Philippe de Buyster (1595-1688) - Introduction et biographie

Sommaire

1. Philippe Vignon (1638-1701)
Portrait de Philippe de Buyster, 1687
Huile sur toile - 115 x 88 cm
Versailles, musée du château
© D. R.
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Le beau portrait que peignit Philippe Vignon en 1686-87 à la demande de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture (ill. 1) montre un homme âgé de plus de quatre-vingt-onze ans, mais encore vert et de fière allure. Drapé pour les besoins de la cause dans un somptueux manteau écarlate, Buyster s’y montre soucieux de présenter, des deux mains, une de ses œuvres, une tête de femme qui pourrait être celle de sa Joueuse de tambour des jardins de Versailles (n. 39). L’expression, conforme à ce que l’on connaît de lui, est peu aimable, le regard triste, un peu éteint, le nez fort, propre aux hommes de caractère, la bouche manifestement édentée accusant un pli amer sous une maigre moustache, le bas du visage et le cou sillonnés de rides, mais les cheveux encore abondants tombent en longues boucles sur ses épaules. Il a certainement beaucoup maigri, vieilli au cours des derniers temps ; en effet sept ans plus tôt, esquissant son propre tombeau, il se représentait en buste sous l’aspect d’un homme encore robuste, un Flamand au visage plein et rond (n. 60).

Derrière ce portrait, toute une vie, toute une carrière exceptionnellement longue et fructueuse. Elle a couvert durant plus d’un demi-siècle le cardinalat de Richelieu au service de Louis XIII, la régence d’Anne d’Autriche et les vingt premières années du règne personnel de Louis XIV. Après les temps d’apprentissage en Flandre, Buyster prend vite son essor dès son arrivée à Paris en 1622 et son admission à la Maîtrise, qui lui donne droit de sculpter pour des établissements religieux ; dix ans plus tard un brevet de « peintre et sculpteur ordinaire du roi » lui vaut des commandes plus brillantes émanant de riches mécènes issus des milieux parlementaires et financiers. Repéré par le sculpteur Jacques Sarazin, il produit sous sa direction des œuvres majeures tant au château de Wideville qu’au palais du Louvre et au château de Maisons, mais bientôt il se dégage de cet atelier foisonnant et s’illustre seul dans une série de monuments funéraires imposants.
Ce n’est que trois ans après la création de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, en 1651, qu’il se résoud à adhérer à cette jeune institution encore balbutiante mais déjà prestigieuse. Membre insoumis et récalcitrant, il ne cessera de manifester à son encontre réticences et mouvements d’humeur, peu d’assiduité aux séances, n’y prononçant que contraint et forcé un discours peu éloquent sur le Gladiateur Borghèse, allant jusqu’à en démissionner trois ans plus tard par fidélité à l’ancienne Maîtrise. Cependant, apprenant que, sans appartenance à l’Académie, il sera tenu à l’écart des grandes commandes des Bâtiments du Roi, il demande sa réintégration en 1663, ce qui va lui permettre de bénéficier de très brillantes commandes royales tant pour le palais des Tuileries et l’église du Val-de-Grâce qu’à Versailles. Dans ses vieux jours, il se plaît toutefois à rappeler qu’il est « doyen de l’Académie royalle de peinture et sculpture » et manifeste le désir que cette mention soit gravée sur la dalle du tombeau qu’il se prépare.
Le 23 février 1686, l’Académie a donc donné ordre au fils de Claude Vignon, Philippe Vignon, de peindre pour sa propre réception les portraits de Messieurs Buyster et Mauperché, ce qui indique l’estime dans laquelle y était tenu malgré tout le vieux sculpteur. Le 25 mai suivant Buyster a signé une dernière fois la feuille de présence. Le 30 août 1687, son portrait est achevé et il meurt le 15 mars 1688, âgé de 93 ans. Le 27 mars suivant l’Académie organise un service funèbre à sa mémoire chez les Pères augustins.
La réintégration du sculpteur au sein de l’Académie royale aura un autre effet, essentiel pour sa notoriété et qu’il ne pouvait soupçonner de son vivant : le samedi 7 octobre 1690, l’historiographe de l’Académie, Guillet de Saint-Georges, lit en séance solennelle le « mémoire historique des ouvrages de M. Buyster », éloge post-mortem composé avec soin d’après des souvenirs personnels, d’après une enquête menée auprès des proches de l’artiste, mais probablement aussi et surtout auprès de l’artiste lui-même, en prévision de la rédaction de ce discours. Le manuscrit en est conservé à l’Ecole Nationale Supérieure de Beaux-Arts et a été publié comme tous les autres « mémoires » de ce type deux siècles plus tard sous le titre de Mémoires inédits. Vers 1750, Caylus à son tour prononce un nouvel éloge du sculpteur assorti de jugements critiques et de vérifications sur la destinée des ouvrages qu’il décrit. Le travail de ces deux historiographes est un inestimable fil d’Ariane permettant de reconstituer dans leurs principales lignes la vie et la carrière de l’artiste dont tant d’œuvres n’ont pas traversé les siècles ou seraient demeurées non identifiées.

De tels « mémoires historiques » ne suffisent pas à assurer la renommée d’un artiste, et particulièrement d’un sculpteur, la sculpture ayant en tout temps été un domaine réservé à quelques amateurs, mal connue du public, peu étudiée par les historiens et les chercheurs en histoire de l’art, une terra encore incognita qui réserve de belles découvertes. De la brillantissime équipe de sculpteurs employée par les Bâtiments du Roi sous Louis XIV, aucun n’a eu le privilège d’une quelconque exposition, pas même François Girardon, Antoine Coyzevox ni les frères Coustou. Le fougueux Pierre Puget seul a fait exception. Récemment se tinrent des expositions consacrées à de grands sculpteurs du XVIIIe siècle : Clodion, Pajou, Houdon, et Boizot, réalisables parce qu’elles comportaient en majorité des bustes et des ouvrages de petites dimensions beaucoup plus fréquents au XVIIIè siècle qu’au siècle précédent. Les deux premières se tinrent au Louvre même d’où provenaient bon nombre d’œuvres exposées. La troisième, très ambitieuse, fut organisée conjointement par la National Gallery de Washington et le musée du château de Versailles. La quatrième au musée Lambinet de Versailles consistait elle aussi en œuvres de petites dimensions.

Buyster, quant à lui, a été en quelque sorte tiré de l’oubli lorsque Pierre Chaleix lui consacra en 1967 une étude monographique, éditée par A. et J. Picard et préfacée par Pierre Pradel qui qualifiait l’artiste de « parent pauvre de l’histoire de l’art ». Néanmoins l’ouvrage de Chaleix, malgré ses indéniables qualités, restait modeste. Une exposition en aurait sans doute rehaussé l’éclat, mais cette seule idée était tout à fait irréalisable : intransportables sont les statues du parc de Wideville (totalement fermé depuis quelques années au public), les magnifiques figures priantes en marbre de ses monuments funéraires, son Poème satyrique de la Grande Commande de Le Brun (on ne déménage certes pas une statue de Versailles !), et la majorité de ses sculptures liées à l’architecture des édifices : celles de la Cour carrée du Louvre, les merveilleux Enfants de l’escalier de Maisons-Laffitte, les Anges adolescents du Val-de-Grâce mis depuis peu en réserve et prêts à tomber en ruine si on ne les secourt d’urgence, cinq grandes statues sur une façade du château de Versailles.

Les expositions monographiques de sculpteurs, contrairement aux expositions de peintres, restent rares, difficiles à organiser et peu rentables, attirant peu les foules. En 1992 fut célébré le quatre-centième anniversaire de la naissance de Sarazin par une exposition qui se tint dans sa ville natale, Noyon. Quelle aventure ! Geneviève Bresc réussit à y assembler un certain nombre de bas-reliefs et des petites sculptures en marbre venant du Louvre, une série de bustes d’apôtres en terre cuite de Versailles, un grand Crucifix inédit, une grande Sainte famille peinte par le sculpteur, des dessins et des gravures, mais il fallut bien sûr renoncer aux grandes œuvres en marbre et en bronze. Non sans peine fut obtenu qu’un catalogue de taille modeste l’accompagnât, édité par la R.M.N. (couronné par la fondation Cino del Duca).

Pourquoi consacrer une nouvelle étude monographique à Philippe de Buyster, lui qui n’a pas été le plus mal loti parmi ses confrères ? Moins en vue que ses contemporains Jacques Sarazin ou les frères François et Michel Anguier, Buyster n’en est pas moins l’un des plus talentueux, à l’égal de son contemporain Gilles Guérin, et méritait que l’on reconsidère une partie de son œuvre que l’on connaît mieux aujourd’hui que du temps de Chaleix. Les études menées par Marie-Thérèse Forest sur Gilles Guérin, par Geneviève Bué-Akkar sur Gérard Van Opstal, par nous-même avec Henriette Dumuis sur Thibault Poissant, l’exposition Jacques Sarazin, les publications de Claude Mignot sur le Val-de-Grâce, l‘intérêt récent porté aux peintres (Nicolas Poussin, Simon Vouet, Claude Vignon, Jacques Blanchard, Laurent de La Hyre, Eustache Le Sueur, Lubin Baugin, François Perrier, Charles Poerson, Michel Corneille etc.) et aux architectes de son temps (François Mansart, Pierre Le Muet, Jacques Lemercier, Louis Le Vau, Antoine Le Pautre), le nouveau catalogue des sculptures du musée du Louvre, les quatre volumes des French Sculptors, l’ouvrage d’Antoine Schnapper sur les collectionneurs et mécènes, enfin tant d’articles et d’études au cours des quarante dernières années ont fourni un nouvel éclairage sur cette riche période et le contexte dans lequel s’est exercée la carrière de Buyster, obligeant aussi à revoir de plus près certaines attributions.

