Notre-Dame : que faire d’un éventuel surplus d’argent ?

La cathédrale Notre-Dame après l’incendie
du 15 avril 2019 en cours de sécurisation
Photo : Didier Rykner
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La discussion sur l’affectation du surplus éventuel des dons pour la cathédrale Notre-Dame qui vient d’avoir lieu à l’Assemblée Nationale a quelque chose de surréaliste (comme beaucoup de choses dans cette affaire). Le débat a essentiellement eu lieu entre ceux qui, fort raisonnablement, demandent à ce que l’on prévoit ce qu’il conviendrait de faire si les fonds réunis par la souscription nationale se révélaient supérieurs à ce qui est nécessaire, et le ministre de la Culture et la rapporteur (soutenus, bien sûr, par tous les députés LREM). Ceux-ci persistent à vouloir tout donner à Notre-Dame de Paris, sous prétexte que l’on ne sait pas exactement de combien on disposera, ni combien exactement coûtera le chantier, et que ce serait trahir la volonté des donateurs que d’affecter leur contribution à d’autres restaurations.

Comment dire ? Il n’y a aucune explication à une telle obstination du ministre. Pour des raisons très simples, que nous détaillerons point par point, ce qui sera plus pédagogique.

 Prévoir ce que l’on devrait faire de l’argent en trop, s’il y en avait, n’est qu’une précaution de bon père de famille ; car sinon, à quoi sera-t-il utilisé ? Quel est l’inconvénient de prévoir le cas contraire ? On se perd en conjecture.
 Certains proposent que l’argent supplémentaire éventuel soit affecté à l’entretien de la cathédrale après les travaux de restauration. Or les mécènes ont donné pour la conservation et la restauration du monument, pas pour son entretien après la restauration (ce qui ne semble pas gêner cette fois le ministre). Ensuite, l’entretien de la cathédrale n’est pas prévu dans la loi qui ne considère que la conservation et la restauration. Enfin, l’entretien d’une cathédrale est une obligation de l’État qui n’a pas à être prise en charge par une souscription nationale.
 S’il ne faut évidemment pas trahir les volontés des donateurs, et s’il peut être compliqué de se rapprocher de chaque petit souscripteur afin de savoir s’il est d’accord, le temps venu, pour affecter son don à une autre cause, cela n’est évidemment pas vrai des dons des grands mécènes. Il suffira de leur demander s’ils acceptent, par exemple, que les montants offerts participent à la restauration d’autres cathédrales…
 Ne pas vouloir trahir la volonté des donateurs ne peut pas marcher que dans un sens : ceux-ci ont participé à la souscription pour conserver et restaurer Notre-Dame ; comment peut-on envisager de lancer un concours d’architecture pour l’édification d’une nouvelle flèche qu’ils ne souhaitent pas ?

Une fois de plus, l’obstination du ministre de la Culture et du gouvernement à refuser de considérer l’hypothèse (pourtant très probable de l’avis de la plupart des spécialistes) d’un montant des dons supérieur à celui nécessaire pour la restauration est totalement incompréhensible.

Il faut dire que Franck Riester semble fâché avec les chiffres : il a en effet répété à plusieurs reprises pendant les débats que le budget 2019 pour les monuments historiques était le plus haut depuis onze ans. C’est absolument faux, comme à peu près tout ce qu’il a dit récemment. Les crédits de paiement des années 2010, 2011 et 2012 étaient respectivement de 399,9 millions d’euros, 379,2 millions d’euros et 376 millions d’euros. Soit bien davantage que ceux de 2019 qui ne se montent qu’à 348,4 millions d’euros [1].

Didier Rykner

Notes

[1Nous parlons ici en crédits de paiement, qui n’est pas le meilleur indicateur mais qui est le seul pour comparer 2019 à des années passées, car nous ne disposons pas pour 2019 des montants effectivement dépensés, toujours inférieurs, et parfois de beaucoup, aux crédits de paiement.

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