PLU : les approximations de la mairie de Saint-Cloud

Comme la mairie de Versailles pour son propre PLU, la mairie de Saint-Cloud peine à justifier ses choix, noyant ses opposants - et les journalistes - sous un déluge d’informations d’autant plus difficiles à vérifier qu’il s’agit de notions juridiques complexes et de décisions qui évoluent dans le temps. Cela concerne particulièrement les espaces naturels de la ville, le parc de Saint-Cloud, mais aussi le parc des Tourneroches, classés dans le PLU en zone UL, partiellement pour le premier, en totalité pour le second.

Un zonage ambigu

Zonage du PLU dans le parc de Saint-Cloud
En vert foncé, zone N
En vert clair, zone UL
Voir l´image dans sa page

Dans le PLU, la zone UL est ainsi définie : « Il s’agit d’une zone à vocation de loisirs et de sport, et où les constructions sont strictement limitées à celles nécessaires à la vocation de la zone. ». Selon le maire de Saint-Cloud, Eric Berdoati [1] : «  La loi SRU et ses divers décrets ont supprimé les zones ND du code de l’urbanisme. Dans le cadre de l’élaboration du Plan Local de l’Urbanisme, décidée le 5 février 2009, la ville de Saint-Cloud a dû trouver un zonage de substitution. C’est pourquoi dans le projet arrêté le 17 novembre 2011, qui a été soumis à l’avis des personnes publiques associées et à l’enquête publique du 5 mars au 5 avril 2012 inclus, l’ensemble des terrains sis en zone ND a été reclassé en zone UL. Dans le rapport de présentation du projet de P.L.U., il est précisé que le zonage UL s’applique pour les espaces paysagers évoluant dans les tissus urbains et ayant une destination principalement ludique. Il y est indiqué que la zone UL couvre des espaces verts d’une grande diversité, d’une part par leur superficie, leur fonction, leur rayonnement et leur impact sur le grand paysage communal. Il est dit qu’elle représente la biodiversité en milieu urbain et regroupe les éléments relais paysagers avec l’hippodrome, les réservoirs de l’Avre, la partie Nord du domaine National de Saint-Cloud et des entités paysagères de proximité présentées sous la forme de jardins d’installations sportives de plein air et de parcs répartis sur l’ensemble de la commune. Son projet de règlement (zone UL), reprend le règlement de la zone ND du POS actuel.  »

Contrairement à ce que laisse entendre le maire, les zones ND n’ont pas été remplacées par les zones UL, mais par les zones N, mutatis mutandis, comme on peut le lire dans un document émanant du GRIDAUH, un organisme interministériel chargé notamment de structurer la recherche dans le domaine du droit et des institutions de l’urbanisme, de l’aménagement et de l’habitat. Les zones UL ne sont d’ailleurs pas prévues dans le Code de l’Urbanisme qui ne définit que quatre familles de zone, les éventuelles sous-zones étant précisées par les mairies qui leur donnent le sens et le nom qu’elles souhaitent, dans le respect de la zone dont elles dépendent.
Les zones N, telles qu’elles sont définies par le Code du patrimoine, sont « des secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l’existence d’une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d’espaces naturels. » (art. R. 123-8 CUrb). Et il est faux, comme le prétend le maire dans Le Figaro, que « de toute façon, si on plaçait l’ensemble du domaine en zone à protéger, on ne pourrait plus toucher à la moindre route, rien réhabiliter, rien restaurer ». Une zone N permet d’entretenir l’existant, comme l’a d’ailleurs confirmé Isabelle Maréchal, sous-directrice chargée du patrimoine à la Direction des patrimoines, lors des Journées Juridiques du Patrimoine. D’ailleurs, le simple intitulé d’une zone n’est rien sans les règles qui l’accompagnent et qui peuvent être plus ou moins strictes, plus ou moins floues, permettant ainsi parfois d’aller bien au delà de ce que l’on pourrait attendre.