Les données essentielles sur Buyster avaient été soigneusement rassemblées par notre prédécesseur qui s’était appuyé en outre sur la découverte et la publication de nombreux marchés, et nous nous sommes le plus souvent conformé à son jugement. Il nous a semblé utile néanmoins de développer en mainte circonstance le contexte précis dans lequel Buyster a exercé son art, établissements religieux, châteaux, monuments funéraires etc, qui méritait des études plus approfondies et des illustrations par des documents gravés quand les lieux n’existaient plus.

La lecture de l’inventaire après décès de Buyster nous a permis de connaître de façon assez concrète l’état réel de sa fortune, de ses biens immobiliers et de ses investissements, l’allure de la maison où il vécut ses dernières années. Elle contenait fort peu de tableaux, une maigre argenterie, aucun livre, un atelier en revanche nullement délaissé à l’heure de sa mort mais encore riche en morceaux de marbre, bustes, têtes et médailles. Notre homme n’était en rien un collectionneur, en revanche jusqu’au bout il se montra un vrai artisan, un travailleur acharné, un artiste et quel artiste ! Plus il prenait de l’âge, plus son art rajeunissait, plus son ciseau se faisait incisif, alerte. Il n’est que de voir sa dernière grande œuvre, son Poème satyrique, ironique, nerveux, d’une nonchalance affectée, car c’est avec une extrême attention que ce satyre surveille les bosquets d’où pourra surgir la nymphe des bois qu’il guette.

En plusieurs cas nous avons été amené à prendre un parti différent de Pierre Chaleix. Ainsi nous sommes-nous rangé à l’avis de Geneviève Bresc lorsqu’elle a contesté avec subtilité l’identification et l’attribution à Buyster d’une statue du Louvre par Chaleix qui croyait reconnaître en elle Madeleine de Crèvecœur, alors que la vraie Madeleine de Crèvecœur de Buyster se trouve en réalité dans la cathédrale de Soissons. Nous n’avons pas davantage suivi Chaleix dans le rôle qu’il assignait à Buyster sur le chantier du château de Blois où nous ne pensons pas que notre sculpteur ait jamais mis les pieds.

Une meilleure connaissance du domaine de Wideville depuis l’étude de Catherine Grodecki et l’exposition Sarazin nous a incité à reconnaître sa main dans cinq statues négligées par Chaleix.

Nous avons dû reprendre sur d’autres bases la contribution du sculpteur au décor de l’église du Val-de-Grâce, grâce à la magistrale publication par Claude Mignot des marchés qui rendent à Michel Anguier ce que Chaleix donnait abusivement à Buyster. De nouvelles campagnes photographiques réalisées à notre demande par Thierry Prat en ce lieu permettent de plus de beaucoup mieux connaître la manière de l’artiste.

Nous avons voulu reconnaître sa main dans une statuette en terre cuite représentant une Sainte Femme qui serait, selon nous, une esquisse pour un personnage de sa Mise au tombeau au couvent de la Visitation faubourg Saint-Jacques.

Le bel article de Mme Bresc sur le décor sculpté du pavillon central des Tuileries, s’appuyant sur le mémoire de son instigateur Charles Perrault et reconsidérant les comptes des Bâtiments du Roi, a permis d’identifier deux statues de Buyster ignorées de Chaleix, une Religion aujourd’hui au Louvre, et une Piété appartenant à la fondation Cartier.

Thomas Hedin, dans une suggestive étude des sculptures en pierre du premier Versailles, jette un regard neuf sur la thématique de huit statues champêtres de Lerambert et Buyster aujourd’hui disparues, programme qu’il a dénommé la « Petite Commande » ; il en attribue l’idée à Charles Perrault et en souligne pour la première fois l’esprit burlesque.

L’ouvrage tout récent d’Alexandre Gady sur l’architecte Jacques Lemercier offre de nouvelles synthèses sur la Cour Carrée du Louvre et un marché inédit passé avec Buyster pour le maître-autel de Saint-Eustache. Les études menées par Claude Mignot sur François Mansart et la publication des marchés par A. Chauleur et et P.-Y. Louis ont fourni de nouvelles pistes sur les liens professionnels unissant l’architecte et le sculpteur.

L’émouvant vestige du tombeau du président de Bailleul à Soisy-sur-Seine, que Chaleix n’avait pourtant pas ignoré, aurait mérité, pensons-nous, d’être reproduit.

Enfin nous ne saurions assez recommander de consulter le site, créé par Béatrix Saule aidée de Corinne Thépault, sur la totalité du décor sculpté aux façades de Versailles : www.sculpturesversailles.fr, où Buyster joua un rôle important ; c’est une formidable source d’investigation et de restitution d’œuvres splendides souvent malaisées à repérer et à connaître.

Tout dernièrement, ayant eu la possibilité d’examiner de tout près, en haut d’échafaudages, ses œuvres versaillaises qui venaient de se faire nettoyer et restaurer, nous fûmes saisi par l’excellence et la vitalité du ciseau de ce vieil artiste demeuré prodigieusement jeune et nous pûmes procéder à de nouvelles attributions.

Remerciements :

Merci à Didier Rykner d’avoir accepté de publier cette étude sur La Tribune de l’Art et d’en faire ainsi un étonnant outil de travail grâce aux ressources de l’informatique. Ma gratitude, immense, va à Patrice Bellanger et à Catherine Dolin pour le soutien qu’ils ont apporté à La Tribune de l’Art dans cette entreprise. Je veux saluer également ici la constante collaboration d’Henriette Dumuis qui n’a cessé de réunir avec passion une documentation précieuse. Daniel Wildenstein m’avait assurée d’un soutien indéfectible pour cette entreprise. Au Wildenstein Institute qui m’a autorisée à utiliser les photographies prises pour son compte durant plus de trente ans par notre regretté ami Thierry Prat, j’exprime toute ma reconnaissance. C’est à la mémoire de Thierry Prat que je souhaite dédier ce Philippe de Buyster.

Biographie et Carrière
Formation anversoise

Il naquit à Anvers en 1595, la confrontation de diverses sources permet d’en être à peu près certain [1]. Rien n’a été retrouvé sur son milieu familial.

Les registres d’inscription à la gilde d’Anvers indiquent, en 1606, parmi les noms des apprentis qui ont étudié auprès des francs maîtres et qui ont acquité le droit correspondant, « Flipo de Buyster, sculpteur chez Gilles Papenhoven » [2] Onze ans était un âge normal pour entrer en apprentissage. Papenhoven est qualifié de « antycsnyer », tailleur d’antiques, c’est-à-dire sculpteur de mobilier. Ce Papenhoven avait étudié lui-même son art auprès d’Abraham Lossaert en 1595 et ne devait guère avoir plus de vingt-deux ans quand il prit Buyster comme apprenti. Son activité est repérée à Anvers entre 1595 et 1616 [3]. Le jeune Philippe de Buyster apprend donc à sculpter le bois.

A cette époque, Anvers est une plaque artistique rayonnante dans une période de paix, de stabilité politique retrouvée et de reconstruction après les ravages des guerres de religion dans les Pays-Bas espagnols. L’avènement des archiducs Albert et Isabelle en 1598, qui favorisent la restauration triomphante de l’église catholique et, en 1609, l’installation de Rubens à Anvers, stimulent cette renaissance. Des églises s’édifient, Saint-Charles-Borromée, Saint-Jacques, Saint-Augustin, d’autres se remeublent à profusion ; la richesse revient et les particuliers se font construire de belles demeures. La sculpture anversoise était alors dominée par l’atelier de Robrecht de Nole, et bientôt par celui de Hans van Mildert, artiste avec lequel collabora Gérard van Opstal. Ce dernier, né sans doute à Bruxelles vers 1594, apparaît ainsi comme un contemporain de Buyster et les deux sculpteurs se retrouveront plus tard sur les chantiers parisiens. L’ouvrage ne devait pas manquer au jeune Buyster à Anvers et dans la région, mais on ne sait à quelles commandes il est associé ni sur quels chantiers il travaille.

Débuts parisiens, mariage, maîtrise

Il se marie avec Jeanne Vandalle, à Bruxelles selon son biographe Guillet de Saint-Georges, mais il décide, vers 1621, 1622 au plus tard, de quitter la Flandre et de chercher fortune ailleurs. Le même Guillet fait erreur en datant l’arrivée de Buyster à Paris en 1635 [4] : en effet on apprendra de Mariette qu’il « fut reçu dans la communauté des maîtres (parisiens) en 1622 » et, selon Guillet il a passé depuis « dans les principales charges [de ce corps] avec beaucoup d’estime » [5] . D’après la liste manuscrite des maîtres peintres, il n’y serait entré qu’en 1623 [6] , ce qui présuppose de toute façon une arrivée à Paris peut-être un an plus tôt. Il s’installe sur la paroisse Saint-Roch [7], où il est domicilié faubourg Saint-Honoré, face à l’hôtel de Mercœur.

L’entourage de sa belle-famille accompagne ses premières années parisiennes : sa belle-sœur Marie Vandalle épouse un marchand lapidaire, Jean Lambert, dont le fils René sera aussi lapidaire ; son beau-frère José Vandalle, blanchisseur du roi, demeurant à la Savonnerie, a trois filles, dont Nicole qui épousera un compagnon sculpteur, Jean Magnan, et Marie qui se mariera d’abord avec un menuisier, Pierre Huquet, puis avec un sculpteur du roi, Henri Costre. Buyster porte avec sa femme sur les fonts baptismaux en tant que parrain et marraine, en 1624 et 1626, les enfants de Marie et de José [8]. Il entretient aussi des relations d’amitié avec le sculpteur flamand Jean Robillaert et signe le registre de son mariage en 1626 [9]. Par la suite, il élargit son cercle d’amis et relations avec des artistes qui s’appelleront Melchior Valité, maître peintre, Nicolas Chevaldin, maître sculpteur, Jean de Huy ou de Huycte, maître peintre et sculpteur [10] .

