rend l’éventualité d’un achat par Beaubourg d’un tableau de cette période encore plus improbable dans l’avenir. Reconnaissons toutefois que ces trois œuvres avaient été acquises il y a moins de trente ans sur le marché international et qu’elles ne pouvaient pas être interdites de sortie. Intéressé par le tableau de Chirico, Beaubourg n’avait pas les moyens d’enchérir.

Le vrai problème concerne le tableau de Géricault, le Double portrait des enfants Dedreux, dont nous avons déjà abondamment parlé sur ce site en expliquant qu’il s’agissait d’une perte majeure pour le patrimoine français (voir brève du 24/2/09).
On s’étonnait que le Louvre ne l’ait pas proposé pour un classement comme trésor national. La raison en est simple : les trésors nationaux actuellement en attente d’un achat sont très nombreux. Le montant total qu’ils représentent est très élevé et le Louvre n’a simplement pas les moyens de tout acquérir. On peut le comprendre, même si l’on peut discuter la pertinence et le prix de tel ou tel objet et regretter qu’au moins la manne donnée par Abou Dhabi ne soit pas utilisée à cet effet. Mais le Louvre n’est pas le seul musée en France. Rouen, et surtout Lyon étaient également intéressés. Qu’ils n’aient pas eu les moyens actuellement de faire face à un tel achat n’empêchait pas d’utiliser les 30 mois de répit donnés par le classement pour tenter de les réunir [1] .
France-Muséums a certes fait savoir au Louvre qu’elle était intéressée par le tableau de Géricault, et se serait effacée si le Louvre avait affirmé vouloir le préempter. Celui-ci lui a confirmé qu’il ne tenterait rien, faute d’argent. Et France-Muséums a donc enchéri lors de la vente ! Si la toile a finalement échu au marchand Alain Tarica, qui officiait pour le compte d’un collectionneur privé, c’est uniquement parce que le montant prévu par l’agence était insuffisant.

Tant que l’œuvre se trouvera en mains privées, il sera toujours possible d’espérer qu’elle entre un jour dans une collection française. Mais Henri Loyrette, président du Louvre, a décidé de permettre à Henri Loyrette, président de France-Muséums, de tenter l’acquisition. Tout cela manque de clarté. Précisons que France-Muséums n’a pas voulu, ou surtout pas pu, confirmer ou non l’achat du Mondrian et son intérêt pour le Géricault, sans doute en raison de la clause de confidentialité qu’elle aurait, semble-t-il, récemment signée avec Abou Dhabi...

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