En réalité, telles qu’elles sont définies, les zones UL, aussi bien dans le parc de Saint-Cloud que dans celui des Tourneroches, demeurent une menace potentielle. Si la mairie n’a aucune intention d’y construire quoi que ce soit, on se demande pourquoi elle ne les a pas classés simplement en zone N, avec un règlement très contraignant, ce qui serait tout à fait possible.
Certes, la définition de la zone UL du PLU contient la restriction suivante : « A l’intérieur du domaine national de Saint-Cloud et du jardin des Tourneroches, seules sont autorisées les constructions nécessaires à l’entretien ou au renouvellement des installations existantes de loisirs et de la qualité de la voirie, à l’exclusion de tout autre projet ». Mais des termes aussi vagues que « nécessaire à l’entretien » ou « renouvellement des installations existantes » laissent la voie ouverte à toutes les dérives. Prenons un exemple. Le Stade Français bénéficie, depuis le début du XXe siècle, d’une concession au sein du parc de Saint-Cloud, La Faisanderie. On y trouve un terrain omnisport, une trentaine de cours de tennis, un gymnase, une piscine, un restaurant, une boutique... On imagine fort bien en quoi pourrait consister un « renouvellement » de ces équipements, dont aucune extension ni surélévation (en deçà de 6 mètres) n’est interdite clairement par le règlement. Celui-ci n’empêchant en outre nullement, même dans les parcs, la création de places de parking, on imagine ce que cela pourrait donner entre de mauvaises mains.
Car le classement du parc de Saint-Cloud au titre des sites et des monuments historiques n’est pas forcément suffisant : on voit ce qu’il en est, par exemple, des Serres d’Auteuil, elles aussi protégées à ces deux titres. On comprend mal d’ailleurs, pourquoi autoriser sur le PLU des aménagements qui seraient interdits par ces protections. En réalité, ils ne sont pas interdits, ils sont juste soumis à l’autorisation des administrations compétentes. Enfin, les protestations de bonne volonté de la mairie qui n’aurait aucune envie de construire quoi que ce soit sur ces parcs n’est pas suffisante. Même sincères, elles ne pourraient engager que ceux qui les prononcent, et en aucun cas leurs successeurs.

Poker menteur

Comment croire, d’ailleurs, les protestations de bonne foi de la mairie ? Ainsi, Éric Seynave, maire adjoint chargé de l’urbanisme, s’est montré devant nous indigné que les associations aient parlé de 10 mètres de hauteur de construction possible dans les parc de Saint-Cloud et dans celui des Tourneroches. En effet, le PLU voté prévoit que dans ces deux zones elles soient limitées à 6 mètres. Mais cette modification est intervenue justement après les protestations des associations, le PLU prévoyant effectivement à l’origine 10 mètres de hauteur !

La mairie de Saint-Cloud prétend par ailleurs que les espaces verts gagnent du terrain à Saint-Cloud. Pour les associations, cette augmentation des espaces verts est uniquement due au classement en zone UL du cimetière ! Si un cimetière peut dans certains cas (nous ne connaissons pas celui de Saint-Cloud) être considéré comme un espace vert, il paraît difficile de prétendre augmenter la surface d’espaces vert en y incluant un espace qui existait déjà et qui n’a pas vu sa destination modifiée. Éric Seynave nous a confirmé que le cimetière était désormais considéré comme un espace vert (comme si celui-ci pouvait être menacé d’urbanisation...) et avait promis de nous envoyer immédiatement l’inventaire avant/après PLU des espaces verts de la commune pour nous prouver que cette augmentation n’était pas uniquement due à l’ajout du cimetière. Nous l’attendons encore, comme nous attendons encore le règlement du POS concernant les zones ND dont il nous dit qu’elles sont reprises dans les zones UL. Même si cela était vrai, la référence à l’ancien POS n’est pas forcément rassurante lorsque l’on constate les nombreuses destructions ou constructions actuellement en cours et que celui-ci permettait.

Comment croire un maire qui signe un contrat (le Contrat de Préservation de l’Arbre) en 2005, engageant la municipalité à inclure celui-ci dans le PLU, et qui oublie sa promesse à peine six ans plus tard (voir ici) ?
Comment faire confiance enfin, à une mairie qui exclut quiconque ose protester : Marie-Hélène Conte, conseiller municipal (et propriétaire de la villa L’Alouette (voir le film à la fin de cet article), a déposé récemment un recours gracieux à l’encontre du PLU, qui se limitait à deux points : la demande d’inscription de sa propriété au titre des bâtiments remarquables dont l’ABF reconnaît qu’il l’avait « omise », ainsi que la prise en compte dans le PLU du Contrat de préservation de l’arbre dont nous avons vu qu’il s’agissait d’une promesse du maire. Celui-ci, plutôt que de répondre à ce recours, a demandé à la conseillère municipale qui fait partie de sa propre majorité, de démissionner de son groupe. Bel exemple de démocratie et de concertation !