De son mariage avec Jeanne Vandalle – laquelle mourra aux Tuileries le 26 novembre 1661 – naissent trois filles : Suzanne, qui ne se maria pas et mourut en 1657 [11] , Marie qui épousa en 1649 René-Auguste Costard, conseiller fiscal à l’archevêché de Paris, et Françoise dont le mari, Jean-Baptiste Baudry, fut procureur au châtelet de Paris [12]. Ainsi voit-on la famille de Philippe de Buyster, qui ne comptait d’abord que de modestes artisans, s’élever dans l’échelle sociale.

Avant sa réception à la maîtrise en 1623, Buyster cherche « de l’ouvrage dans les ateliers de plusieurs maîtres, il y travailla en bois » pour des ornements de carrosse, nouveauté dont l’usage se développait rapidement [13] (n. 1). Les premières commandes qu’il reçoit personnellement émanent d’établissements religieux, les Jacobins et les Feuillants de la rue Saint-Honoré, proches de son domicile ; pour les premiers, il sculpte deux statues en pierre, mais se remet pour les seconds au travail du bois [14], matériau qu’il continue de sculpter occasionnellement (n. 2, 3). Si rien de ses premières œuvres parisiennes n’a été conservé, les commandes qu’il reçoit n’en deviennent pas moins de plus en plus importantes et le mettent en contact tant avec des artistes renommés tels que Jacques Sarazin vers 1628 à Saint-Nicolas-des-Champs (n. 5), ou Philippe de Champaigne vers 1631 chez les Carmélites de la rue Chapon (n. 6), qu’avec des commanditaires souvent prestigieux (n. 7).


Sculpteur du roi et logement aux Tuileries

2. Anonyme.
Le palais des Tuileries (détail)
Aquarelle. Vers 1650
Paris, BnF
Photo : BnF
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Obtint-il vers cette époque une commande du roi ? Avait-il un protecteur bien placé, par exemple Sarazin ? On est surpris d’apprendre que dès 1632, le 19 mai, notre maître sculpteur « natif de la ville d’Anvers en Brabant » reçoit un brevet de « peintre et sculpteur ordinaire du Roy aux gages de 600 livres par an », diplôme assorti d’un logement dans le palais des Tuileries « proche l’entrée du dôme et l’escalier, consistant en quatre arcades au-dessous de la terrasse », où il va bientôt s’installer avec sa famille et ouvrir son atelier [15] (ill. 2 et 3). Il demeurera aux Tuileries, mais pas exactement au même emplacement, jusqu’en 1669 au moins. Une aquarelle du temps montre l’aspect du palais vers 1650 avec ses galeries à arcades [16] . Très peu d’artistes semblent avoir joui du privilège de demeurer dans le palais où le roi disposait de beaux appartements qu’occupa Mademoiselle de Montpensier de 1637 à 1652. Pourtant, Buyster eut la chance d’y trouver pour voisin un sculpteur de renom, Francesco Bordoni [17] ; ce fut Bordoni sans doute qui lui obtint en 1635 une commande des Carmélites de Pontoise dont il était un sculpteur demandé (n. 8).

3. Israël Silvestre (1621-1691)
Vue du Dôme du Palais des Tuileries
Gravure
Paris, BnF
Photo : BnF
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Avant son installation au palais des Tuileries, Buyster en août 1633 avait déjà pris un apprenti, Matthieu Estin, âgé de 14 ans ; il en aura un autre l’année suivante, en 1634, Jean Richer, et il est alors domicilié aux Tuileries [18] où il fait des aménagements pour lui-même. En janvier 1639, il prend Denis Flequier âgé de 13 ans pour une durée de six années, et en avril de la même année et pour quatre années le jeune François Abraham âgé de 17 ans qui est domestique du duc et de la duchesse de Vendôme (voir n. 12) [19] . A cette époque, il est employé par Claude de Bullion pour son château de Wideville (n. 10). En 1644, le roi lui confirme, avec ses gages, la jouissance de son logement, « en considération de l’expérience qu’il a en l’art de sculpture et peinture » et « de l’avis de la Reine Régente sa mère » [20] . Quatre ans plus tard, Buyster va chercher à l’étendre en louant la moitié d’une maison dans le jardin [21] . Le 2 mai 1654, le roi, afin de lui permettre de travailler plus commodément à son service, l’autorise à se construire dans le jardin un atelier d’environ 30 mètres sur 5, adossé au mur qui longe le quai, entre le magasin des marbres et la volière [22]. Mais en 1656, afin d’installer la suite de son frère le duc d’Anjou, le roi demande à Buyster de quitter le palais ; le sculpteur peut se construire un nouveau logement de 23 mètres carrés au sol jouxtant son atelier [23] ; ce domicile lui est déclaré irrévocable par une ordonnance du surintendant Tubeuf en 1662 [24] . Buyster possède aussi depuis peu une maison mitoyenne où il installe un locataire [25] . Cependant, le grand jardin des Tuileries va faire l’objet d’une complète restructuration que le roi a confiée, en 1664, à André Le Nôtre. Les travaux commencent en 1666. Buyster réussit à se maintenir dans les lieux ou à proximité jusqu’en 1669 [26].

Importantes commandes dans le sillage de Sarazin

Depuis qu’il a été nommé sculpteur ordinaire du roi, Buyster voit sa carrière prendre un tournant nouveau, un véritable essor. Ses commanditaires ne sont plus seulement les communautés religieuses, mais des personnages influents et fortunés comme Claude de Bullion, surintendant des finances, René de Longueil, président à mortier au Parlement, ou le richissime fermier général Jacques Bordier, qui tous ont dû le connaître grâce aux recommandations de Jacques Sarazin. Bullion lui fait faire entre 1636 et 1641 pour sa grotte d’architecture à Wideville un grand nombre de statues allégoriques obéissant à des dessins de Sarazin (n. 10). Longueil lui a probablement commandé dès 1634 le tombeau en marbre de Madeleine de Crèvecœur (n. 7) ; Buyster sera avec Van Opstal et Guérin, tous dirigés par Sarazin, l’un des principaux sculpteurs du décor de son château de Maisons élevé par François Mansart (1642-49) ; ses groupes d’enfants dans l’escalier furent et restent l’un des chefs d’œuvre les plus justement célèbres du temps (n. 17). Au château de Jacques Bordier, le Raincy, Buyster sculpte vers 1644-1646 le grand portail de la cour, la cheminée du grand salon ovale et un bas-relief dans la chapelle (n. 18).

Sarazin avait en effet tôt distingué Buyster à qui il offre une amitié précieuse et qu’il considère comme un excellent artiste, l’un des meilleurs traducteurs aussi de ses intentions. Dès 1639, il l’a enrôlé, ainsi que Gilles Guérin et bientôt Van Opstal, dans l’abondant décor extérieur du Louvre, dernière grande entreprise du règne de Louis XIII, qu’il dirige avec l’architecte Jacques Lemercier au pavillon de l’Horloge et à l’aile adjacente. Guérin et Buyster se voient confier à parts sensiblement égales l’essentiel de cette immense tâche qui comporte entre autres les fameuses Cariatides, des frises d’enfants, des masques (n. 17).

Le Val-de-Grâce

Sculpteur du roi, Buyster l’est, certes, mais depuis la mort du roi, il devient aussi celui de la reine mère. A partir de 1646, elle le requiert pour sa nouvelle église au monastère du Val-de-Grâce que François Mansart lui édifie. Ce chantier va l’occuper jusqu’en 1667 et justifie l’existence de son atelier aux Tuileries où il travaille commodément. Il y aura quatre étapes successives ; pendant les trois premières, il sera seul sculpteur en titre sur le chantier, aidé de compagnons, jusqu’à l’arrivée en 1662 de Michel Anguier qui le supplantera. De 1646 à 1648, dirigé par Mansart puis par Lemercier, il se voit confier la sculpture du premier ordre dans l’église et au portique d’entrée (n. 20). La Fronde interrompt les travaux, mais elle est vaincue et en 1655-56, de nouveaux architectes, Le Muet et Le Duc, s’occupent du couvent et de l’appartement d’Anne d’Autriche, que décore Buyster (n. 28). Bientôt ils le chargent de toute la sculpture extérieure de la grande église qui est maintenant édifiée : outre des ornements, Buyster sculpte seize enfants autour du dôme et huit grands anges au-dessus de la chapelle du Saint-Sacrement (n. 37). Mais à partir de 1662, c’est à Michel Anguier que l’on confie l’immense programme figuratif en bas-relief pour l’intérieur de l’église auquel Buyster n’a aucune part. En revanche, de 1664 à 1667, on charge ce dernier de la marbrerie du grand baldaquin (n. 38), mais la sculpture figurative qui l’accompagne revient encore une fois aux Anguier. En définitive, Buyster s’est vu confier toute la sculpture ornementale, ou liée à l’architecture, ou encore celle qui répète avec des variantes un même thème, enfants, anges, où il excelle ; mais ce qui demande imagination et créativité dans le dessin et un solide bagage de culture dépasse certainement ses capacités et revient au génie fécond de son rival, Michel Anguier.

1645-1660. Commandes diverses. Les tombeaux

Les années 1645-1660 sont marquées par l’exécution de plusieurs tombeaux en marbre. Après probablement celui de Madeleine de Crèvecœur en 1634 (n. 7), il reçoit en 1645 la commande à Troyes du monument funéraire du maréchal de Praslin, René de Choiseul, avec sa figure en priant (n. 19) et à Angers, en 1650, celui du cardinal Claude de Rueil en gisant (n. 25). En 1655 et 1656, il doit réaliser deux monuments funéraires en suivant les dessins de François Mansart : celui du surintendant des finances Nicolas de Bailleul avec le défunt en priant, dans l’église de Soisy (monument presque entièrement disparu, n. 29), et, plus ambitieux, le triple monument des Laubespine à Bourges (en grande partie conservé, n. 30). Mais le plus connu de tous fut certainement le « superbe » mausolée du cardinal François de La Rochefoucauld à Sainte-Geneviève de Paris, exécuté de 1655 à 1660 sur ses propres dessins (et conservé en bonne partie à l’hôpital d’Ivry, n. 31). A l’exception du cardinal de Rueil, Buyster a toujours représenté les défunts en figures priantes agenouillées.

Ces mêmes années 1645-1660 le voient occupé à des commandes diverses : émanant d’établissements religieux, Port-Royal de Paris où il dirige le sculpteur Thomas Regnaudin (n.21), Filles du Calvaire au Marais (n. 22), Grand Séminaire de Saint-Sulpice (n. 27) ; bustes posthumes à l’Hôpital des Incurables (n. 32-33) ou pour la famille Rostaing (n. 35) ; dans le domaine civil, au portail de l’hôtel d’Henri de Guénégaud (n. 26) qui lui vend en outre des places à bâtir et dont l’épouse lui a commandé le tombeau de son frère, Choiseul-Praslin.

Tant de tâches concurrentes l’obligent à s’entourer de compagnons sulpteurs et à prendre des apprentis : en 1653, le neveu du sculpteur Nicolas Chevaldin, Jacques Prévost ; en 1657, un nommé Isaac de la Croix [27] .

Il faut noter aussi que ce n’est pas avant l’âge de cinquante-huit ans que Buyster va être naturalisé français ainsi que son épouse Jeanne Vandalle. Dans l’inventaire des papiers dressé après son décès sont mentionnées les lettres de naturalité, signées par le roi en juin 1653 et enregistrées le 27 juin 1654.

Maîtrise et Académie

Buyster n’avait pas pris part aux réunions menées dès 1647 chez Juste d’Egmont, où Sarazin et Michel Corneille, puis bientôt Le Brun et les frères Testelin cherchaient à créer à Paris une école à l’image de l’Académie romaine de Saint-Luc, réunions qui aboutissent le 20 janvier 1648 à l’établissement d’une académie protégée par le Conseil de Régence : l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. Elle compte aussitôt trois sculpteurs parmi les douze « anciens » : Sarazin, Guillain et Van Opstal. Sans doute Buyster se méfie-t-il de cette institution avec laquelle la Maîtrise entre tout de suite en conflit. Buyster reste très attaché à la Maîtrise, préférant souvent le titre de « maître sculpteur » à celui de « peintre et sculpteur ordinaire du roi » auquel il avait droit depuis 1632 [28] mais dont il ne se pare que quand il travaille pour le roi ou la reine. Cependant, les maîtres, craignant de voir réduire leurs privilèges exorbitants, font aux académiciens des propositions d’accommodement [29] qui ne laissent pas d’inquiéter certains « anciens » comme Le Brun et Sarazin. Après maintes discussions, une transaction est acceptée en mai 1651, mais Le Brun, Sarazin et La Hyre refusent de la signer. Le 4 août est prononcée la jonction entre les deux Académies, celle de Saint-Luc ou Maîtrise et l’Académie royale. Van Opstal a démissionné de cette dernière. Gilles Guérin, au contraire, s’y fait admettre, suivi le 2 septembre de la même année par Buyster, tous deux reçus « anciens », c’est-à-dire professeurs, avec Claude Vignon, à la place de Le Brun et d’Errard [30] .

Buyster prête serment et accepte de payer la contribution annuelle de 40 sols. Mais il ne se rend jamais aux séances avant l’année 1653, séances houleuses de frictions et de pourparlers. Il y vient quatre fois en 1653, surtout quand sont évoqués les différends avec les maîtres ; le 4 octobre sont votés de nouveaux statuts et réglements. Bientôt s’élèvent des plaintes contre les anciens qui manquent aux fonctions de leur charge. Tel est bien le cas de Buyster et de Lubin Baugin qui, ne se rendant même pas à trois convocations spécifiques, se voient adresser de sévères avertissements. En octobre 1654, Buyster déclare ne vouloir conserver que sa qualité d’ « ancien bachelier », et rejette celle d’académicien [31]. Face à cette provocation, car « Monsieur Bustel a refusé de se soumettre quoy que la compagnie lui aye fait des propositions pacifiques », le 2 janvier 1655 Buyster et Baugin sont démis de leurs fonctions et remplacés comme par un jeu de chassé-croisé par Sarazin et Champaigne [32].

L’Académie royale d’abord balbutiante s’est peu à peu fortifiée. Elle réussit à porter à deux reprises des coups durs à la Maîtrise : par lettres patentes rendues en janvier 1655, il sera interdit désormais à tout artiste non membre de l’Académie royale de tenir une école publique et de dispenser des cours ; et à partir de février 1663, seuls les artistes de l’Académie auront le droit d’avoir la qualité de sculpteur du roi. Aussi le 26 mai 1663, Buyster doit-il demander sa réintégration qui est aussitôt acceptée, et huit jours plus tard il est nommé conseiller, alors que la même année, par défi, Michel Anguier et Errard entraient à la Maîtrise [33] . Le 4 janvier 1665, il offre à l’Académie, pour satisfaire à l’usage, une sculpture en terre cuite, Pan tenant une grappe de raisin et un syrinx(n. 42).

Bien que l’Académie royale bénéficie maintenant des hautes protections de Séguier et de Colbert, on sent que Buyster n’y adhère qu’à contre-cœur ; d’ailleurs, il ne se rend que très rarement et irrégulièrement aux séances, allant même jusqu’à n’y pas mettre les pieds plusieurs années d’affilée [34]. En 1666, la compagnie le prie de surveiller Thibault Poissant qui doit réaliser le moulage en plâtre de l’Hercule Farnèse, après avoir restauré l’antique [35] . Le 26 avril 1670, Buyster accepte à son corps défendant d’y lire une conférence sur le Gladiateur Borghèse, courte et assez technique, « peu étendue..., faite un peu par manière d’acquit pour satisfaire aux ordres de M. Colbert » (Caylus) ; il analyse brièvement et sans éloquence l’attitude du gladiateur dont la jambe droite avance tandis que le bras droit recule, et dont la jambe gauche recule tandis que le bras gauche avance, l’effet de la tête tournant sur l’épaule gauche haussée, les proportions du corps, des hanches et des épaules, enfin le traitement exact des muscles et les bons « contours », en particulier du visage [36] . S’il boude les séances pendant les années particulièrement creuses que sont pour lui 1668-1669, il se montre provisoirement plus assidu à celles du premier semestre de 1670, ce qui lui vaudra sans doute une sorte de retour en grâce sur le chantier de Versailles. En 1673, il expose avec le titre de Conseiller un Ganymède en marbre (n. 53e).

Caractère difficile de Buyster

Comme le montrent ses démêlés avec l’Académie, Buyster semble avoir été d’un caractère quelque peu ombrageux. En 1636, il avait intenté un procès à un épitaphier du nom de Salomon Nepveu, procès dont il finit par se désister [37] . Un peu plus tard, vers 1640, il eut, selon Guillet, « une affaire violente qui se passa sur le cours de la Reine et qui coûta la vie à un homme ». Poursuivi en justice, il fut sauvé par Sarazin qui l’ « aimoit fort » et lui procura l’appui de Sublet de Noyers ; celui-ci vanta les talents du sculpteur au cardinal de Richelieu et l’affaire se termina par « un accommodement » [38]. Combien cette attitude devait contraster avec celle de l’aimable Lerambert lorsque tous deux exécutaient de concert la charmante commande pour le bosquet du Rondeau de Versailles avec des statues de Nymphes dansant, de Bacchantes et autres Satyres galants ! Le comportement apparemment peu souple, peu courtisan, de Buyster lui valut sans doute de rester à l’écart des grandes commandes pour la Grotte et les bassins de Versailles dans les années 1667-70, quand triomphaient des artistes plus jeunes que lui : tels les Marsy, Tuby, Regnaudin, et bien sûr Girardon, tous prompts à réaliser, avec leur génie propre et grâce à leur formation rigoureuse à l’Académie, les intentions de Perrault et de Le Brun.

Placements immobiliers et domiciles

L’année 1670 marque un nouveau tournant dans la vie de Buyster, déjà âgé. D’abord, il est obligé de quitter les Tuileries et de changer de domicile. Rappelons à cette occasion les placements immobiliers qu’il fit dans trois quartiers de Paris : à Montmartre, dans l’ancien enclos de l’hôtel de Nevers, et rue du Hazard dans le quartier Richelieu (rappelés en particulier dans l’inventaire après décès, voir doc. 1).

Dès le 30 décembre 1649, il avait acheté aux Porcherons, paroisse Montmartre, au pied de la butte et hors des remparts, presque à la campagne, une maison appartenant à l’architecte Charles Chamois qui venait de la construire, puis en 1650 un terrain à son ami le sculpteur Nicolas Chevaldin, où il bâtit une maison avec jardin [39] ; le 10 novembre 1660, il acquiert encore un grand terrain [40] et en 1678, à nouveau, un demi-arpent de terre labourable [41] .

Une autre occasion d’investissement se présenta alors qu’il travaillait à l’hôtel d’Henri de Guénégaud. Ce dernier lui vendit le 8 août 1651 une place à bâtir rue de Guénégaud faisant partie de l’enclos de l’« hôtel de Nevers » [42] . Le 4 septembre suivant, l’architecte Antoine Le Pautre lui cédait une seconde place et y éleva une maison jouxtant une seconde qu’il venait de lui construire [43]. Les deux réunies constituent un grand corps de logis de 12 m. sur 7,50 ; l’ensemble des travaux que Buyster y fait exécuter s’élève à 4000 livres pour lesquels il lui faut obtenir des emprunts qu’il aura quelque peine à rembourser [44] . Il donne cette maison en location à un avocat en Parlement moyennant 1100 livres annuelles [45].