On a parfois l’impression d’être dans un jeu de poker menteur. Ainsi, Éric Seynave nous a affirmé que Sylvie Glaser, l’administratrice du domaine du parc de Saint-Cloud, représentant donc l’État propriétaire, était à l’origine de ce classement en zone UL d’une partie du parc : « Avant de faire un zonage, nous avons consulté l’administration du domaine. C’est cette administration qui nous a demandé de permettre au parc de continuer à faire un certain nombre d’aménagements surtout destinés à l’accueil du public. Nous n’avons rien fait de notre propre chef. » Nous avons questionné Sylvie Glaser sur ce point, et malgré nos relances n’avons encore eu aucune réponse. Celles rapportées par la presse, notamment par Le Figaro le 31/1/12 (« Il faut retirer ce projet du PLU »), laissent penser qu’en réalité elle s’y oppose...

Comment la mairie de Saint-Cloud voit le travail des journalistes

Nous avions contacté la mairie de Saint-Cloud en fin de matinée, le 6 septembre, afin d’obtenir les réponses à quelques questions relatives à cet article [2]. Nous avons reçu directement du maire, le même jour en début d’après-midi, une réponse fort succincte où celui-ci estimait que les informations dont nous disposons sont « pour le moins erronées, pour ne pas dire plus », où il déplore les allégations évoquées dans notre courriel, où il accepte de donner le point de vue de la ville mais pas « au détour d’un mail comminatoire auquel il faut répondre dans la minute » et où il affirme enfin que la ville « reste à [notre] disposition pour un échange constructif sur cette question ».
Nous avons donc décidé de reporter la publication de notre article et avons accepté l’invitation à rencontrer Éric Seynave, que nous avons pu questionner pendant plus d’une heure et demi lundi 10 septembre.

Nous avons alors proposé, par courtoisie, de faire relire à celui-ci les citations entre guillemets que nous comptions mettre dans notre article. Nous n’en avions d’ailleurs guère besoin car nous avions, avec son autorisation, enregistré ses propos.
Après lui avoir envoyé ces extraits, nous avons reçu de la chef de cabinet du maire le mail suivant : « J’ai bien reçu votre demande de validation. Permettez-moi d’être très surprise par ce procédé, car c’est bien la première fois que l’on me demande de valider des extraits de propos qui ont été enregistrés ! En général, on fait relire une interview. Vous avez interrogé Éric Seynave plus d’une heure et demi et il en ressort des bouts de phrase qui sorties de leur contexte n’ont plus rien de très cohérents et surtout ne laissent pas apparaître clairement la position de la ville sur les sujets qui ont été traités tout au long de cette interview. Aussi, sauf à avoir une vision plus globale de votre article, votre demande ne recevra pas notre validation. ».
Éric Seynave, que nous avons revu depuis aux Journées juridiques du patrimoine où le PLU de Saint-Cloud était à l’ordre du jour, nous a confirmé vouloir lire notre article pour « valider ses propos dans le contexte », affirmant que tous les journalistes qu’il rencontrait pratiquait ainsi ! On se demande vraiment qui sont ces journalistes qui acceptent une telle chose, tout à fait contraire à la déontologie et qui s’apparente à une acceptation de la censure. Il était évidemment hors de question de lui faire lire nos articles avant publication. Il n’a pas validé ses propos, mais cela importe peu, car il les a prononcés, sachant parfaitement qu’ils seraient utilisés dans un article.

Didier Rykner

Notes

[1Ces arguments sont donnés par Patrick Ollier et Eric Berdoati (son suppléant à la députation) dans une réponse aux associations écologiques publiée sur le site de Patrick Ollier.

[2Les questions étaient les suivantes :
- pourquoi le domaine de Tourneroches, donné à la ville par ses propriétaires pour être conservé comme parc, passe-t-il en zone constructible UL ?
- comment peut-on envisager de détruire le bel immeuble Napoléon III rue Dailly, pourquoi n’a-t-il pas été protégé ?
- même question pour la maison Grandval.
- même question pour le séquoia de la villa l’Alouette et sur la condamnation à terme pour la villa que constituerait la construction d’immeubles devant elle.
- même question pour la Villa Le Prieuré.

Plus généralement, on a l’impression de revenir à l’urbanisme des années 1970 qui a déjà tellement détruit Saint-Cloud. Il n’est pas question d’interdire de construire, mais on se demande comment autant d’espaces verts et de belles maisons peuvent être condamnés au profit des promoteurs immobiliers.

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