Enfin, Buyster achète en 1666 à l’architecte François Le Vau deux places à bâtir mitoyennes rue du Hazard (actuelle rue Thérèse), paroisse Saint-Roch, dans un quartier en plein essor immobilier ; il y construit deux maisons à porte cochère soigneusement élaborées qu’il baillera à divers locataires jusqu’à sa mort [46]. Sa fille Marie et son gendre René-Auguste Costard vivaient à proximité dans la même rue. Lui-même viendra rue du Hazard ; on l’y trouve domicilié à partir du 15 janvier 1671 et jusqu’en septembre 1673. Cependant, au cours des mêmes années, il vit aussi aux Porcherons (au bas de l’actuelle rue des Martyrs) [47] et c’est là qu’il s’installe définitivement à partir de 1674 [48] jusqu’à son décès. S’il prend en 1673 dans son atelier de la rue du Hazard un apprenti, Gerrart Willen, Brabançon âgé de vingt ans qui lui sert à l’occasion de cocher, c’est dans l’atelier des Porcherons qu’il engage en 1675 le jeune François Forrent âgé de 11 ans [49] .

Versailles, Tuileries, mise à l’écart, Versailles à nouveau

A partir de 1668, Buyster, comme une dizaine d’autres sculpteurs (Lerambert, Houzeau, les Marsy, Guérin, Lespagnandelle, et bientôt Michel Anguier et Mazeline) reçoit annuellement 150 livres payées par les Bâtiments du roi « aux officiers qui ont gage pour servir dans toutes les maisons royales » [50]. Durant les quinze dernières années de son activité, Buyster est occupé presque exclusivement par le chantier de Versailles. En 1665, il y a fait une entrée remarquée aux côtés de Lerambert avec quatre statues en pierre sur des thèmes bucoliques pour le Grand Rondeau, qui sont les premières statues dans le jardin (n. 39-42). Puis jusqu’en 1668, il joue un rôle majeur sur l’énorme chantier des Tuileries dirigé par Le Vau, responsable de la conduite du décor sculpté sur toute la façade du pavillon central du côté du jardin tandis que Thibault Poissant est chargé de celui de l’autre façade sur la cour (n. 45).

Mais à cette période d’activité intense succèdent trois années de grand vide, au cours desquelles les bâtiments du roi ne lui commandent plus que des ouvrages très secondaires (n. 46-52). Son âge – 73 ans en 1668 – le dessert-il, ou encore son caractère peu courtisan ? Toujours est-il que ce sont des artistes beaucoup plus jeunes, nous l’avons dit, Girardon, les Marsy, Tuby, qui se voient confier les principaux groupes en marbre de la Grotte de Versailles et les splendides fontaines en plomb dans les jardins.

En 1671, après une véritable traversée du désert qui dure bien trois années, la faveur pourtant revient : il est chargé d’exécuter plusieurs statues en pierre sur le château (n. 53-55), faveur confirmée lorsque Le Brun – et Colbert – s’adressent au vieil artiste octogénaire pour l’une des vingt-quatre statues en marbre faisant partie de la Grande Commande de 1674 pour le Parterre d’eau : Buyster qui avait sculpté trente ans plus tôt tant de masques de satyres et de faunes, devenu récemment avec Lerambert le spécialiste à Versailles de statues sur ce thème (mais l’excellent Lerambert, son cadet plus jeune de quarante-trois années !, est mort prématurément en septembre 1670), reçoit la commande de l’un des quatre Poèmes conçus par Le Brun, le Poème satyrique (n. 56). La vivacité d’allure et d’expression de ce satyre, tout à la fois allangui et nerveux, mais aussi d’une grande puissance dans la musculature révélatrice d’une étude approfondie de l’antique, statue assez différente des ouvrages peut-être plus académiques de ses confrères de cette « Grande Commande », en fit l’une des plus appréciées de cet ensemble. Et c’est au vieux sculpteur de 85 ans ( !) qu’il incombe de sculpter en bas-relief plusieurs trophées allégoriques à une des façades du château (n. 58) où, une fois de plus il manifeste une étonnante verdeur.

Les dernières années

C’est là son chant du cygne. A cause de son grand âge, l’Académie l’a dispensé en février 1678 de l’obligation – qu’il a si irrégulièrement tenue – de se rendre à ses séances [51] . Mais Buyster se plaît maintenant à se désigner comme le « doyen des conseillers » de l’Académie [52], ce qui exact. Il en est certes le plus vieux, car il a vu disparaître tour à tour toutes ses anciennes relations : Jacques Sarazin, son ancien protecteur et ami, dès 1660, Gilles Guérin en 1667, Van Opstal en 1668, Louis Lerambert en 1670, Thibault Poissant en 1679, et même Michel Anguier en 1686. Plusieurs générations ont eu le temps de se succéder à ses côtés et de jeunes artistes, tels Anselme Flamen et Corneille Van Clève, qui seront les précurseurs du courant rocaille, émergent déjà..

On apprend de Guillet de Saint-Georges que Buyster, sept ans avant sa mort, voulut offrir à la chapelle succursale de sa paroisse aux Porcherons, Notre-Dame de Lorette, le décor du maître-autel et le tabernacle (n. 59). Il désire y ériger son propre tombeau (n. 60) et se fait aider dans cette ultime entreprise, car son ciseau est moins sûr [53] .

Le 25 mai 1686, il assiste pour la dernière fois à une séance à l’Académie. Celle-ci souhaitant avoir son portrait le fait peindre par Philippe Vignon comme morceau de réception [54] (ill. 1). Cette commande est une forme de reconnaissance officielle de la carrure du sculpteur. Le portrait, achevé l’année suivante, a certainement été fait sur le vif : visage ridé avec une moue peu aimable de la bouche édentée, auréolé de cheveux bouclés qui semblent naturels ; l’artiste paraît encore doué d’une belle vigueur. C’est le seul portrait que nous aurons de lui. Buyster meurt peu après, le 15 mars 1688, « à l’âge de quatre vingt treize ans », précise Guillet, ayant pris d’abord soin de fonder à Notre-Dame de Lorette un service à perpétuité à son intention et un autre pour sa défunte épouse, où l’on distribuera à chaque fois une aumône de cent sous aux pauvres. Un service religieux organisé par l’Académie est célébré à sa mémoire le 27 mars 1688 chez les pères augustins [55] .

Inventaire après décès (doc. 1)

Ses deux filles Marie et Françoise et son gendre Costard font dresser le 18 mars suivant son inventaire après décès [56]. Sa maison, comportant une cuisine et une chambre où il est mort, deux autres chambres et un cabinet, ne contient rien de bien remarquable, sinon huit tableaux : un portrait du roi au pastel et le portrait d’un peintre tous deux prisés 40 livres ; cinq petits tableaux prisés 6 livres ; un tableau peint sur toile représentant des fleurs, prisé 10 livres. L’atelier, expertisé par François Lespingola, comporte un assez grand nombre de sculptures :

« Neuf bustes de marbre tant hommes que femmes (450 livres)

Deux figures de marbre d’environ quatre pieds et demy (1200 livres)

Trois bustes du Roy en plastre du chevalier Bernin ( 27 livres) [notons que c’est le seul nom d’artiste cité dans cet inventaire]

Deux petites colonnes de marbre de trois pieds de hault (27 livres)

Neuf testes de plastre et autres morceaux rompus (20 livres)

Six bustes sur pieds destaux de marbre de couleurs (600 livres)

Trois petits bustes sur trois pieds d’ouche (90 livres)

Quatre testes d’Empereur demy relief sur un fond de bois avec une bordure de feuilles de chesne (200 livres)

Deux petites médailles de marbre sur fond de marbre bordure de bois de feuilles et fleurs (150 livres)

Deux bordures semblables aux précédentes sans médaille (12 livres)

Deux petits bustes de bronze avec les pieds d’ouche de marbre (50 livres)

Plusieurs models de terre la plus part rompus avec quelques uns de plastre aussy rompus (150 livres)

Deux modèles de marbre homme et femme (12 livres)

Trois vases de terre cuite modelés fort riches (75 livres)

Vingt deux pieds d’ouche de marbre jaspé tant grands que petits (100 livres)

Un grand chambranle de marbre noir et blanc (50 livres)

Plusieurs tranches de marbre (65 livres)

Trois tables de marbre en tranche (65 livres)

Une table de marbre où il y a un damier monté sur pied de bois (30 livres)

Deux médailles de marbre homme et femme (12 livres)

Onze blocs de marbre et quelques tranches aussi de marbre tant noir que gris (300 livres) ».

Les bustes en très grand nombre, les médailles, les têtes d’Empereur, les tables de marbre dénotent l’importante activité commerciale de l’atelier. On verra que le Roi lui achètera en 1671 plusieurs bustes qu’il mettra en magasin en attendant de leur trouver une destination dans le château de Versailles ou dans les bosquets (n. 51).

En ce qui concerne les deux figures de marbre citées ensemble, et donc probablement en pendant, dont l’évaluation à 600 livres chacune est la plus forte de cet inventaire, on peut formuler l’hypothèse selon laquelle l’une d’elle correspondrait au Ganymède qu’il exposa au Palais-Royal en 1673, réduction en marbre du Ganymède de pierre faisant pendant à Hébé, placés dans les niches de la face nord du château de Versailles (n. 53d-e). La seconde figure de marbre pouvait alors être une Hébé, et Buyster destinait sans doute ces deux statues à la vente.

L’inventaire des papiers concerne surtout les spéculations immobilières et ne révèle aucune dette.

Afin de situer le niveau, et même le mode de vie de Buyster quand il mourut par rapport à d’autres sculpteurs contemporains, on peut comparer cet inventaire à ceux de Guillaume Bertelot de 1648 [57] , et de Thibault Poisssant de 1668 [58] . Bertelot avait longtemps été logé par Marie de Médicis dans une cour du Palais du Luxembourg où il avait son habitation et son atelier, qu’il avait quittés en 1642 pour habiter tout près de là rue Férou sur la même paroisse Saint-Sulpice. Poissant, depuis son retour de Rome en 1647, avait été logé par la Régente d’abord au Louvre sous la Grande Galerie, puis en 1655 aux Tuileries où il avait été autorisé à se construire un logement avec atelier où il mourut. Et Buyster après avoir habité presque toute sa vie parisienne aux Tuileries avait été s’établir, nous l’avons vu, aux Porcherons paroisse Montmartre, église succursale Notre-Dame de Lorette, dans une maison qui lui appartenait. Les demeures respectives des trois sculpteurs ne diffèrent guère par le nombre de chambres ni par le genre de mobilier. Mais Bertelot possédait une trentaine de tableaux de divers genres dont les peintres Jean-Michel Picart et Hans Louis van der Burch vinrent fournir l’énumération et une évaluation montant à 460 livres ; Poissant, lui, avait rassemblé quelques tableaux seulement, estimés à 130 livres, contre huit tableaux chez Buyster évalués à 56 livres. L’argenterie de Buyster est d’une valeur trois fois inférieure à celle de Bertelot, et Poissant n’en a pas du tout. Aucun bijou chez les trois sculpteurs. Aucun livre dans la maison de Buyster ; une dizaine chez Bertelot dont un Serlio et un Vitruve ; une bibliothèque chez Poissant bien fournie en ouvrages religieux, mythologiques, en traités d’architecture et de géométrie. L’atelier de Poissant comme celui du vieux Buyster semble encore en activité, rempli d’œuvres ébauchées et de blocs de marbre ; rien de tel dans la maison de Bertelot rue Férou qui ne comportait pas d’atelier et où les outils de sculpteur se trouvaient définitivement rangés dans un sac. Tous trois, sans être dans l’opulence, étaient à la tête d’une fortune mobilière et immobilière qui les mettait à l’abri du besoin.

De cette confrontation, il semble que des trois sculpteurs, Buyster ait été le moins cultivé au sens moderne du terme, le moins raffiné, nullement collectionneur, en un mot le plus artisan. Et pourtant, au vu de son œuvre qui a beaucoup mieux survécu que celle des deux autres, il paraît aussi le plus doué, le plus divers, le plus talentueux. Issu d’un milieu peu porté à l’art, Bertelot eut l’honneur d’être admis à Rome dans le cercle restreint des sculpteurs de Paul V Borghèse et de son neveu le cardinal Scipion ; puis rappelé à Paris par la Régente, il devint son Premier sculpteur au Palais du Luxembourg et le sculpteur favori du cardinal de Richelieu ; mais, très marqué par son expérience romaine, outre un talent certain pour fournir des modèles de cire à fondre en bronze, il n’a su produire que des statues monumentales en série, d’une grande majesté certes, parfois d’une belle intensité d’expression, mais sans grande diversité. De Thibault Poissant il ne reste plus grand chose pour juger d’un talent qui semble avoir été assez fécond : dans l’ancienne chapelle des Visitandines de Moulins, un grand bas-relief de la Charité et deux statues de Vertus chrétiennes, ainsi que deux beaux anges dominant le mausolée Montmorency, et aujourd’hui au Louvre les statues, mutilées, du dôme des Tuileries, toutes ces œuvres faisant preuve d’une harmonie tranquille où se ressent l’imprégnation de l’antiquité romaine. A côté de ces artistes, Buyster fourmille d’invention, l’ancien sculpteur sur bois est passé avec aisance du burin au ciseau, il a su faire son profit de l’incomparable leçon reçue dans l’atelier de Sarazin, mais il a retrouvé ensuite son indépendence, jamais courtisane, pour insuffler à la pierre de mille façons diverses, avec son tempérament propre, sa nature passionnée et son mauvais caractère, une vitalité sans faiblesse.

Bilan

Buyster fut sans conteste un des très grands sculpteurs de son temps, et sur une durée exceptionnellement longue qui a couvert vingt années du règne de Louis XIII, la régence d’Anne d’Autriche, et presque vingt années du règne de Louis XIV. Ses indéniables qualités se sont affirmées dans des ouvrages aussi réussis que les Groupes d’enfants dans l’escalier du château de Maisons, le Tombeau des Laubespine et celui du cardinal de La Rochefoucauld, les Vertus à la façade des Tuileries, les Anges du Val-de-Grâce, le Poème Satyrique à Versailles. Maître de la ronde-bosse, il sait tailler le bois, sculpter la pierre et le marbre, mais il a peu pratiqué l’art du bas-relief narratif. Toutefois, en toute fin de carrière, il s’attaque avec brio au bas-relief décoratif pour le château de Versailles, et là, affiche un réel talent..

Portraitiste ? Il s’est essayé à ce genre au cours des années 1655-60 dans des portraits rétrospectifs sur lesquels nous ne pouvons porter de jugement, car aucun buste de sa main n’a subsisté, portraits en buste de la famille des Rostaing (n. 36) ou d’ecclésiastiques : La Rochefoucauld, Camus (n. 32, 33). Dans l’art funéraire, nous pouvons l’apprécier sur ses statues de priants : celle de Madeleine de Crèvecœur (n. 7), œuvre de jeunesse où il fait preuve à la fois de fermeté et de sensibilité. Il développe ces qualités vingt ans plus tard avec plus d’intériorisation dans le triple tombeau des Laubespine (n. 30) et rend même émouvant le portrait de Charles de Laupespine, fouillant le marbre, creusant les traits, lui conférant une expression douloureuse et fervente à la fois. En revanche le cardinal François de La Rochefoucauld, tout à fait contemporain du Tombeau Laubespine (n. 31), s’il ne manque pas de noblesse, est traité avec une sorte de distance, presque d’indifférence, sans recherche psychologique particulière.

Buyster fut appelé à collaborer aux entreprises des grands architectes de son temps : à plusieurs reprises il se trouve sur les chantiers de Jacques Lemercier : pour des statues au grand autel de Saint-Eustache (n. 11), retenu par Sarazin dans l’équipe qui décore sous les ordres de Lemercier le gros pavillon et l’aile adjacente du Louvre (n. 14), puis continuant la sculpture du Val-de-Grâce où Lemercier a remplacé Mansart (n. 20), enfin requis sans doute par l’architecte pour sculpter les statues du Grand Séminaire de Saint-Sulpice (n. 27). Le Muet qui succéda à Lemercier au Val-de-Grâce continua de recourir à Buyster pour presque tout le décor extérieur de l’église, extrêmement soigné et diversifié, pour lequel préalablement Buyster conçut et soumit à l’approbation de l’architecte tous les dessins et modèles (n. 28, 37) ; c’est aussi Buyster qui fournit les marbres du baldaquin (n. 38). Louis Le Vau avait dû le distinguer sur le chantier du Raincy (n. 18) ; il fait appel à lui pour des ouvrages considérables aux Tuileries (n. 45), et à nouveau pour plusieurs statues à la face nord du corps central de Versailles (n. 53) et à l’aile méridionale des Offices (n. 54). Par deux fois enfin, Buyster rencontre Antoine Le Pautre : à l’église de Port-Royal de Paris (n. 21) et à celle du Saint-Sépulcre (n. 43).

Mais de tous les architectes pour lesquels il eut l’occasion de travailler, François Mansart a été de loin le plus présent, le plus proche, et cela dès les débuts de l’architecte qui coïncident avec l’arrivée du sculpteur à Paris : en 1624 Buyster, âgé de 29 ans, exécute le décor sculpté au portail des Feuillants rue Saint-Honoré (n. 3) qu’a dessiné Mansart, de trois ans son cadet et dont c’est le premier ouvrage dans la capitale. Nul doute que cette « collaboration » se soit gravée dans la mémoire du jeune architecte dont les premiers maîtres, ses oncles Marcel Le Roy, maçon et Jean Mansart, sculpteur, ainsi que son beau-frère Gérard Gaultier, également sculpteur (et neveu de Germain Pilon) l’avaient sensibilisé à l’utilisation de l’ornement sculpté, bas-relief ou ronde-bosse, comme contrepoint de l’architecture [59] . Buyster le retrouve dix ans plus tard au couvent de la Visitation rue Saint-Jacques (n. 12) pour une Mise au Tombeau dans un oratoire dont la conception originale revient encore une fois à Mansart. Au château de Maisons, la plus ambitieuse création de l’architecte, Buyster travaille au sein de l’équipe formée par Jacques Sazarin (n. 17) où il tient un des premiers rôles. En 1646, Mansart fait appel à lui pour la sculpture ornementale tant à l’intérieur que sur la façade de la chapelle du Val-de-Grâce (n. 20), puis à nouveau pour la galerie de l’hôtel de La Vrillière en 1650 (n. 24) et le portail de l’hôtel de Guénégaud en 1651 (n. 26). Enfin comme si une connivence tacite ou explicite s’était établie entre eux, c’est à Buyster qu’il revient de sculpter les deux tombeaux pour lesquels Mansart a fourni des dessins, ceux du Président de Bailleul à Soisy-sur-Seine (n.29) et le triple tombeau des Laubespine à Bourges (n. 30) ; le premier fut moins imposant ; dans le second, monumental, sorte de manifeste tant amical que politique entre l’architecte et le commanditaire, l’architecte a saisi toutes les occasions d’utiliser et de valoriser le talent du sculpteur.

Ce talent a considérablement évolué au cours des temps. Très vite les communautés religieuses parisiennes avaient su reconnaître les qualités du jeune Flamand, et bientôt aussi, de riches particuliers. Son style s’est ensuite affirmé au contact de Sarazin d’abord avec un peu de lourdeur, puis avec ampleur et sensibilité, mais pour assez rapidement s’en affranchir et, au fil des ans, s’animer, tantôt mélancolique, voire douloureux, tantôt plus nerveux, plus expressif, plus gracieux, culminant avec son étonnant Poème satyrique pour la grande commande versaillaise de 1674, chef d’œuvre de vivacité et d’ironie. Mais limiter l’évolution de Buyster à une grâce et une nervosité de ciseau toujours accrues serait méconnaître une autre constante de son art : c’est cette sensibilité à la chair, empreinte d’une sensualité émouvante et délicate, probablement due à son atavisme flamand mais qui s’est épanouie au contact de Jacques Sarazin. Elle se manifeste tout au long de sa carrière, qu’il s’agisse de corps féminins, enfantins, ou adolescents et juvéniles, dont on retiendra quelques exemples : les Cariatides (ill. 36, 37), les Enfants de l’escalier de Maisons (ill. 60, 62, 64), la Flore (ill. 21) et la Jeune Fille franchissant un ruisseau (ill. 20) de Wideville, le jeune Page soutenant le manteau du cardinal de La Rochefoucauld (ill. 108, 109), ou enfin le Ganymède (ill. 165, 166) et l’Hébé (ill. 160, 161) de Versailles.

Pourtant Buyster ne semble pas avoir fait école, les apprentis qu’il a formés n’ont pas laissé de nom et on ne lui connaît aucun disciple sauf, peut-être, Michel de La Perdrix. Pour être égal aux plus grands de son temps, il lui aura sans doute manqué d’avoir suffisamment élargi son horizon, sa culture, ayant omis de se lancer dans le voyage de Rome. Un artiste tel que son contemporain le sculpteur Gilles Guérin a produit, dans une écriture différente et un peu plus sophistiquée, une œuvre de qualité d’une importance à peu près équivalente à la sienne.

La sculpture antique, Buyster l’a certainement connue, d’abord par les fontes du Primatice et les collections de Richelieu et de Mazarin, puis à travers quelques moulages d’antiques célèbres comme celui du Gladiateur Borghèse sur lequel il discourra sans lyrisme excessif devant les Académiciens. Mais on devine aussi, en plusieurs occasions, qu’il a beaucoup consulté les gravures, en particulier les Segmenta et les Icones et Segmenta de François Perrier, respectivement disponibles en 1638 et en 1645, dont il s’est imprégné. Lui auront fait défaut la puissance d’imagination et le génie conceptuel qui caractérisaient Sarazin et les Anguier et, plus tard, Girardon : ces artistes majeurs se virent investis de tâches plus larges nécessitant la participation d’un important atelier. Une telle responsabilité lui échût en une occasion cependant, lorsque Louis Le Vau, conseillé par Charles Perrault, lui confia la direction du programme sculpté à la façade occidentale des Tuileries ; là, des sculpteurs au talent confirmé comme Lerambert exécutèrent des statues sous sa direction et d’après ses modèles. Parallèlement il faut bien noter que le talent de Buyster, loin de faiblir au cours des années, lui valut des commandes de plus en plus importantes sur le chantier versaillais où, septuagénaire et bientôt octogénaire, il se montra capable de rivaliser avec les artistes de la jeune et si brillante équipe de Versailles et de faire triompher un style étonnament jeune, alerte, nerveux, et dans les reliefs décoratifs, une imagination insoupçonnée.

Notre connaissance de Philippe de Buyster repose, en grande partie, sur les vies d’académiciens rédigées par les historiographes de l’Académie, et surtout sur le "Mémoire historique des ouvrages de M. Buyster" de Guillet de Saint-Georges, lu à l’Académie le 7 octobre 1690 et relu le 4 septembre 1721 (Ms. ENSBA numéros 59 et 72 II, publié par L. Dussieux, E. Soulié et al dans les Mémoires inédits sur les membres de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Paris, 1854, I, p. 280-90, ici cité : Guillet). Le mémoire de Guillet a servi de base à Dubois de Saint-Gelais dans sa courte vie de Buyster lue le 1er juillet 1730 (ENSBA, Ms. 57-2) et plus encore à Caylus pour sa « Vie de Philippe de Buyster, sculpteur », datée du 4 août 1750, assortie de jugements sur les œuvres (plusieurs exemplaires manuscrits : Sorbonne, n° 1152 ; BnF, Est., Yb 3 18 ; ENSBA, n° 13 et 72 iv ; ici cité : Caylus). Buyster a fait l’objet d’une étude monographique assez complète par Pierre Chaleix, Philippe de Buyster, sculpteur (1595-1688), Paris, 1967, base indispensable à tout travail sur ce sculpteur (ici cité : Chaleix), que nous avons cherché en certains cas à compléter ou à rectifier. Enfin on peut citer des notices dans divers dictionnaires d’histoire de l’art : celui de Lami (1898), p. 101-103 ; dans Thieme-Becker, t. V, 1911, p. 310 ; dans le Dictionnaire du Grand siècle, dir. F. Bluche, Paris, Fayard, 1990, p. 253 (par F. de La Moureyre) ; dans le Dictionnaire de la Sculpture. La Sculpture occidentale du Moyen-Age à nos jours, dir. J.-P. Breuille, Paris, Larousse, 1992 (par F. de La Moureyre) ; dans Saur, t. XV, 1997, p. 414 (par S. Geese).

Une tendance se dessine aujourd’hui à désigner notre sculpteur sous le nom bien flamand de : De Buyster. Qu’en était-il de son vivant ? Pour les actes notariés, il signait en attachant parfois, mais pas toujours, la particule à son nom : Philippe debuyster, mais il lui arrivait également de signer seulement Buyster, et dans les actes eux-mêmes, les scribes l’appelaient souvent : Bistel, ou Buistel, ou Bister, ou Buster ; la déformation des noms propres dans ce genre d’acte n’est pas rare. On peut se demander si le sculpteur lui-même ne roulait pas légèrement les r, ce qui pouvait inciter les scribes à entendre un son proche de Bistel. Guillet de Saint-Georges et les Comptes des Bâtiments du Roi le désignent en omettant la particule : Philippe Buister, et parfois seulement Buister. Nous avons décidé de conserver ici le mode le plus couramment utilisé : Buyster.

Françoise de la Moureyre

Notes

[1Guillet (p. 280) se trompe en le disant natif de Bruxelles. Caylus et Mariette (ABC, I, p. 238) rectifient cette erreur. Dans son brevet de peintre et sculpteur ordinaire du roi du 19 mai 1632 (cité infra note 15), il est dit : « natif de la ville d’Anvers en Brabant », ce qui est confirmé dans le rapport de la séance du 27 mars 1688 à l’Académie royale, où le « deffunct Mr Buister » était dit « natif d’Anvers » (Procès-verbaux, II, 371). Guillet (p. 290), puis Caylus et Mariette disent qu’il mourut à l’âge de 93 ans, ce qui porte sa naissance à l’année 1595 comme l’affirme Guillet. Pourtant, témoin au mariage Robillart-Prailly le 25 juillet 1626 (voir note 9), il est dit « âgé de 27 ans », ce qui repousserait sa naissance à 1599, et dans son acte de décès retranscrit par Bellier de La Chavignerie, 1882, p. 183, il est précisé « âgé de 90 ans ou environ ». Mais le fait qu’il ait été apprenti en 1606 rend improbable une date de naissance postérieure à 1595.

[2P. Baert, « Mémoire sur les sculpteurs et les architectes des Pays-Bas », Bulletin de la Commission royale d’Histoire, 14, 1848, p. 69 ; Ph. Rombouts et Th. Van Lerius, Les Liggeren et autres archives historiques de la Gilde anversoise de Saint-Luc, La Haye, 1872, I, p. 388..

[3Rombouts- Van Lerius, op. cit. et Thieme-Becker, t. XXVI, 1932, p. 219. Un de ses descendants, Alexandre van Papenhoven (Anvers 1668-Anvers 1759), formé chez Artus Quellin le jeune, fut un sculpteur assez renommé, actif à Anvers, Louvain, au Danemark, à Sans-Souci et en Allemagne septentrionale, marquant la transition entre le Baroque et la sobriété classique ; en 1741, il dirigeait l’Académie d’Anvers. L’important ouvrage collectif L’architecture religieuse et la sculpture baroques dans les Pays-Bas méridionaux et la principauté de Liège 1600-1770, éd. Mardaga, 2003, intéressant pour le contexte dans lequel Buyster fit ses débuts, ne fournit aucun renseignement sur Papenhoven, et encore moins sur Buyster.

[4Guillet, p. 280 : « Dès qu’il eut quelques commencements de sculpture, il s’y maria. Le désir de se former et de rendre sa fortune meilleure l’attire à Paris en 1635 ». Même récit, et même erreur de date chez Caylus.

[5Guillet, p. 281 ; Mariette, ABC, p. 239.

[6BnF, ms. fr. 13233 et Guiffrey, Saint-Luc, p. 485.

[7A l’actuel 364, rue Saint-Honoré, devenu peu après hôtel de Vendôme. Le 16 janvier 1624, Buyster est dit demeurer paroisse Saint-Roch ( Laborde 12096-23589), le 16 mars 1626 paroisse Saint-Roch rue Saint-Honoré ( Laborde 12077-16076) et le 2 août 1626 devant l’hôtel de Mercœur faubourg Saint-Honoré ( Laborde 12180-58532).

[8Mariage Marie Vandalle-Pierre Huquet du 6 juin 1649 (MCAN, XXXIV, 116) ; baptêmes des 16 janvier 1624 et 16 mars 1626 ( Laborde, cité note 7 et Laborde 12051-5329).

[9Mariage Robillaert-Jeanne de Prailly du 25 juillet 1626 ( Laborde 12180-58532) ; Buyster y est qualifié de « maître sculpteur âgé de vingt-sept ans », mais il devait en fait avoir atteint la trentaine.

[10Parrain au baptême de Melchior Valité le 23 juillet 1633 ( Laborde 12194-64095) ; présent au remariage de Nicolas Chevaldin avec Simone Delafosse le 30 mai 1650 ( Laborde 12067-11739) ; en 1644 Buyster lui a prêté de l’argent (constitution de rente du 27 juillet 1644, 20 janvier 1645 et obligation du 4 janvier 1646, MCAN, VII, 33, 34, 37, dans Fleury, Min. centr., p. 135-36) : en 1650, Buyster lui achètera un terrain aux Porcherons (voir notes 38-41). Le 14 mai 1636, Buyster est présent à l’inventaire après décès de Jean de Huy ou de Huycte qui est peut-être belge d’origine, et il assiste comme témoin au remariage de sa veuve Madeleine Guns avec l’orfèvre Hans de Beck, les 14 et 15 mai 1636 (MCAN, V, 86, dans Fleury, Min. centr., p. 328).

[11Convoi de Suzanne le 9 février 1657 ; elle est dite « honnête fille », vivait avec ses parents et mourut aux Tuileries (Jal, p . 299) ; convoi de Jeanne, qui est enterrée à Saint-Germain l’Auxerrois (Jal, ibid.).

[12René-Auguste Costard avait eu d’un premier lit une fille, Geneviève, qui épousa le sculpteur Eloy Legrand (Arch. nat., Y 265, fol. 465 ; Y 272, fol. 104). La fille de Buyster, Marie, mourut subitement en 1698 ; sa sœur Françoise lui survécut.

[13Guillet, p. 280 ; Chaleix, p. 17.

[14Guillet (p. 280-81) dit que ce n’est qu’après ces deux commandes que Buyster entra dans la maîtrise ; mais ses ouvrages aux Feuillants datent de 1624.

[15Jal, p. 299 ; Arch. nat., 01 1049, brevet publié dans AAF, Documents inédits, III, 1853-55, p. 221 : « Aujourd’huy 19 mai 1632 le Roy estant à Saint-Germain en Laye et estant bien informé des bonnes vie et mœurs et capacité de Philippe de Buyster natif d’Anvers en Brabant et semble de ses sens suffisance et prudhommie qu’il a en l’art de sculpture et peintre la retenu et retient pour son sculpteur et peintre ordinaire de sa maison aux gages de 600 livres par an et outre luy a donné son logement etc. », J.J. Guiffrey, « Logements d’artistes aux Tuileries », NAAF, 1873, p. 105.

[16BnF, Est., Ve 53 h 1/Réserve n° 1286, coll. Destailleurs.

[17Bail du 13 septembre 1633, MCAN, XLII, 84.

[18Apprentissage du 25 août 1633, MCAN, XLII, 84, fol. 469.Apprentissage du 16 novembre 1634, MCAN, LXII, 86.

[19Apprentissages du 19 janvier 1639 et du 7 avril 1639, MCAN, VII, 28 et CXV, 77.

[20Arch. nat., 0 1 1049, brevet publié dans AAF, Documents inédits, III, 1853-55, p. 222 ; NAAF, 1873, p. 105.

[21Convention avec le parqueteur Hermier du 16 septembre 1648, MCAN, LIII, 1, cité dans Chaleix, p. 7.

[22L’endroit est visible sur le plan Gomboust de 1652. Brevet du 2 mai 1654, mêmes références que pour le brevet cité note 20. Thibault Poissant reçoit une permission semblable l’année suivante.

[23Ibid

[24Marché du 15 septembre 1662, MCAN, CXII, 96.

[25Bail du 18 avril 1665, MCAN, CXVII, 60.

[26Les actes qu’il passe devant notaire dans ces années-là le disent « demeurant dans le palais des Thuilleries », MCAN, CXVII, 69-71 ; un marché du 10 septembre 1668 le dit « demeurant rue Saint-Nicaise », la rue qui longe le Carrousel des Tuileries, MCAN, CXVI, 6.

[27Apprentissages du 16 août 1653, MCAN, LIV, 567, du 28 juillet 1657, MCAN, LIII, 21.

[28Il se fait dénommer "maître-sculpteur" dans plusieurs actes devant notaire en 1633, 1634, 1636, 1639.

[29Ces propositions sont examinées par l’Académie royale en séance extraordinaire le 27 mai 1651, Procès-verbaux, I, 44.

[30Procès-verbaux de septembre 1648 à septembre 1651 dans le tome I ; séance du 2 septembre 1651, I, 53.

[31Procès-verbaux, I, 87, 88, 93, 94.

[32Procès-verbaux, I, 96-98.

[33Procès-verbaux, I, 227, 229 ; Guillet, p. 284.

[34Il signe en juin et en septembre 1663, février et juin 1664, janvier, mars et mai 1665, mai 1666, janvier et décembre 1667, janvier 1668, janvier et avril 1670, février 1672, janvier et mars 1677, avril 1678, août 1679, mai 1681, mai 1686 ; mais il ne vient jamais en 1669, 1671, de 1673 à 1676, 1680, de 1682 à 1685.

[35Procès-verbaux, I, 300, 304, 312.

[36Procès-verbaux, I, 349, conférence retranscrite dans Chaleix, appendice, p. 158.

[37Désistement du 30 mai 1636, MCAN, XLII, 89.

[38Déclaration du 26 décembre 1652, MCAN, XLV, 194 ; Arch. nat., S 241 n° 320 ; voir aussi Gaston Capon, « Philippe de Buyster, sculpteur du roi », Le Vieux Montmartre, 1922, p. 69-74.

[39Achat du 25 avril 1650 devant le notaire Plastrier, acte disparu ; quittance du 29 juillet 1655 en marge du bail du 29 juillet 1642, MCAN, XXXV, 222 ; titre nouvel du 12 août 1650, MCAN, XXXV, 264.

[40Arch. nat., S 241 n° 329.

[41Quittance du 22 septembre 1678, MCAN, IX, 459.

[42Vente du 8 août 1651, MCAN, LI, 232.

[43Les actes signés par Buyster devant le notaire Plastrier ont disparu, mais ils sont cités dans l’inventaire après décès de ses papiers (MCAN, IX, 496).

[44Devis du 4 août 1653, MCAN, VII, 91 ; quittances des 11 et 16 juillet 1654, MCAN, CXXI, 28 ; constitution de rente du 4 juillet 1654, ibid. ; transaction du 30 mars 1656, MCAN, XLIII, 80.

[45Elle comportait des caves, des salles, des cuisines, une écurie, plusieurs chambres et cabinets et autres dépendances. Bail du 28 mai 1659, MCAN, LIII, 30.

[46Contrats de vente du 6 mai 1666 pour la première maison payée comptant 2000 livres, et du 15 juillet 1666 pour la seconde, actes passés devant Gigault et Lenormand notaires et cités dans l’inventaire des papiers de Buyster (MCAN, IX, 496). Marchés avec divers entrepreneurs en 1667 et 1668 passés dans l’étude Lenormand, MCAN, CXVII, 66-70 et dans l’étude CXVI, 6, constitutions de rente et baux jusqu’en 1685 dans l’étude CXVII, les mêmes années et jusqu’en 1685, liasses 72-88. Ces deux maisons semblent avoir été un peu différentes l’une de l’autre. La première avait une cave à deux berceaux et au-dessus, une cuisine, une écurie, un entresol, puis trois étages et un grenier ; les gros murs étaient en parpain, les chambres carrelées de petits carreaux, les marches de l’escalier étaient également carrelées. La seconde maison était peut-être plus soignée avec une façade revêtue de pierres de taille à hauteur de 4 toises 1/2, le sol des chambres en plancher, des peintures au plafond des chambres : les quatre plafonds des deux grandes chambres y compris l’alcôve peints selon un dessin décidé entre Buyster et le peintre Jean de La Bis, les quatre autres plafonds dans les quatre petites chambres peints en compartiment et moulurés avec des panneaux en façon de bois veiné, deux manteaux de cheminée peints façon marbre dans les deux grandes chambres (marché du 2 août 1668, CXVII, 70), un escalier avec mur d’échiffre, des balustes et des marches en bois, des fenêtres à carreaux collés de papier, les panneaux des vitres étant garnis de plombs, enfin des combles en mansarde.

[47Les actes de l’étude CXVII en dates des 15-16 février 1671, 12 février, 14 mars, 21 novembre 1672, 2 janvier, 17 septembre 1673, le disent domicilié rue du Hazard ; ceux des 18 et 28 avril 1671, aux Porcherons.

[48Désistement du 1er février 1674, MCAN, 90, d’une plainte à propos d’un mur fermant le chemin qui longe la maison de Buyster aux Porcherons.

[49Alloué du 2 janvier 1673 et apprentissage du 14 janvier 1675, MCAN, CXVII, 86, 93.

[50CBR, I, 293, 462, 575, 658, 722, 1001, 1097, 1353 ; II, 118, 252, 390, 954, 1294, 1296. Ces payments sont versés chaque année à Buyster jusqu’en 1687 inclus, à l’exception des années 1669, 1676 et 1679 où ce chapitre des dépenses n’existe pas dans les registres.

[51Procès-verbaux, II, 129.

[52Apprentissage du 11 janvier 1675, MCAN, CXVII, 93 ; vente du 30 août 1677, MCAN, VI, 575 ; quittance du 22 septembre 1678, MCAN, IX, 496.

[53Guillet, pp. 289-90.

[54Procès-verbaux, II, 318, 359.

[55Procès-verbaux, II, 370.

[56MCAN, IX, 496. L’acte a été vu par Chaleix (p. 9) qui en donne la référence, mais curieusement ne le retranscrit pas et n’en tire guère parti.

[57Inventaire de Guillaume Bertelot dressé le 14 juillet 1648, MCAN, XCVIII, 166, publié par Jean Coural, « Notes sur Guillaume Berthelot », La Revue des Arts et des Musées de France, juin 1953, p. 273-78.

[58Inventaire de Thibault Poissant dressé le 26 septembre 1668, MCAN, XLIII, 128, publié et analysé par F. de La Moureyre et H. Dumuis, « Nouveaux documents sur Thibault Poissant (1605-1668), sculpteur des bâtiments du roi », AAF, 1989, XXX, p. 51-71.

[59La formation du jeune François Mansart et son intérêt pour la sculpture est développée dans François Mansart. Génie de l’architecture, par Claude Mignot au chapitre V, p. 25-35, et p. 101-105.

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